BGE 93 I 330 |
41. Extrait de l'arrêt du 28 juin 1967 dans la cause Verleye et consorts contre Conseil d'Etat du canton de Genève. |
Regeste |
Quellensteuer: gesetzliche Grundlage, Gesetzesdelegation, Vorbehalt von Staatsverträgen, rechtsgleiche Behandlung. |
2. Internationale Doppelbesteuerungsabkommen hindern die Kantone nicht, allgemeine, diesen widersprechende Vorschriften aufzustellen. Derartige Abkommen stehen nur der Anwendung der staatsvertragswidrigen Vorschriften (auf die Personen, für die der Staatsvertrag gilt) entgegen, berühren aber die Gültigkeit der Vorschriften als internes Recht nicht (Erw. 4). |
3. Keine rechtsungleiche Behandlung liegt darin, dass |
a) bei der Quellensteuer der Steuersatz von Kanton zu Kanton verschieden ist; es ist dies eine Folge des bundesstaatlichen Aufbaus der Schweiz (Erw. 5 a). |
b) der Quellensteuer nur Künstler unterstellt sind, die ihren Beruf in "abhängiger" Stellung ausüben, d.h. von einem Impresario angestellt sind (Erw. 5 c). |
Sachverhalt |
"Pour les contribuables étrangers visés à l'alinéa 1, qui ne sont pas autorisés à séjourner d'une manière permanente dans le canton et dont l'activité lucrative est dépendante, l'impôt sur le revenu de cette activité peut être perçu à la source, par retenue directe de l'employeur sur le salaire. Le Conseil d'Etat arrête les dispositions d'application du présent alinéa."
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Se fondant sur cette disposition, le Conseil d'Etat modifia, par arrêté du 27 janvier 1967, le "règlement d'application de diverses dispositions de la loi générale sur les contributions publiques" (en abrégé: Rgl.) en donnant au chapitre premier le nouveau titre suivant: "Perception à la source de l'impôt sur le revenu". L'art. 1er énumère les catégories d'étrangers soumis à la retenue à la source, savoir:
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b) les saisonniers;
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c) les frontaliers;
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d) les personnes autres que celles visées sous lettres a, b et c ci-dessus qui, sans permis de séjour, travaillent temporairement ou en permanence dans le canton.
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L'art. 2 détermine l'objet et le taux de la retenue, précisant à l'al. 1:
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"La retenue de l'impôt à la source se calcule sur le montant brut des salaires, cachets, indemnités, gratifications et autres prestations en espèces ou en nature, selon le barème ci-après, qui comprend les impôts cantonal, communal et fédéral pour la défense nationale. Ce barème est établi compte tenu des taux ordinaires d'imposition et de toutes les déductions prévues aux art. 21 et 31 LCP, 22, 22 bis et 25 de l'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre 1940 concernant l'impôt pour la défense nationale; aucune autre déduction ne peut donc être opérée."
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L'al. 2 de l'art. 2 fixe le barème dont les taux varient, pour une personne seule, de 0,85% à 20,35%, ce dernier taux étant prévu pour un salaire ou revenu maximum de 3333 fr. 35 par mois, ou 1538 fr. 45 par quinzaine, ou 153 fr. 85 par jour.
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L'al. 3 prévoit que lorsque le salaire ou le revenu annuel est supérieur à celui de l'al. 2, les impôts sont fixés et perçus par le Département des finances et contributions selon les prescriptions légales ordinaires, à l'exception de ceux des personnes visées à l'art. 1er al. 1 lettre d, pour lesquelles la retenue à la source s'effectue au taux de 28% pour un salaire journalier de 153 fr. 90 à 1000 fr. et de 32% pour un salaire supérieur à 1000 fr.
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L'art. 1er al. 3 Rgl. prescrit que la retenue est opérée directement sur le salaire par l'employeur ou toute autre personne responsable, lesquels doivent, aux termes de l'art. 3 al. l'en verser le montant mensuellement ou trimestriellement au département.
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B.- Agissant par la voie du recours de droit public, Maurice Verleye et un certain nombre d'impresarios et d'organisateurs de concerts de Genève ou de l'étranger, de même qu'un artiste du Canada, requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du Conseil d'Etat du 27 janvier 1967 dans sa totalité.
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Ils invoquent, à l'appui de leur recours:
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a) le défaut de base légale du règlement, et partant la violation des art. 70 et 80 de la constitution cantonale, ce dernier prévoyant expressément le vote des impôts par le Grand Conseil, alors que l'art. 15 LCP habilite uniquement le Conseil d'Etat à établir les règles nécessaires à l'application de la loi et que le principe de l'impôt à la source n'est prévu nulle part par cette dernière;
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b) l'inégalité de traitement, consistant en ce que le règlement prévoit des taux spéciaux pour certaines catégories de contribuables, que ces taux sont bien supérieurs à ceux des autres cantons, que les artistes organisant eux-mêmes leurs concerts ou représentations - sans le concours d'impresarios - ne sont pas soumis à l'impôt et qu'enfin le Conseil d'Etat envisagerait de ne pas appliquer le règlement aux organisations subventionnées par les pouvoirs publics;
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c) la violation des conventions passées avec l'étranger pour éviter la double imposition, conventions qui prévoient généralement l'imposition au domicile pour les revenus provenant de l'exercice de professions indépendantes, ou qui tout au moins font dépendre l'imposition de l'existence d'installations permanentes, - ainsi que la violation de l'art. 85 ch. 5 Cst., qui réserve à l'Assemblée fédérale la conclusion de telles conventions.
