BGE 88 I 181
 
31. Arrêt du 28 septembre 1962 dans la cause Société anonyme pour l'industrie de l'aluminium, à Chippis contre les communes de Mase, d'Hérémence et de Vernamiège.
 
Regeste
Art. 71 Abs. 1 WRG. Zuständigkeit des Bundesgerichts zur Beurteilung von Streitigkeiten aus Konzessionen, die von Gemeinden erteilt sind.
- Die Revision ist zwingenden Rechts; das in der Konzession festgesetzte Maximum steht ihr grundsätzlich nicht entgegen.
- Grundsätze für die Revision, welche ihrer Natur nach die wohlerworbenen Rechte nicht beeinträchtigt.
 
Sachverhalt
A.- Les communes valaisannes de St-Martin, Hérémence, Mase et Vernamiège ont concédé en 1905, chacune sur son territoire, après homologation par le Conseil d'Etat, l'utilisation des forces hydrauliques de la Borgne à la Société des forces hydrauliques de la Borgne. Par la suite, cette entreprise a transféré ses droits d'eau à la SA pour l'industrie de l'aluminium (en abrégé: AIAG). Les actes de concession prévoyaient une durée de 99 ans et fixaient la taxe annuelle, calculée sur la puissance moyenne utilisée pendant l'année, à 1 fr. par cheval effectif, mesuré sur l'arbre des turbines. Selon l'art. 10 al. 4 de la loi cantonale du 27 mai 1898 concernant les concessions de forces hydrauliques (LVFH), "les taxes seront soumises à revision tous les dix ans". Sur ce point, les actes dont il s'agit portaient des règles diverses: Celui de la commune de St-Martin reprenait comme clause conventionnelle la règle de l'art. 10 al. 4 précité et disposait: "Cette redevance annuelle sera revisable tous les dix ans. Pendant les (20) premières années, cette taxe est fixée à un franc par cheval effectif utilisé...".
Celui de la commune d'Hérémence disposait: "Cette redevance annuelle (de 1 fr.) sera revisable tous les dix ans;... pendant toute la durée de la concession et ne dépassera pas un maximum de deux francs par cheval effectif utilisé".
Celui de chacune des communes de Mase et de Vernamiège disposait que le concessionnaire paierait la redevance annuelle d'un franc pendant la durée de la concession.
L'acte ne contenait pas de règle concernant la revision. Mais le Conseil d'Etat, dans l'arrêté d'homologation, fixa: "La taxe annuelle de 1 fr. par cheval effectif utilisé pourra, après la première période décennale, être portée à 2 fr. pour la durée de la concession restant à courir, ceci en modification de l'art. 6 de l'acte de concession".
Les redevances annuelles ont été acquittées comme il suit:
St-Martin Hérémence Mase Vernamiège
1906-1915 Fr. 1 1 1 1
1916-1925 1 2 2 2
1926-1955 3.50 2 2 2
En 1926, la commune d'Hérémence avait demandé la revision et la majoration de la redevance de 2 fr. L'AIAG refusa. Le Tribunal cantonal prononça que la redevance ne devait pas dépasser le maximum de 2 fr., prévu dans l'acte de concession. Le Tribunal fédéral a confirmé ce jugement par son arrêt du 27 avril 1928.
Pour la période en cours: 1956-1965, les quatre communes ont réclamé la revision des redevances. L'AIAG ayant refusé, la question a été portée devant le Tribunal cantonal.
Celui-ci, par jugement du 3 novembre 1959, dans la cause Commune de St-Martin c. AIAG, a admis le droit de revision et éevé à 4 fr. 50 pour la période 1956-1965 la redevance, fixée initialement à 1 fr. et portée à 3 fr. 50 à partir de 1926. Le Tribunal fédéral, par un arrêt du 18 novembre 1960, a confirmé ce jugement.
Le Tribunal cantonal, par trois jugements du 30 novembre 1961, dans les causes des communes d'Hérémence, de Mase et de Vernamiège contre AIAG, a également admis les demandes communales de revision et élevé aussi à 4 fr. 50 les redevances fixées initialement à 1 fr. et portées à 2 fr. dès 1916.
B.- L'AIAG a formé un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral contre chacun des jugements du Tribunal cantonal, rendus sur les demandes des communes d'Hérémence, Mase et Vernamiège. La recourante requiert que ces demandes soient purement et simplement rejetées.
Les communes ont séparément conclu au rejet des recours.
 
Considérant en droit:
Selon la loi fédérale d'organisation judiciaire, le Tribunal fédéral statue en la forme du recours de droit administratif (RO 77 I 170, consid. 1). Il revoit l'application non seulement du droit fédéral, mais aussi du droit cantonal, dans la mesure où la décision finale, qui lui appartient, en dépend (RO 79 I 283 et les arrêts cités). Toutefois, dans l'interprétation du droit cantonal, il ne s'écarte pas sans nécessité de celle qu'a donnée l'autorité judiciaire cantonale (arrêt AIAG, du 18 novembre 1960, précité).
