BGE 81 II 554 |
84. Arrêt de la Ire Cour civile du 20 décembre 1955 dans la cause Borle contre Assurance Mutuelle Vaudoise et Union Suisse, Compagnie d'assurance. |
Regeste |
Betrieb eines Motorfahrzeugs, Art. 37 MF G. |
2. Verliert ein Motorfahrzeug während der Fahrt einen Bestandteil und verursacht dieser einen Unfall, so haftet der Halter mindestens dann nach Art. 37 MFG für den Schaden, wenn der Unfall sich kurz nach dem Verlust ereignet hat (Erw. 2). |
Sachverhalt |
A.- La responsabilité civile de Roger Facchinetti, entrepreneur de travaux publics, est couverte par deux compagnies d'assurances. L'Assurance Mutuelle Vaudoise le garantit contre "les réparations civiles auxquelles il est tenu en cas de mort d'homme, de lésions corporelles ou de dégâts matériels causés par l'emploi" de ses véhicules. En outre, l'Union Suisse l'assure contre "les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber en vertu de la législation fédérale"; sont toutefois exclues de l'assurance "les réclamations qui seraient soulevées pour dommages survenus pendant l'usage de motocyclettes, véhicules automobiles ou aériens...".
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Facchinetti possède notamment une remorque lourde (truck) destinée au transport des pelles mécaniques. Ce véhicule est muni à l'arrière de deux rampes basculantes fixées à la plate-forme par des griffes. Rabattues sur le sol, elles forment un plan incliné qui permet le chargement de la pelle mécanique. En marche, elles sont maintenues en position verticale par deux chaînes.
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B.- Le soir du 29 avril 1954, Paul Blumier, chauffeur de l'entreprise Facchinetti, rentrait de l'Auberson à Travers au volant d'un camion qui remorquait le truck. Vers 20 h., alors qu'il faisait déjà nuit, la chaîne qui maintenait l'une des rampes se rompit et celle-ci s'abattit sur le sol. Sous l'effet des secousses, elle se détacha de la remorque et resta sur la route.
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Quelques minutes plus tard survint Marcel Borle, qui circulait à motocyclette. Il ne vit pas la rampe, buta contre elle, tomba et fut gravement blessé.
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C.- Borle a assigné les deux assureurs de Facchinetti devant le Tribunal cantonal neuchâtelois et leur a demandé réparation du dommage et du tort moral qu'il avait subis. Pour actionner directement l'Union Suisse, il se fondait sur une cession que Facchinetti lui avait consentie et, à l'égard de l'Assurance Mutuelle Vaudoise, il invoquait les art. 37 et 49 al. 1 LA.
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Comme les deux défenderesses ne pouvaient être tenues qu'alternativement des suites de l'accident, le Tribunal cantonal s'est prononcé préalablement sur la question de la responsabilité de l'Assurance Mutuelle Vaudoise et il l'a niée par jugement du 4 juillet 1955.
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D.- Contre ce prononcé, le demandeur recourt en réforme au Tribunal fédéral, en prenant les conclusions suivantes:
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"Dire et prononcer que la Mutuelle Vaudoise accidents est tenue d'intervenir dans le cas d'accident survenu à Marcel Borle le 30 (recte: le 29) avril 1954.
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Renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour statuer sur la conclusion au fond tendant à la condamnation de la Mutuelle Vaudoise, alternativement avec l'Union suisse accidents, au paiement à Marcel Borle de Fr. 100 000.-- avec intérêts à 5% dès le 4 janvier 1955."
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L'Union Suisse conclut à ce que le recours soit admis. En revanche, l'Assurance Mutuelle Vaudoise en propose le rejet. Elle conteste que le dommage ait été provoqué par l'emploi, au sens de l'art. 37 LA, d'un véhicule à moteur de Facchinetti.
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Considérant en droit |
2. La circulation du véhicule à moteur crée des dangers spéciaux qui proviennent essentiellement de son auto-propulsion rapide et des phénomènes qui en résultent: difficulté de s'arrêter et d'éviter des obstacles, défaut de stabilité, bruit, trépidation, etc. Ce sont ces risques propres au véhicule à moteur qui ont conduit le législateur à instituer pour le détenteur une responsabilité plus sévère que celle qu'il encourait en vertu du droit commun. Aussi l'art. 37 LA est-il en tout cas applicable, d'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, lorsque l'accident, considéré dans son ensemble, est dû au danger créé par le fonctionnement des organes proprement mécaniques d'un tel véhicule (RO 72 II 220, consid. 2; cf. également RO 78 II 163). Il n'est du reste pas nécessaire, pour qu'un risque soit spécifique, qu'il ne puisse provenir que d'un véhicule à moteur; il suffit que le danger provoqué par cette machine soit plus grand que celui qu'entraîne la circulation d'un véhicule à traction humaine ou animale.
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En l'espèce, la juridiction cantonale a nié que l'accident eût réalisé un risque spécifique engendré par l'utilisation d'un véhicule à moteur. Cette opinion est erronée. Sans doute se peut-il qu'une voiture hippomobile perde une pièce quelconque ou une partie de sa charge sans que le conducteur s'en aperçoive. Mais ce danger est sensiblement plus grand pour un véhicule à moteur. Sa vitesse et les trépidations qu'elle provoque augmentent en effet le risque qu'une pièce du véhicule se détache ou que le chargement se disloque et qu'une partie tombe sur la route. De plus, le bruit du véhicule, celui du moteur en particulier, empêche généralement le conducteur de se rendre compte immédiatement de la perte. Il s'agit là, dès lors, d'un risque spécifique des véhicules à moteur.
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Pour que l'art. 37 LA soit applicable, il faut en outre qu'il y ait un rapport de causalité adéquate entre ce danger et le dommage. Cette condition est remplie. Il est évident, en effet, que la présence sur la route d'un corps relativement volumineux est dangereuse, surtout la nuit, et qu'elle est propre, d'après le cours ordinaire des choses, à provoquer des accidents tels que celui du recourant.
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Ainsi, les conditions requises par l'art. 37 LA sont réunies, de sorte que l'Assurance Mutuelle Vaudoise répond en principe du dommage subi par Borle et peut être actionnée directement par celui-ci (art. 49 al. 1 LA).
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On peut se demander si le rapport de causalité adéquate ne serait pas interrompu au cas où l'accident aurait eu lieu longtemps après la perte de la rampe basculante, à un moment, par exemple, où, selon le cours normal des choses, cet obstacle aurait dû être écarté de la route (par un cantonnier ou par le conducteur du véhicule, une fois qu'il se serait aperçu de la perte). Mais il n'est pas nécessaire de résoudre cette question en l'espèce, puisque c'est quelques minutes après le passage du train routier que Borle a buté contre la rampe qui gisait sur la chaussée.
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