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Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours, dans la mesure où il était recevable.
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Extrait des motifs: |
Les recourants reprochent au Conseil d'Etat d'avoir introduit un nouveau système d'impôt, tout différent de celui qui est institué par la LCP, alors que l'art. 15 de cette loi habilite le Conseil d'Etat à n'édicter que les dispositions nécessaires à l'application de la loi. Ils méconnaissent cependant l'existence de la novelle du 16 décembre 1966, qui a expressément institué la perception à la source pour les contribuables étrangers qui ne sont pas autorisés à séjourner d'une manière permanente dans le canton, et chargé le Conseil d'Etat d'arrêter les dispositions d'application du nouvel alinéa 2 de l'art. 2.
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Il est vrai que les recourants semblent contester la validité d'une telle délégation. Or, quoi qu'ils en pensent, le problème se pose ici de la même façon que dans l'arrêt Rohner (RO 88 I 33) concernant le canton de St-Gall: les deux cantons connaissent le principe de la séparation des pouvoirs, reposant à St-Gall sur le texte de l'art. 101 al. 1 Cst. cant. et à Genève sur la répartition de fait des trois pouvoirs entre différents organes; dans les deux cantons, le vote des lois et des impôts appartient au Grand Conseil, sous réserve du droit de referendum, et le Conseil d'Etat n'a pas de compétence en matière législative; cependant, la délégation de compétence du Grand Conseil au Conseil d'Etat n'y est exclue par aucune disposition expresse de la constitution. On doit donc admettre, ici comme là, qu'elle est possible à défaut de disposition constitutionnelle expresse contraire, d'autant plus que la loi qui l'a instituée était, dans les deux cas, soumise au referendum facultatif. Au surplus, les recourants n'ont pas invoqué en l'espèce - contrairement au cas de St-Gall - la violation des prescriptions sur le referendum facultatif, prévu aux art. 53 et 95 Cst. cant. La délégation de compétence instituée à l'art. 2 al. 2 LCP n'est dès lors pas inconstitutionnelle.
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Enfin les recourants contestent la compétence du Conseil d'Etat pour établir le barème prévu au règlement, d'autant plus que ce barème, en raison de l'incorporation de l'impôt communal et de l'impôt fédéral dans le montant prélevé à la source, est entièrement différent de celui des art. 31 et 32 LCP, tel qu'il a été voté le 16 mars 1967 par le Grand Conseil. Mais ils ne prétendent pas - et ne le prouvent pas davantage - que les taux prévus dans le barème du règlement n'équivalent pas à la somme des taux correspondants des trois impôts inclus dans la perception à la source. D'ailleurs, même si cette équivalence n'était pas réalisée, le barème réglementaire ne serait pas pour autant privé de base légale, l'art. 2 al. 2 LCP donnant au Conseil d'Etat toute liberté pour mettre sur pied l'impôt à la source.
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Ainsi le grief de défaut de base légale et de violation du principe de la séparation des pouvoirs se révèle mal fondé.
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4. Pour motiver le grief de violation de traités internationaux, les recourants allèguent que le règlement, en prévoyant l'imposition d'artistes domiciliés à l'étranger sur leurs revenus acquis à Genève, va à l'encontre des nombreuses conventions internationales selon lesquelles les revenus acquis dans l'exercice d'une profession indépendante sont imposés par l'Etat du domicile, à moins que le titulaire d'une telle profession ne dispose, dans l'autre pays, d'installations permanentes. Or de telles conventions ne règlent que l'imposition des ressortissants ou des habitants des deux Etats contractants, sans toucher au droit d'imposer les ressortissants d'Etats tiers; elles empêchent simplement d'appliquer aux ressortissants et habitants des deux pays les dispositions fiscales contraires, mais non pas d'établir des normes générales qui leur seraient opposées. Même si ces normes ne visent - comme les dispositions incriminées - que les étrangers, elles peuvent s'appliquer aux ressortissants ou habitants d'autres Etats avec lesquels n'ont pas été conclues des conventions excluant les doubles impositions. Il va de soi que les dispositions contraires aux conventions conclues par la Suisse avec d'autres Etats ne s'appliquent pas aux ressortissants ou habitants de tels Etats; les traités internationaux signés par la Suisse constituent en effet du droit fédéral, qui a le pas sur le droit cantonal dans le domaine considéré.
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Au surplus, la plupart des conventions conclues par la Suisse avec d'autres Etats en vue d'éviter la double imposition adoptent grosso modo le principe de l'imposition dans l'Etat de domicile pour les personnes de profession indépendante, et dans l'Etat où est exercée l'activité, pour les personnes de profession dépendante, ce qui est le cas en particulier pour les artistes engagés par des impresarios domiciliés en Suisse. Or le canton de Genève ne soumet au régime de la perception à la source que les contribuables étrangers dont l'activité lucrative est dépendante (cf. art. 2 al. 2 LCP. et art. 1er al. 1 Rgl.).
