BGE 89 I 366 |
53. Arrêt du 25 septembre 1963 dans la cause von Roten contre Conseil d'Etat du canton de Vaud. |
Regeste |
Art. 4 und 33 BV, 5 Ueb. Best. der BV. Handels- und Gewerbefreiheit; Freizügigkeit für wissenschaftliche Berufe; Rechtsgleichheit. |
Sachverhalt |
A.- La profession d'avocat est régie dans le canton de Vaud par une loi du 22 novembre 1944 sur le barreau (LB). Nul ne peut exercer cette profession dans le canton sans être inscrit sur un tableau des avocats, dressé et tenu à jour par le Tribunal cantonal (art. 6 LB). L'avocat établi dans un autre canton peut plaider des causes déterminées devant les juridictions vaudoises à condition d'en avoir obtenu du Tribunal cantonal l'autorisation spéciale (art. 14 LB). S'il désire être admis à pratiquer plus régulièrement dans le canton, il doit se faire inscrire au tableau des avocats (art. 13 LB). Les avocats inscrits au tableau sont tenus de plaider à tour de rôle les causes de parties bénéficiant de l'assistance judiciaire (art. 31 LB). Conformément à l'art. 14 de la loi vaudoise du 2 décembre 1947 sur l'assistance judiciaire gratuite en matière civile (LAJ), le Tribunal cantonal désigne les avocats d'office à tour de rôle. Ceux-ci ont droit notamment à des indemnités de transport (art. 16 LAJ). L'art. 22 de l'arrêté du Conseil d'Etat vaudois du 6 décembre 1958 sur les déplacements en matière judiciaire (ADMJ) dispose en particulier: "Les avocats... désignés d'office... reçoivent pour toute audience hors du chef-lieu du district dans lequel ils pratiquent habituellement... une indemnité de transport de 30 centimes par kilomètre, dès leur lieu de travail habituel".
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B.- Peter von Roten est titulaire d'un brevet d'avocat valaisan. Il pratique le barreau à Bâle. Le 8 juin 1954, il a été inscrit sur le tableau des avocats vaudois. Depuis lors, il n'a jamais plaidé devant les juridictions vaudoises pour un client qui l'aurait librement consulté. En revanche, de 1955 à ce jour, il a été désigné comme avocat d'office dans dix-huit procès.
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L'un de ces procès avait pour objet le divorce des époux Comte-Taddei. Il a pris fin par un jugement du Tribunal du district de Vevey, du 31 mai 1961. Le 3 février 1962, von Roten a présenté sa liste de frais au greffier de ce tribunal. Pour ses déplacements jusqu'au lieu des diverses audiences, notamment à Vevey, il avait calculé les indemnités de transport à partir de Bâle. Le greffier ne lui a accordé une indemnité que depuis Avenches, chef-lieu du district situé le plus au nord du canton et, par conséquent, le plus près de Bâle. Le Département de justice et police du canton de Vaud a confirmé cette décision. Le 7 mai 1963, le Conseil d'Etat vaudois a rejeté (sauf sur un point qui n'est plus litigieux ici) un recours que von Roten lui avait adressé. Dans le silence de la loi, a-t-il dit, l'avocat étranger au canton est réputé avoir son étude dans le district le plus rapproché du lieu où il réside dans son propre canton; "il ne serait en effet pas admissible que la défense d'office d'un justiciable entraîne des frais trois à quatre fois plus élevés pour le seul motif que l'avocat désigné n'a pas d'étude permanente dans le canton".
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C.- Agissant par la voie du recours de droit public, von Roten requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat et d'inviter ce dernier à lui rembourser, dans les causes d'office, tous ses frais de voyage et non pas seulement ceux correspondant au parcours effectué sur territoire vaudois. Il se plaint d'une violation des art. 4 Cst. et 5 disp. trans. Cst.
