5. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. contre Y. et Tribunal cantonal du canton de Vaud (recours de droit public)
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4P.134/2004 du 30 novembre 2004
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Regeste
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Anspruch auf rechtmässige Zusammensetzung des Gerichts (Art. 30 Abs. 1 BV und Art. 6 Ziff. 1 EMRK).
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Sachverhalt
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A. L'entreprise familiale Z. SA, dont le siège est à Lausanne, a notamment pour but la construction, la fabrication, l'achat, la vente et l'exploitation de machines de chantiers ferroviaires; son capital-actions de 300'000 fr. est divisé en 210 actions nominatives série A de 1'000 fr. chacune et 900 actions nominatives série B de 100 fr. chacune.
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Le 6 février 1991, A., ancien président du conseil d'administration de la société en cause, est décédé, en laissant pour héritiers légaux son épouse B. et ses quatre enfants soit C., décédée le 10 juin 1994, X. (le défendeur), qui est administrateur de Z. SA, Y. (le demandeur) et leur soeur N.
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Dans le cadre du partage de la succession de feu A., Y. a hérité en juillet 1991 de 14 actions nominatives, catégorie A, de Z. SA.
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Par convention du 15 mars 1994, Y. a vendu à son frère X., qui est titulaire du brevet d'avocat vaudois, les 14 actions précitées pour le prix de 115'800 fr. par action. Il est stipulé que le vendeur a le droit de racheter les 14 actions à l'acheteur au même prix dès le 1er mars 1997. L'art. 6 de l'accord a la teneur suivante:
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"S'il exerce son droit de réméré pour une partie seulement des actions en cause, Y. reçoit d'ores et déjà la garantie que le décompte entre parties concernant les actions rachetées tiendra compte de la valeur fiscale en cours au moment du rachat partiel; en d'autres termes, X. restera alors propriétaire des titres non rachetés en versant à son frère Y. la différence entre la valeur fiscale des actions au jour du rachat partiel et la valeur d'acquisition fixée aux articles 2 et 3 de la présente convention".
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Par pli du 20 novembre 1998 adressé à X., Y. a exercé formellement son droit de réméré sur une action de la société familiale et mis en demeure son frère de lui verser la somme de 1'880'600 fr. jusqu'au 4 décembre 1998, "correspondant à la différence entre la valeur fiscale 1997/1998 des titres, estimés (sic) à 258'400 fr. par action, soit 3'617'600 fr. pour les 14 actions et le prix de cession de 1'621'200 fr. du 15 mars 1994, déduction faite du prix d'une action à 115'800 fr.".
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Le défendeur n'a pas réagi à ce courrier.
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B. Par demande du 26 décembre 1998 déposée devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, Y. a conclu à ce que X. lui doive paiement de 1'996'400 fr. sous déduction de 115'800 fr., soit de 1'880'000 fr. (somme arrondie aux mille francs inférieurs), plus intérêts à 5 % l'an dès le 20 novembre 1998.
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Le défendeur a conclu à libération. Il a soutenu que la valeur fiscale des actions non rachetées par le demandeur était, par titre, de 129'650 fr., et non de 258'400 fr.
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Par jugement du 25 septembre 2002, la Cour civile a condamné le défendeur à payer au demandeur la somme de 1'738'000 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 5 décembre 1998.
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C. Parallèlement à un recours en réforme au Tribunal fédéral, le défendeur a également déposé à l'encontre du jugement précité un recours en nullité devant la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois. Par arrêt du 4 mai 2004, la Chambre des recours a rejeté le recours en nullité dans la mesure de sa recevabilité et confirmé le jugement critiqué.
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X. forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Chambre des recours, dont il requiert l'annulation.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il est recevable.
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Extrait des considérants:
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Erwägung 2
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La jurisprudence admet cependant la recevabilité de moyens de droit nouveaux lorsque l'autorité cantonale de dernière instance disposait d'un pouvoir d'examen libre et devait appliquer le droit d'office (cf. ATF 120 Ia 19 consid. 2b; ATF 119 Ia 88 consid. 1a et les arrêts cités; MARC FORSTER, Staatsrechtliche Beschwerde, Prozessieren vor Bundesgericht, 2 e éd., n. 2.51 p. 84/85). Cette exception vaut pour tous les griefs qui ne se confondent pas avec l'arbitraire, et notamment pour celui tiré de la violation du droit à un procès équitable. Le comportement du recourant ne doit toutefois pas porter atteinte à la règle de la bonne foi (ATF 120 Ia 19 consid. 2c p. 24 ss; ATF 119 Ia 88 consid. 1a).
