BGE 91 I 284 |
44. Arrêt du 21 mai 1965 dans la cause Administration fédérale des contributions contre A. |
Regeste |
Art. 22 Abs. 1 lit. b WStB. |
2. Fall der Verpachtung eines Seeschiffes (Erw. 2 und 3). |
Sachverhalt |
En 1952, il a acheté un navire qu'il loua pendant quelques années à la société C. Le droit au pavillon suisse, qui lui avait été accordé en vertu de l'arrêté du Conseil fédéral concernant la navigation maritime sous pavillon suisse, du 9 avril 1941, fut suspendu durant cette période. En 1956, à la faveur des événements qui entraînèrent la fermeture du Canal de Suez, A. revendit le bâtiment.
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En 1959, il acquit un nouveau navire, qui fut porté dans le registre des navires suisses selon la loi du 23 septembre 1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse (LNM). Le 22 juin 1959, l'Office suisse de la navigation maritime rendit A. attentif au fait que l'art. 19 de cette loi exigeait son inscription au registre du commerce. Ce second bateau fut également loué à la société C. par un contrat qui prévoyait la revision du montant du loyer chaque trimestre (art. 2 et 3), imposait au propriétaire certains frais et risques (art. 7 et 8) et lui attribuait le droit à la moitié du bénéfice sur les indemnités de sauvetage et autres (art. 10). A. revendit ce navire en 1963.
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Il a manifesté l'intention de continuer l'achat, la location et la vente de navires à condition "qu'un statut fiscal logiquement approprié aux circonstances inhérentes à cette activité soit appliqué" (lettre du 20 mars 1964 à la Commission cantonale de recours en matière d'impôt).
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B.- Conformément aux propres déclarations d'A., le fisc considéra le premier navire acheté comme un élément de fortune privée; en conséquence, il perçut l'impôt pour la défense nationale sur les loyers encaissés par le contribuable, mais non pas sur le bénéfice réalisé lors de la vente du navire. Par la suite, dans sa déclaration pour la 11e période du même impôt, A. déduisit des loyers rapportés par le second navire une certaine somme pour l'amortissement du bateau. La Commission d'impôt accepta le principe de l'amortissement. Le 10 novembre 1964, la Commission cantonale de recours en matière d'impôt rejeta un recours de l'Administration fédérale des contributions contre cette décision, en bref par les motifs ci-après.
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L'art. 22 al. 1 lit. b AIN permet de défalquer du revenu brut "les amortissements et réserves d'amortissements autorisés par l'usage commercial, dans les exploitations gérées en la forme commerciale". C'est grâce à sa situation et à ses connaissances professionnelles qu'A. a été en mesure d'acquérir, de donner à bail et d'aliéner des navires. Dès lors, ces opérations sortent du cadre d'une simple gestion de fortune privée. Leur caractère commercial est confirmé par la loi sur la navigation maritime, qui oblige les propriétaires des navires enregistrés à s'inscrire au registre du commerce, soumet à un contrôle le capital engagé et requiert l'établissement de rapports de revision. Si le premier navire acheté par A. a été tenu naguère pour un élément de patrimoine privé, cette décision ne lie pas le fisc pour la période en cause. Elle a d'ailleurs été adoptée après hésitation, à une époque où la loi sur la navigation maritime n'était pas encore en vigueur, et dans l'ignorance de l'activité ultérieure du contribuable. En conclusion, la location du second navire relevant d'une exploitation commerciale au sens de l'art. 22 al. 1 lit. b AIN, il y a lieu de déduire des loyers retirés les amortissements prévus par cette disposition. Une telle solution se justifie d'autant plus qu'un navire se déprécie rapidement.
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C.- Par le présent recours, l'Administration fédérale des contributions conclut à l'annulation de la décision de la Commission cantonale et à la suppression des amortissements dans le calcul du revenu imposable du contribuable. Son argumentation se résume comme il suit.
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Il s'agit de décider si les loyers du second navire proviennent d'une "exploitation gérée en la forme commerciale" au sens de l'art. 22 al. 1 lit. b AIN. Dans la législation sur l'impôt pour la défense nationale, les entreprises qui ont pour but de faire le commerce, de fabriquer des marchandises ou d'exercer une autre industrie en la forme commerciale, sont de telles exploitations; les entreprises agricoles, sylvicoles et artisanales à proprement parler rentrent dans la même catégorie; selon la pratique, les professions libérales y sont également comprises. En revanche, lorsqu'un contribuable loue ou afferme un bien qui lui appartient, il administre sa fortune privée. Par conséquent, les revenus d'une telle opération sont imposables selon l'art. 21 al. 1 lit. b et c AIN, sous déduction des frais généraux, mais sans imputation d'amortissements. Le Tribunal fédéral en a jugé ainsi (Archives, t. 22 p. 32 s. ou RO 79 I 63).
