43. Extrait de l'arrêt du 18 septembre 1959 dans la cause André Robert contre Département fédéral de l'économie publique.
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Regeste
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Art. 3 Abs. 1 letzter Satz UB.
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Dans la décision attaquée, le Département fédéral de l'économie publique (en abrégé: le Département) a accordé au recourant l'autorisation d'ouvrir une nouvelle entreprise en vertu de l'art. 4 al. 1 lit. a AIH; il a constaté qu'en collaborant à la direction de l'entreprise paternelle, Robert avait exercé dans la fabrication des montres à ancre une activité technique et commerciale suffisante et avait acquis les connaissances nécessaires pour exploiter l'entreprise projetée. Il a cependant restreint l'autorisation en la déclarant accordée à titre personnel et il a précisé que la cession de l'entreprise serait subordonnée à une nouvelle autorisation. Alors qu'il n'avait pas motivé cette clause restrictive dans la décision entreprise, il la fonde, dans sa réponse au recours, sur le préambule de l'art. 4 al. 1 AIH, alléguant qu'il serait dangereux que l'on puisse, par la cession, éluder les exigences de l'art. 4 al. 1 AIH et faire le commerce des autorisations reçues.
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Celui qui satisfait aux exigences de l'art. 4 al. 1a droit à l'autorisation correspondante; elle ne peut lui être refusée qu'en vertu du préambule, si elle lèse d'importants intérêts de l'industrie horlogère dans son ensemble ou d'une de ses branches dans son ensemble. Le Département relève à juste titre qu'une limitation de l'autorisation, ainsi le caractère strictement personnel qui lui est conféré, ne peut être justifiée que dans les cas visés par le préambule; c'est dans ces cas seulement, c'est-à-dire lorsque l'autorisation pourrait être refusée, que le Département est fondé à l'accorder néanmoins, mais en la limitant.
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Touchant le caractère personnel conféré à l'autorisation accordée à Robert, le Département allègue qu'il n'y a aucune raison de traiter ce requérant autrement que tous ceux auxquels on permet d'ouvrir une nouvelle entreprise. S'il voulait dire par là qu'en principe il n'autorise les ouvertures qu'à titre personnel, une telle pratique - dont le Tribunal fédéral n'avait pas eu connaissance jusqu'ici - violerait l'art. 3 al. 1 dernière phrase AIH. De plus, il ne saurait être question que cette disposition légale s'applique aux seules entreprises qui existaient déjà lors de la mise en vigueur du statut de l'horlogerie. A ce sujet, le message du Conseil fédéral à 1.'Assemblée fédérale, du 6 octobre 1950, s'exprimait en ces termes: "Comme c'est déjà le cas aujourd'hui, la reprise d'une exploitation horlogère, avec l'actif et le passif, ne pourra être subordonnée à un permis" (FF 1950 III p. 97). Ainsi le statut horloger admet que l'entrepreneur peut disposer librement de son exploitation et consent délibérément que, par l'aliénation des entreprises, des personnes s'introduisent dans le domaine réglementé, qui ne satisfont pas aux exigences de l'art. 4 al. 1 AIH. L'administration ne doit donc pas porter atteinte à la garantie de la libre disposition en n'accordant plus de permis qu'assortis d'une restriction qui rend cette garantie illusoire. C'est par d'autres moyens que la pratique doit prévenir les abus; par exemple, elle refuse justement le permis au requérant qui a précédemment cédé à un tiers son entreprise avec l'actif et le passif, alors même qu'il remplirait les conditions de l'art. 4 al. 1 AIH (RO 80 I 397; 81 I 310).
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Il n'est pas nécessaire de rechercher en l'espèce si, dans certains cas, une autorisation peut être rendue strictement personnelle pour empêcher qu'elle ne fasse l'objet d'une transaction commerciale, interdite par l'art. 4 al. 7 AIH. Cela ne serait en tout cas admissible que lorsqu'il existe, dans le cas particulier, des indices d'un tel danger. Il n'en va pas ainsi dans la présente affaire. Le Département relève, à la vérité, que le recourant enseigne dans une école de commerce et qu'interrogé sur ses intentions pour l'avenir, il aurait fait des réponses évasives. En réalité, il a déclaré que son enseignement ne serait que temporaire. De plus, cette activité apparaît compatible avec la direction de la fabrique de montres. En effet, du vivant de son père déjà, Robert enseignait tout en prenant une part active à cette direction; depuis lors, en outre, il a donné à l'entreprise, qui n'était plus guère active, une certaine impulsion nouvelle. Même si - ce qui est légitime - il ne veut pas renoncer à la faculté de céder son entreprise avec l'actif et le passif sans aucune autorisation (art. 3 al. 1 i.f. AIH), on ne saurait conclure de ce fait que l'autorisation risque de faire l'objet d'une transaction commerciale interdite. C'est pourquoi il ne se justifiait pas de la restreindre comme l'a fait le Département.
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La question se poserait différemment s'il s'agissait d'un permis accordé de par l'art. 4 al. 2 AIH, car le requérant n'y a pas droit. Le Département, qui a la faculté de le refuser, peut aussi le restreindre; le Tribunal fédéral a admis de telle- restrictions à plusieurs reprises ou même les a suggérées. Il est juste notamment d'en introduire une, à savoir d'exclure toute cession, même avec l'actif et le passif, sans une nouvelle autorisation, lorsque c'est dans la personne même du recourant que consistent les circonstances spéciales qui justifient l'autorisation, bien que les conditions posées par l'art. 4 al. 1 AIH ne soient pas toutes remplies. Il n'en va cependant pas ainsi dans la présente espèce.
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