BGE 84 II 281
 
39. Arrêt de la IIe Cour civile du 27 mars 1958 dans la cause Unlon de banques suisses contre Société Rue de Lausanne 51 SA
 
Regeste
Inhaberpapiere. Art. 978 und 979 OR.
2. In diesem Falle sind die dem Schuldner persönlich gegen den jeweiligen Gläubiger zustehenden Einreden, die er nach Art. 979 Abs. 1 OR der Forderung aus dem Inhaberpapier entgegensetzen kann, diejenigen, die ihm gegen den auf Grund des Inkassomandates handelnden Inhaber zustehen.
 
Sachverhalt
A.- La société immobilière Rue de Lausanne 51 SA, à Fribourg, a été inscrite au registre du commerce le 29 juin 1932. Selon l'art. 17 de ses statuts, elle était engagée par la signature individuelle de ses administrateurs, qui étaient alors Albert Calame, Joseph Pizzera et Paul Baillod, avocat et notaire à Neuchâtel. Le 4 août 1932, elle a fait l'acquisition du bâtiment Rue de Lausanne 51, à Fribourg, art. 3856 du registre foncier de la commune de Fribourg. Lors de l'assemblée générale du 8 novembre 1946, la totalité du capital-actions, comprenant 50 actions nominatives de 1000 fr., était en main du "Placement immobilier de Neuchâtel", société coopérative représentée par Paul Baillod et Bernard de Chambrier. Cette société cherchait alors à réaliser ses actifs en vue de dissolution.
Le 10 mars 1947, Guillaume de Weck, qui exploitait un bureau d'affaires à Fribourg, a conclu avec Edouard Romanens, alors laitier à Chavannes-sur-Romont, la convention suivante:
"1. 'agence immobilière Guillaume de Weck vend à Monsieur Edouard Romanens le capital-actions de la Société immobilière rue de Lausanne 51 dont le capital est de fr. 50 000.--, divisé en 50 actions de fr. 1000.-- chacune, entièrement libérées, pour le prix de fr. 320 000.-- (trois cent vingt mille francs).
2. Ce capital-actions au nominal de fr. 50 000.-- a comme actif l'immeuble sis rue de Lausanne 51, à Fribourg, selon extrait de cadastre annexé à la présente convention.
3. Le passif de la Société immobilière rue de Lausanne 51 est représenté par l'hypothèque en premier rang de fr. 140 000.-- auprès de la Caisse nationale suisse d'assurances en cas d'accidents à Lucerne.
4. Monsieur Edouard Romanens paie le capital-actions de la Société immobilière rue de Lausanne 51 de la manière suivante:
a) reprise de l'hypothèque en 1er rang auprès de la Caisse
nationale suisse d'assurances en cas d'accidents à
Lucerne fr. 140 000.--
b) Versements en espèces, avec intérêt au
4 1/2 % jusqu'au 25 avril 1947 " 120 000.--
c) Solde avance provisoire de l'agence im-
mobilière G. de Weck jusqu'au 30 sep-
tembre 1947 " 60 000.--
fr. 320 000.--
5. L'entrée en jouissance est fixée au 25 avril 1947. Les produits et charges seront repris par Monsieur Edouard Romanens au prorata à la même date.
6. L'agence immobilière Guillaume de Weck déclare que la Société immobilière rue de Lausanne 51 ne possède pas d'autres dettes que celles inscrites au registre foncier et s'en porte garante.
7. Sitôt le paiement des actions réalisé, Monsieur Guillaume de Weck remettra à Monsieur Edouard Romanens les actions formant le capital social de la société immobilière rue de Lausanne 51.
8. Monsieur Edouard Romanens donne par les présentes décharge au vendeur l'Agence immobilière Guillaume de Weck, de toutes autres prestations apportées à l'immeuble rue de Lausanne 51 à Fribourg, lequel est vendu par cette convention de vente d'actions, dans l'état où il se trouve ce jour.
9. L'avance momentanée de fr. 60 000.-- est productive d'un intérêt au taux de 4 1/2 % à partir de l'entrée en jouissance.
