BGE 81 II 50 |
7. Arrêt de la Ire Cour civile du 15 février 1955 dans la cause Kraus contre Wyler. |
Regeste |
Irrtum. |
Schadenersatz wegen Nichterfüllung des Vertrags durch den Ver käufer, Art. 191 OR. |
Gegenseitiges Verhältnis der verschiedenen Bestimmungen des Art. 191 OR (Erw. 2). |
Voraussetzungen für die Anwendbarkeit von Abs. 2 (Erw. 3) und Abs. 3 (Erw. 4). |
Schadensberechnung gemäss Art. 191 Abs. 1 und Art. 97 ff. OR; Anwendbarkeit von Art. 42 Abs. 2 OR auch auf den Beweis für das Vorhandensein eines Schadens (Erw. 5). |
Sachverhalt |
A.- En novembre 1950, le commerçant Herbert Kraus se rendit chez Max Wyler, marchand de tissus en gros, qui lui présenta du velours de laine, lui en offrit 200 pièces au prix de 12 fr. par mètre et lui remit un échantillon. Quelques jours plus tard, Kraus acheta à Wyler, par téléphone, 180 pièces du tissu en question.
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A fin décembre 1950, l'employé du vendeur soumit à Kraus une première pièce de la marchandise qui lui était destinée. L'acheteur fit remarquer qu'elle n'était pas conforme à l'échantillon. Il s'ensuivit un échange de correspondance, au cours duquel Wyler prétendit que c'était bien cette étoffe qui avait été offerte et achetée en novembre 1950; il ajoutait qu'il avait délivré par erreur un échantillon d'un tissu plus cher. Kraus contesta cette version et, après avoir imparti en vain au vendeur un délai pour livrer 180 pièces d'étoffe conforme à l'échantillon, il déclara renoncer à l'exécution du contrat et réclama des dommagesintérêts.
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B.- Le 21 septembre 1951, Kraus a actionné Wyler devant le Tribunal cantonal vaudois. Il exposait en substance que l'inexécution du contrat lui avait causé un dommage; qu'il avait dû acheter à Dumontex SA, pour 18 fr. par mètre, 8500 m d'étoffe de velours correspondant à celle qu'il avait acquise chez Wyler; qu'il avait subi ainsi un préjudice de 6 fr. par mètre, c'est-à-dire de 51 000 fr. au total. Comme il devait 9306 fr. au défendeur, il concluait à ce que celui-ci fût condamné à lui payer 41 694 fr.
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Wyler a proposé le rejet de l'action principale et pris des conclusions reconventionnelles en paiement de 9306 fr. Il maintenait qu'il avait remis par erreur à Kraus un échantillon différent de la marchandise offerte. En outre. il niait que le demandeur eût subi un dommage.
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Par jugement du 21 octobre 1954, le Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'action principale et admis les conclusions prises reconventionnellement par Wyler. Il a considéré que celui-ci n'avait point commis d'erreur lors de la remise de l'échantillon et de la conclusion du contrat; mais, a-t-il ajouté, l'acheteur n'a pas prouvé l'existence d'un dommage, de sorte que sa demande n'est pas fondée,
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C.- Kraus recourt en réforme au Tribunal fédéral en reprenant les conclusions qu'il a formulées dans l'instance cantonale.
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L'intimé propose le rejet du recours.
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Considérant en droit: |
On doit donc admettre que le contrat obligeait l'intimé, que celui-ci ne l'a pas exécuté et que le recourant a droit à la réparation du préjudice qu'il a subi de ce fait.
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2. D'après l'art. 191 CO, l'acheteur qui n'a pas obtenu la livraison de la chose peut calculer son dommage selon les règles générales des art. 99 et suiv. CO (al. 1). En matière de commerce, il lui est loisible de prétendre à la différence entre le prix de vente et le prix auquel il a contracté un achat de couverture (al. 2). Enfin, si la vente porte sur des marchandises cotées à la bourse ou ayant un prix courant, il peut réclamer, à titre de dommagesintérêts, la différence entre le prix convenu et le cours du jour au terme fixé pour la livraison (al. 3). En vertu du droit fédéral, l'acheteur qui a choisi entre ces modes de calcul n'est nullement obligé de se tenir à celui pour lequel il a opté; il peut, même au cours du procès, recourir à d'autres modes à titre subsidiaire ou abandonner celui qu'il a d'abord choisi, pour se fonder sur une méthode différente. Il faut toutefois que, ce faisant, il observe les règles de la procédure et, en particulier, qu'il articule les faits et offre les preuves dans les formes et délais prescrits par le droit cantonal (RO 42 II 373).
