BGE 137 I 200 - Verknüpfte Abstimmungen Neuenburg |
20. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause de Pury et Couchepin contre Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel (recours en matière de droit public) |
1C_108/2011 du 24 mars 2011 |
Regeste |
Verletzung der Abstimmungsfreiheit; Einheit der Materie; Absetzen einer kantonalen Volksabstimmung; Art. 34 Abs. 2 BV. |
Abstimmung, welche ein Gesetz über die Besteuerung von Unternehmen und einen Gegenvorschlag zu einer Volksinitiative für Kindertagesstätten in der Weise miteinander verbindet, dass beide Vorlagen angenommen werden müssen, damit sie in Kraft treten können (E. 3.1). |
Das Abstimmungsverfahren erlaubt den Stimmberechtigten keine freie und unverfälschte Willensäusserung (E. 3.2). |
Mangels eines sachlichen inneren Zusammenhangs zwischen den der Abstimmung unterbreiteten Vorlagen wird der Grundsatz der Einheit der Materie missachtet (E. 4.1). Die Abstimmungsfreiheit wird verletzt, weil die Stimmberechtigten einer Vorlage zustimmen müssen, damit eine andere Vorlage mit einem gänzlich andern Gegenstand angenommen werden kann (E. 4.2). Auch die Koppelung zwischen einem Gegenvorschlag und einer Vorlage ohne sachlichen Zusammenhang mit der Initiative verletzt die Einheit der Materie (E. 4.3). |
Eine Aufteilung der Vorlagen ist nicht möglich; die Volksabstimmung ist abzusetzen (E. 5). |
Sachverhalt |
A. |
A. Le 31 juillet 2007, l'initiative populaire cantonale "Pour un nombre approprié de structures d'accueil de qualité" a été déposée auprès de la Chancellerie d'Etat du canton de Neuchâtel. Elle prévoit notamment que "l'Etat de Neuchâtel garantit à tout enfant résidant sur son territoire une place en structure d'accueil en temps d'ouverture élargi (12h/j) dès sa naissance et jusqu'à la fin de sa scolarité obligatoire". Le Grand Conseil a constaté la recevabilité formelle de cette initiative en décembre 2007.
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Le 1er septembre 2010, le Grand Conseil a adopté la "loi portant modification de la loi cantonale sur les contributions directes (LCdir; imposition des personnes morales)". Cette loi introduit diverses modifications de l'imposition des entreprises, notamment une diminution du taux d'imposition sur le bénéfice, une diminution du taux d'imposition sur le capital des sociétés holding et un allégement de l'impôt sur les dividendes. (...) L'art. 3 de la loi comporte les alinéas suivants:
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5 La promulgation et l'entrée en vigueur de la présente loi sont subordonnées à l'adoption par le Grand Conseil du projet de décret et de la loi qui en fait partie découlant du rapport 10.040 "Loi sur l'accueil des enfants" et, en cas de référendum portant sur la loi uniquement, à son acceptation par le peuple. 6 En cas de refus du décret mentionné à l'alinéa précédent par le Grand Conseil ou, en cas de référendum portant sur la loi uniquement, par le peuple, la présente loi devient caduque de plein droit. |
Un référendum lancé contre la loi portant modification de la LCdir a abouti le 9 décembre 2010.
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Le 28 septembre 2010, le Grand Conseil a adopté un contre-projet à l'initiative populaire "Pour un nombre approprié de structures d'accueil de qualité", sous la forme d'une loi sur l'accueil des enfants (LAE). Par décret du 13 octobre 2010, publié dans la Feuille officielle du 15 octobre 2010, le Conseil d'Etat a soumis au peuple l'initiative et le contre-projet précités. La LAE comprend un art. 51 dont les alinéas 1 et 3 ont la teneur suivante:
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1 La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2011 simultanément à la loi portant modification de la loi sur les contributions directes (LCdir; imposition des personnes morales), adoptée par le Grand Conseil le 1er septembre 2010. (...) 3 En cas de refus par le peuple en votation populaire de la loi du 1er septembre 2010 mentionnée à l'alinéa 1, la présente loi devient caduque de plein droit. |
B. |
B. Par arrêté du 2 février 2011, publié le 4 février suivant dans la Feuille officielle, le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel a convoqué les électeurs pour la votation cantonale du 3 avril 2011. A teneur de cet arrêté, le scrutin porte sur les deux objets suivants:
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1) la loi du 1er septembre 2010 portant modification de la loi cantonale sur les contributions directes (LCdir; imposition des personnes morales); 2) l'initiative législative populaire cantonale "Pour un nombre approprié de structures d'accueil de qualité" et le contre-projet du Grand Conseil sous forme d'une loi sur l'accueil des enfants (LAE). |
Patricia de Pury et Benoît Couchepin - résidant tous deux dans le canton de Neuchâtel - ont contesté cet arrêté de convocation auprès de la Chancellerie d'Etat du canton de Neuchâtel, qui a déclaré la réclamation irrecevable. (...)