Ainsi fait à Fribourg, le 10 mars 1947.
(signé) Guillaume de Weck Edouard Romanens."
Lors de la conclusion de cette convention, Weck n'était pas propriétaire des actions qu'il vendait à Romanens. C'est le 24 novembre 1947 seulement que le Placement immobilier de Neuchâtel céda et transféra à Weck la totalité des actions de la S.I. Rue de Lausanne 51 SA, pour le prix de 300 000 fr., payable le 20 décembre 1947 au plus tard. Le Placement immobilier s'engagea alors à tenir une assemblée générale qui nommerait comme administrateurs, à la place de Georges Vaucher et Joseph Pizzera, Weck et son fondé de pouvoir Louis Muller.
Le 24 novembre 1947 également, Me Baillod signa et remit à Weck la pièce suivante:
"P r o c u r a t i o n
Je soussigné Paul Baillod, agissant en ma qualité d'administrateur avec signature individuelle de la société Rue de Lausanne 51 s.a. à Fribourg, donne procuration à Monsieur Guillaume de Weck, Agence immobilière à Fribourg, pour et au nom de la société Rue de Lausanne 51 s.a. prendre une hypothèque au porteur de fr. 100 000.-- (cent mille francs) sur l'immeuble propriété de la dite société.
Neuchâtel, le vingt-quatre novembre mil neuf cent quarantesept.
(signé) Baillod."
Agissant en vertu de cette procuration, Weck fit établir, le 4 décembre 1947, six obligations hypothécaires au porteur d'une valeur totale de 100 000 fr., savoir quatre titres de 20 000 fr. et deux de 10 000 fr. Deux obligations de 20 000 fr. et une de 10 000 fr. furent constituées en deuxième rang, après la dette existante, à parité de rang entre elles; les autres le furent en troisième rang, également à parité de rang. La société ne toucha jamais la somme correspondante.
Le 23 janvier 1948, Paul Baillod démissionna comme administrateur de la S.I. Rue de Lausanne 51 SA; il décéda le 4 décembre 1950; l'extinction de ses pouvoirs ne fut toutefois inscrite au registre du commerce qu'en 1953. En revanche, les démissions de Vaucher et Pizzera et les nominations de Weck, comme président de l'administration, et de Muller, en qualité de secrétaire, furent inscrites au registre du commerce le 9 février 1948.
En exécution de la convention du 10 mars 1947, Romanens paya à Weck, en plusieurs versements, entre le 11 mars et le 21 juin 1947, la somme totale de 156 000 fr.
Weck est décédé subitement le 31 décembre 1952. Sa succession fut répudiée et la faillite ouverte le 25 mars 1953.
Au début de décembre 1951, l'Union de banques suisses, à Lausanne (ci-après: UBS) était entrée en possession des six obligations hypothécaires au porteur de 100 000 fr. au total qui lui avaient été remises en dépôt. Le 25 février 1953, elle somma la S.I. Rue de Lausanne 51 SA de payer l'intérêt semestriel échu le 31 décembre 1952, savoir 2500 fr. Pour ce montant, elle lui fit notifier, le 11 mai 1953, une poursuite en réalisation de gage no 1784. Les intérêts dus au 31 juin 1953, par 2500 fr., firent à leur tour l'objet d'une poursuite no 5930 signifiée le 8 juillet 1953. Les oppositions faites à ces poursuites ayant été levées provisoirement, la S.I. Rue de Lausanne 51 SA a introduit une action en libération de dette contre l'UBS en concluant à ce qu'il fût prononcé:
"1o) que la société demanderesse ne lui doit pas (c'est-à-dire à la défenderesse) l'intérêt de fr. 2500.--, objet de la poursuite no 1784 de l'Office des poursuites de la Sarine, ni non plus les intérêts du capital mis en poursuite sous no 1784, ni les frais de la poursuite précitée, ni non plus les frais et dépens de la procédure de mainlevée y relative (décision du juge de mainlevée du 13 juin 1953);
2o) que la société demanderesse ne lui doit pas l'intérêt de fr. 2500.--, objet de la poursuite no 5930 de l'Office des poursuites de la Sarine, ni non plus les intérêts du capital mis en poursuite sous no 5930, ni les frais de la poursuite précitée, ni non plus les frais et dépens de la procédure de mainlevée y relative (décision du juge de mainlevée du 8 août 1953);
3o) que la société demanderesse ne lui doit pas le capital, ni les intérêts des six obligations hypothécaires au porteur créées le 4 décembre 1947 et représentant ensemble un montant nominal de fr. 100 000.-- (cent mille francs), garanti par hypothèque sur l'immeuble désigné au registre foncier de la commune de Fribourg, par l'article 3856."
