BGE 84 I 187 |
26. Arrêt de la Ire Cour civile du 31 octobre 1958 dans la cause Plomb contre Cour administrative du Tribunal cantonal vaudois et Paehe. |
Regeste |
Verpflichtung zur Eintragung im Handelsregister. |
Sachverhalt |
A.- En 1958, Louis Plomb, dit Jack Rollan, a exploité une entreprise de spectacles, montrant de ville en ville, sous un chapiteau de cirque, un spectacle intitulé "Y en a point comme nous". La tournée a débuté le 3 mai 1958 et a pris fin le 26 juillet 1958. Les recettes brutes de cette entreprise ont été importantes; c'est ainsi que Plomb a encaissé, du 3 au 10 mai 1958, 68 935 fr. 10 pour des entrées.
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B.- A la requête d'André Pache, Plomb a été sommé, le 7 juillet 1958, de s'inscrire au registre du commerce dans un délai expirant le 20 juillet. Par une déclaration du 19 juillet, il a refusé de requérir son inscription.
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Le 29 juillet 1958, la Cour administrative du Tribunal cantonal vaudois, statuant en qualité d'autorité de surveillance du registre du commerce, a écarté l'opposition de Plomb et l'a invité à s'inscrire au registre du commerce de Lausanne dans un délai de dix jours, faute de quoi le préposé procéderait d'office à l'inscription. Cette autorité a considéré que l'entreprise de spectacles de Plomb était une industrie exploitée en la forme commerciale selon les art. 52 et 53 litt. C ORC et que sa recette annuelle brute dépassait 50 000 fr. (art. 54 ORC). Certes, a-t-elle ajouté, la tournée organisée par Plomb a duré quelques semaines seulement; mais, si l'art. 52 al. 3 ORC exige une "activité économique indépendante exercée en vue d'un revenu régulier", cela ne signifie pas que les entreprises dont la durée est limitée d'emblée échappent à l'assujettissement; l'ordonnance a simplement voulu exprimer qu'une activité économique n'est pas une entreprise au sens de l'art. 52 lorsqu'elle ne donne lieu qu'à un revenu casuel, provenant de quelques affaires occasionnelles; dès lors, Plomb, qui exploitait encore son entreprise au moment de la sommation, est tenu de s'inscrire au registre du commerce.
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C.- Contre cette décision, Plomb forme un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. Il soutient, en se fondant sur l'arrêt Oberwalliser Kreisspital (RO 80 I 383), que l'entreprise est, au sens de l'art. 52 ORC, une activité économique indépendante destinée à durer et que cette condition n'était pas remplie en l'espèce, attendu qu'il avait voulu faire une simple expérience théâtrale, d'emblée limitée dans le temps. Il en conclut qu'en le sommant de s'inscrire au registre du commerce, la juridiction cantonale a violé l'art. 52 al. 3 ORC.
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Pache propose le rejet du recours. Il conteste d'abord l'interprétation que Plomb donne à l'art. 52 ORC. En outre, il expose que le recourant a publié pendant cinq ans un hebdomadaire qui a cessé de paraître dès que l'entreprise de spectacles a été montée; Plomb éditerait également des livres et préparerait le lancement d'un journal sous forme de cartes postales sonores. L'intimé voit là une activité commerciale régulière qui justifie l'inscription du recourant au registre du commerce.
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Le Département fédéral de justice et police, se ralliant aux motifs de l'autorité cantonale, conclut également au rejet du recours.
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Considérant en droit: |
De telles entreprises consistent, d'après l'art. 52 al. 3 ORC, dans "une activité économique indépendante exercée en vue d'un revenu régulier". D'autre part, on entend par les "autres industries" exercées en la forme commerciale celles qui, sans être des entreprises commerciales ou industrielles, doivent cependant être exploitées commercialement et tenir une comptabilité régulière, en raison de leur nature et de leur importance (art. 53 litt. C ORC). Ces entreprises ne sont tenues à l'inscription que si elles atteignent une recette brute annuelle de 50 000 fr. (art. 54 ORC). Pour juger si ces conditions sont remplies, il faut, d'après la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, se reporter au moment de la sommation (RO 76 I 155 et les arrêts cités, RO 81 I 79 et 157).
