27. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 6 mai 1955 dans la cause Brochut et consort contre Assurance Mutuelle Vaudoise.
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Regeste
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Kollektive Unfallversicherung.
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Sachverhalt
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La société Bauer et Lovet a passé avec l'Assurance Mutuelle Vaudoise (ci-après: l'A.M.V.) un contrat d'assurance collective contre les accidents qui pourraient arriver à son personnel. Le contrat prévoit des indemnités forfaitaires en cas de mort et d'invalidité permanente. Les conditions générales contiennent entre autres les dispositions suivantes:
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"Art. 21. - Lorsqu'une personne assurée, âgée de 65 ans au moment de l'accident, est atteinte d'une invalidité dans le sens des articles précédents, l'indemnité sera payée sous forme de rente viagère de 10% de la somme assurée..."
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" Art. 22. - En cas de décès immédiat ou dans le délai d'une année dès le jour de l'accident et si la mort en est la suite directe, l'A.M.V. paie:
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a) la somme totale assurée, lorsque la victime laisse soit un conjoint, soit un ou plusieurs enfants mineurs...
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Les indemnités éventuellement versées pour invalidité permanente sont déduites de l'indemnité décès... si la mort est la suite du même accident."
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Alfred Brochut, employé de Bauer et Lovet, fut victime d'accidents les 31 décembre 1950 et 29 juillet 1951. Il fut incapable de travailler du 30 juillet au 9 septembre 1951, puis à partir du 17 septembre 1951. L'A.M.V. le fit examiner par différents médecins, notamment par le Dr Monnier. Celui-ci, dans son rapport du 1er janvier 1952, expliqua en particulier que l'incapacité de travail du patient paraissait totale et que cet état avait été provoqué essentiellement par les accidents subis. Brochut décéda le 4 février 1953, des suites de ses accidents.
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Ses héritiers, savoir sa veuve, Julia Brochut, et sa fille, Hélène Chapuis, actionnèrent l'A.M.V. en paiement de l'indemnité prévue en cas d'invalidité permanente. La défenderesse conclut au rejet de la demande.
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Extrait des motifs:
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Il est exact que l'assurance de l'invalidité est destinée essentiellement à compenser la perte de gain que subit la personne assurée. Mais ce n'en est pas moins une assurance de personnes. Peu importe dès lors l'importance effective du dommage. La somme convenue est due aussitôt que la personne assurée subit une invalidité permanente par suite d'un sinistre couvert par le contrat. Dès ce moment, le droit à l'indemnité d'invalidité fait partie du patrimoine de l'assuré (cf. ROELLI/JAEGER, Kommentar zum VVG, ad art. 87/88 rem. 33 à 35; KOENIG, Schweiz. Privatversicherungsrecht, p. 397/8). Or un tel droit n'est pas strictement personnel (cf. art. 73 al. 1 LCA; ROELLI/JAEGER, loc.cit.). Lors donc que la personne assurée décède après que ce droit est né, il passe aux héritiers comme toute autre prétention de nature patrimoniale. La défenderesse invoque à tort la jurisprudence relative au calcul des dommages-intérêts en matière de responsabilité civile (cf. notamment RO 77 II 152 et 314 no 59). Dans ce cas, le montant de l'indemnité dépend du dommage effectif et, pour calculer celui-ci aussi exactement que possible, on doit tenir compte des événements qui se sont produits jusqu'au jugement. En matière d'assurance-invalidité, en revanche, la somme assurée est fixée d'avance et elle est due indépendamment de tous les faits qui ont pu survenir après la naissance du droit.
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Dans le cas particulier, le droit à une indemnité n'est pas seulement né, mais il était même exigible avant le décès de Brochut. Aux termes de l'art. 88 al. 1 LCA, en effet, l'indemnité d'invalidité doit être payée dès que les conséquences probablement permanentes de l'accident ont été définitivement constatées. Il suffit donc que l'assuré établisse, en général par un certificat médical, qu'il est atteint d'une invalidité vraisemblablement définitive; une sûreté absolue n'est pas nécessaire. Or il ressort en l'espèce des rapports établis en 1952 par les médecins traitants, notamment par le Dr Monnier, que l'assuré était incapable de travailler et que cette invalidité était probablement permanente. Brochut aurait donc pu prétendre, dès cette époque, au paiement de l'indemnité convenue. A son décès, ce droit a passé à ses héritiers, sauf dispositions contraires du contrat d'assurance.
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b) La défenderesse voit de telles dispositions dans les art. 21 et 22 des conditions générales. L'art. 21 montre, dit-elle, que l'assuré peut seul être le bénéficiaire de l'indemnité d'invalidité. Elle relève d'autre part qu'en vertu de l'art. 22, cette indemnité et l'indemnité en cas de décès s'excluent l'une l'autre et que la dernière est due seulement si l'assuré meurt au plus tard une année après l'accident; or, ajoute-t-elle, cette limitation n'aurait plus de sens si, une fois le délai d'un an écoulé, les héritiers pouvaient encore prétendre à l'indemnité d'invalidité en cas de décès de la personne assurée.
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De cette argumentation, l'A.M.V. ne conclut pas - et avec raison - que l'indemnité d'invalidité doive lui être restituée si la personne assurée décède peu après le paiement. Elle prétend seulement que, même si le droit à l'indemnité est né en faveur de la personne assurée, il s'éteint dès lors que celle-ci meurt avant le versement de la somme convenue, du moins si le décès survient plus d'une année après l'accident. Mais, si l'on admettait cette conclusion, l'A.M.V. aurait avantage à différer autant que possible le paiement de l'indemnité et elle bénéficierait du retard avec lequel elle s'acquitterait de ses obligations. Or la personne qui a contracté l'assurance ne pouvait comprendre, à la lecture des conditions générales, que les art. 21 et 22 entraînassent des effets aussi inéquitables. A tout le moins, il faut admettre que, sur ce point, les conditions du contrat sont peu claires et doivent être interprétées contre la partie qui les a rédigées, c'est-à-dire contre l'A.M.V. (RO 48 II 246 consid. 3, 50 II 543 consid. 4). Dès lors, les dames Brochut et Chapuis ont droit à l'indemnité d'invalidité convenue.
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