3. Les concessions en cause ont été accordées en 1905, sous l'empire de la loi cantonale du 27 mai 1898, laquelle ne contenait aucune disposition concernant le taux des redevances communales. Lesdits taux ont été fixés par les actes de concession après accord entre l'autorité concédante et le concessionnaire (RO 80 I 246). Ces actes ont créé entre les parties un rapport juridique comportant des droits et des obligations réciproques qui constituent, notamment pour le concessionnaire, des droits acquis. Rentrent dans ce nombre la fixation des redevances dues pour la force concédée (arrêt AIAG du 18 novembre 1960, précité). Les droits acquis ont été réservés par les lois postérieures (lois du 15 novembre 1946, art. 1er al. 2 et du 5 février 1957, art. 88 al. 1).
4. Aux termes de l'art. 2 al. 2 LVFH (cf. art. 11 al. 2 de la loi du 5 février 1957), les concessions accordées par les communes étaient soumises à l'homologation du Conseil d'Etat. En cas de refus, il indiquait sans doute quelles clauses lui paraissaient inadmissibles et sous quelles conditions il approuverait l'acte. Mais l'autorité concédante, d'une part, c'est-à-dire la commune, et le concessionnaire, d'autre part, étaient libres de se soumettre ou non à ces exigences; le Conseil d'Etat ne leur imposait que son refus, mais non pas les modifications qu'il estimait nécessaires. Si, au contraire, il prenait un arrêté d'homologation, il ne lui était pas non plus loisible de modifier l'acte soumis à son examen, sauf accord du concédant et du concessionnaire. Cependant, si ces derniers ne manifestaient pas leur opposition aux changements que le Conseil d'Etat pouvait néanmoins avoir apportés, ils les acceptaient tacitement, ce qui en faisait des droits autonomes. C'est ce qu'a admis, en première instance, le Tribunal cantonal dans ses jugements relatifs aux concessions accordées par les communes de Mase et de Vernamiège.
En effet, ces concessions ne réservent pas la revision des taxes tous les dix ans, mais l'arrêté d'homologation a prescrit que la taxe d'1 fr. pourrait, après la première période décennale, être portée à 2 fr. pour la durée de la concession restant à courir. Les deux communes prénommées, qui n'allèguent pas d'y être opposées, soutiennent à tort dans leurs réponses aux recours que lesdites clauses ne fixent pas un maximum intangible. Ces clauses ont la même portée juridique que celle qui, directement insérée dans la concession d'Hérémence, réserve la revision tous les dix ans, mais prescrit que, pendant toute la durée de la concession, la taxe ne dépassera pas 2 fr. par CV effectif utilisé.
a) Cette revision est prescrite par l'art. 10 al. 4 LVFH (cf. art. 67 de la loi du 5 février 1957). Le 28 octobre 1927, dans la cause de la commune d'Hérémence, le Tribunal cantonal avait jugé que cette règle s'appliquait aux seules concessions accordées par l'autorité cantonale et non à celles que délivrait l'autorité communale. Le 27 avril 1928, statuant en seconde instance, le Tribunal fédéral a laissé entendre que, n'était cette opinion du juge de première instance, dont il n'y avait pas de motifs impérieux de s'écarter, il aurait estimé plus juste d'appliquer aussi l'art. 10 al. 4 aux concessions communales. En définitive, il a laissé la question indécise.
Plus tard et en particulier dans un jugement du 14 janvier 1937 en la cause Nendaz c. Lonza, le Tribunal cantonal, modifiant sa première interprétation de l'art. 10 al. 4, a dit que cette règle régissait également les concessions communales. Il a jugé, de plus, que la revision décennale des taxes était une prescription de droit impératif, qu'on ne saurait y renoncer valablement, enfin que les clauses insérées par le Conseil d'Etat dans un arrêté d'homolonation ne sauraient prévaloir contre de telles prescriptions (Rapport du Tribunal cantonal, 1937, p. 18).
Dans les jugements dont est recours, le Tribunal cantonal a confirmé cette interprétation de la loi. Elle se fonde sur le texte même de l'art. 10 LVFH et le Tribunal fédéral n'a aucune raison de ne pas y adhérer.
b) La revision décennale étant de droit impératif, lorsqu'elle fait l'objet d'une contestation entre parties, il appartient au juge (art. 71 LUFH) de trancher le litige, afin
- 187 - de rétablir l'intégralité de la concession, qui subsiste en elle-même. Même si le texte légal n'énonce pas d'une manière expresse les règles applicables en la matière, elles s'y trouvent implicitement contenues et s'en dégagent par l'interprétation.
