28. Arrêt de la Ire Cour civile du 10 juillet 1954 dans la cause Eglise nationale protestante de Genève contre Riedel.
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Regeste
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Berufung.
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Sachverhalt
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A.- Robert Riedel a été, durant quelques années, pasteur de la paroisse suisse-allemande de Genève, qui fait partie de l'Eglise nationale protestante de Genève, association de droit privé selon les art. 60 et suiv. CC. Il semble avoir été révoqué par la suite.
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B.- En octobre 1953, il a actionné l'Eglise nationale protestante devant le Tribunal de prud'hommes de Genève, en concluant à ce qu'elle soit condamnée à lui payer un montant de 50 000 fr. pour renvoi abrupt.
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La défenderesse a excipé de l'incompétence du Tribunal de prud'hommes, disant qu'elle n'avait jamais été liée à Riedel par un contrat de travail.
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Statuant en dernière instance cantonale, la Cour mixte de prud'hommes a, le 5 mars 1954, déclaré les Tribunaux de prud'hommes compétents pour connaître du litige.
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C.- Contre cet arrêt, l'Eglise nationale protestante de Genève recourt en réforme au Tribunal fédéral.
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Considérant en droit:
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Aux termes de l'art. 49 OJ, le recours en réforme est recevable contre les décisions préjudicielles ou incidentes prises séparément du fond par les juridictions cantonales statuant en dernière instance, pour violation des prescriptions de droit fédéral au sujet de la compétence à raison de la matière ou du lieu.
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L'Eglise nationale protestante estime que ces conditions sont remplies en l'occurrence. Selon l'art. 1er de la loi genevoise sur les Conseils de prud'hommes, dit-elle, la compétence de ces juridictions dépend de l'existence d'un contrat de travail entre les parties; or il s'agit là d'une question de droit fédéral, sur laquelle les juridictions cantonales ont dû se prononcer préjudiciellement avant de statuer sur leur compétence; le recours est donc recevable, le Tribunal fédéral ayant jugé que l'application du droit fédéral, ne serait-ce que dans les motifs d'un jugement portant sur des points de droit cantonal, est sujette à la censure de la juridiction de réforme (RO 76 II 250).
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La recourante donne cependant une portée trop générale à cette jurisprudence. Celle-ci n'est valable, en réalité, que si le droit fédéral, applicable préjudiciellement, influe impérativement sur le droit cantonal, si, en d'autres termes, le législateur cantonal a l'obligation, sur le point considéré, de tenir compte de la loi fédérale. C'est dans ce cas seulement que le contrôle de la juridiction de réforme est nécessaire, puisqu'il est destiné à garantir les résultats que le législateur suisse a voulu atteindre (cf. arrêts de la Cour de cassation pénale du 12 août 1943, dans la cause Procureur général de la Confédération c. Maderni, et du 16 août 1944, dans la cause Procureur général du canton de Berne c. Wyss). Ces conditions étaient remplies dans l'espèce invoquée par la recourante; il s'agissait en effet de savoir si un for du séquestre, relevant du droit cantonal, n'était pas contraire à un traité international conclu par la Confédération et pouvait subsister devant celui-ci. Mais la situation est différente en l'occurrence. Les cantons peuvent régler comme ils l'entendent la compétence matérielle de leurs tribunaux. Du point de vue du droit fédéral, il importe peu que le législateur genevois ait utilisé comme critère la notion du contrat de travail; la loi fédérale ne l'y obligeait pas. Il était libre de renvoyer expressément devant les Tribunaux de prud'hommes les litiges tels que la présente espèce. Dès lors, en admettant la compétence de cette juridiction, la Cour mixte n'a pu violer la loi suisse, même si elle a mal résolu la question de droit fédéral sur laquelle elle devait statuer préjudiciellement. Le recours en réforme est donc irrecevable.
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Toutefois, si un nouveau recours est formé contre le jugement au fond qui sera rendu par les Tribunaux de prud'hommes, le Tribunal fédéral devra alors se prononcer sur la nature des rapports juridiques noués entre les parties. Au cas où il les qualifierait autrement que la Cour mixte et renverrait l'affaire aux autorités cantonales, il appartiendrait à ces dernières de décider si la cause doit être confiée, pour être jugée à nouveau, à une autre juridiction que les Tribunaux de prud'hommes.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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Le recours est irrecevable.
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