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Bien qu'il ait mis à profit ses connaissances et ses relations, le recourant a géré son patrimoine privé en remettant à bail son second navire. De même, les bénéfices qu'un actionnaire ou un banquier réalisent dans le placement de leurs propres fonds grâce à leur situation particulière, ne proviennent pas d'une activité commerciale. Peu importe qu'A. soit directeur ou administrateur de diverses entreprises; une société anonyme étant un contribuable distinct de ses actionnaires, il est erroné de considérer comme un tout leur fortune et leur activité. Enfin, l'entrée en vigueur de la loi sur la navigation maritime est sans effets en l'espèce. Si A. s'est inscrit au registre du commerce, ce n'est pas en vertu des dispositions du droit commercial, mais dans le désir de voir son navire battre pavillon suisse, soit pour des raisons qui n'ont pas conféré à son activité un caractère commercial. D'ailleurs, celui qui entend placer des fonds dans un navire destiné à être loué, n'est pas tenu de se faire porter au registre du commerce.
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D.- La Commission cantonale, le Département cantonal des finances et le contribuable concluent au rejet du recours.
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Considérant en droit: |
Ainsi que la recourante le déclare elle-même, la notion d'"exploitation gérée en la forme commerciale" est large. Elle comprend d'abord les commerces, les fabriques et les entreprises similaires; elle s'applique aussi aux entreprises artisanales, y compris les exploitations agricoles et forestières; elle s'étend même, selon la pratique du fisc, aux professions libérales dont l'exercice exige l'investissement d'un capital et fait l'objet d'une comptabilité régulière (KÄNZIG, Wehrsteuer, note 61 ad art. 22 AIN, p. 223 s.; PERRET/MASSHARDT, Kommentar zur eidg. Wehrsteuer, 1965-1974, note 15 ad art. 22 AIN, p. 96). On peut substituer une formule générale à cette énumération en disant que, dans l'acception de l'art. 22 al. 1 lit. b AIN, une "exploitation gérée en la forme commerciale" suppose l'exercice, à titre indépendant et professionnel, soit d'une activité commerciale proprement dite (achat, fabrication et vente de marchandises), soit d'une autre activité à l'aide de certaines méthodes commerciales (engagement d'un capital et tenue d'une comptabilité), en tout cas lorsqu'elle a pour but la réalisation d'un profit.
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2. Pour décider en l'espèce si le bail du second navire relève d'une "exploitation gérée en la forme commerciale", il ne se justifie pas de le considérer isolément. Avant de tirer des revenus de ce second navire, le contribuable s'était procuré des ressources au moyen du premier et, selon ses déclarations vraisemblables, il a l'intention de faire aussi son profit d'autres bâtiments. De plus, loin de se borner à louer les bateaux qu'il a achetés, il les a vendus avec bénéfice. C'est dire que la remise à bail du second forme un tout avec d'autres opérations dont elle ne saurait être dissociée. Or, si l'on en juge à ce point de vue, il apparaît que les loyers de ce navire proviennent d'une "exploitation gérée en la forme commerciale", telle qu'elle vient d'être définie.
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Indiscutablement, le contribuable a exercé une activité indépendante. C'est en tant que propriétaire qu'il a loué deux navires et, bien qu'il ait contracté avec une société dont il préside le conseil d'administration, il l'a fait néanmoins pour son propre compte (cf. HIS, note 17 ad art. 934 CO).