C'est ainsi que, dans un cas où la revision des taxes, instituée par la loi cantonale, était aussi établie dans les mêmes termes par l'acte de concession (arrêt du 18 novembre 1960 dans la cause Commune de St-Martin c. AIAG, non publié), le Tribunal fédéral a, par interprétation, posé les règles suivantes:
Dans les concessions communales, le montant de la redevance annuelle est fixé par l'acte de concession, c'est-à-dire par un accord entre l'autorité concédante et le concessionnaire, accord qui crée un droit acquis. Mais l'accord étant intervenu, dans les présents litiges, sous l'empire d'une loi qui prévoyait la revision par une règle de droit strict, cette revision doit avoir lieu. Elle ne porte du reste pas atteinte aux droits acquis, parce que ces droits garantissent seulement au concessionnaire que sa situation ne sera pas aggravée, non pas que le chirrfe de la redevance demeurera constant. Or la revision a uniquement pour but de modifier la redevance convenue dans la mesure où les facteurs qui avaient concouru à sa fixation se trouvent modifiés (cf. RO 57 I 334); elle tend à conférer à la redevance une valeur constante, à éviter qu'elle ne soit dépréciée par la modification de certains facteurs et à maintenir les deux parties dans la situation initiale créée par leur accord. Elle n'aggrave donc nullement la situation du concessionnaire.
c) La loi cantonale, qui crée le droit à la revision, peut manifestement - comme aussi la loi fédérale - lui imposer des limites en instituant, par exemple, un maximum ou un minimum.
En revanche, les concessions communales ne sauraient déroger à la règle cantonale de droit strict qui impose la revision. C'est pourquoi si elles peuvent régler plus en détail la procédure, il est exclu qu'elles puissent faire obstacle à la revision en lui fixant, par exemple, des limites. Elles pourraient sans doute préciser que le taux adopté pour la redevance tient déjà compte de l'évolution future de certains facteurs et arrêter ainsi que les modifications déjà prévues n'entraîneront pas un rajustement. Mais de telles clauses ne sauraient exclure par avance des modifications justifiées par de nouveaux facteurs imprévus ou imprévisibles.
d) Quoi qu'en pense la recourante, cette argumentation n'est pas inconciliable avec l'arrêt prononcé par le Tribunal fédéral, le 27 avril 1928, en la cause Commune d'Hérémence c. Société des forces motrices de la Borgne. Dans cette affaire, l'acte de concession, qui prévoyait la revision décennale, avait fixé la redevance pour la première année à 1 fr. par cheval effectif utilisé et prévoyait qu'elle ne dépasserait pas 2 fr. pendant toute la durée de la concession, mais qu'en tout cas le concessionnaire payerait un minimum de 3000 fr. par an. Le Tribunal fédéral admit que la redevance était sujette à la revision décennale et que les limites prévues par l'acte de concession ne rendaient pas cette procédure illusoire. Car, entre le minimum de 2000 fr. (recte: 3000 fr. selon l'exposé des faits) et le montant maximum calculé sur la base de 2 fr. par cheval, il y avait une marge suffisante pour permettre aux parties de procéder à un rajustement adapté au cours normal des choses. L'arrêt, du reste, ajoutait aussitôt, pour l'avenir, la réserve suivante: "Demeurent naturellement réservés les cas où des circonstances extraordinaires, impossibles à prévoir, bouleverseraient toute l'économie de la concession et exigeraient impérieusement des modifications plus grandes que ne le fait la convention".
e) Il est constant que, depuis 1916, année où les redevances litigieuses ont été revisées pour la dernière fois, des événements imprévisibles sont survenus - la dévaluation du franc suisse en 1936 et un renchérissement considérable en général - notamment depuis le début de la guerre mondiale de 1939 (arrêt AIAG c. Commune de St-Martin, du 18 novembre 1960, consid. 5, lit. e), qui ont complètement modifié la valeur réelle des prestations prévues par les actes de concession communaux. Il est manifeste qu'en vertu de l'art. 10 al 4. de la loi cantonale de 1898 (cf. art. 67 de la loi du 5 février 1957), une revision des redevances doit intervenir et non moins manifeste que les clauses des concessions, qui fixent un maximum de 2 fr., appliqué dès 1916, sont en opposition flagrante avec les règles de droit strict qui imposent la revision; elles ne sauraient dès lors être prises, aujourd'hui, en considération. C'est par conséquent à bon droit que le Tribunal cantonal en a jugé ainsi pour les concessions accordées à la recourante par les communes de Mase, d'Hérémence et de Vernamiège et a opéré la revision pour les années 1956 à 1965.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral Rejette les trois recours.