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En l'espèce, la tournée théâtrale organisée par le recourant n'était pas encore terminée le 7 juillet 1958. Il est constant qu'il s'agissait là d'une activité indépendante exercée en vue d'un revenu, selon l'art. 52 al. 3 ORC. Quant à la recette brute, elle a été largement supérieure à 50 000 fr. D'autre part, comme il ne s'agissait ni d'un commerce ni d'une fabrique, les conditions exigées par l'art. 53 litt. C ORC doivent être réalisées. Or, avec raison, le recourant ne conteste pas que ce soit le cas. Il est évident, en effet, qu'étant donné sa nature et son importance, l'exploitation de Plomb impliquait de nombreuses relations d'affaires, de sorte qu'il devait la mener commercialement et tenir une comptabilité. Dans ces conditions, il ne reste plus qu'à juger si le recourant exerçait son activité en vue d'un revenu régulier, au sens de l'art. 52 al. 3 ORC.
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2. a) Les codes de commerce allemand et français connaissent, comme le droit suisse, la notion de l'entreprise. Selon la jurisprudence et la doctrine de ces deux pays, une activité occasionnelle, ayant pour objet la réalisation de quelques affaires limitées, ne constitue pas une entreprise; celle-ci n'existe que si l'on se trouve en présence d'un ensemble continu d'affaires du même genre, traitées dans l'intention d'en tirer un revenu durable (cf. COHN, Das Handels- und Genossenschaftsregister, 3e éd., p. 33; STAUB's Kommentar zum Handelsgesetzbuch, 12e/13e éd., ad § 1, rem. 6 à 8; WIELAND, Handelsrecht, I, p. 91 à 93; Kommentar zum Handelsgesetzbuch herausgegeben von Mitgliedern des Reichsgerichts, 2e éd., ad § 1, rem. 5 et 6; SCHLEGELBERGER, Handelsgesetzbuch, 3e éd., ad § 1, rem. 23; cf. également LYON-CAEN/RENAULT, Traité de droit commercial, 5e éd., I, no 132; ESCARRA, Cours de droit commercial, no 91). La définition que l'art. 52 al. 3 ORC donne de l'entreprise est manifestement inspirée de cette conception. Or celle-ci ne signifie nullement que l'exploitation doive exister pendant un temps indéterminé ou, du moins, durant une période relativement longue. Les auteurs allemands (voir les références ci-dessus) soulignent au contraire qu'une activité de courte durée constitue une entreprise si elle est organisée en vue d'un revenu régulier, c'est-à-dire d'un revenu provenant de la répétition d'affaires semblables; c'est ainsi que l'exploitation d'un commerce pendant une foire est une entreprise. De même, la doctrine française définit l'entreprise comme la répétition professionnelle d'actes de commerce reposant sur une organisation préétablie (LYON-CAEN/RENAULT, loc.cit.; ESCARRA, loc.cit.). D'après la conception sur laquelle est fondé l'art. 52 al. 3 ORC, la durée n'est donc pas un élément indépendant. Elle ne sert qu'à déterminer la nature de l'activité. Si la notion de l'entreprise suppose une certaine durée, c'est seulement parce que celle-ci est impliquée par la répétition des actes de commerce et l'exigence d'une organisation.
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L'interprétation historique de l'art. 52 al. 3 ORC montre donc que l'entreprise est une activité organisée, consistant dans la répétition, envisagée d'emblée, d'affaires identiques et exercée en vue d'un revenu. Il importe peu que cette activité soit limitée dans le temps, sauf si elle s'étend sur une période si brève que la répétition organisée d'affaires identiques est exclue.
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b) La ratio legis confirme cette conclusion. Le but du registre du commerce est de faire connaître, dans l'intérêt des tiers et du public en général, le titulaire de l'entreprise et les faits de portée juridique qui le concernent; en particulier, l'inscription doit permettre de déterminer clairement le régime des responsabilités (RO 75 I 78, 80 I 274 consid. 1). Or cet intérêt du public dépend non pas de la durée de l'activité mais de sa nature. Même si elle n'est exercée que pendant quelque temps, une activité peut entraîner des relations d'affaires multiples et des engagements importants, de sorte que le public doit pouvoir disposer, au sujet de cette exploitation, des renseignements que fournit une inscription au registre du commerce.
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c) C'est également dans ce sens que se prononce la doctrine suisse (HIS, Kommentar zum OR, ad art. 934, rem. 18). De même, le Tribunal fédéral a déjà jugé que l'exploitation d'un café pendant quelques mois constituait une entreprise (RO 62 I 109 consid. 1).
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Le recourant invoque en vain l'arrêt Oberwalliser Kreisspital (RO 80 I 383), qui se borne à paraphraser la définition de l'art. 52 al. 3 ORC. La question de la durée n'était du reste pas en cause dans ce cas.
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Dès lors, le recourant doit s'inscrire au registre du commerce en raison de son entreprise de spectacles et il n'est pas nécessaire de juger si ses autres activités, telles qu'elles sont exposées par l'intimé, justifient également cette mesure.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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