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La thèse du Tribunal cantonal vaudois trouve un appui dans la version française de l'art. 191 al. 2 CO, aux termes de laquelle "l'acheteur peut se faire indemniser du dommage représenté par la différence entre le prix de vente et le prix qu'il a payé de bonne foi pour remplacer la chose qui ne lui a pas été livrée". Mais d'après les textes allemand et italien, on doit prendre en considération le prix pour lequel l'acheteur a acquis de bonne foi une autre chose ("... dem Preise, um den er sich einen Ersatz ... in guten Treuen erworben hat";... il prezzo al quale ha acquistato di buona fede un'altra cosa ..."). Selon ces textes, il suffit donc que l'acheteur ait contracté de bonne foi un marché de couverture. C'est à cette version qu'il faut donner la préférence. En effet, l'acheteur subit un dommage dès qu'il convient avec un tiers de lui payer un prix supérieur à celui qui avait été promis au vendeur primitif. Car cette obligation grève son patrimoine comme si le nouveau prix était effectivement payé. On peut donc recourir à la méthode de calcul de l'art. 191 al. 2 dès qu'un contrat de couverture a été passé de bonne foi, c'est-à-dire lie l'acheteur et ne fixe pas un prix anormalement élevé. C'est du reste la solution du droit allemand (Kommentar der Reichsgerichtsräte zum HGB, Anhang zu § 374, rem. 71), dont le législateur suisse s'est inspiré pour introduire l'art. 191 CO lors de la revision de 1912 (cf. procès-verbal de la séance du 14 octobre 1908 de la Commission d'experts, p. 5). En ce qui concerne le fardeau de la preuve, l'acheteur doit établir l'existence d'un contrat de couverture. Si le vendeur nie que cette convention ait été passée de bonne foi, il lui incombe de le prouver (art. 3 CC). Mais, comme il s'agit de la preuve de l'inexistence d'un fait, la partie adverse peut être appelée à coopérer à la recherche de la vérité (RO 66 II 147); à cet égard, l'exécution du contrat de couverture peut constituer un indice du caractère sérieux de cette convention.
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Dans le cas particulier, en faisant dépendre l'application de l'art. 191 al. 2 CO de l'exécution du contrat passé avec Dumontex SA, la juridiction cantonale a mal appliqué le droit fédéral. Le jugement attaqué doit donc être annulé. Comme le Tribunal fédéral ne peut trancher la question lui-même, faute d'éléments de fait suffisants, la cause doit être renvoyée aux premiers juges, qui statueront à nouveau en s'inspirant des principes qui viennent d'être rappelés.
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Cette argumentation est fondée sur une interprétation trop littérale de l'art. 191 al. 3 CO, notamment de son texte français. D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette disposition est applicable même s'il n'est pas établi que des contrats portant sur des articles semblables à la marchandise litigieuse aient effectivement été conclus à l'époque où celle-ci eût dû être fournie; du moment que le calcul abstrait du dommage n'est qu'un mode simplifié de déterminer la perte de gain, il suffit, en cas de demeure du vendeur, que la marchandise soit vendable; dans ce cas, l'acheteur peut réclamer, à titre de dommages-intérêts, la différence entre le prix convenu et celui auquel il aurait pu revendre la chose au terme fixé pour la livraison; s'agissant d'un contrat conclu entre commerçants, on doit présumer que la marchandise litigieuse était susceptible de revente et la preuve est à la charge de celui qui nie cette possibilité (RO 49 II 84, 78 II 432).
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Si le Tribunal cantonal estime que les conditions exigées par l'art. 191 al. 2 CO ne sont pas remplies, il devra alors se conformer aux règles rappelées ci-dessus pour juger si Kraus peut se voir allouer une indemnité fixée selon la méthode abstraite.
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Si la juridiction vaudoise n'applique ni l'al. 2 ni l'al. 3 de l'art. 191 CO, elle devra donc, à condition que la procédure cantonale le lui permette, décider encore si des dommages-intérêts doivent être alloués à Kraus en vertu des art. 97 et suiv., 191 al. 1 et 42 al. 2 CO.
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