BGE 121 I 291
 
40. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 16 août 1995 dans la cause Gehring contre Grand Conseil du canton de Fribourg (recours de droit public)
 
Regeste
Finanzreferendum. Gesetzesbestimmung, gemäss welcher im Hinblick auf die in Art. 28bis StV/FR festgelegte Limite wiederkehrende Ausgaben aufgrund des Gesamtbetrages der fünf letzten Jahre zu bestimmen sind.
Es ist grundsätzlich unmöglich, den Gesamtbetrag einer wiederkehrenden Ausgabe zu bestimmen; deshalb sehen die Kantonsverfassungen im allgemeinen unterschiedliche Limiten für den Gesamtbetrag einer einmaligen Ausgabe und für den jährlichen Betrag einer wiederkehrenden Ausgabe vor (E. 2b).
Voraussetzungen, unter welchen das Gesetz die verfassungsmässige Ordnung des Finanzreferendums präzisieren oder sogar ändern kann (E. 2c).
Verglichen mit den entsprechenden Institutionen in andern Kantonen läuft die im Kanton Freiburg getroffene Lösung weder den Grundsätzen noch dem wesentlichen Inhalt des Finanzreferendums zuwider; sie wurde vom Volk stillschweigend angenommen (E. 3b).
 
Sachverhalt
L'art. 28bis de la constitution du canton de Fribourg (Cst./FR), dans sa teneur adoptée en votation populaire du 8 juin 1986, est conçu comme suit:
"...
"Toute loi ou décret entraînant une dépense nette nouvelle supérieure à un pour cent du total des dépenses des derniers comptes arrêtés par le Grand Conseil doit être soumis à la votation populaire.
"Toute loi ou décret entraînant une dépense nette nouvelle supérieure à 1/4 pour cent du même total doit être soumis à la votation populaire à la demande de six mille citoyens ou d'un quart des députés.
"Les derniers comptes à prendre en considération sont ceux qui ont été arrêtés par le Grand Conseil avant l'adoption du projet de loi ou de décret par le Conseil d'Etat."
Le 25 novembre 1994, le Grand Conseil du canton de Fribourg a adopté une loi sur les finances de l'Etat (LFE) dont l'art. 25 a la teneur suivante:
"Les dépenses soumises au référendum financier selon l'article 28bis de la Constitution cantonale peuvent être uniques ou périodiques.
"Le montant déterminant d'une dépense périodique correspond au total des dépenses estimées pour les cinq premières années d'application de la loi ou du décret."
Cette loi a été publiée le 9 décembre 1994, puis promulguée le 14 mars 1995.
Par mémoire du 20 janvier 1995, Otto Gehring, électeur dans le canton de Fribourg, a saisi le Tribunal fédéral d'un recours de droit public pour violation du droit de vote dirigé contre l'art. 25 al. 2 LFE, tendant à l'annulation de cette disposition. Le recourant considérait celle-ci comme contraire à l'art. 28bis Cst./FR.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
 
Considérants:
b) Le recours de droit public doit être formé dans le délai de trente jours dès la communication, selon le droit cantonal, de l'acte attaqué (art. 89 OJ). Lorsque celui-ci, tel une loi cantonale, est soumis au référendum obligatoire ou facultatif, le délai court dès la publication de l'arrêté de promulgation par lequel le pouvoir exécutif constate que l'acte est définitivement adopté (ATF 119 Ia 123 p. 126 consid. 1a, 321 p. 325 consid. 3a). Le Tribunal fédéral se saisit néanmoins d'un recours déposé avant la promulgation, lorsque celle-ci intervient (ATF 110 Ia 7 p. 12 consid. c).
c) Statuant sur un recours pour violation du droit de vote, le Tribunal fédéral examine librement non seulement l'interprétation des règles du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal, mais aussi celle des dispositions cantonales qui précisent le contenu et l'étendue du droit de vote ou qui ont un lien étroit avec ce droit. Toutefois, lorsque la portée d'une disposition est fortement douteuse, le Tribunal fédéral ne s'écarte pas de la solution adoptée par le parlement ou, de façon expresse ou tacite, par le peuple du canton (ATF 119 Ia 154 p. 157 consid. c, ATF 118 Ia 422 p. 424 consid. 1e).
