18. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 15 mai 1996 dans la cause A. contre F. (recours de droit public)
|
Regeste
|
Eröffnung des Urteilsdispositivs. Unwirksamkeit, Nichtigkeit oder Anfechtbarkeit?
|
Sachverhalt
|
Dans le cadre d'un différend en matière de contrat de travail, la Commission cantonale d'arbitrage du canton du Valais (ci-après la Commission) a, en date du 29 août 1995, condamné A., défendeur, à payer un montant brut de 2'709 fr. 20, avec intérêts à 5% dès le 14 février 1995, à F., demanderesse.
|
Par pli recommandé du 8 septembre 1995, la Commission aurait communiqué le dispositif de ce jugement aux parties. Puis, en date du 16 octobre 1995, elle a notifié à celles-ci que le jugement était devenu exécutoire puisqu'aucune d'elles n'avait demandé à en recevoir les considérants.
|
Par lettre du 16 octobre 1995, le défendeur a contesté avoir jamais reçu notification de ce jugement et a sollicité une rectification de la part de la Commission. La demanderesse en a fait de même de son côté. Par courrier du 18 octobre 1995, le défendeur a confirmé que le jugement ne lui était jamais parvenu et a indiqué qu'il avait reçu, sous pli du 8 septembre 1995, une décision concernant sa requête d'expertise. Le 9 novembre 1995, la Commission lui a répondu qu'elle lui avait bien notifié le dispositif du jugement du 29 août 1995 en date du 8 septembre 1995. Le 13 novembre 1995, le défendeur a formulé une demande formelle de notification des considérants du jugement, à laquelle la Commission n'a pas donné suite.
|
A. a formé un pourvoi en nullité au Tribunal cantonal du canton du Valais et, parallèlement, un recours de droit public au Tribunal fédéral, assorti d'une requête d'effet suspensif. Par ordonnance du 23 novembre 1995, le Président de la Ire Cour civile du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif et a suspendu la procédure de recours de droit public jusqu'à droit connu sur le pourvoi en nullité cantonal.
|
Par jugement du 16 novembre 1995, la Ie Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton du Valais a déclaré le pourvoi irrecevable, au motif qu'il n'était pas dirigé contre un jugement définitif d'un juge de district comme l'exige l'art. 285 CPC/VS.
|
Dans son recours de droit public, A. requiert le Tribunal fédéral, principalement, de constater que le jugement du 29 août 1995 n'a pas été notifié valablement et de l'annuler, d'inviter la Commission cantonale d'arbitrage à citer les parties aux débats finals et, subsidiairement, de procéder à une nouvelle notification du jugement. L'intimée demande également au Tribunal fédéral de constater que le jugement n'a pas été notifié et d'inviter la Commission à procéder à une nouvelle notification; elle sollicite sa mise au bénéfice de l'assistance judiciaire. La Commission a déposé des observations; elle propose le rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.
|
Extrait des considérants:
|
|
aa) Selon un principe général, la nullité d'un acte commis en violation de la loi doit résulter ou bien d'une disposition légale expresse, ou bien du sens et du but de la norme en question (ATF 119 II 147 consid. 4a p. 155 et les arrêts cités). En d'autres termes, il n'y a lieu d'admettre la nullité, hormis les cas expressément prévus par la loi, qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (cf. ATF 121 III 156 consid. 1).
|
Ainsi, d'après la jurisprudence, la nullité d'une décision n'est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision; en revanche, de graves vices de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 116 Ia 215 consid. 2c et l'arrêt cité). Conformément à un principe général du droit administratif (cf. art. 38 PA et 107 al. 3 OJ), la notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour les parties. Toutefois, la jurisprudence n'attache pas nécessairement la nullité à l'existence de vices dans la notification; la protection des parties est suffisamment réalisée lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il y a donc lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il s'impose de s'en tenir aux règles de la bonne foi, qui imposent une limite à l'invocation d'un vice de forme (ATF 111 V 149 consid. 4c et les références).
