3. Arrêt de la IIe Cour civile du 8 février 1962 dans la cause Pauli contre la Patinoire artificielle du Val-de-Travers.
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Regeste
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Nachbarrecht. Art. 684 ZGB.
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2. Der von einem allfälligen Schaden bedrohte Eigentümer braucht dessen Eintritt nicht vorzubeugen durch Teilnahme an einem Administrativverfahren oder durch Erhebung einer gerichtlichen Klage (Erw. 1b).
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3. Merkmale der Eigentumsüberschreitung: Sachliche Prüfung, örtliche Verhältnisse, Abwägung der bestehenden Interessen (Erw. 2 a).
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4. Anwendung im Fall einer Kunsteisbahn: Musik, Ausebnen des Eises, Hockeywettspiele (Erw. 2 b, c).
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Sachverhalt
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A.- En 1956, Ernest Pauli a acheté un terrain situé à Fleurier, entre la route qui mène de Neuchâtel à Pontarlier et un étang qui formait en hiver une patinoire naturelle. La même année, il édifia sur ce fonds une maison familiale, dont les fenêtres s'ouvrent sur la route.
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En 1958, la société coopérative "Patinoire artificielle du Val-de-Travers" construisit à peu près sur l'emplacement de l'étang une patinoire artificielle, réalisant ainsi un projet que la population du village connaissait déjà depuis 1956. En 1959, des tribunes complétèrent l'installation. Actuellement, la patinoire est exploitée à partir de la mi-automne jusqu'à la fin de l'hiver, soit pendant quatre ou cinq mois de suite. Une musique, amplifiée par des haut-parleurs, y retentit du matin jusqu'à 22 heures. Chaque matinée, la glace est balayée et rabotée au moyen d'un tracteur. C'est également sur cette patinoire que l'équipe de hockey de la localité dispute ses matches, une vingtaine par saison. Ces manifestations se terminent en général à 22 heures et certaines n'attirent qu'une cinquantaine de spectateurs.
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Pauli ne s'était pas opposé par la voie administrative ou judiciaire à l'établissement de la patinoire. En revanche, il avait adressé au Conseil communal de Fleurier, au sujet de l'aménagement des tribunes, une opposition qui fut déclarée irrecevable. Une fois la patinoire inaugurée, il ne tarda pas à se plaindre du bruit qui s'en dégageait. Bien que les haut-parleurs aient été déplacés à sa demande, il ne se tint pas pour satisfait et formula diverses exigences qui furent repoussées.
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B.- Reprochant à la société coopérative d'excéder son droit de propriété au sens de l'art. 684 CC, il a intenté contre elle le 20 novembre 1959, devant le Tribunal cantonal neuchâtelois, une action tendante à la suppression des inconvénients qui résultent de l'exploitation de la patinoire et, subsidiairement, au paiement d'une indemnité de 15 000 fr. Il se déclarait prêt à renoncer à ces prétentions s'il parvenait à vendre sa propriété au prix de revient.
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Le 2 octobre 1961, le tribunal saisi a rejeté la demande.
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C.- Pauli recourt en réforme contre ce jugement.
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L'intimée conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit:
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a) En premier lieu, de licite qu'il était, l'usage d'une propriété peut devenir illicite. Par exemple, celui qui exerce une industrie bruyante sur un fonds entouré de terrains vagues, agit licitement. Mais si les propriétaires de ces terrains y élèvent des maisons d'habitation, l'exploitation qui était jusqu'alors licite peut apparaître illicite (RO 40 II 448 s., 44 II 471 s., 51 II 399 s., 55 II 247; HAAB, 2e éd., note 19 ad art. 684 CC; LEEMANN, 2e éd., notes 17 à 20 ad art. 684 CC; OFTINGER, Lärmbekämpfung als Aufgabe des Rechts, p. 19, Entwicklungen im Recht der Lärmbekämpfung, RSJ vol. 55 p. 102). Il est sans importance que les propriétaires lésés n'aient pas ignoré les inconvénients auxquels ils s'exposaient en bâtissant; ils n'en conservent pas moins le droit d'utiliser normalement leurs fonds (RO 40 II 448; LEEMANN, note 18 ad art. 684 CC). Il est même indifférent qu'au moment où ils ont acquis ces derniers, l'usage devenu gênant eût déjà commencé. L'usage antérieur ne crée pas un droit préférable. Certes, ce principe souffre des exceptions, notamment si l'usage le plus ancien a attribué à un quartier un caractère qui subsiste (RO 40 I 455 s., 83 II 391 s.), ou si le voisin qui se plaint a renoncé expressément ou implicitement à se prévaloir de l'art. 684 CC (LEEMANN, note 18 ad art. 684 CC), ou encore lorsqu'il a modifié par son seul fait la nature des lieux (RO 40 II 449, 44 II 471 s.). En outre, pour des raisons d'équité, on peut tenir compte de l'antériorité d'usage dans la fixation des dommages-intérêts (LEEMANN, note 20 ad art. 684 CC).
