90. Extrait de l'arrêt du 8 juillet 1970 dans la cause Del Drago contre Finzi et Cour de justice civile du canton de Genève.
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Regeste
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Vollstreckung ausländischer Zivilurteile. Schweizerisch-italienisches Abkommen über die Anerkennung und Vollstreckung gerichtlicher Entscheidungen.
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Sachverhalt
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A.- L'avocat et professeur florentin Enrico Finzi a actionné devant le Tribunal civil de Florence Marcello del Drago, domicilié à Veyrier (Genève), en paiement d'un solde d'honoraires de 3 897 705 lires. Selon le jugement rendu par ledit Tribunal le 17 avril 1967, del Drago avait soulevé à titre préjudiciel l'exception d'incompétence ratione loci - sans indiquer toutefois quel était, à son avis, le juge compétent - mais il avait ensuite renoncé à cette exception. Le Tribunal civil de Florence a condamné del Drago à payer à Finzi la somme de 2 837 705 lires avec intérêts légaux et mis à sa charge les frais judiciaires.
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Del Drago a recouru contre ce jugement auprès de la Cour d'appel de Florence, concluant à ce qu'il soit réformé en ce sens que le montant total des honoraires dus à l'avocat Finzi soit arrêté à 1 460 000 lires. Après avoir examiné en détail les différents postes de la note d'honoraires et indiqué les motifs qui en justifiaient, selon lui, la réduction, del Drago terminait son mémoire d'appel par la formule "Tutto ciò premesso e con ogni riserva anche per quello che riguarda la questione discendente dal fatto che l'appellante non ha nè domicilio, nè la residenza, nè la dimora in Italia" (cela dit et sous toute réserve, également pour ce qui concerne le fait que la partie appelante n'a ni domicile, ni résidence, ni demeure en Italie). Par arrêt du 13 décembre 1968, la Cour d'appel a rejeté le recours de del Drago.
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B.- Finzi a ouvert à Genève une poursuite contre del Drago, en paiement des montants auxquels ce dernier avait été condamné par les tribunaux florentins. Le poursuivi ayant fait opposition au commandement de payer, Finzi en a requis la mainlevée, qui a été prononcée le 9 septembre 1969 par le Tribunal de première instance de Genève, statuant par voie de procédure sommaire.
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Del Drago ayant appelé de cette décision, la Cour de justice civile de Genève a estimé qu'il n'y avait pas de violation de la loi au sens de l'art. 339 al. 1 lettre c CPC et a déclaré l'appel irrecevable par arrêt du 5 décembre 1969.
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C.- Agissant par la voie du recours de droit public, del Drago requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice civile du 5 décembre 1969. Il allégue la violation de la Convention italo-suisse du 3 janvier 1933 et l'arbitraire.
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La Cour de justice civile déclare se référer aux considérants de son arrêt du 5 décembre 1969. L'intimé Finzi conclut à l'irrecevabilité, sinon au rejet du recours.
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Extrait des motifs:
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Selon l'art. 2 de la Convention, la compétence des juridictions de l'Etat où la décision a été rendue est fondée, notamment, dans le cas où "le défendeur est entré en matière, sans réserve, sur le fond du litige" (ch. 2 al. 2). La décision attaquée a retenu que del Drago avait abandonné l'exception d'incompétence territoriale qu'il avait d'abord soulevée, ce qui impliquait nécessairement la reconnaissance de la compétence des tribunaux italiens. Le recourant soutient au contraire qu'en soulevant à titre préjudiciel l'exception d'incompétence territoriale, il a fait valablement la réserve prévue par la disposition précitée, de sorte que la compétence des tribunaux italiens n'est pas fondée dans son cas.
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Il s'agit ainsi d'examiner ce qu'il faut entendre par "réserve" au sens de cette disposition. Cette même formule se retrouve dans des conventions conclues par la Suisse avec d'autres pays, notamment avec l'Allemagne (du 2 novembre 1929, art. 2 ch. 3) et l'Autriche (du 15 mars 1927, art. 2 al. 2 ch. 2), à propos desquelles le Tribunal fédéral a rendu quelques arrêts.
