BGE 87 I 37
 
6. Arrêt du 15 mars 1961 dans la cause Couchepin contre Grand Conseil du canton du Valais.
 
Regeste
Obligatorisches Gesetzes- und Finanzreferendum. Art. 30 Ziff. 3 lit. a und Ziff. 4 Walliser KV.
b) Unter welchen Voraussetzungen ist eine Ausgabe ausserordentlich und kann nicht aus dem Ertrage der gewöhnlichen Einnahmen des Voranschlags gedeckt werden? (Erw. 2 und 3).
 
Sachverhalt
A.- Le Grand Conseil du canton du Valais a adopté le 19 novembre 1960 un décret sur l'aide complémentaire à la vieillesse et aux survivants. Selon l'art. 8, un crédit de 600 000 fr. doit être inscrit chaque année au budget pour être affecté à l'aide complémentaire et selon l'art. 20 al. 2, la durée d'application sera de trois ans. L'art. 20 al. 1 prévoit que ce décret, n'étant pas de portée permanente, ne sera pas soumis à la votation populaire.
B.- Par recours de droit public du 9 décembre 1960, Bernard Couchepin, avocat, exerçant ses droits de citoyen à Martigny-Ville, a requis l'annulation dudit décret, pour violation de l'art. 30 ch. 3 litt. a et ch. 4 de la constitution valaisanne, dont la teneur est la suivante:
"Sont soumis à la votation du peuple:
...
3. Les lois et décrets élaborés par le Grand Conseil, excepté:
a) Les décrets qui ont un caractère d'urgence ou qui ne sont pas d'une portée générale et permanente. Cette exception doit, dans chaque cas particulier, faire l'objet d'une décision spéciale et motivée.
b) ...
4. Toute décision entraînant une dépense extraordinaire de 200 000 fr., si cette dépense ne peut être couverte par les recettes ordinaires du budget."
Selon le recourant, il est impossible que l'aide complémentaire prévue dans le décret ne soit pas permanente; personne ne songera à la supprimer, ainsi que cela ressort des débats du Grand Conseil; si l'on a limité la durée d'application du décret à trois ans, c'est uniquement en vue d'éluder la votation populaire. Au reste, pour autant que le décret n'est pas permanent, la dépense prévue de 600 000 fr. est alors extraordinaire et tombe sous le coup du ch. 4 de l'art. 30 Cst. val.; elle ne peut, en effet, être couverte par les recettes ordinaires du budget, puisque celui-ci prévoit un déficit de 6 695 000 fr.
C.- Le Conseil d'Etat, agissant par mandat du Grand Conseil, conclut au rejet du recours.
 