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Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit: |
2. Selon la jurisprudence, l'avocat qui a reçu l'autorisation générale de pratiquer dans un canton dont il ne possède pas le brevet peut être tenu d'y assumer des défenses d'office en matière civile ou pénale. Peu importe à cet égard qu'il y pratique effectivement d'une manière habituelle ou non (RO 80 I 154 et les arrêts cités). Il lui appartient de choisir, entre l'autorisation spéciale et l'autorisation générale (cf. RO 80 I 151, consid. 2), celle qui lui convient le mieux, compte tenu de la charge attachée à l'autorisation générale et concernant les causes d'office. S'il ne pratique pas habituellement dans le canton ou qu'il craigne d'être chargé d'un trop grand nombre de ces procès, il a généralement avantage à ne demander que des autorisations spéciales de cas en cas. Supposé que celles-ci lui soient refusées ou qu'elles soient soumises à des conditions inadmissibles au regard de la constitution ou de la jurisprudence, par exemple à des émoluments excessifs (cf. RO 75 I 116/117) ou à des formalités constituant de pures chicanes, il a toujours la faculté de saisir le Tribunal fédéral de la question par un recours de droit public fondé sur les art. 33 et 5 disp. trans. Cst. Toutefois, lorsqu'il choisit, comme il est libre de le faire (RO 80 I 152), l'autorisation générale, il ne saurait, pour ce qui concerne les défenses d'office, être soumis à un régime plus sévère que les avocats du canton. Sinon il pourrait se plaindre d'une inégalité de traitement propre à porter atteinte au droit de "libre passage" (RO 67 I 335) que lui garantit l'art. 5 disp. trans. Cst.
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Les conséquences de l'interprétation que le Conseil d'Etat donne à l'art. 22 ADMJ sont les suivantes: quand le procès d'office n'est pas plaidé au chef-lieu du district où se trouve le domicile professionnel réel ou fictif, l'avocat qui pratique dans le canton reçoit une indemnité complète, tandis que l'avocat étranger supporte ses frais de transport jusqu'à la frontière vaudoise et n'a droit ainsi qu'à une indemnité partielle; lorsque la cause est plaidée à ce chef-lieu, l'avocat qui pratique dans le district ne peut prétendre à une indemnité; mais généralement il n'a pas de frais non plus car il possède son étude au cheflieu; en revanche, l'avocat étranger a des frais de transport; il ne saurait néanmoins réclamer d'indemnité.
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Comme les autres indemnités allouées à l'avocat d'office ne varient pas selon que ce dernier pratique dans le canton ou non, les frais qui, en fin de compte, restent à la charge de l'avocat résidant hors du canton peuvent être beaucoup plus élevés que ceux supportés par l'avocat exerçant sa profession sur territoire vaudois. Ils le sont notamment dans le cas particulier, où le domicile professionnel du recourant est relativement éloigné du district vaudois le plus proche. En ce qui concerne les défenses d'office, von Roten est dès lors soumis à un régime nettement plus sévère que les avocats vaudois. La lourde charge qui pèse sur lui en raison des frais de transport importants qu'il doit débourser porte atteinte à son droit de "libre passage".
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Certes, le Tribunal fédéral a jugé qu'il appartient à l'avocat d'office de faire en sorte que son établissement hors du canton ne charge pas son client de frais supplémentaires et excessifs (RO 80 I 155, no 25). Toutefois, le Conseil d'Etat ne saurait en tirer argument et faire valoir que les indemnités de transport risquent d'être réclamées en définitive au client assisté d'office et de constituer pour lui la charge trop lourde interdite par la jurisprudence. En effet, les plaideurs dont le recourant a dû s'occuper d'office habitaient en très grande majorité Bâle, les environs de cette ville ou des localités qui en étaient plus proches que du canton de Vaud. A supposer qu'ils aient dû rembourser à l'Etat les indemnités de transport payées au recourant, ils ont eu en revanche, pour conférer avec lui, des frais beaucoup moins élevés que s'il avait possédé son étude sur territoire vaudois. Le fait que leur procès a été confié à un avocat pratiquant à Bâle ne leur a donc pas causé de frais supplémentaires et excessifs.
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Contraire à la constitution, la décision attaquée ne saurait être maintenue.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral
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