2. a) L'art. 28bis Cst./FR institue le référendum facultatif pour les dépenses du canton dont le montant dépasse le seuil que cette disposition détermine; il institue le référendum obligatoire pour les dépenses dépassant un autre seuil qui est plus élevé. L'art. 25 al. 2 LFE, contesté par le recourant, introduit une règle d'évaluation destinée à l'application de ces seuils aux dépenses périodiques. Le recourant soutient qu'elle est insuffisamment rigoureuse et qu'elle a donc pour effet, dans une large mesure, de soustraire les dépenses périodiques au référendum financier prévu par la constitution. A son avis, elle permet à l'autorité de recourir à des locations de longue durée, échappant au contrôle populaire par l'effet de l'art. 25 al. 2 LFE, pour éviter des acquisitions ou des constructions de bâtiments qui constitueraient des dépenses uniques excédant le seuil constitutionnel, et qui seraient donc soumises à ce contrôle.
Le recourant ne s'oppose toutefois pas à ce qu'une règle d'évaluation des dépenses périodiques soit introduite par la loi. Il reconnaîtrait comme conforme à la constitution de prendre en considération le total des dix premières années d'une telle dépense, alors que l'art. 25 al. 2 LFE ne se réfère qu'au total des cinq premières années.
b) La plupart des constitutions cantonales, en tant qu'elles instituent un référendum financier et en règlent les modalités, prévoient d'une part un seuil applicable au montant total d'une dépense unique, et d'autre part un seuil plus bas applicable au montant annuel d'une dépense périodique. Ce système se justifie par le fait qu'il est généralement impossible d'évaluer le montant total d'une dépense périodique (PIERRE MOOR, Droit administratif, 2e éd., vol. I p. 288/289; ETIENNE GRISEL, Initiative et référendum populaire, p. 287 ch. 2). Sa durée est presque toujours indéterminée. Même si une échéance est prévue, par exemple dans le cas d'un bail à loyer, on ne peut pas exclure qu'elle soit par la suite reportée. Par ailleurs, la collectivité publique ne s'oblige qu'exceptionnellement pour une longue durée; le plus souvent, il lui est loisible de renoncer à une dépense qu'elle considère désormais comme inopportune, telle que le versement d'une subvention. La dépense périodique ne se prête dès lors pas à une capitalisation et il n'existe pas non plus d'autre relation d'équivalence entre elle et une dépense unique (WALTHER BURCKHARDT, avis de droit reproduit in Amtsblatt für den Kanton St. Gallen, 1931 p. 1048 et ss; HANS ESCHER, Das Finanzreferendum in den schweizerischen Kantonen, thèse, Aarau 1943, p. 194 et ss).
Cela explique la diversité des systèmes adoptés par les cantons: dans les constitutions de neuf d'entre eux, le seuil fixé pour la charge annuelle d'une dépense périodique est égal au dixième de celui déterminant pour une dépense unique (Zurich: art. 30 ch. 2; Uri: art. 24 let. c et d, 25 al. 2 let. c et d; Zoug: § 34 al. 1; Soleure: art. 35 al. 1 let. e, 36 al. 1 let. a; Bâle-Campagne: § 31 al. 1 let. b; Appenzell Rhodes-Extérieures: art. 42 ch. 4 et 48 ch. 12; Argovie: § 63 al. 1 let. c; Neuchâtel: art. 39 al. 3; Jura: art. 77 let. d, 78 let. b); il est égal au cinquième de ce montant dans six autres constitutions (Berne: art. 62 al. 1 let. c; Schwytz: § 30 al. 2; Unterwald-le-Bas: art. 51 al. 1 ch. 2; Glaris: art. 69 al. 1 let. d; Appenzell Rhodes-Intérieures: art. 7ter al. 1 et 2; Thurgovie: § 23 al. 1 et 2); il est égal au quart de celui-ci dans la constitution du Tessin (art. 60 al. 2) et au tiers dans celle du Valais (art. 31 al. 1 ch. 3). Dans trois constitutions, on constate que ce rapport n'est pas le même dans les seuils fixés respectivement pour le référendum obligatoire et pour le référendum facultatif (Unterwald-le-Haut: 1/6-1/5, art. 61 ch. 3 et 4; Schaffhouse: 1/10-1/6, art. 42 al. 1 ch. 2, 42ter al. 1; Grisons: 1/10 - env. 1/3, art. 6 ch. 2). La constitution du canton de Lucerne contient une règle d'évaluation des dépenses périodiques analogue à celle contestée en l'espèce, prenant toutefois dix annuités en considération (§ 39bis al. 3).
