BGE 130 I 226 |
19. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Dobler contre Grand Conseil du canton de Genève (recours de droit public) |
1P.183/2004 du 1er juillet 2004 |
Regeste |
Art. 85 lit. a OG; Art. 57 ATSG; dringliches Gesetz, welches dem kantonalen Sozialversicherungsgericht erlaubt, mit drei Richtern zu urteilen, bis Beisitzer gewählt sind; Dringlichkeitsklausel. |
Sachverhalt |
Le 14 novembre 2002, le Grand Conseil genevois a modifié la loi d'organisation judiciaire (OJ/GE) en lui ajoutant un titre XIV (art. 56T à 56W OJ/GE) consacré au Tribunal cantonal des assurances sociales (ci-après: TCAS). Cette juridiction est destinée à reprendre les compétences exercées jusque-là par le Tribunal administratif et différentes commissions de recours. Selon l'art. 56T OJ/GE, le TCAS est composé de cinq juges, de cinq suppléants et de seize assesseurs, proposés par les associations représentatives des employeurs et des salariés. Selon l'art. 56U al. 1 OJ/GE, le TCAS siège en principe avec un juge et deux assesseurs, représentant chacun l'un des partenaires sociaux. Cette loi a été promulguée le 8 janvier 2003, et sa date d'entrée en vigueur a été fixée au 1er août 2003. Les cinq juges et cinq suppléants au TCAS ont été déclarés élus sans scrutin par arrêté du Conseil d'Etat du 30 avril 2003. Le Grand Conseil a ensuite élu les seize juges assesseurs les 26 et 27 juin 2003. Le TCAS est entré en fonction le 1er août 2003. Par arrêt du 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Tribunal fédéral a annulé l'élection des juges assesseurs; ceux-ci devaient, selon l'art. 132 de la constitution genevoise (Cst./GE), être élus par le peuple et non par le Grand Conseil.
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Le 13 février 2004, le Grand Conseil genevois a adopté une loi urgente modifiant l'OJ/GE, ainsi libellée:
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Article 1
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La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:
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Titre X Disposition transitoire (nouveau)
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Art. 162 (nouveau)
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Modification du 13 février 2004
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En dérogation à l'article 56U, alinéa 1, le Tribunal cantonal des assurances sociales siège au nombre de 3 juges, sans assesseurs, jusqu'à l'entrée en fonction des juges assesseurs élus, conformément à l'article 56T, lettre c (loi 9078 du 14 novembre 2002, entrée en vigueur le 8 janvier 2003); l'instruction des causes peut être conduite par un juge.
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Article 2 Entrée en vigueur
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La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.
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Article 3 Clause d'urgence
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La présente loi est déclarée urgente en vertu des articles 55 et 57 de la constitution et ne peut pas faire l'objet d'un référendum.
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Par arrêté du 16 février 2004, le Conseil d'Etat a fixé au 16 mai 2004 la date de l'élection populaire des seize juges assesseurs au TCAS. Toutefois, par arrêt du 30 mars suivant, le Tribunal administratif genevois a annulé cet arrêté, en constatant notamment d'office la nullité de l'art. 1 let. r OJ/GE (qui prévoit la création du TCAS): l'art. 131 Cst./GE permettait la création de juridictions civiles et pénales, ainsi que du Tribunal administratif, à l'exclusion de toute autre juridiction compétente en matière administrative.
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Par acte du 17 mars 2004, Olivier Dobler a formé un recours de droit public pour violation des droits politiques contre la loi urgente du 13 février 2004. Il demande l'annulation de cette loi, subsidiairement de sa seule clause d'urgence. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
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Extrait des considérants: |
(...)
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Certes, lorsqu'il est prétendu qu'une loi viole la constitution cantonale, il est simultanément fait grief au législateur d'avoir fait l'économie d'une révision constitutionnelle soumise au référendum obligatoire. Le grief n'en concerne toutefois pas moins la conformité de la loi à la constitution cantonale, la norme attaquée n'ayant matériellement pas de rapport direct avec les votations ou élections cantonales. Le moyen relève donc bien plutôt du recours pour violation des droits constitutionnels (art. 84 al. 1 let. a OJ), qui permettrait au citoyen, en cas d'admission de ses griefs, d'obtenir l'annulation de l'acte législatif attaqué. Conformément à l'art. 88 OJ, le recourant devrait être potentiellement touché par la législation litigieuse et devrait se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé à son annulation, conditions qui paraissent faire défaut en l'occurrence. La question de la recevabilité du grief peut cependant demeurer indécise, puisque celui-ci doit de toute façon être écarté sur le fond (consid. 2 ci-dessous).
