BGE 84 II 369
 
49. Arrêt de la Ire Cour civile du 17 juin 1958 dans la cause Bruno et Colette Allemann contre Schwarz.
 
Regeste
Nichtiger Liegenschaftskauf. Rückerstattungspflicht.
2. Rechtsmissbräuchliche Geltendmachung der Vertragsnichtigkeit? Massgebende Gesichtspunkte. Einfluss der Vertragserfüllung. Begriff der Erfüllung (Erw. 2).
3. Die Rückerstattungspflicht des unrechtmässigen Besitzers richtet sich nach ZGB Art. 938/40, nicht nach OR Art. 62 ff. Rechte und Pflichten des gutgläubigen bzw. des bösgläubigen Besitzers. Voraussetzungen des bösen Glaubens. Festsetzung des durch den bösgläubigen Besitzer geschuldeten Ersatzes (Erw. 4).
 
Sachverhalt
A.- Par contrat du 28 décembre 1954, Henri-Louis Schwarz a vendu à dame Colette Allemann, épouse de Bruno Allemann, l'immeuble qui est l'objet de l'article 1328 du cadastre de Saint-Aubin (Neuchâtel). Les parties mentionnèrent dans l'acte le prix de 150 000 fr.
Dame Allemann constitua une cédule hypothécaire de 130 000 fr. grevant l'immeuble en premier rang; elle la remit en nantissement à Schwarz pour garantir un prêt du même montant qu'il accordait aux époux Allemann. Les parties convinrent que les emprunteurs s'acquitteraient d'une annuité de 5%, payable en deux versements, et que le capital serait exigible intégralement si une demi-annuité n'était pas réglée dans les trois mois dès l'échéance.
Le montant de 130 000 fr. prêté par Schwarz fut imputé sur le prix de vente. Dame Allemann versa encore 35 000 fr. en espèces. Le règlement du prix fut l'objet du décompte suivant, envoyé à Schwarz par le notaire le jour de la passation de l'acte:
"Vente de votre immeuble à St-Aubin
Montant du prix de vente Fr. 165 000.--
V/prêt aux époux Allemann Fr. 130 000.--
N/commission (2%) " 3 300.--
Solde en votre faveur (en 1
chèque BCN) " 31 700.--
Fr. 165 000.-- Fr. 165 000.--"
Le 28 décembre 1954, Schwarz a également vendu aux époux Allemann, par acte sous seing privé, un mobilier de salon et de salle à manger, dit "mobilier spécial", pour le prix de 7920 fr.
Par demande du 16 septembre 1955, le vendeur a actionné les époux Allemann, devant le Tribunal cantonal neuchâtelois, en paiement de ce dernier montant. Les défendeurs ont conclu au rejet de l'action.
En outre, il les a poursuivis pour obtenir le paiement de 3575 fr., première demi-annuité due selon l'acte de nantissement. Il leur a, enfin, fait signifier un commandement de payer pour 131 787 fr.50, représentant le capital prêté et les intérêts du 30 juin au 30 septembre 1955. Les oppositions formées par les époux Allemann contre ces poursuites ayant été levées, ils ont intenté deux actions en libération de dette devant le Tribunal cantonal neuchâtelois.
Dans les trois procès, les époux Allemann alléguaient que le prix de l'immeuble était réellement de 150 000 fr.; que les 15 000 fr. payés en plus concernaient des meubles que Schwarz leur avait vendus en vertu d'une convention orale; qu'il les avait cependant emportés, n'en laissant que pour 2100 fr.; qu'il devait donc 12 900 fr. aux acheteurs et qu'il fallait compenser ce montant, jusqu'à due concurrence, avec les sommes de 7920 fr. et de 3575 fr. réclamées par Schwarz; que la première demi-annuité ayant ainsi été payée par compensation, le capital du prêt n'était pas exigible.
Schwarz a contesté cette argumentation. Il niait d'avoir passé avec les époux Allemann un contrat oral portant sur des meubles et soutenait que le prix de l'immeuble avait été fixé en réalité à 165 000 fr.