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C. |
C. Par acte du 4 mars 2011, Patricia de Pury et Benoît Couchepin forment un recours en matière de droit public, par lequel ils demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté de convocation du 2 février 2011, ainsi que les alinéas 5 et 6 de l'art. 3 de la loi portant modification de la LCdir et les alinéas 1 et 3 de l'art. 51 LAE. (...)
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Entscheid |
Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé l'arrêté convoquant les électeurs pour la votation cantonale du 3 avril 2011.
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(extrait)
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Auszug aus den Erwägungen: |
Erwägung 2 |
Le principe de l'unité de la matière vaut également dans une certaine mesure lorsqu'un contre-projet est opposé à une initiative populaire. Il faut en effet que les deux objets soient en rapport étroit et qu'ils concernent la même matière (ATF 113 Ia 46 consid. 5b p. 55; ATF 100 Ia 53 consid. 6 p. 58 ss et les références; cf. arrêts 1C_22/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.3, in ZBl 112/2011 p. 266; 1C_103/2010 du 26 août 2010 consid. 3.4; Hangartner/Kley, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2000, p. 984 s.; Crispin Hugenschmidt, Einheit der Materie - überholtes Kriterium zum Schutze des Stimmrechts?, 2001, p. 134 ss et les références).
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Erwägung 3 |
3.1 Cette présentation du scrutin en deux parties séparées ressort à la fois de l'arrêté de convocation du 2 février 2011 et de la brochure explicative distribuée aux électeurs, qui classe les questions posées en "objet 1" et "objet 2". Il s'avère cependant que cette distinction est artificielle, dès lors que la loi portant modification de la LCdir ("objet 1") et la LAE (partie de l'"objet 2") sont liées par des clauses prévoyant qu'elles ne peuvent être acceptées qu'ensemble. L'art. 3 al. 5 et 6 de la loi portant modification de la LCdir prévoit en effet que la promulgation et l'entrée en vigueur de la loi sont subordonnées à l'acceptation de la LAE, faute de quoi la loi serait caduque de plein droit. De même, à teneur de l'art. 51 al. 1 et 3 LAE, les deux lois doivent entrer en vigueur simultanément, un refus par le peuple de la loi portant modification de la LCdir entraînant la caducité de la LAE. La brochure explicative insiste sur cet aspect, en titrant: "Deux objets étroitement liés: l'un n'ira pas sans l'autre" et en exposant que "si l'une des lois ici proposées est refusée par le peuple, l'autre ne pourra pas non plus être mise en vigueur, même si elle a été acceptée".
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3.2 Le lien établi entre l'"objet 1" et une partie de l'"objet 2" complique l'expression de la volonté des électeurs, qui doivent encore répondre à une question subsidiaire les appelant à choisir entre l'initiative et le contre-projet au cas où ces deux objets seraient acceptés. Si la majorité optait pour l'initiative, cela entraînerait la caducité non seulement du contre-projet, mais également de la loi portant modification de la LCdir. De même, si la majorité optait pour le contre-projet et que la loi portant modification de la LCdir était refusée, l'initiative et le contre-projet se verraient tous deux rejetés, quand bien même la majorité se serait exprimée en leur faveur. Dans ces deux hypothèses, deux objets approuvés par la majorité des citoyens seraient rejetés par le jeu des liens entre les lois soumises au vote. Le citoyen ne peut donc pas exprimer son vote librement dans toutes les hypothèses et il devient difficile pour lui de prévoir à quel résultat conduira un "oui" glissé dans l'urne ou l'effet de son choix subsidiaire entre l'initiative et le contre-projet.
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A cela s'ajoute le fait que les explications données aux électeurs sont de nature à créer une certaine confusion en ce qui concerne l'initiative populaire. En effet, à la lecture de la brochure explicative, le citoyen pourrait croire à tort qu'il faut accepter la modification de la LCdir pour faire passer l'initiative, en raison notamment du titre selon lequel l'"objet 1" et l'"objet 2" sont étroitement liés et ne peuvent "aller l'un sans l'autre". Or, cette affirmation n'est que partiellement vraie, puisque l'approbation de l'initiative - qui est une partie de l'"objet 2" - est indépendante de l'"objet 1".
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En définitive, il ressort manifestement des cas de figure envisagés ci-dessus que l'expression fidèle et sûre de la volonté des électeurs n'est pas garantie.