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Il est vrai que la convention avec les Etats-Unis d'Amérique (du 24 mai 1951, ROLF 1951 p. 895) n'adopte pas ce principe et libère de l'imposition en Suisse les personnes domiciliées aux USA qui ont acquis dans notre pays, par leur travail ou des services personnels, des revenus qui n'excèdent pas 10 000 dollars par an. Si le canton de Genève les imposait néanmoins, les cas d'application pourraient faire l'objet d'un recours de droit public pour violation des traités internationaux. Mais cette simple éventualité ne justifie en aucune façon l'annulation du règlement attaqué.
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a) Les recourants croient voir une violation de l'art. 4 Cst. dans le fait que les contribuables étrangers frappés à Genève par la perception à la source sont imposés à des taux sensiblement moins élevés dans les autres cantons. Or de telles différences sont la conséquence de la structure fédérative de la Suisse, selon laquelle la législation fiscale en particulier est de la compétence des cantons. La diversité des législations cantonales n'est nullement contraire à l'art. 4 Cst. (RO 91 I 491, 80 I 349 et les arrêts cités).
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b) Il y aurait de même inégalité de traitement, selon les recourants, à soumettre les étrangers en cause à un barème tout différent des barèmes ordinaires fixés dans la loi. Or, comme on l'a déjà relevé ci-dessus (consid. 3), les recourants ne prouvent pas ni même n'allèguent que les taux du barème spécial ne seraient pas la somme des taux correspondants prévus pour les trois impôts inclus dans la perception à la source. D'autre part, l'art. 1er al. 4 Rgl. réserve expressément les règles ordinaires d'imposition. On peut en conclure que la perception à la source n'a qu'un caractère provisoire et qu'elle peut toujours être revue, qu'en particulier le contribuable étranger peut, s'il s'estime trop imposé par ce système, demander l'application des règles ordinaires de taxation. Ainsi le principe de l'égalité par rapport aux autres contribuables serait, même dans un tel cas, sauvegardé.
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Il n'en va pas autrement des personnes frappées d'un taux de 28% ou de 32% (art. 2 al. 3 i.f. Rgl.): même si en principe leurs impôts ne sont pas fixés selon les prescriptions légales ordinaires - au contraire des personnes prévues au début de cet alinéa -, elles doivent aussi pouvoir demander l'application de l'art. 1er al. 4 si elles s'estiment trop imposées par le barème spécial, ainsi que le Conseil d'Etat le reconnaît lui-même dans sa réponse. D'ailleurs les recourants n'ont pas non plus allégué ni prouvé que ces taux de 28% ou 32% soient supérieurs à la somme des taux correspondants des trois impôts inclus, laquelle s'élève, selon les indications du Conseil d'Etat, à 34,12% pour un revenu journalier de plus de 1000 fr.
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c) Les recourants voient encore une inégalité de traitement dans le fait que seuls les artistes qui passent par des impresarios (soit les artistes dont l'activité lucrative est "dépendante" au sens de la loi) tombent sous le coup de la perception à la source, tandis que les autres, organisant eux-mêmes leurs concerts ou représentations, y échappent. Or il y a entre les personnes qui exercent une activité indépendante et celles qui exercent une activité dépendante une différence de fait qui justifie un traitement différent, que prévoient d'ailleurs expressément de nombreuses lois fiscales. La perception à la source auprès des seules personnes de la seconde catégorie se justifie par le fait qu'elles seules reçoivent un salaire (sous quelque forme que ce soit) sur lequel la déduction peut s'opérer à la source, c'est-à-dire auprès de l'employeur. Une telle perception ne constitue donc nullement une inégalité de traitement qui violerait l'art. 4 Cst.
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d) Enfin les recourants reprochent au Conseil d'Etat de créer une inégalité de traitement entre les impresarios et les établissements subventionnés, en envisageant de surseoir pendant un an - et jusqu'à la conclusion d'un concordat avec les autres cantons - à l'application du règlement auxdits établissements (Fondation du Grand Théâtre, Orchestre de la Suisse romande, Radio-Genève et Société romande de radio-télédiffusion). Or ce grief n'est pas dirigé contre le règlement lui-même, mais contre son application éventuelle. On ne pourrait le faire valoir que dans un recours formé à propos d'une décision d'application. Encore faudrait-il que la qualité pour recourir soit reconnue dans un tel cas, ce qui est douteux, la jurisprudence du Tribunal fédéral n'admettant pas cette qualité lorsqu'il s'agit de recourir contre un privilège accordé à des tiers (RO 93 I 177; 85 I 53 consid. 3).
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De toute façon, on ne peut demander l'annulation d'un règlement en invoquant l'octroi éventuel d'un privilège non prévu dans ce règlement mais uniquement envisagé pour son application. Le recours devant également être rejeté sur ce point, la procédure probatoire demandée dans la réplique se révèle inutile.
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