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1 La loi établit des tribunaux permanents pour juger toutes les causes civiles et pénales; elle en règle le nombre, l'organisation, la juridiction et la compétence.
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2 Un tribunal administratif est institué pour statuer sur les recours de droit administratif dans les cas où la loi le prévoit.
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2.2 Le Grand Conseil propose une interprétation historique et téléologique de l'art. 131 Cst./GE.; le seul but de cette disposition était de doter le canton de Genève de tribunaux permanents. La mention du Tribunal administratif dans un alinéa séparé était destinée à marquer l'indépendance de cette juridiction par rapport aux tribunaux civils et pénaux. Le but n'était pas de créer un tribunal déterminé, la compétence coutumière du Conseil d'Etat ayant été maintenue, de même que les commissions de recours spécialisées; ces dernières devraient également être considérées comme des "tribunaux" au sens des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Les distinctions opérées par le recourant en fonction des différentes compétences du TCAS seraient sans pertinence. Un projet de modification de l'art. 131 Cst./GE serait en cours, dans lequel le TCAS est mentionné à titre d'exemple. Le Grand Conseil relève enfin que la création du Tribunal cantonal des assurances répond aux exigences de l'art. 57 LPGA.
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L'absence de mention du tribunal des assurances dans la constitution cantonale ne saurait par conséquent être une raison suffisante pour remettre en cause, comme le fait le recourant, l'existence même de cette juridiction. Celle-ci est certes chargée de statuer sur des recours dans des matières ne relevant pas de la LPGA, mais il s'agit là d'une question concernant la compétence, et non l'existence du TCAS. Cette dernière trouve son fondement directement dans le droit fédéral.
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Selon l'art. 82 al. 2 LPGA, les cantons doivent adapter leur législation à la loi dans un délai de cinq ans à partir de l'entrée en vigueur de la loi, soit jusqu'au 31 décembre 2007. L'art. 57 LPGA n'a pas de portée contraignante dans cet intervalle, mais il n'en constitue pas moins un fondement suffisant pour la création d'une juridiction unique, même en l'absence de base constitutionnelle cantonale expresse.
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En l'occurrence, le TCAS a été créé par la loi du 14 novembre 2002; celle-ci n'a pas été attaquée au moment de son adoption, et est entrée en vigueur le 1er août 2003. Dans ces conditions, on ne saurait remettre en cause l'existence de cette juridiction sans contrevenir au droit fédéral.
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3.1 Selon l'art. 53 Cst./GE, les lois votées par le Grand Conseil sont soumises à la sanction du peuple lorsque le référendum est demandé par 7000 électeurs au moins dans le cours des 40 jours qui suivent celui de la publication de ces lois. Sous le titre "Clause d'urgence", l'art. 55 Cst./GE dispose que le référendum ne peut pas s'exercer contre les lois ayant un caractère d'urgence exceptionnelle (al. 1). La décision constatant le caractère d'urgence est de la compétence exclusive du Grand Conseil (al. 2).
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3.4 L'argument relatif à la nature constitutionnelle de la loi attaquée doit être rejeté; la loi du 13 février 2004 déroge non pas à la constitution cantonale, mais à la loi cantonale d'organisation judiciaire; s'agissant des griefs d'inconstitutionnalité, il y a lieu de se référer aux considérations qui précèdent (consid. 2).
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Le recourant ne saurait non plus soutenir que la loi attaquée n'est pas apte à remédier à la situation d'urgence. Le TCAS étant déjà valablement constitué, sous réserve de l'élection de ses assesseurs, la solution consistant à rendre des arrêts par trois juges régulièrement élus était la plus rationnelle, et conforme de surcroît au droit fédéral. Le recourant prétend enfin que la situation d'urgence serait destinée à durer indéfiniment, dès lors qu'il n'y aurait pas lieu d'élire des assesseurs pour un tribunal qui "n'existe pas". L'argument se heurte, lui aussi, aux considérations qui précèdent.
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