L'UBS a conclu à libération.
Par jugement du 28 mars 1956, le Tribunal civil de la Sarine a admis les conclusions de la demanderesse, considérant que l'UBS n'était pas titulaire des droits incorporés dans les obligations hypothécaires qu'elle détenait seulement comme gérante.
B.- Saisie d'un recours formé par l'UBS, la Cour d'appel de l'Etat de Fribourg, par arrêt du 3 juin 1957, a confirmé ce jugement et prononcé:
"L'action de la société immobilière Rue de Lausanne 51 s.a. est admise, en ce sens que dite société ne doit à l'Union de Banques suisses ni les intérêts faisant l'objet des poursuites nos 1784 et 5930 de l'Office des poursuites de Fribourg, ni les intérêts échus ultérieurement, ni le capital des six obligations hypothécaires au porteur du 4 décembre 1947, d'un total de fr. 100 000.--, grevant l'immeuble désigné par l'article 3856 du registre foncier de la commune de Fribourg."
La Cour d'appel fribourgeoise a considéré en particulier ce qui suit:
Lors de son interpellation, le sous-directeur de l'UBS, Georges Strohm, a déclaré que la banque n'était que dépositaire des six obligations hypothécaires, qu'elle en avait seulement la gérance et que les titres ne figuraient pas à son bilan. S'agissant d'un dépôt libre ou ouvert, la banque n'a pas le pouvoir d'agir en justice. Selon l'art. 479 al. 2 CO, le dépositaire, en cas de saisie ou de revendication, doit immédiatement avertir le déposant; ses obligations s'arrêtent là. Il est d'autre part de jurisprudence (RO 57 III 131 et 160, 42 III 385, 78 III 8) que le mandataire ne peut intervenir dans une faillite pour une créance sans nommer son mandant. Si la possession de titres au porteur fait présumer que le détenteur en est le propriétaire, cette présomption n'est pas irréfragable. Le débiteur peut la renverser en établissant que le possesseur n'est pas le créancier. Or, c'est ce qui a été fait en l'espèce par l'aveu du représentant de l'UBS.
C.- L'UBS a recouru en réforme au Tribunal fédéral, en reprenant ses conclusions libératoires.
L'intimée conclut au rejet du recours.
 
Considérant en droit:
Se fondant sur les déclarations du sous-directeur Strohm, qui avait exposé, lors de son interpellation devant le juge de première instance, que l'UBS n'était pas propriétaire des obligations au porteur se trouvant en sa possession, qu'elle les avait seulement en dépôt et était chargée de leur gérance, la Cour cantonale a jugé que la recourante ne pouvait pas faire valoir les droits constatés par ces titres. Elle a considéré d'une part que, d'après l'art. 479 al. 2 CO et l'arrêt RO 63 II 242, les pouvoirs du dépositaire n'allaient pas aussi loin et d'autre part que, selon la jurisprudence (RO 57 III 131 et 160, 42 III 385 et 78 III 8), celui qui exerce des droits tirés de papiers-valeurs au porteur dans une procédure d'exécution forcée doit faire connaître le nom du véritable créancier.
