BGE 84 I 227 |
32. Extrait de l'arrêt du 19 novembre 1958 dans la cause Gaulé contre Conseil d'Etat du canton du Valais. |
Regeste |
1. Willkür. Verweigerung des rechtlichen Gehörs. Eine Behörde, die ihre Überprüfungsbefugnis willkürlich beschränkt, verweigert dem Betroffenen das rechtliche Gehör. |
Sachverhalt |
A.- La loi valaisanne du 24 novembre 1916 sur les hôtels, auberges, débits de boissons et autres établissements similaires (LH) distingue les concessions pour l'exploitation d'hôtels, qui sont accordées par le Conseil d'Etat, et les concessions pour les restaurants et débits de boissons, qui sont délivrées par le Conseil communal (art. 2). Celui-ci est également compétent pour octroyer à un hôtel l'autorisation d'exploiter un débit de boissons ouvert au public de la localité (art. 14). Le nombre des débits de boissons alcooliques est fixé par le Conseil communal dans un règlement qui est soumis à l'homologation du Conseil d'Etat et qui, en principe, ne peut pas permettre l'ouverture de plus d'un établissement par 200 habitants (art. 16). Des exceptions sont cependant possibles avec l'approbation du Conseil d'Etat (art. 16). Lorsque l'autorité communale refuse une concession, sa décision peut être déférée au Conseil d'Etat (art. 28), qui statue selon les formes prescrites par l'arrêté du 13 juin 1942 concernant la procédure du contentieux de l'administration par-devant le Conseil d'Etat et ses départements.
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B.- Depuis 1941, Gerhard Gaulé est propriétaire de l'hôtel du Pas de l'Ours, situé à Crans-sur-Sierre, sur le territoire de la commune de Lens. Il est au bénéfice pour cela d'une concession délivrée par le Conseil d'Etat. Au mois de mars 1958, il sollicita l'octroi d'une concession au sens de l'art. 14 LH pour établir un débit de boissons alcooliques dans son hôtel. La concession lui fut refusée par le Conseil communal de Lens, puis, à la suite d'un recours, par le Conseil d'Etat. Celui-ci considéra qu'en refusant la concession, le Conseil communal avait agi dans les limites de ses compétences propres, que dès lors les pouvoirs du Conseil d'Etat étaient limités à l'examen de l'arbitraire et que la décision attaquée n'était pas entachée d'arbitraire.
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C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Gaulé requiert le Tribunal fédéral d'annuler cette décision et d'inviter l'autorité compétente à lui accorder la concession litigieuse. Il se plaint notamment d'une violation de l'art. 4 Cst. Ses moyens seront repris ci-après dans la mesure utile.
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Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours. La commune de Lens ne prend pas de conclusions précises. Il ressort cependant de son mémoire qu'elle propose également le rejet du recours.
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Considérant en droit: |
1./2. - ......
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3. Le Conseil d'Etat n'a revu que sous l'angle de l'arbitraire le litige qui lui était soumis. Selon le recourant, il aurait ainsi violé l'art. 4 Cst. Il ne pourra échapper à ce grief que s'il avait des raisons valables de restreindre de la sorte son pouvoir d'examen. C'est ce qu'il y a lieu de rechercher.
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De ce point de vue, il importe de relever en premier lieu que la loi sur les hôtels, auberges, débits de boissons et autres établissements similaires ne définit ni dans un texte ni implicitement l'étendue de la cognition du Conseil d'Etat quand celui-ci est appelé à statuer en vertu de l'art. 28. Il est vrai que cette disposition renvoie "aux formes prescrites pour les procédures devant le contentieux du Conseil d'Etat". Toutefois, ces règles sont contenues actuellement dans l'arrêté du 13 juin 1942, qui ne renferme pas non plus de règle déterminant expressément ou implicitement l'étendue du pouvoir de contrôle du Conseil d'Etat soit d'une manière générale soit pour le cas particulier de l'art. 28 LH. D'ailleurs, le Conseil d'Etat - qui n'eût pas manqué de le faire s'il avait pu - ne cite pas de texte limitant son droit d'examen dans les cas où il statue comme l'autorité de recours prévue par l'art. 28 LH. On doit admettre dès lors qu'aucune règle légale n'autorise cette restriction.