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Erwägung 4 |
4.1 La loi portant modification de la LCdir et la LAE sont présentées aux électeurs comme le fruit d'un nouveau "contrat social", visant à améliorer les conditions-cadres offertes par le canton à son économie. On ne discerne toutefois pas de points de convergence entre ces deux lois, adoptées séparément le 1er septembre 2010 et le 28 septembre 2010. La loi portant modification de la LCdir relève uniquement du droit fiscal, à savoir de l'imposition des personnes morales. Elle ne partage manifestement pas les buts de la LAE et elle ne mentionne cette loi que dans la clause formelle prévoyant que toutes deux doivent être acceptées ensemble. Quant à la LAE, elle a été conçue comme un contre-projet à l'initiative "Pour un nombre approprié de structures d'accueil de qualité" et elle tend essentiellement à encourager le développement de l'accueil extrafamilial et à garantir la qualité et l'universalité de celui-ci (art. 1 LAE). Elle ne se réfère à la loi portant modification de la LCdir que dans la clause liant le sort de ces deux lois pour la votation populaire litigieuse. Ainsi, les deux lois soumises ensemble au vote ne sont jointes que par des clauses de nature formelle et elles ne partagent rien d'un point de vue matériel. Cela vaut en particulier pour le financement des mesures d'accueil des enfants: la loi portant modification de la LCdir ne prévoit pas l'affectation d'une partie de l'impôt à cet effet, et la LAE règle le financement par d'autres biais. La LAE prévoit certes une participation des employeurs (art. 14 ss LAE), mais à côté d'autres sources de financement sans rapport direct avec la fiscalité des entreprises, à savoir une participation de l'Etat, des communes et des représentants légaux. En conclusion, aucun rapport intrinsèque entre les deux lois en cause ne peut être dégagé de leur texte, si ce n'est par les dispositions prévoyant qu'elles doivent être adoptées toutes les deux.
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4.2 Les autorités cantonales expliquent que la décision de joindre l'adoption de ces deux lois est le résultat d'une négociation préalable qui a été menée entre partenaires politiques et sociaux. Certes, de telles négociations sont concevables et elles peuvent conduire une force politique à accepter une loi qui ne la convainc pas entièrement, afin d'être soutenue dans un autre dossier. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que l'électeur est dans une position différente: il n'est pas en mesure de négocier pour obtenir un avantage en échange d'un compromis, mais il ne peut qu'accepter ou refuser l'objet qui lui est soumis. Or, si l'acceptation d'une partie de cet objet implique des concessions dans un domaine complètement différent, l'électeur ne peut plus exprimer sa volonté librement.
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Le seul rapport entre la LAE et la loi portant modification de la LCdir semble résider dans la volonté d'améliorer les conditions-cadres de l'économie cantonale, par une fiscalité plus avantageuse pour les entreprises et par une amélioration de l'accueil des enfants. Ce n'est manifestement pas suffisant pour fonder un rapport de connexité étroit entre les lois en question: l'amélioration de l'attractivité du canton est un objectif qui peut être visé par de nombreuses autres lois, touchant les domaines les plus variés.
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En définitive, la relation entre la LAE et la loi portant modification de la LCdir est trop vague pour que l'on puisse admettre qu'elles font partie d'un même projet. Ces lois ne sont pas de même nature et elles ne poursuivent pas le même but, de sorte que leur réunion pour la votation populaire prévue n'apparaît pas objectivement justifiée.
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4.3 Enfin, le procédé consistant à lier les deux lois en cause est également problématique du point de vue de l'initiative et du contre-projet qui lui est opposé. En effet, l'électeur qui veut opter pour le contre-projet à l'initiative doit également approuver la loi portant modification de la LCdir, ce qui a pour conséquence d'étendre le contre-projet à cette autre loi. Or, le principe de l'unité de la matière doit également être pris en considération à cet égard; il faut en tout cas que l'initiative et son contre-projet soient en rapport étroit et qu'ils concernent la même matière (cf. supra consid. 2.2 in fine). Il est dès lors contraire à ce principe de lier au contre-projet proprement dit un objet de nature différente, de telle manière que l'électeur se trouve forcé d'accepter les deux propositions alors qu'il pourrait n'être d'accord qu'avec une seule (cf. arrêt 1C_103/2010 du 26 août 2010 consid. 3.4).
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Erwägung 5 |
5. En conclusion, la manière dont les objets de la votation cantonale du 3 avril 2011 sont présentés ne permet pas une expression fidèle et sûre de la volonté des électeurs et elle porte atteinte à la liberté de vote. Une éventuelle scission des objets litigieux n'est pas possible en l'espèce, dans la mesure où le lien entre les différents objets est inscrit dans les lois elles-mêmes. Il serait au demeurant contraire à la volonté du législateur de soumettre ces lois au vote séparément, sans lui donner l'occasion de revenir le cas échéant sur les compromis qui l'avaient conduit à lier ces lois. Quant à l'initiative, elle ne saurait être soumise au vote seule dès lors que le Grand Conseil a décidé de lui opposer un contre-projet, conformément à l'art. 110 al. 2 let. b de la loi cantonale sur les droits politiques (LDP/NE; RSN 141). Le seul moyen permettant d'assurer le respect des droits politiques garantis par l'art. 34 Cst. est donc l'annulation de l'arrêté de convocation des électeurs.
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