|
bb) Il faut cependant distinguer la notification irrégulière de l'absence totale de notification du jugement. En tant que manifestation de volonté du juge au terme du procès, le jugement doit être déclaré. Il n'existe légalement qu'une fois qu'il a été officiellement communiqué aux parties. Tant qu'il ne l'a pas été, il est inexistant (Nichturteil), il n'est qu'un projet. D'ailleurs, selon la doctrine, le terme du procès n'est pas le jugement arrêté dans le sein du tribunal, mais le jugement communiqué aux parties, soit oralement, soit par notification écrite. Ce n'est qu'à partir de cette communication que, conformément à l'adage latin "lata sententia, judex desinit judex esse", le juge ne peut plus modifier son jugement, qu'il en est dessaisi (GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd., 1979, p. 363; HABSCHEID, Zivilprozess- und Gerichtsorganisationsrecht, 2e éd., 1990, n. 447). Cette conception du jugement rendu et prononcé est conforme à l'art. 270 al. 1 CPC/VS. Elle l'est également à l'art. 270bis al. 1 CPC/VS, qui attache un effet important à la notification du dispositif: celui-ci acquiert force exécutoire si, dans le délai de trente jours, aucune des parties n'a demandé par écrit à recevoir une expédition complète du jugement avec considérants, expédition qui est indispensable pour pouvoir recourir sur le fond.
|
b) En l'espèce, tant le recourant que l'intimée soutiennent que le dispositif du jugement ne leur a jamais été notifié. Selon la jurisprudence, le fardeau de la preuve de la notification et de la date à laquelle celle-ci a été effectuée incombe à l'autorité (ATF 114 III 51 consid. 3c).
|
Il ressort de la pièce 6 produite par le recourant à l'appui de son recours de droit public que la Commission lui a communiqué, le 8 septembre 1995, sa décision du 13 juin 1995, par laquelle elle a refusé l'administration d'une expertise. Sous pièce 107 de son bordereau, l'intimée a produit le même acte. La comparaison avec les pièces 115-116 et 135-135bis du dossier judiciaire permet de constater que l'autorité a notifié à deux reprises sa décision de refus d'expertise, la première fois en date du 28 juin 1995 et la seconde en date du 8 septembre 1995. Comme, en outre, les parties se plaignent toutes deux de ce que le dispositif ne leur a jamais été notifié, il est très vraisemblable qu'une erreur s'est produite lors des notifications du 8 septembre 1995: au lieu de notifier le dispositif du jugement rendu le 29 août 1995, la Commission a communiqué une deuxième fois sa décision de refus d'expertise du 13 juin 1995. Les parties n'ont eu connaissance du dispositif qu'indirectement, par l'acte de confirmation de force exécutoire du 16 octobre 1995. En dépit d'une requête formelle du recourant, une expédition des considérants du jugement ne leur a jamais été notifiée. On ne se trouve donc pas en présence d'une simple communication défectueuse du jugement, c'est-à-dire d'un jugement existant dont l'irrégularité pourrait être invoquée dans un recours. Il y a absence totale de communication officielle du dispositif et, partant, le jugement est inexistant. De toute façon, seule l'inefficacité absolue est de nature à ne pas porter préjudice aux parties. En effet, lorsque l'acte de confirmation de force exécutoire du 16 octobre 1995 leur est parvenu, celles-ci ne pouvaient plus, à ce moment-là, requérir l'expédition complète des considérants du jugement, expédition qui leur était pourtant indispensable pour former un recours sur le fond. La Commission n'a d'ailleurs pas donné suite à la demande formelle formulée dans ce sens par le recourant. En conséquence, le jugement rendu le 29 août 1995 ne vaudra jugement que lorsque la Commission en aura notifié le dispositif conformément à l'art. 270 al. 1 CPC/VS. Il découle de ce qui précède que seul l'acte de procédure du 16 octobre 1995, qui confirme le caractère exécutoire d'un jugement inexistant, doit être annulé.
|