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a) Il ressort notamment des arrêts Heini de 1931 (RO 57 I 24-5) et Kohler de 1934 (RO 60 I 132) que, pour faire une réserve valable, le défendeur ne doit pas nécessairement soulever une exception d'incompétence en la forme prévue par la procédure du pays de jugement, mais qu'il lui suffit, dans le cas où le tribunal étranger saisi est compétent selon son droit interne, de faire connaître - avant d'entrer en matière - qu'il ne se soumet à la procédure qu'en ce qui concerne l'Etat du jugement et qu'il s'opposera à ce que la décision soit exécutée dans l'autre pays. Si donc le défendeur n'a pas fait de réserve dans ce sens, ou s'il l'a abandonnée par la suite, il ne peut plus s'opposer à l'exécution en Suisse du jugement étranger.
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b) La Convention italo-suisse de 1933 n'établit pas de règles de compétence judiciaire communes aux deux pays. Elle n'empêche donc pas un tribunal, compétent selon le droit interne, de se saisir d'une action et de statuer sur le fond, même s'il est incompétent au regard de la Convention (cf. RO 92 II 84-5). Si donc le Tribunal civil de Florence était compétent pour se saisir de l'action ouverte par Finzi, l'exception d'incompétence soulevée par del Drago était vouée à l'insuccès. On ne peut donc reprocher à ce dernier de l'avoir retirée. En revanche, s'il ne voulait pas la maintenir, il devait alors déclarer expressément, avant ou au moment de procéder sur le fond, s'opposer à l'exécution du jugement en Suisse, conformément à la convention, ou faire toute autre déclaration d'où il serait ressorti qu'il ne se soumettait à la procédure qu'en raison de la compétence interne du Tribunal italien, mais qu'il s'opposerait à l'exécution du jugement en Suisse. Il ne pouvait se contenter de retirer purement et simplement son exception d'incompétence, d'autant moins qu'il n'avait pas indiqué, en soulevant cette exception, quel était à son avis le tribunal compétent.
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Or le recourant ne prétend pas avoir fait une telle réserve expresse en retirant son exception, et rien dans le dossier ne permet de supposer qu'il l'ait faite. Le seul document qui fasse état de l'exception soulevée puis retirée est le jugement du Tribunal civil de Florence qui, au sujet du retrait, dit simplement au début des considérants de droit: "L'exception d'incompétence territoriale ayant été abandonnée par le défendeur...". Il n'en ressort nullement que le défendeur ait fait quelque réserve en retirant cette exception. Si tel avait été le cas, del Drago n'aurait pas manqué de le faire valoir et de le prouver devant les tribunaux genevois, ainsi que dans son recours de droit public.
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Il faut admettre en conclusion que le recourant n'a pas, avant ou au moment d'entrer en matière sur le fond, fait la réserve expresse de s'opposer à l'exécution du jugement en Suisse, en se fondant sur la Convention italo-suisse de 1933.
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Quant à la réserve figurant dans son recours à la Cour d'appel de Florence, à la fin de la motivation sur le fond ("Tutto ciò premesso e con ogni riserva anche per quello che riguarda la questione discendente dal fatto che l'appellante non ha nè domicilio, nè la residenza, nè la dimora in Italia..."), elle était de toute façon tardive et ne pouvait suppléer à l'absence de réserve faite avant ou au moment de l'entrée en matière sur le fond; il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner si, soulevée à temps, elle eût été suffisante au regard de l'art. 2 ch. 2 al. 2 de la Convention. On observera d'ailleurs que dans son mémoire à la Cour d'appel de Florence, le recourant n'a ni contesté, ni critiqué la constatation du jugement de première instance relative à l'abandon de l'exception, ni prétendu que cet abandon ait été assorti d'une réserve expresse au sujet de l'exécution du jugement en Suisse.
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Dans ces circonstances, on doit admettre que le défendeur n'a pas fait valablement la réserve prévue à l'art. 2 ch. 2 al. 2 de la Convention, que partant la compétence des tribunaux italiens était fondée en vertu de cette même disposition et que le recourant ne pouvait plus la contester dans la procédure d'exécution du jugement en Suisse.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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