Cette argumentation ne saurait toutefois être admise.
a) Il n'est pas contesté dans l'espèce que les obligations hypothécaires constituées à la charge de l'intimée sont des papiers-valeurs au porteur: dans chacun des six titres, la débitrice a en effet "reconnu devoir légitimement au porteur de la présente obligation" la somme qui s'y trouve indiquée, et déclaré créer, pour le montant correspondant, une hypothèque sur son immeuble en garantie du paiement du capital, des intérêts et de tous accessoires légaux. Il s'agit ainsi de titres au porteur incorporant des droits de créances, lesquels sont garantis par des hypothèques (RO 49 II 19, 77 II 360). Or, il ressort de l'art. 978 al. 1 CO, selon lequel "est titre au porteur tout papier-valeur dont le texte ou la forme constate que chaque porteur en sera reconnu comme l'ayant droit", que tout porteur d'un tel titre - "der jeweilige Inhaber", dit le texte allemand de la disposition - doit être considéré comme ayant le pouvoir d'exercer les droits qui y sont incorporés; le débiteur n'a pas à rechercher si le porteur est l'ayant droit.
Qu'en est-il toutefois lorsque le porteur déclare luimême, ainsi que c'est le cas dans l'espèce, qu'il n'est pas propriétaire du titre mais que, tout en faisant valoir en son nom les droits qui en découlent, il agit pour le compte du propriétaire? Tout créancier peut donner mandat à un tiers de le représenter pour réclamer au débiteur l'exécution de ses obligations. Lorsqu'il s'agit d'un papier-valeur au porteur, celui qui en est propriétaire et qui est titulaire des droits en dérivant peut charger le représentant de les exercer en son nom et pour le compte du représenté et, à cet effet, lui transférer la possession du titre qui lui permettra de se légitimer envers le débiteur. En tant qu'il est porteur du titre, le représentant doit être tenu pour l'ayant droit; le fait qu'il détient le titre et qu'il le produit suffit à justifier son droit d'exiger le paiement en son nom, même s'il agit pour le compte du représenté et qu'il le déclare. En vertu de la clause "au porteur", le pouvoir d'exercer les droits incorporés dans le papier-valeur est établi par la simple présentation de celui-ci: sauf les cas où il a des motifs fondés de suspicion, le débiteur est tenu de s'exécuter envers le porteur; pour les papiers-valeurs au porteur, il n'y a pas de distinction à faire entre la justification de la qualité de créancier, des pouvoirs de représentation et de l'identité de l'ayant droit avec le porteur (cf. JÄGGI, notes 222 et 315 à l'art. 965, 130 et 133 à l'art. 966). Dès lors, tout porteur qui exerce en son nom les droits qu'incorpore le titre, qu'il soit propriétaire ou qu'il agisse comme représentant de ce dernier, peut poursuivre le recouvrement de la créance, si besoin est par une action en justice, et le débiteur n'a ni le devoir ni le droit d'exiger qu'il se légitime de plus ample façon que par la présentation du titre, sous réserve des cas où il existe des motifs fondés de suspicion. Admettre le contraire reviendrait à vider de son contenu la notion même du papiervaleur au porteur.