Le Tribunal cantonal neuchâtelois a joint les trois causes et a, par jugement du 5 novembre 1956, rejeté la demande de Schwarz et admis les actions en libération de dette intentées par les époux Allemann. Il a considéré en bref ce qui suit:
Si les allégations des époux Allemann sont exactes, ils ont payé par compensation les montants de 7920 et 3575 fr. réclamés par Schwarz et le capital prêté n'est pas exigible; dès lors, ses prétentions ne sont point fondées. En revanche, si c'est la thèse de Schwarz qui est admise, le juge doit considérer d'office que la vente immobilière stipulée est nulle pour cause de simulation et que la vente réellement voulue l'est également pour inobservation de la forme authentique; les autres conventions, n'étant que les accessoires de la vente immobilière, sont pareillement nulles; par conséquent, l'action de Schwarz repose sur un contrat nul et doit être rejetée; quant aux actions en libération de dette, elles sont fondées, puisque les créances que Schwarz fait valoir procèdent, elles aussi, d'une convention nulle.
B.- Par mémoire du 13 novembre 1956, Schwarz a actionné derechef les époux Allemann devant le Tribunal cantonal neuchâtelois, en prenant les conclusions suivantes:
"1. Déclarer nul:
a) l'acte de vente immobilier du 28 décembre 1954 transférant de Henri-Louis Schwarz à Colette Allemann l'article 1328 du cadastre de St-Aubin.
b) l'acte de vente de mobilier du 28 décembre 1954 portant transfert de meubles d'une valeur de fr. 7290.--.
c) la cédule hypothécaire enregistrée le 6 janvier 1955 de fr. 130 000.-- grevant en premier rang l'article 1328 du cadastre de St-Aubin.
d) l'acte de nantissement du 28 décembre 1954, portant reconnaissance de dette de fr. 130 000.-- par les époux Allemann à Henri-Louis Schwarz, et nantissement d'une cédule hypothécaire.
2. Ordonner l'inscription du jugement au Registre foncier de Boudry, la modification de l'intitulé de l'article 1328 du cadastre de St-Aubin, la radiation de la cédule de fr. 130 000 grevant en premier rang l'article 1328 du cadastre de St-Aubin, et de la mention du nantissement de ladite cédule.
3. Ordonner aux époux Allemann d'avoir à restituer le mobilier objet de la vente du 28 décembre 1954 et dire qu'à défaut de restitution dans les 10 jours suivant le jugement, les époux Allemann devront solidairement à Henri-Louis Schwarz fr. 7290.--, intérêts réservés.
4. Condamner les époux Allemann à payer solidairement une indemnité de fr. 1000.-- par mois, dès le 1er janvier 1954 jusqu'à la fin du mois qui suivra leur départ de l'immeuble (article 1328 du cadastre de St-Aubin).
5. Réserver à Henri-Louis Schwarz le droit de réclamer des dommages-intérêts si l'immeuble, article 1328 du cadastre de St-Aubin, ne lui est pas restitué dans l'état où il fut remis le 28 décembre 1954."
Les défendeurs ont conclu au rejet de l'action.
Le 3 février 1958, le Tribunal cantonal neuchâtelois a prononcé le jugement suivant:
"1) Constate la nullité des actes ci-après, du 28 décembre 1954:
a) vente immobilière portant sur l'art. 1328 du cadastre de St-Aubin, entre Henri-Louis Schwarz et Dame Colette Allemann;
b) vente portant sur un mobilier au prix de fr. 7290.--, entre Henri-Louis Schwarz et les époux Allemann;
c) cédule hypothécaire de fr. 130 000.-- souscrite par les époux Allemann et grevant l'art. 1328 du cadastre de St-Aubin;
d) prêt de fr. 130 000.-- et nantissement de la cédule hypothécaire susmentionnée, entre Henri-Louis Schwarz et les époux Allemann.