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Il s'ensuit qu'en principe, même s'il avait acheté son terrain et édifié sa maison après l'installation de la patinoire, le recourant n'aurait pas perdu le droit d'invoquer l'art. 684 CC. A plus forte raison, il n'est pas privé de ce droit pour avoir été plus ou moins au courant des projets de l'intimée quand il s'est établi, avant la création de la patinoire, à l'endroit où il habite actuellement. De plus, on ne se trouve pas dans une des hypothèses qui autorisent une dérogation à la règle. La simple perspective qu'une patinoire sera aménagée dans un quartier, n'en change pas le caractère. En outre, en acquérant un terrain et en y construisant une maison à proximité de la future patinoire, le recourant n'a pas renoncé à tirer argument des inconvénients qui résulteraient de cette dernière et dont il ne pouvait encore se rendre compte exactement. Enfin, ce n'est pas lui qui a transformé la nature des lieux; il n'a fait qu'élever une maison à côté de toutes celles qui existaient déjà.
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b) En second lieu, le propriétaire menacé d'un dommage éventuel n'est pas tenu de le prévenir en participant à une procédure administrative ou en intentant une action en justice. Sa passivité ne l'empêche pas de réclamer ultérieurement la suppression du préjudice ou sa réparation.
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Tout au plus faut-il réserver le cas où son attitude peut être interprétée comme une renonciation ou se révèle fautive (RO 56 II 362).
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Dès lors, on ne saurait reprocher au recourant de ne s'être pas opposé à l'installation de la patinoire par la voie administrative ou judiciaire. Il n'est en outre question ni d'une renonciation ni d'une faute de sa part. En protestant sans retard contre les bruits qui émanent de la patinoire, il a manifesté au contraire clairement l'intention de ne pas abandonner ses droits. Au surplus, il n'a pas commis une faute en ne s'efforçant pas d'éviter un dommage futur dont l'étendue, sinon l'existence, était problématique. Il est d'ailleurs douteux que la voie administrative ait été ouverte à cet effet au recourant, son opposition à l'aménagement des tribunes ayant été déclarée irrecevable.
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a) Pour statuer sur l'existence d'un excès, le juge se place à un point de vue objectif. Sans attribuer une importance décisive aux mesures en phones ou en décibels (RO 83 II 392), il tient compte des impressions d'un homme normal, faisant ainsi abstraction des doléances d'un hypersensible et de l'absence de réactions d'un être dépourvu de toute sensibilité (RO 65 II 158, 79 I 205, 79 II 54, 84 II 90; RSJ vol. 11 p. 197, vol. 53 p. 141; RSJB vol. 55 p. 94). C'est avec raison que la juridiction cantonale ne s'est pas fondée sur les déclarations de l'épouse du recourant. Selon le jugement attaqué, il s'agit d'une malade du goitre, hypersensible, très nerveuse, qui a pris en grippe la patinoire et tout ce qui s'y passe. Lié par ces constatations souveraines (art. 63 al. 2 OJ), le Tribunal fédéral n'a pas à se demander si elles concordent fidèlement avec la déposition du médecin de dame Pauli.
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La notion d'excès varie selon l'usage local, la situation des immeubles et leur nature. Dans le cas particulier, la maison du recourant est sise dans un quartier d'habitation que ne trouble aucune entreprise bruyante, sauf la patinoire. Bien que la propriété du recourant borde une voie de grand trafic, il n'est pas vraisemblable que les émanations de la rue couvrent du matin au soir celles de la patinoire. D'ailleurs, s'il se peut qu'au passage de certains véhicules, le bruit de la patinoire ne s'entende plus chez les époux Pauli, il n'est pas supprimé pour autant, mais s'ajoute simplement à d'autres. Il ne cesse donc d'irriter qu'en apparence; en réalité, il continue d'affecter, fût-ce à leur insu, ceux qui y sont sensibles (RO 59 II 135, 83 II 392; RSJ vol. 49 p. 229, vol. 53 p. 330; BlZR vol. 57 p. 331; RSJB vol. 75 p. 146, 89 p. 232; OFTINGER, Lärmbekämpfung ... p. 24, Entwicklungen ... p. 102).
