26. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 2 mai 1961 dans la cause Walo Bertschinger et Cie SA et consort contre Marguerite Rey et consorts.
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Regeste
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Art. 55 ZGB, 339 OR und 129 KUVG.
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Begriff des schweren Verschuldens i.S. des Art. 129 Abs. 2 KUVG.
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Begriff des Organs i.S. des Art. 55 ZGB.
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Sachverhalt
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A.- Les entreprises Walo Bertschinger et Cie SA et Jules Rey ont formé un consortium pour assumer différents travaux en rapport avec l'usine électrique de la Lienne (Valais). La direction technique appartenait à la première de ces entreprises. Elles ont construit notamment un puits vertical de 165 m de profondeur, pour relier l'usine souterraine de Croix sur Ayent à la station électrique de Giète-Délé. Vers le haut, le puits débouchait dans un bâtiment et son orifice était entouré d'un mur de protection d'environ 60 cm de hauteur. La montée et la descente s'opéraient au moyen d'un treuil suspendu à une poutre de fer, qui passait au-dessus de l'axe du puits. Le câble du treuil, terminé par un crochet, soutenait soit un pont mobile, qui, pendant les travaux à l'intérieur du puits, était suspendu à des crochets ancrés dans les parois, soit une benne de 170 kg, qui servait aux transports intermédiaires de personnes et de matériaux. Quand elle n'était pas en service, la benne était déposée sur le sol, hors du bâtiment, grâce à la poutre de fer sur laquelle le treuil coulissait au moyen d'un chariot.
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Le gros oeuvre fut terminé vers la fin de mai 1956. L'ingénieur R., qui dirigeait les chantiers de la Lienne pour le consortium, prit ses vacances dès le 28 mai 1956. Avant de partir, il déclara à son remplaçant, l'ingénieurstagiaire Z., que les travaux du chantier de Giète-Délé touchaient à leur fin, qu'il n'était plus guère nécessaire qu'il s'y rendît et que le contremaître Cordonnier s'occupait des finitions. Les travaux furent interrompus du 31 mai au 3 juin. Pendant ce temps, le chantier fut occupé par les artisans que le maître de l'ouvrage avait chargés de peindre le bâtiment où débouchait le puits. Ils établirent à cet effet des échafaudages.
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Lorsque les ouvriers du consortium reprirent le travail, le 4 juin 1956, ils constatèrent qu'une perche dressée par les peintres contre la poutre du treuil réduisait la course du chariot et empêchait de déposer la benne sur le sol. Le contremaître Cordonnier flt alors construire une petite plate-forme de planches, dont l'extrémité affieurait l'orifice du puits et qui était inclinée d'au moins sept pour cent en direction de celui-ci. C'est sur cette plate-forme que la benne fut déposée. Jusqu'au 11 juin, aucun ingénieur ne vint visiter le chantier et ne put constater la présence de cette nouvelle construction.
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Le 11 juin 1956, cinq ouvriers travaillaient à l'intérieur du puits, sur un pont mobile fixé à environ 80 m de profondeur. Le machiniste qui desservait le treuil dut faire remonter le câble pour leur envoyer du matériel. Par suite du balancement, l'extrémité du câble accrocha le bord de la benne, la souleva et la fit basculer dans le puits. Trois des crochets qui soutenaient le pont mobile ayant cédé sous l'effet du choc, quatre ouvriers furent précipités dans le vide et tués.
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Parmi les victimes se trouvait Jean Rey. Il laissait une femme et deux enfants.
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La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents a alloué à la veuve de Rey une rente annuelle de 2336 fr. 70 et à chacun des deux enfants une rente de 1168 fr. 35 par année.
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B.- Dame Rey et ses enfants ont assigné Walo Bertschinger et Cie SA et Jules Rey devant le Tribunal cantonal du Valais. Ils concluaient à ce que les défendeurs fussent condamnés solidairement à réparer leur tort moral et leur dommage non couvert par la Caisse nationale.
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Par jugement du 13 décembre 1960, le Tribunal cantonal du Valais a admis l'action en principe.
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C.- Walo Bertschinger et Cie SA et Jules Rey recourent en réforme au Tribunal fédéral en concluant principalement au rejet de l'action.
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Les intimés proposent le rejet du recours.
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Considérant en droit:
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2. La victime était assurée auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et il est constant que ses employeurs ont payé les primes auxquelles ils étaient astreints. En vertu de l'art. 129 al. 2 LAMA, ils ne répondent donc des suites de l'accident que s'ils l'ont causé intentionnellement ou par une faute grave. Les intimés ne leur reprochent pas un dol. La demande de dommages-intérêts n'est donc fondée que si les recourants ont commis une faute grave, c'est-à-dire s'ils ont négligé de prendre des mesures de précaution élémentaires qui seraient venues à l'esprit de tout homme raisonnable placé dans la même situation (RO 54 II 403, 57 II 480, 62 II 317, 64 II 241, 65 II 271).