2) Ordonne l'inscription du présent jugement au registre foncier de Boudry, à savoir le remplacement de Dame Allemann par Henri-Louis Schwarz comme propriétaire de l'art. 1328 du cadastre de St-Aubin et la radiation de la cédule hypothécaire de fr. 130 000.-- grevant ledit article.
3) Ordonne aux époux Allemann de restituer à Henri-Louis Schwarz le mobilier dit "mobilier spécial" et condamne les défendeurs, à défaut de restitution dans les 20 jours dès le moment où le présent jugement sera devenu définitif, à payer solidairement fr. 7920.-- au demandeur, intérêts réservés.
4 Condamne Dame Allemann à payer à Henri-Louis Schwarz, pro rata temporis, dès le 1er janvier 1955 et jusqu'à la restitution de l'immeuble, fr. 8000.-- par année.
5) Donne acte à Henri-Louis Schwarz qu'il s'est réservé le droit de réclamer des dommages-intérêts si l'immeuble litigieux ne lui est pas restitué dans l'état où il se trouvait le 28 décembre 1954.
6) Dit que les dispositions sous chiffres 2 et 3 ci-dessus ne seront exécutoires que moyennant restitution par Henri-Louis Schwarz à Dame Allemann de fr. 35 000.--; dit qu'Henri-Louis Schwarz pourra toutefois déduire de cette somme, par compensation, ses créances contre Dame Allemann selon le présent jugement."
C.- Les époux Allemann défèrent la cause au Tribunal fédéral par un recours en réforme. Ils concluent, à titre principal, au rejet de l'action. Subsidiairement, ils demandent au Tribunal fédéral de dire que dame Allemann ne doit pas à l'intimé une indemnité de 8000 fr. par année dès le 1er janvier 1955 et jusqu'à la restitution de l'immeuble. Schwarz propose le rejet du recours.
 
Considérant en droit:
1. La juridiction cantonale a déclaré, dans son second jugement, qu'il n'avait pas été question, entre les parties, d'une vente de meubles pour 15 000 fr. et qu'elles avaient "voulu un prix de vente de 165 000 fr. en stipulant dans l'acte authentique un prix de 150 000 fr.". Il s'agit là de constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral. Certes, selon la lettre du jugement, la constatation relative au prix de l'immeuble vise la volonté des parties et non la manifestation de leur volonté, seule décisive au regard de l'art. 1er CO. Il ressort cependant de l'ensemble de la décision cantonale que les parties ont manifesté réciproquement leur volonté concordante de traiter à 165 000 fr., tout en n'indiquant que 150 000 fr. dans l'acte authentique.
Le Tribunal cantonal en a déduit que l'acte notarié était simulé et nul et que la vente réellement conclue au prix de 165 000 fr. était également nulle pour vice de forme.
Aux termes de l'art. 216 al. 1 CO, les ventes d'immeubles ne sont valables que si elles sont faites par acte authentique. Cette forme doit revêtir toutes les stipulations essentielles du contrat, notamment l'indication du prix que l'acheteur s'oblige à payer. Il s'ensuit qu'un acte de vente immobilière dans lequel est inscrit un prix inférieur à celui qui a été réellement convenu ne satisfait pas aux exigences de l'art. 216 CO et est, partant, dépourvu de validité (RO 51 II 573, 53 II 164, 68 II 233, 75 II 148, 78 II 224).
Le Tribunal fédéral a jugé cependant qu'il n'y avait pas simulation lorsque les contractants étaient convenus verbalement d'un certain prix, qu'un acompte avait été payé et que l'acte authentique indiquait seulement le montant restant dû (RO 49 II 469, 50 II 146, 52 II 61). Il n'est pas nécessaire en l'espèce d'examiner si cette jurisprudence doit être maintenue. En effet, le jugement attaqué ne constate pas que la somme de 15 000 fr. ait été versée par anticipation. Il ressort au contraire du décompte du 28 décembre 1954 que la part du prix payable en espèces a été réglée par le notaire à Schwarz, le jour de la signature de l'acte, par la remise d'un chèque tiré sur la Banque cantonale neuchâteloise. Ainsi, les 15 000 fr. ont été délivrés au notaire pour être versés au vendeur après la passation de l'acte. On ne peut donc soutenir que la somme de 150 000 fr. ait représenté le montant encore dû au moment de la conclusion du contrat. Il n'en serait du reste pas autrement si l'on voulait considérer le dépôt des 15 000 fr. en main du notaire comme le paiement d'un acompte. Car cette somme a été remise au notaire en même temps que les 20 000 fr. qui devaient également être réglés comptant. Dès lors, si les parties considéraient que ce dépôt constituait le versement d'un acompte et si elles n'entendaient indiquer dans l'acte que le solde dû, c'est le prix de 130 000 fr. et non de 150 000 fr. qu'elles auraient dû mentionner.