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Il est vrai que, même sans une disposition expresse, une autorité de recours peut être admise, du point de vue de l'art. 4 Cst., à restreindre l'étendue de sa cognition lorsqu'elle a pour cela des raisons sérieuses et que la loi ne s'y oppose pas. Ainsi en va-t-il souvent quand il s'agit de questions d'appréciation que l'autorité de première instance est mieux à même de trancher que la juridiction de recours parce qu'elles dépendent soit de circonstances locales moins connues du second juge soit d'un contact personnel avec le justiciable, contact réservé au premier juge seulement. Cependant ni dans sa décision ni dans sa réponse au recours, le Conseil d'Etat n'invoque de motif de ce genre. Il se place sur un terrain différent. Il estime que, dans le cas de l'art. 28 LH, il ne peut intervenir que sous l'angle de l'arbitraire, parce qu'en refusant une concession pour un débit de boissons au sens des art. 2 et 14 LH, le Conseil communal agit dans le cadre de son autonomie. Cette argumentation serait peut-être acceptable si, en n'accordant pas la concession demandée par Gaulé, le Conseil communal avait vraiment agi dans les limites de son autonomie. Tel n'est cependant pas le cas.
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L'autonomie communale est la faculté pour les communes de régler leurs affaires de façon indépendante dans les limites de la constitution et de la loi (RO 83 I 123). Elle est garantie dans le canton du Valais par l'art. 69 Cst. val. Il est clair toutefois qu'elle n'existe que pour les affaires qui rentrent dans les compétences exclusives des communes. La question est dès lors de savoir si le droit pour le Conseil communal de décider de l'octroi ou du refus d'une concession pour un débit de boissons est une affaire de ce genre. Cette question doit sans conteste être résolue négativement. Bien que, même dans le domaine de l'autonomie communale, la loi sur les hôtels, auberges, débits de boissons et autres établissements similaires ne puisse être examinée que sous l'angle de l'arbitraire, puisqu'elle fait partie du droit cantonal (RO 72 I 28), il en ressort cependant à l'évidence qu'elle règle complètement toutes les questions essentielles concernant l'industrie des auberges. Il en va ainsi notamment dans la mesure où elle confie aux communes le soin d'accorder la concession. En effet, les communes ne sont pas libres d'agir à leur guise. Elles sont soumises au contraire à des règles précises sur tous les points importants (genre des établissements pour lesquels une concession est nécessaire, nombre d'établissements, nombre de concessions pour une personne, causes de refus d'une concession, conditions de l'octroi, émoluments, règles de procédure, droit du Conseil d'Etat d'annuler la concession accordée par le Conseil communal, dispositions concernant le renouvellement, les modifications, le transfert et le retrait des concessions, règles de police; voir art. 15 à 28, 29 à 39, 40 ss. LH). Les compétences des communes se réduisent à fixer, dans un règlement soumis d'ailleurs à l'homologation du Conseil d'Etat, le nombre des débits de boissons alcooliques pouvant être ouverts sur leur territoire et à accorder les concessions pour les débits de boissons visés aux art. 2 et 14 LH. Il ne saurait dès lors être question en cette matière d'une autonomie de la commune. Celle-ci n'agit qu'en vertu de pouvoirs qui lui ont été délégués par les autorités cantonales dans un domaine que, de toute évidence, ces dernières ont entendu régler complètement.
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Dès lors, le Conseil d'Etat a manifestement tort d'invoquer l'autonomie communale pour justifier la restriction qu'il a cru devoir apporter à son pouvoir d'examen. Comme par ailleurs il ne se fonde sur aucune disposition légale et ne se prévaut d'aucune autre raison sérieuse, il est tombé dans l'arbitraire. Du même coup, il a violé le droit du recourant d'être entendu, droit qui comprenait en l'espèce celui d'exiger que l'affaire fût revue librement et sous toutes ses faces. Sans doute, le recourant n'a-t-il pas démontré que son recours a des chances d'être admis s'il est examiné avec plein pouvoir. Peu importe, cependant, car le droit d'être entendu, tel qu'il découle de l'art. 4 Cst., est un droit de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de l'acte attaqué, même si le recourant n'établit pas que cette annulation a pour lui un intérêt matériel (RO 83 I 240, no 31). En l'espèce, la décision du Conseil d'Etat doit donc être cassée en vertu de l'art. 4 Cst., sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle devrait l'être pour d'autres raisons encore, par exemple pour violation de l'art. 31 Cst.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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