30. Extrait de l'arrêt de la 1re Cour civile du 10 février 1959 dans la cause Stephani contre Berner.
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Regeste
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Kaufvertrag, Minderungsklage.
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Après avoir déclaré que l'action devait être rejetée en vertu de l'art. 200 al. 2 CO, la juridiction cantonale fait valoir subsidiairement que, même si le vendeur répondait des défauts, le recourant devrait de toute façon être débouté par application des art. 43 et 44 CO: elle estime que la légèreté avec laquelle l'acheteur a traité et son incuriosité en présence des conditions insolites de l'affaire ont contribué dans une très large mesure à causer le dommage. Cette argumentation ne saurait cependant être admise.
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Malgré le terme "indemnité", qui figure à l'art. 205 al. 1 CO ("Ersatz" dans le texte allemand), l'action quanti minoris ne tend pas à la réparation d'un dommage selon les principes de la responsabilité fondée sur la faute, sur l'inexécution fautive d'un engagement ou sur la création d'un risque. Elle n'est pas une action en dommagesintérêts. Elle est l'un des moyens dont l'acheteur dispose, alternativement avec l'action rédhibitoire, dans les cas de garantie en raison des défauts de la chose vendue, et vise à la réduction proportionnelle du prix à l'effet de rétablir l'égalité des prestations selon le principe qui régit les contrats synallagmatiques. Cette réduction, maladroitement désignée indemnité dans la loi (cf. v. TUHR, Streifzüge im revidierten Obligationenrecht, RSJ 18, 1921/22, p. 370), s'opère selon des règles précises (RO 81 II 210). L'action quanti minoris ne peut dès lors s'accommoder des dispositions des art. 43 et 44 CO, qui ont leur fondement dans les degrés de la faute et la répartition des fautes, éléments étrangers aux actions de l'art. 205 CO, sous réserve de règles déterminées. Les principes statués aux art. 43 et 44 CO ne peuvent s'appliquer qu'à l'action en dommagesintérêts qui appartient à l'acheteur concurremment avec l'action en réduction du prix ou à la place de celle-ci.
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Les actions des art. 205 CO font d'autre part l'objet d'une réglementation spéciale et exhaustive en ce qui concerne les conditions dans lesquelles elles peuvent être exercées. Les circonstances qui sont de nature à fonder une atténuation ou l'exclusion de l'obligation de réparer le dommage, en vertu des art. 43 et 44 CO, consistent entre autres dans la gravité de la faute et dans le fait que le lésé ou un tiers ont contribué à causer le dommage. Or, d'une part, la faute du vendeur n'est pas une condition des actions rédhibitoire et estimatoire, et partant le degré de cette faute ne peut être pris en considération. D'autre part, pour ce qui est de la faute de l'acheteur, en tant qu'elle est causale et dès lors relevante, la loi en tient compte dans une réglementation précise. Le code des obligations impose à l'acheteur certains devoirs de diligence: examen de la chose lors de la vente (art. 200), vérification à réception et avis immédiat au vendeur (art. 201), mesures particulières dans la vente à distance (art. 204). L'inobservation par l'acheteur de ces devoirs de diligence entraîne des conséquences déterminées par les dispositions légales, à savoir le plus souvent la déchéance de son droit. Des règles spéciales apportent des dérogations en cas de dol du vendeur (art. 200 al. 2, 203 CO) et tiennent compte ainsi, dans un cadre limité, de la gravité des fautes respectives (cf. RO 66 II 138/139).
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Lorsque les conditions de l'action en garantie sont réunies au regard de cette réglementation spéciale et exhaustive, cela implique que l'acheteur a satisfait aux obligations de diligence que la loi lui impose. Ecarter sa réclamation en invoquant une prétendue faute concomitante revient à modifier, au mépris du texte formel des dispositions légales, le système et les conditions de la garantie du chef des défauts, et à prescrire à l'acheteur, par un détour, d'autres devoirs de diligence que ceux qui sont institués par la loi.
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