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Dans son examen, le juge compare les intérêts en présence, ceux du propriétaire qui est accusé d'abuser de son droit, et ceux des voisins qui se plaignent d'un excès (RO 40 II 30 et 450, 45 II 406 s., 51 II 402, 55 II 247, 59 II 135 s., 79 I 206, 83 II 383 et 393; HAAB, note 18 ad art. 684 CC; LEEMANN, notes 24, 30 et 31 ad art. 684 CC). Mais cela ne signifie pas qu'en raison de son but d'intérêt général, à savoir l'encouragement du sport au Valde-Travers, l'intimée ait droit à des égards particuliers. Bien qu'il vise toujours une fin d'intérêt public, l'expropriant doit payer une indemnité égale à la pleine valeur des droits expropriés, y compris ceux de voisinage (RO 87 I 89). Une société privée qui n'a pas le droit d'exproprier, telle l'intimée, ne saurait avoir des obligations moins étendues. D'ailleurs, l'opinion dominante ne tient compte qu'avec réserves de l'importance économique ou sociale des activités des parties (HAFTER, Das Lärmproblem in der Praxis der Gerichts- und Verwaltungsbehörden, thèse de Zurich, 1957, p. 48; OFTINGER, Lärmbekämpfung ..., p. 25; MEIER-HAYOZ, Technische Entwicklung und Fortbildung des privatrechtlichen Immissionsschutzes, dans Die Rechtsordnung im technischen Zeitalter, p. 42).
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b) Si l'on examine à la lumière de ces considérations générales l'importance des inconvénients dont se plaint le recourant, on doit tirer les conclusions suivantes des constatations souveraines (art. 63 al. 2 OJ) du jugement attaqué.
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Le plus important de ces inconvénients, c'est assurément la musique que, plusieurs mois de suite, des haut-parleurs amplifient du matin au soir et qui n'est certes pas du goût de chacun. Il ressort du jugement attaqué que ce bruit ne retentit qu'en saison froide, où les fenêtres sont généralement fermées, et qu'il est imperceptible dans la maison du recourant lorsque la puissance des haut-parleurs est réglée correctement. Par là, la Cour cantonale veut sans doute dire que la musique ne s'entend plus lorsque les fenêtres sont closes, ce que le juge chargé d'instruire la cause avait relevé en inspectant les lieux le 17 février 1960. Mais on ignore si et avec quelle intensité la musique parvient dans la maison du recourant en cas d'ouverture des fenêtres. Tout ce qu'on sait, c'est qu'aux dires d'un témoin, le bruit de la circulation couvre alors celui de la musique. Or, on l'a vu plus haut, l'argument n'est guère pertinent. Pourtant, la question qui n'a pas été élucidée n'est pas dénuée de toute importance. S'il est exact qu'au Jura, on ne séjourne pas habituellement en plein air à la fin de l'automne et en hiver, mais que chacun se tient de préférence dans son habitation, cela ne signifie pas que les fenêtres des maisons restent alors constamment fermées. On les ouvre pour aérer les appartements, pendant leur nettoyage, voire durant les heures ensoleillées. Il est même usuel, en toute saison, de dormir la fenêtre ouverte (RO 40 II 31; SJZ vol. 49 p. 229; BlZR vol. 57 p.11). Toutefois, comme il lui incombait d'établir l'existence des troubles dont il se plaint, le recourant ne peut s'en prendre qu'à lui-même de l'insuffisance des preuves administrées. D'ailleurs, les chambres de sa maison ne sont pas orientées vers la patinoire et l'intimée a déplacé les haut-parleurs pour en diminuer la portée. En outre, il est vraisemblable que, le soir en tout cas, pour se protéger des regards indiscrets et des lumières de la rue, les époux Pauli tirent les rideaux et les volets, ce qui contribue à amortir les sons.
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Quant au bruit que font les patineurs, rien ne prouve qu'il serait insupportable. Apparemment, il est même moins incommodant que celui de la musique. Fleurier n'est pas une grande ville ni une station de tourisme où les sportifs se pressent du matin au soir sur la patinoire. Ils n'y affiuent probablement que pendant les congés des écoles et les week-ends. Et encore, en hiver, nombreux sont ceux qui préfèrent le ski au patin. En somme, les bruits du patinage sont assimilables à ceux qui émanent d'une place de jeux ou de la cour d'un collège et que l'usage tolère.
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Selon la Cour cantonale, le bruit du tracteur qui sert à balayer et à égaliser la glace n'est pas plus intense que celui d'une machine agricole ou d'un camion. S'il dure peut-être plus longtemps, il ne se produit que le matin. Au surplus, il n'est sans doute pas plus gênant que celui de la musique, une fois les fenêtres fermées. Or on peut demander aux époux Pauli de ne pas les ouvrir pendant le fonctionnement de cet engin.
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Certes, les matches de hockey sont particulièrement bruyants. Le choc des crosses, le heurt du "puck", les cris des spectateurs, les sifflets et les cloches que d'aucuns utilisent parfois, l'arrivée et le départ de leurs véhicules, tout cela s'entend de loin. Mais à Fleurier, il n'y a guère qu'une vingtaine de matches par saison et tous n'attirent pas la foule. On peut donc convenir avec le Tribunal cantonal qu'il s'agit de manifestations comparables à des fêtes foraines ou populaires, admises par l'usage.
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c) Vu ce qui précède, les inconvénients signalés par le recourant, pris isolément, peuvent être tenus pour supportables. Il reste à se demander si, considérés dans leur ensemble, ils ne sont pas excessifs dans l'acception de l'art. 684 CC (HAAB, note 18 ad art. 684 CC).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral
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rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.
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