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L'art. 129 al. 2 LAMA ne change rien aux causes de responsabilité, qui demeurent régies par le droit commun. Lorsque cette disposition est applicable, la responsabilité de l'employeur peut donc être engagée en raison d'une inobservation grossière des mesures protectrices prescrites par l'art. 339 CO (RO 72 II 314 et les arrêts cités, RO 81 II 224). Mais, s'il s'agit d'une personne morale, le fait qui a provoqué l'accident doit pouvoir être imputé à faute à une personne ayant la qualité d'organe selon l'art. 55 CC (RO 81 II 225). C'est également le cas lorsque, comme en l'occurrence, les employeurs forment une société simple et que, vis-à-vis des employés, les obligations découlant de l'art. 339 CO sont assumées par un des associés qui constitue une personne morale.
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En l'espèce, le contremaître Cordonnier n'avait pas la qualité d'organe. Sans doute, il n'est pas nécessaire qu'il ait été un organe au sens où l'entendent les art. 698 et suiv. CO. Mais encore faudrait-il que, de par la situation qu'il occupait dans l'affaire et les pouvoirs qui lui étaient dévolus, il eût participé effectivement et de façon décisive à la formation de la volonté sociale (RO 81 II 225). Or, n'exerçant que des fonctions de surveillance et d'exécution, il ne remplissait manifestement pas ces conditions.
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En revanche, les ingénieurs qui dirigeaient et surveillaient les travaux, notamment l'ingénieur R., étaient des organes au sens de l'art. 55 CO. Il leur incombait, en effet, de prendre, de façon indépendante, des décisions importantes au sujet des travaux et de leur exécution. Ils devaient en particulier ordonner et contrôler les mesures de sécurité adéquates. Pour les chantiers dont ils étaient chargés, ils participaient donc effectivement et d'une manière décisive à la formation de la volonté sociale. Dès lors, leur faute engage la responsabilité des recourants si les conditions des art. 339 CO et 129 al. 2 LAMA sont réalisées.
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Sans doute ressort-il du jugement cantonal que les ingénieurs ont ignoré l'existence de cette nouvelle construction, qui n'a pas été mentionnée dans les rapports de Cordonnier. Mais ils n'en ont pas moins commis une faute en s'abstenant de contrôler le chantier pendant plus d'une semaine. A cet égard, les recourants relèvent en vain que le gros oeuvre du puits était terminé, qu'il ne restait plus de problèmes techniques à résoudre et que la finition pouvait être dirigée par un contremaître. En effet, si la construction du puits exigeait le contrôle d'un ingénieur, ce n'était pas uniquement à cause des problèmes techniques qu'elle soulevait, mais aussi parce qu'il s'agissait d'un ouvrage extrêmement dangereux. Or les risques subsistaient même pendant les travaux de finition. D'autre part, les recourants prétendent à tort que, pour les mesures de sécurité, on pouvait s'en remettre à un contremaître aussi consciencieux et expérimenté que Cordonnier. Il est notoire que, si l'on vit constamment dans des situations dangereuses, la perception du risque s'émousse et même des ouvriers sérieux et prévoyants relâchent leur attention et leur prudence. Il appartient dès lors aux organes de l'entreprise de s'assurer que les mesures de sécurité adéquates sont observées.
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On doit considérer comme une insouciance caractérisée la négligence des ingénieurs de Walo Bertschinger et Cie SA, spécialement celle de R., qui, à fin mai 1956, a déclaré à son jeune remplaçant qu'il n'était plus nécessaire de se rendre sur le chantier de Giète-Délé. Sans doute, le but de l'art. 129 al. 2 LAMA est de supprimer la responsabilité de l'employeur sauf faute exceptionnelle et la portée de cette exception doit être appréciée de façon étroite lorsque, comme en l'espèce, le risque réalisé est inhérent à l'exploitation même de l'entreprise (cf. arrêt du 28 juin 1960, dans la cause Fabrique de ciment Portland SA c. Rosnoblet, consid. 2 c). Cependant, même si l'on soumet la faute grave à des conditions strictes, elle doit être admise en l'espèce. Les risques extraordinaires que comportaient les travaux effectués dans le puits exigeaient des mesures de sécurité sévères et constantes. Aucun relâchement ne pouvait être toléré. Dès lors, il est évident que la surveillance devait être maintenue strictement. Il s'agissait là d'une précaution élémentaire qu'eût prise tout employeur consciencieux placé dans la même situation. Or, si un ingénieur avait visité le chantier de Giète-Délé, il est certain que le danger provoqué par la nouvelle plate - forme l'eût immédiatement frappé et qu'il aurait fait supprimer ou modifier cette construction.
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Ainsi, la mort de Jean Rey a été provoquée par la faute grave d'organes des recourants. Ceux- ci répondent donc des suites de cet accident.
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