Ainsi, le contrat de vente immobilière du 28 décembre 1954 est simulé et, partant, nul. Quant au contrat réellement conclu par les parties pour le prix de 165 000 fr., il est également nul, faute d'avoir été revêtu de la forme authentique.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le juge doit examiner si l'on est en présence d'un abus de droit d'après sa libre appréciation et en tenant compte des circonstances de l'espèce. Il ne saurait être lié par des règles rigides (RO 72 II 44, 78 II 227).
En l'espèce, il peut, à première vue, paraître choquant que Schwarz, qui avait agi judiciairement en exécution des contrats, ait prétendu qu'ils étaient nuls dès qu'il eut perdu son procès. Mais il faut prendre en considération qu'il s'est trouvé en quelque sorte acculé à cette solution par la résistance déloyale que les époux Allemann avaient opposée à ses prétentions. Il ressort en effet du jugement attaqué que la seconde vente mobilière alléguée par eux n'a jamais été conclue, qu'ils ont ainsi soutenu, dans le premier procès, une thèse qui ne reposait sur aucun élément sérieux et n'était pas compatible avec les règles de la bonne foi. S'ils avaient payé le prix convenu pour le mobilier et les annuités arrêtées dans l'acte de prêt et de nantissement, l'intimé n'aurait introduit contre eux ni procès ni poursuites et il eût, selon toute vraisemblance, été satisfait de l'exécution des contrats. Mais, après le jugement du 5 novembre 1956, la voie de l'action en exécution lui était fermée et on ne pouvait exiger de lui qu'il reconnût une dette de 12 900 fr. qui n'existait pas en réalité. Il est normal, dans ces conditions, qu'il fasse prononcer la nullité des conventions, les époux Allemann l'ayant empêché, par une opposition abusive, d'en obtenir l'exécution.
b) Les recourants allèguent cependant, en se fondant sur l'arrêt Kathriner c. Furrer (RO 78 II 221), que Schwarz n'a pas d'intérêt légitime à faire constater la nullité des conventions; en effet, disent-ils, le contrat de vente immobilière, seul entaché de nullité, a été exécuté par les deux contractants: l'immeuble a été transféré au nom de dame Allemann, et le prix convenu a été payé partie en espèces, partie par le moyen du prêt, qui constitue novation.
Il est exact que, parmi les circonstances dont on doit tenir compte pour juger si un contractant commet un abus de droit en invoquant la nullité d'une convention, il faut attribuer une importance particulière au fait que les deux parties ont volontairement exécuté le contrat nul (RO 72 II 43 et les arrêts cités, RO 78 II 227). Mais la notion de l'exécution doit, dans ce cas, être comprise dans son sens le plus large; elle s'étend aux obligations qui peuvent avoir été assumées par les parties en novation d'une dette résultant du contrat entaché d'un vice de forme. Il faut en effet que les parties aient établi volontairement la situation patrimoniale correspondant à leur volonté réelle (RO 78 II 227). Cette condition ne serait remplie, en l'espèce, que si les époux Allemann avaient payé les annuités qu'ils devaient en vertu du contrat de prêt. Or, loin de le faire, ils ont refusé de se conformer à la convention réellement conclue et ils ont éludé leurs obligations en se fondant sur des allégations sciemment inexactes.