b) Dans l'espèce, il est constant que l'UBS est porteur des titres dont elle déduit les droits qu'elle exerce contre l'intimée, qu'elle a reçu les obligations hypothécaires en dépôt et qu'elle était chargée de leur gérance. La société débitrice n'a, d'autre part, à aucun moment contesté que la recourante avait mandat de faire valoir en son nom les droits découlant des titres. Elle prétend en revanche, avec la Cour cantonale, que seul le propriétaire d'un titre au porteur est créancier des droits qui y sont incorporés et que, dès l'instant où l'UBS reconnaît n'avoir pas la propriété des obligations litigieuses, elle n'a pas la qualité pour exercer en son nom les droits qui en dérivent. L'intimée et la juridiction cantonale perdent cependant de vue que le droit du porteur sur le titre et la qualité pour faire valoir les droits qui y sont constatés peuvent résulter non seulement de la propriété mais aussi notamment de pouvoirs conférés au porteur, par un mandat d'encaissement, de réclamer l'exécution en son nom. Cela découle de la nature même du papier-valeur au porteur et est admis par la doctrine (BEELER, Die Wertpapiere im schweizerischen Recht, p. 158; COSACK/MITTEIS, Lehrbuch des bürgerlichen Rechts, II, 1re partie, 7e et 8e éditions, 1924, p. 452; Das bürgerliche Gesetzbuch, Kommentar, herausgegeben von Reichsgerichtsräten und Bundesrichtern, II, 10e édition, 1953, note 4 au § 793, p. 621; STAUDINGERS Kommentar zum BGB, 10e édition, 1943, note 10 no 1 litt. c au § 793, p. 2395; PALANDT, Bürgerliches Gesetzbuch, 17e édition, 1958, note 3 au § 793, p. 641; ENNECCERUS/LEHMANN, Lehrbuch des bürgerlichen Rechts, II, Recht der Schuldverhältnisse, 13e édition, 1950, p. 801, no II/1). Le fait que le porteur déclare agir en vertu d'un mandat de faire valoir en son nom les droits qu'incorpore le papiervaleur, conféré par le propriétaire, et qu'il reconnaît objectivement ne pas en avoir la propriété ne change rien à ses pouvoirs et à la justification de sa qualité découlant de la possession et de la présentation du titre. Si l'on admettait le contraire, on favoriserait en définitive les manoeuvres visant à cacher la véritable situation du porteur: il suffirait en effet à celui-ci de ne pas révéler le rapport de représentation et d'exiger purement et simplement du débiteur l'exécution de ses obligations sur la base de la production du titre au porteur, sans fournir de plus amples explications.
c) La juridiction cantonale s'est livrée à une analyse des droits et des obligations découlant en général du contrat de dépôt dit ouvert ou libre, combiné avec la gestion de titres, conclu entre une banque et son client. Les modalités de la convention passée par le propriétaire des obligations litigieuses avec l'UBS n'ayant pas été précisées par la procédure, la Cour d'appel a jugé que, d'après les principes généraux régissant les relations entre le déposant et le dépositaire chargé de la gérance de titres, la recourante n'avait pas qualité pour exercer en son nom les droits compétant à son client. A cet égard également, l'argumentation de l'arrêt attaqué est erronée. Comme la recourante, qui est porteur de titres, affirme agir en vertu de pouvoirs lui conférant le droit de réclamer en son nom l'exécution des obligations assumées par la débitrice et que celle-ci ne conteste pas ses pouvoirs, mais se borne à prétendre que seul le propriétaire peut exiger les prestations auxquelles elle s'est engagée, il n'y a pas lieu de rechercher comment l'UBS et son client avaient aménagé leurs rapports. Il suffit de constater que les pouvoirs de la banque ne sont en soi pas contestés, ce qui a pour conséquence qu'elle doit être considérée comme ayant qualité pour exercer les droits découlant des titres dont elle est porteur.
d) A l'appui de sa décision, la Cour cantonale invoque les arrêts publiés au RO 57 III 131 et 160, selon lesquels celui qui veut faire valoir une prétention dans une procédure d'exécution forcée doit révéler son nom et son domicile, même s'il la fonde sur un titre au porteur, et qu'il ne peut garder l'anonymat en se bornant à faire agir un représentant à sa place. Elle cite également l'arrêt RO 42 III 385 où il a été jugé que, par l'effet de la production et de la collocation dans la faillite, la créance résultant d'un titre au porteur est fixée sur la personne du créancier colloqué et que, si celui-ci cède ensuite son titre à un tiers, l'acquéreur ne peut exercer aucun droit contre la masse. Elle se réfère enfin à l'arrêt RO 78 III 8 qui prononce que, lorsque des biens sont saisis en main d'un tiers, ce dernier ne peut se retrancher derrière le secret professionnel pour refuser de révéler le nom du propriétaire, car cette indication est indispensable pour l'introduction de la procédure de revendication.