c) Il n'est pas nécessaire de déterminer si, comme le prétend le Grand Conseil dans sa réponse au recours, la constitution fribourgeoise peut être tenue pour lacunaire en tant qu'elle ne prévoit pas de règle d'évaluation des dépenses périodiques. De toute façon, pour autant que certaines conditions soient respectées, la jurisprudence admet que le législateur adopte des dispositions ayant pour effet de préciser ou même de modifier la réglementation constitutionnelle du référendum financier; il peut par exemple déléguer certaines de ses compétences financières et les soustraire ainsi au référendum (ATF 105 Ia 80 p. 82 consid. 5; arrêt du 5 novembre 1993 dans la cause F., ZBl 95/1994 p. 232 consid. 7).
L'intervention du législateur est ainsi valable, en règle générale, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la constitution du canton, qu'elle reçoive la forme d'un acte lui-même soumis au référendum, qu'elle respecte les principes essentiels du référendum financier et qu'elle n'aboutisse pas à vider cette institution de son contenu (arrêt du 17 mai 1995 dans la cause P., consid. 3d; arrêt du 2 juin 1976 in ZBl 78/1977 p. 214/215).
3. a) L'élaboration de l'art. 28bis Cst./FR a fait l'objet d'un débat parlementaire portant notamment sur l'application du référendum financier aux lois entraînant des dépenses périodiques. Le commissaire du gouvernement a expliqué que jusqu'alors, ces lois n'avaient jamais été considérées comme assujetties au référendum financier - qui existait déjà avant la révision de l'art. 28bis Cst./FR en 1986 - parce qu'elles étaient de toute façon soumises au référendum facultatif législatif. Le Conseil d'Etat se rendait toutefois compte que ces lois étaient en principe elles aussi visées par les dispositions concernant le référendum financier et qu'à leur sujet, il était nécessaire de régler les modalités de ce référendum; il annonçait l'intention de résoudre ce problème dans le cadre de la révision de la loi sur les finances. Les députés n'ont élevé aucune objection (Bulletin officiel des séances du Grand Conseil 1985 p. 1634/1635).
Ce débat montre qu'il n'existait aucune pratique du Grand Conseil propre à révéler de façon concluante, au sujet des dépenses périodiques, le sens des dispositions constitutionnelles cantonales. Il indique aussi que les auteurs de l'art. 28bis Cst./FR, dans sa version actuelle, n'avaient aucune volonté d'exclure ces dépenses du référendum financier et qu'ils n'avaient non plus aucune intention précise et déterminée quant à la manière de les évaluer. Il en ressort enfin qu'une réglementation de niveau légal a été envisagée d'emblée. Par conséquent, on ne saurait retenir que la constitution fribourgeoise interdise une telle réglementation.
b) La disposition attaquée a elle aussi été discutée au Grand Conseil: cette assemblée a été saisie d'une proposition d'amendement tendant à faire prendre en considération dix annuités d'une dépense périodique, plutôt que cinq comme proposé par le Conseil d'Etat. Le rapporteur de la commission parlementaire a combattu cette proposition tout en faisant état des réglementations adoptées par les autres cantons, et en relevant que plusieurs de celles-ci présentaient certes un rapport de un à dix entre les seuils respectivement applicables aux dépenses périodiques ou uniques, mais qu'il existait aussi des systèmes moins favorables aux droits populaires. Au vote, le Grand Conseil a rejeté la proposition d'amendement et adopté le projet du Conseil d'Etat (Bulletin officiel 1994 p. 3528 et ss).
Le parlement a fait là un choix d'opportunité entre deux solutions qui, au regard des institutions d'autres cantons, paraissent également normales et raisonnables; celle qu'il a retenue, bien que plus restrictive pour les droits du peuple, ne porte donc atteinte ni aux principes ni au contenu essentiels du référendum financier. Par ailleurs, la loi sur les finances de l'Etat a été publiée pour être soumise au référendum facultatif, mais la votation populaire n'a pas été demandée, de sorte que la loi a été tacitement approuvée par le peuple. Dans ces conditions, la disposition que le recourant conteste doit être considérée comme conforme à la constitution cantonale.