Ils ne sauraient donc invoquer le moyen pris de l'abus de droit manifeste pour échapper aux effets de la nullité du contrat de vente immobilière.
Il en est de même de la cédule hypothécaire qui grève l'immeuble. Ce titre a été créé par l'acheteuse pour garantir le paiement du prix. Or elle n'a jamais été propriétaire de l'immeuble, puisque son titre d'acquisition est nul. Elle n'avait donc pas qualité pour constituer un gage. L'inscription a, dans ces conditions, été opérée sans droit et Schwarz peut en requérir la radiation.
En définitive, les parties doivent se restituer réciproquement toutes les prestations qu'elles ont reçues en vertu des diverses conventions passées le 28 décembre 1954.
Dame Allemann conclut, à titre subsidiaire, au rejet des prétentions que l'intimé fait valoir sur ce point.
a) La juridiction cantonale s'est fondée à tort sur les règles relatives à l'enrichissement illégitime. En effet, ce n'est pas l'art. 62 CO qui régit l'obligation de restitution de celui qui possède sans titre. Lorsqu'un tel possesseur est tenu de rendre la chose ensuite d'une action réelle en restitution, l'étendue de sa responsabilité est réglée par les art. 938 à 940 CC. Les dispositions sur l'enrichissement illégitime ne sont primairement applicables que si la restitution de la chose elle-même ne peut être demandée, par exemple au cas où, malgré l'invallidité du titre, la propriété est passée au possesseur en raison d'un mélange de choses fongibles. Mais, lorsque la propriété ou le droit réel invoqué par le possesseur n'a pas été transféré, les art. 62 et suiv. CO cèdent le pas à la réglementation spéciale des art. 938 à 940 CC (HOMBERGER, Commentaire du CC, ad art. 938, rem. 1 à 4 et 12; OSTERTAG, Commentaire du CC, ad art. 938, rem. 1 à 4 et 15; OSER/SCHÖNENBERGER, Commentaire du CO, ad art. 64, rem. 1).
Pour fixer les obligations de celui qui doit restituer une chose qu'il possède sans titre, les art. 938 à 940 CC distinguent selon qu'il est de bonne foi ou de mauvaise foi. En vertu de l'art. 938 CC, le possesseur de bonne foi qui a joui de la chose conformément à son droit présumé ne doit de ce chef aucune indemnité à celui auquel il est tenu de la restituer. La loi place ainsi le possesseur de bonne foi, qui s'est fié à l'apparence du droit résultant du registre foncier ou de la possession, dans une situation juridique plus favorable que celle qui résulterait de l'application des règles générales. Elle le protège dans tous les avantages qu'il a tirés de la chose sans outrepasser les limites de son droit présumé. Peu importe qu'il se soit enrichi de ce fait: tant qu'il se borne à user du droit qu'il croit avoir, la loi le dispense de toute obligation d'indemniser le véritable titulaire, de sorte que celui-ci ne saurait faire valoir une prétention fondée sur l'enrichissement illégitime (RO 71 II 97; Exposé des motifs, t. III, p. 305; HOMBERGER, op.cit. ad art. 938 rem. 11 et 12; OSTERTAG, op.cit., ad art. 938, rem. 11 à 15; WIELAND, Commentaire du CC, ad art. 938, rem. 2 et 3; pour le droit allemand, cf. WOLFF-RAISER, Sachenrecht, 10e éd., p. 329 et suiv.).
En revanche, le possesseur de mauvaise foi doit, en vertu de l'art. 940 CC, indemniser l'ayant droit de tout le dommage résultant de la détention indue, ainsi que des fruits qu'il a perçus ou négligé de percevoir. S'il n'a pas été de mauvaise foi dès le début de sa possession, les obligations que lui impose l'art. 940 CC prennent naissance au moment où il a cessé d'être de bonne foi (Exposé des motifs, t. III, p. 305; HOMBERGER, op.cit., ad art. 938, rem. 7 et 8; cf. RO 54 II 248 et suiv.).
b) Ainsi, ce n'est que dans la mesure où dame Allemann a possédé de mauvaise foi l'immeuble et le mobilier de salon et de salle à manger qu'elle peut être tenue d'indemniser Schwarz en vertu de l'art. 940 CC. La bonne foi étant présumée, il appartenait à l'intimé d'établir que l'acheteuse était de mauvaise foi ou que sa bonne foi était incompatible avec l'attention que les circonstances permettaient d'exiger d'elle (art. 3 CC).