En l'espèce, on ne saurait cependant tirer argument de cette jurisprudence. Dans les cas qui ont fait l'objet des arrêts publiés au RO 57 III 131 et 160, le représentant ne prétendait nullement être l'ayant droit et ne faisait pas valoir en son nom les droits découlant du titre au porteur; il se bornait à intervenir au nom et pour le compte du créancier, dont il refusait de révéler l'identité, en sorte que l'ayant droit demeurait inconnu et qu'il était ainsi impossible aux intéressés de lui intenter un procès s'ils entendaient contester sa prétention. De même, dans l'affaire tranchée par l'arrêt RO 78 III 8, l'avocat D. n'alléguait pas être titulaire de droits quelconques sur les actions saisies en ses mains, mais soutenait simplement qu'il les détenait pour le compte d'un tiers dont il n'était pas autorisé à indiquer le nom; là encore, l'absence de cette indication empêchait les créanciers saisissants de se déterminer sur la revendication et les mettait dans l'impossibilité de faire reconnaître en justice le droit d'obtenir la réalisation des titres saisis, leur action ne pouvant évidemment être introduite contre le représentant d'un mandant non désigné. Dans l'espèce, la situation est complètement différente. L'UBS agit en son nom, bien que pour le compte de son client; comme elle est porteur des titres et qu'elle est au bénéfice d'un mandat non contesté d'exercer en son nom les droits qui y sont incorporés, elle est l'ayant droit et poursuit en cette qualité l'exécution des obligations assumées par la débitrice. L'ayant droit des obligations litigieuses n'est nullement inconnu: c'est la recourante qui agit comme tel et c'est contre elle que peuvent et doivent être dirigées les procédures visant à contester les droits qu'elle fait valoir en son nom.
Quant à l'arrêt RO 42 III 385, il ne fournit également aucun appui à l'opinion de la Cour cantonale. Etant l'ayant droit, l'UBS eût été, en cas de faillite, colloquée en cette qualité et les droits qu'elle exerce en son nom auraient été fixés sur elle.
e) De par l'art. 979 al. 1 CO, le débiteur peut opposer à l'action dérivant d'un titre au porteur les exceptions qu'il a personnellement contre le créancier. La juridiction cantonale estime qu'il est impossible au débiteur de faire valoir ces exceptions si le mandataire du créancier lui cache le nom de ce dernier. Elle perd cependant de vue que, dans l'espèce, l'ayant droit est l'UBS et que ce sont les exceptions qui existent contre celle-ci que la débitrice pourrait opposer aux prétentions déduites des titres litigieux. Celui qui émet un titre au porteur accepte par là même de ne pouvoir faire valoir que les exceptions qu'il possède personnellement contre le porteur qui justifie de sa qualité de créancier. Or, comme on l'a vu, cette qualité peut résulter non seulement de la propriété du titre, mais aussi notamment de pouvoirs conférés au porteur de réclamer en son nom l'exécution, dérivant d'un mandat d'encaissement donné dans ce sens par le propriétaire. Si tel est le cas, le débiteur ne peut soulever que les exceptions qu'il a personnellement contre le porteur agissant en son nom, quand bien même celui-ci serait un représentant du propriétaire. Inversement, le propriétaire d'un titre au porteur, qui donne un mandat d'encaissement en vertu duquel le représentant doit exercer en son nom les droits incorporés dans le papier-valeur, ne peut empêcher le débiteur de faire valoir les exceptions qu'il a personnellement contre le mandataire. En conférant au représentant le pouvoir d'agir en son nom et, partant, la qualité d'ayant droit envers le débiteur, le propriétaire du titre au porteur assume le risque de voir opposer à la prétention exercée de cette façon les exceptions que le débiteur a personnellement contre celui qui apparaît comme créancier.
Il n'y a pas lieu d'examiner si l'intimée aurait pu invoquer le moyen prévu à l'art. 979 al. 2 CO, car elle n'a allégué aucun fait à cet égard.
f) De ces considérants, il suit que la recourante est, à l'égard du débiteur, l'ayant droit des obligations dont elle est porteur et dont elle déduit les prétentions qu'elle exerce en son nom, et que la demande doit être rejetée, l'intimée n'ayant pas justifié de sa libération.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la demande est rejetée.