Considérant en droit:
A la forme, tel n'est pas le cas, puisque l'application du décret est expressément limitée à trois ans. Cependant, le recourant prétend que cette limitation dans le temps est destinée à éluder la votation populaire. Il est évident, dit-il, que l'aide à la vieillesse sera permanente; rien, dans le texte du décret, ne permet de penser qu'elle ne sera nécessaire que pour une courte durée; elle devra donc être poursuivie.
Comme le Tribunal fédéral l'a déclaré dans l'arrêt Perrig déjà cité (p. 15 et 16), des mesures provisoires peuvent devenir permanentes si elles sont renouvelées périodiquement et l'on ne pourrait admettre que le recours à la votation populaire soit évité par ce moyen. L'objection du recourant doit donc être examinée. Le Conseil d'Etat ne conteste pas la possibilité et même la probabilité qu'une aide permanente à la vieillesse doive suivre celle qui est accordée temporairement par le décret. Mais il prétend que le moment n'est pas venu d'établir une loi durable, parce que l'aide cantonale n'est que le complément d'une aide fédérale, elle-même temporaire. L'arrêté fédéral du 3 octobre 1958 réglant la matière (ROLF 1959 p. 81) ne doit être appliqué que jusqu'à l'épuisement du fonds constitué à cet effet. Or, selon le message adressé par le Conseil d'Etat au Grand Conseil, ce fonds sera épuisé en 1964 ou 1965. C'est pour s'adapter à ce caractère provisoire de l'aide fédérale que le législateur cantonal a pris une mesure limitée dans le temps. Ainsi est justifié le caractère temporaire du décret. Le recours ne peut, par conséquent, être admis sur ce point.
Le Conseil d'Etat reconnaît avec raison que la dépense de 600 000 fr. par an prévue dans le décret est nouvelle et doit être considérée comme "extraordinaire", dans l'acception donnée à ce terme par la constitution. Il admet également que, même sans comprendre cette dépense nouvelle, le budget pour l'année 1961 présente un déficit de 6 695 000 fr. En revanche, s'écartant de la lettre de la constitution, il voudrait considérer comme dépenses extraordinaires, seulement celles qui nécessitent un emprunt. Il relève en outre que, depuis plusieurs années, les comptes. bouclent par un excédent actif, alors que les budgets étaient déficitaires. Les chiffres budgétaires, ajoute-t-il, calculés avec prudence et régulièrement démentis par les faits, ne sont pas un critère valable pour déterminer à l'avance si une dépense sera ou non couverte par les recettes ordinaires de l'Etat.
Or pareille interprétation modifie le sens du texte constitutionnel, qui exige, de façon claire, que la dépense soit couverte par les recettes ordinaires "du budget" (en allemand: "des Voranschlages"). Et cette exigence paraît fondée: comme les comptes de l'Etat ne sont pas connus au moment où la dépense est décidée, ils ne peuvent en procurer la justification financière. Quant à l'opinion selon laquelle la dépense n'est soumise au référendum que si elle nécessite un emprunt, on ne lui trouve aucun appui dans le texte constitutionnel. L'interprétation du Conseil d'Etat enlèverait d'ailleurs à la règle constitutionnelle toute sa portée pratique. En définitive, le seul critère ferme et logique pour apprécier à l'avance si une dépense peut être couverte par les recettes ordinaires est bien le budget. Et c'est ce critère qu'a admis le texte constitutionnel. Il n'y a pas lieu de s'en écarter.
3. On pourrait se demander si le référendum financier prévu à l'art. 30 ch. 4 Cst. val. ne se rapporte pas uniquement aux dépenses inscrites au budget sans être fondées sur un texte légal, loi ou décret. Mais déjà l'examen de l'art. 30 paraît indiquer que telle n'a pas été l'intention des auteurs de la constitution; le système que ceux-ci ont admis tend, en effet, à soumettre au peuple toutes les dépenses dépassant un certain montant, le référendum financier du ch. 4 devant s'appliquer à tous les cas de dépenses dans lesquels le référendum ne serait pas obligatoire en vertu du ch. 3, 1er alinéa. Cette interprétation est confirmée par le fait que la constitution de 1875 prévoyait déjà l'obligation de soumettre au peuple toutes les dépenses supérieures à 60 000 fr., alors que le référendum législatif n'existait pas encore. Enfin, la question a été nettement élucidée lors des débats au Grand Conseil concernant l'art. 30 de la constitution de 1907. Le rapporteur de la commission a déclaré: "Le référendum financier. .. ne s'applique qu'aux décisions budgétaires prises par le Grand Conseil ou aux lois et décrets soustraits au référendum en vertu des alinéas précédents, car il est certain que toutes les fois que la dépense sera le fait ou la conséquence d'une loi, elle sera eo ipso soumise à la sanction du peuple". Et plus loin: "C'est ainsi qu'un décret, alors même qu'il serait urgent ou d'une portée locale, devra être soumis au vote populaire si, en raison de la dépense prévue, il rentre dans le cas du no 4, soit du référendum financier". Enfin le président du Conseil d'Etat a déclaré: "Nous admettons parfaitement que les dépenses dépassant 60 000 fr. soient soumises à la votation du peuple, même lorsqu'elles présenteraient un caractère d'urgence" (Bulletin des séances du Grand Conseil, session prorogée de novembre 1905, p. 40, 196 et 197).
Il est ainsi établi que l'art. 30 ch. 4 Cst. val. concerne toute dépense qui ne résulte pas d'une loi ou d'un décret votés par le peuple, pourvu que la dépense atteigne 200 000 fr. et ne soit pas couverte par les recettes ordinaires du budget. Il s'applique dès lors au crédit de 600 000 fr. qui résulte du décret du 29 décembre 1960 ici en cause. Ce qui entraîne l'admission du recours.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
Admet le recours et annule le décret du Grand Conseil du canton du Valais du 19 novembre 1960 sur l'aide complémentaire à la vieillesse et aux survivants.