Or, jusqu'au jugement rendu en séance publique le 5 novembre 1956 par le Tribunal cantonal, il n'est pas établi que dame Allemann, qui n'a point de connaissances juridiques, ait été renseignée sur le vice de son titre d'acquisition ou que des circonstances particulières aient rendu son ignorance inadmissible. Le vendeur avait lui-même requis le transfert de l'immeuble au registre foncier et avait ainsi mis dame Allemann au bénéfice de la présomption du droit de propriété. Il est vrai qu'il a introduit contre elle des poursuites et une action judiciaire dès novembre 1955. Mais ces procédés tendaient à l'exécution des conventions du 28 décembre 1954. Ils manifestaient donc que l'intimé considérait la vente comme valide ou, à tout le moins, qu'il n'entendait pas l'attaquer. Ils ne pouvaient donc que confirmer dame Allemann dans l'idée qu'elle était réellement propriétaire. Sans doute les recourants ont-ils, dans le premier procès, tenté par des moyens déloyaux de faire rejeter les prétentions de Schwarz. Mais, ce qui est décisif au regard de l'art. 938 CC, c'est la bonne foi relative à l'existence du droit supposé. Or les allégations des époux Allemann n'avaient aucun rapport avec la validité de l'acquisition de l'immeuble et du mobilier.
En revanche, le jugement du 5 novembre 1956 a éclairé dame Allemann sur la situation juridique. Comme elle savait ou devait savoir que sa thèse relative aux 15 000 fr. était inexacte, elle pouvait conclure de la décision cantonale que la vente immobilière et les conventions accessoires étaient nulles. Son obligation d'indemniser l'intimé a donc pris naissance le 5 novembre 1956, date à laquelle elle a cessé d'être de bonne foi.
c) Pour déterminer le préjudice subi par Schwarz, il faut partir de la valeur locative des biens dont il a été privé. La juridiction cantonale l'a fixée à 8000 fr. par an et ce montant n'est pas critiqué par les parties. Dame Allemann pourrait en déduire ses impenses, à condition que l'intimé eût été dans la nécessité de les faire lui-même (art. 940 al. 2 CC). Mais elle n'a pas établi ni même allégué avoir fait de telles impenses. Le dommage subi par Schwarz se monte donc à 8000 fr. par année.
D'autre part, il n'y a pas lieu de réduire l'indemnité en vertu des art. 43 ou 44 CO. Dame Allemann a joui de l'immeuble et du mobilier, et elle a résisté, en recourant à des allégations inexactes, aux procédures engagées par Schwarz pour obtenir l'exécution des conventions. Il n'est que juste, dans ces conditions, qu'elle indemnise complètement l'intimé, conformément aux règles légales. Celui-ci a, il est vrai, signé un contrat simulé. Mais il faut tenir compte de ce qu'il a été privé sans contre-partie de la jouissance de l'immeuble et du mobilier aussi longtemps que l'acheteuse a été de bonne foi.
Dame Allemann doit donc être condamnée à lui payer 8000 fr. par an dès le 5 novembre 1956 et jusqu'à la restitution de l'immeuble.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.- Le recours est admis partiellement et le chef 4 du dispositif du jugement attaqué est réformé en ce sens que dame Allemann est condamnée à payer à l'intimé une indemnité annuelle de 8000 fr. dès le 5 novembre 1956 jusqu'à ce qu'elle lui ait restitué l'immeuble formant l'article 1328 du cadastre de Saint-Aubin.
2.- Les chefs 1, 2, 3, 5 et 6 du jugement attaqué sont confirmés.