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In casu, la Chambre des recours était saisie d'un recours en nullité au sens des art. 444 à 448 CPC/VD. Conformément aux art. 465 al. 3 et 470 al. 1 CPC/VD, cette autorité n'examine que les moyens de nullité invoqués séparément par le recourant (JdT 1990 III p. 111; JEAN-FRANÇOIS POUDRET/JACQUES HALDY/DENIS TAPPY, Procédure civile vaudoise, 3e éd., n. 2 ad art. 465 CPC/VD). La cognition de la Chambre des recours était donc limitée.
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Partant, les conditions d'une dérogation à l'exigence de l'épuisement des instances cantonales selon l'art. 86 OJ ne sont pas remplies, de sorte que le moyen est irrecevable.
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2.1.2.1 En vertu de l'art. 30 al. 1 Cst. - qui, de ce point de vue, a la même portée que l'art. 6 par. 1 CEDH -, toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce qu'elle soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Le droit des parties à une composition régulière du tribunal impose des exigences minimales en procédure cantonale (ATF 129 V 335 consid. 1.3.1 et les arrêts cités). Il interdit les tribunaux d'exception et la mise en oeuvre de juges ad hoc ou ad personam et exige dès lors, en vue d'empêcher toute manipulation et afin de garantir l'indépendance nécessaire, une organisation judiciaire et une procédure déterminées par un texte légal (ATF 123 I 51 consid. 2b).
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C'est en premier lieu à la lumière des règles cantonales applicables d'organisation et de procédure qu'il convient d'examiner si une autorité judiciaire ou administrative a statué dans une composition conforme à la loi. Sur ce point, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est limité à l'arbitraire (ATF 127 I 128 consid. 3c). Indépendamment de cela, il examine librement - sans être lié par les griefs soulevés - si l'interprétation et l'application du droit cantonal, reconnues non arbitraires, sont compatibles avec la garantie d'un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial (ATF 129 V 335 consid. 1.3.2; ATF 126 I 73 consid. 3b).
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2.1.2.2 L'art. 124a de la loi vaudoise du 12 décembre 1979 d'organisation judiciaire (OJV) dispose que jusqu'à la révision des dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire régissant les contestations civiles pécuniaires, les présidents de tribunaux d'arrondissement peuvent être appelés à siéger à la cour civile du Tribunal cantonal, en dérogation aux articles 88 et 89 de la présente loi (al. 1); lorsqu'il est fait usage de cette faculté, la cour civile doit dans tous les cas rester composée d'une majorité de juges cantonaux (al. 2).
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On voit ainsi que jusqu'à l'élévation du seuil de la valeur litigieuse pour le recours en réforme au Tribunal fédéral, la loi cantonale permet d'appeler un président de tribunal d'arrondissement à siéger à la Cour civile avec deux autres juges cantonaux.
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Erica Riva, qui est présidente du Tribunal des baux du canton de Vaud, a le même rang qu'un président de tribunal d'arrondissement (art. 3 al. 4 de la loi du 13 décembre 1981 sur le Tribunal des baux).
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Dans la mesure où la composition de la Cour civile dans le présent procès était conforme à l'art. 124a OJV, qui permet à cette autorité de statuer valablement lorsqu'y siègent au moins deux juges cantonaux (i.e. François Jomini et Pierre-Yves Bosshard) accompagnés d'un magistrat ayant rang de président de tribunal d'arrondissement (i.e. Erica Riva), ni l'interprétation ni l'application de cette norme ne sauraient être taxées d'arbitraire.
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Enfin, au point de vue de la garantie d'indépendance et d'impartialité de la Cour civile siégeant dans la composition précitée - point que le Tribunal fédéral peut examiner librement - il n'apparaît pas que les doutes du recourant à ce sujet aient un quelconque fondement. Erica Riva est certes hiérarchiquement subordonnée au Tribunal cantonal, qui nomme les magistrats et fonctionnaires de l'ordre judiciaire et exerce sur eux le pouvoir disciplinaire (art. 8 al. 2 OJV). Toutefois, c'est la Cour plénière du Tribunal cantonal qui nomme les magistrats judiciaires (art. 69 let. d OJV). Partant, Erica Riva n'ayant pas été nommée présidente du tribunal des baux par les seuls juges cantonaux Jomini et Bosshard, mais par le tribunal cantonal in corpore, on ne voit pas que, redevable de sa nomination à l'égard des prénommés, elle ait pu se laisser guider par le souci de ne pas les offusquer en adhérant sans discuter à leurs thèses. On peut encore ajouter que le Président de la Cour Jomini n'a pas agi dans la cause comme juge instructeur - à l'instar d'ailleurs du Juge Bosshard -, de sorte qu'il n'avait pas une connaissance du dossier largement supérieure à Erica Riva, susceptible de maintenir celle-ci en position de faiblesse lors de la délibération.
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