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De surcroît, il a agi professionnellement. Selon la jurisprudence relative au commerce immobilier, c'est procéder professionnellement que d'acheter et de vendre des immeubles, en vue d'un profit, d'une manière méthodique et suivie. Il n'importe que cette activité s'exerce à titre principal ou accessoire. Il suffit même de se livrer à une opération isolée si elle est liée à une activité professionnelle. Par exemple, lorsqu'un architecte ou un entrepreneur achètent un terrain dans l'intention d'y édifier un bâtiment pour leur compte ou celui d'un futur acquéreur du fonds, leur bénéfice est imposable comme revenu professionnel (RO 82 I 174; Archives, t. 18, p. 334; t. 19, p. 15; t. 23, p. 276; t. 27, p. 176; t. 28, p. 274 et 387; t. 30, p. 130, 373 et 458 s.; t. 33, p. 34). Il résulte de cette jurisprudence, applicable ici par analogie, que les opérations du contribuable ont en tout cas un aspect professionnel dans la mesure où elles ont trait au second navire, c'est-à-dire au bien dont il s'agit de déterminer les revenus imposables. Non seulement le contribuable visait à tirer profit de ce navire, mais l'acquisition d'un second bateau après la vente du premier témoigne de l'existence d'un plan. De plus, les deux bâtiments ayant été mis au service d'une société à laquelle le contribuable est intéressé professionnellement, le nombre restreint des opérations conclues n'exclut pas qu'elles aient un caractère professionnel. En revanche, contrairement à l'opinion de la Commission cantonale de recours, il est indifférent que le contribuable ait utilisé ses connaissances professionnelles et ses relations personnelles. Si cette circonstance était décisive, tous les hommes d'affaires qui placent leur fortune agiraient professionnellement.
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En outre, l'achat et la vente de navires étant des actes de nature commerciale à proprement parler, il en est de même de la location qui forme un tout avec ces opérations. A tout le moins, en investissant des capitaux et en tenant régulièrement une comptabilité, le contribuable a usé de méthodes commerciales aussi bien qu'un médecin ou un avocat dans l'exercice de leur profession.
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En définitive, la location du second navire relève d'une "exploitation gérée en la forme commerciale"; dès lors, c'est à juste titre que des amortissements ont été déduits des loyers encaissés. Le recours est donc mal fondé.
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a) Il n'est pas indispensable de se demander si, dans son activité relative aux bateaux qu'il a achetés, le contribuable était "astreint à tenir des livres" selon l'art. 21 al. 1 lit. d AIN. Certes, les exploitations visées par cette disposition sont "gérées en la forme commerciale" dans l'acception de l'art. 22 al. 1 lit. b AIN (cf. PERRET-MASSHARDT, op.cit., note 13 ad art. 22 AIN, p. 96). Mais la réciproque n'est pas vraie. Preuve en est que, sans être obligés de tenir la comptabilité requise par l'art. 21 al. 1 lit. d, les membres des professions libérales peuvent se mettre au bénéfice de l'art. 22 al. 1 lit. b. L'application de la seconde disposition n'implique donc pas nécessairement celle de la première.
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Point n'est besoin non plus de se prononcer sur la possibilité d'imposer, en vertu de l'art. 21 al. 1 lit. d, le bénéfice procuré par la vente du second navire. Non seulement cette question n'est pas litigieuse en l'espèce, mais elle ne se pose pas même en dehors de la présente procédure. Il résulte des développements précédents que le gain tiré de l'aliénation de ce bâtiment est issu d'une activité professionnelle et, partant, imposable selon l'art. 21 al. 1 lit. a AIN. Il n'est dès lors pas nécessaire de rechercher s'il pourrait aussi être imposé de par la lit. d de l'art. 21 al. 1 AIN (Archives, t. 33, p. 38).
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b) La recourante invoque à tort un arrêt dans lequel le Tribunal fédéral avait refusé de considérer comme une "exploitation gérée en la forme commerciale" l'affermage d'un immeuble à une société anonyme par deux de ses administrateurs (RO 79 I 63 s.). Là, il s'agissait d'un simple bail à ferme. Ici, en revanche, on a affaire à une location comprise entre des achats et des ventes, soit à un ensemble d'opérations.
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c) Loin de confondre le contribuable avec les sociétés auxquelles il est intéressé, la Commission cantonale l'a taxé comme un sujet de droit distinct, eu égard à sa situation particulière. Il est clair qu'au point de vue fiscal, rien n'empêche l'administrateur d'une société d'exploiter une entreprise indépendante de cette dernière.
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d) Le fisc cantonal ne s'est pas nécessairement contredit en tenant le premier navire pour un élément de fortune privée et le second pour l'objet d'une "exploitation gérée en la forme commerciale". La différence des circonstances justifie celle des solutions. En 1956, lors de la vente du premier navire, on ignorait si le contribuable en achèterait un autre; aujourd'hui, les opérations successives du contribuable se présentent comme une activité plus cohérente. D'ailleurs, même si le fisc cantonal avait simplement changé d'opinion, ce revirement se justifierait pour des raisons objectives et ne violerait pas le principe de la sécurité du droit.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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