BGE 88 II 145 |
23. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 24 mai 1962 dans la cause Proz contre Berthelier. |
Regeste |
Art. 738 ZGB. Auslegung der Dienstbarkeiten; Rechtsmissbrauch. |
2. Inwieweit liegt in der Erhebung einer Klage des Eigentümers des herrschenden Grundstücks auf Abwehr von Verletzungen der Dienstbarkeit ein Rechtsmissbrauch, wenn er sich nicht zuvor der vom Eigentümer des dienenden Grundstücks nachgesuchten Bewilligung der gegen die Dienstbarkeit verstossenden gewerblichen Baute auf dem Verwaltungsweg widersetzt hatte? (Erw. 3). |
Sachverhalt |
A.- Les parcelles, inscrites actuellement sous no 71, feuille 2, et 517, feuille 2, du cadastre de la commune d'Onex (canton de Genève), sont contiguës. Elles sont grevées depuis 1915, réciproquement l'une en faveur de l'autre, d'une servitude selon laquelle ne peuvent être établis sur aucune d'elles "ni usine, ni industrie bruyante, insalubre, nauséabonde, ni café, brasserie, ni porcherie, ni clinique". Des servitudes analogues ont été créées sur les immeubles voisins.
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Le 7 août 1956, Christian Berthelier acheta le fonds 71, sur lequel il fit bâtir une villa. Le 21 novembre 1957, Marcel Proz, qui projetait d'acquérir la parcelle 517, demanda au Département des travaux publics du canton de Genève l'autorisation d'y construire "une stationservice et garage réparations". Publiée le 27 novembre 1957 dans la Feuille officielle du canton de Genève, cette requête ne fit l'objet d'aucune opposition. Le 22 avril 1958, Proz obtint le permis sollicité. Le 22 novembre 1958, il acheta le terrain no 517 et fit aussitôt procéder à des piquetages.
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Dès qu'il s'en aperçut, Berthelier rappela à Proz la servitude et le mit en demeure "de ne pas entreprendre la construction projetée". Le 20 décembre 1958, il demanda au président du Tribunal de première instance de Genève d'ordonner à Proz, par voie de mesures provisionnelles, de faire interrompre les travaux, qui avaient été commencés. Le 8 janvier 1959, le président, après avoir pris acte que Berthelier avait "renoncé à faire opposition à la construction d'une station service de carburants", ordonna la suspension immédiate des travaux, mais en tant seulement qu'ils concernaient l'établissement d'un atelier mécanique.
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Proz n'en fit pas moins élever le bâtiment projeté.
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B.- Entre temps, Berthelier intenta devant le Tribunal de première instance une action en confirmation des mesures ordonnées à titre provisoire. Il conclut à l'interdiction d'édifier un atelier mécanique sur la parcelle 517, éventuellement à la démolition de celui qui serait construit. En cours d'instance, il étendit ces conclusions au service de distribution d'essence. Proz s'opposa à la demande et réclama reconventionnellement 27 000 fr. de dommagesintérêts.
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Le 11 octobre 1960, le Tribunal de première instance interdit au défendeur d'élever sur le fonds 517 un "atelier de réparations mécaniques, y compris un local de lavagegraissage et un local pour entreposer les automobiles"; il ordonna, en tant que de besoin, la démolition de ces locaux, en précisant cependant que le défendeur pourrait "laisser subsister la station-service et le bureau nécessaire à l'exploitation de celle-ci".
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Le 22 décembre 1961, la Cour de justice de Genève, saisie d'un appel de Proz, confirma la défense d'établir et d'exploiter un atelier de réparations mécaniques ainsi qu'un local de lavage-graissage. En revanche, elle déclara l'entrepôt et le garage de véhicules compatibles avec la servitude. Enfin, elle annula l'ordre de démolition.
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C.- Proz recourt en réforme contre l'arrêt de la Cour de justice. Il reprend ses conclusions antérieures. Berthelier conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit: |
2. Selon le recourant, la Cour de justice a attribué une portée trop étendue à la servitude, en déclarant incompatible avec elle l'exploitation d'un atelier mécanique et d'un local de lavage-graissage.
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Le bien-fondé de ce grief dépend du sens de la servitude. Celle-ci n'admet sur les fonds des parties "ni usine, ni industrie bruyante, insalubre, nauséabonde, ni café, brasserie, ni porcherie, ni clinique". L'exploitation envisagée par le recourant n'est pas plus une usine, qu'un café, une brasserie, une porcherie ou une clinique. Elle pourrait être en revanche une "industrie bruyante, insalubre, nauséabonde". Pour interpréter ces derniers termes, il faut, en considérant la servitude dans son ensemble, déterminer le but auquel elle tend, c'est-à-dire les besoins qu'elle doit satisfaire. A cet égard, il saute aux yeux que, bien qu'elles soient très variées, les entreprises prohibées ont un caractère commun: elles sont toutes de nature à incommoder les voisins. Si la servitude les interdit, c'est donc qu'elle tend à préserver la tranquillité et les agréments que l'on recherche habituellement à la campagne. Le terme d'"industrie", dont elle se sert, ne saurait dès lors avoir le sens étroit que lui prête le recourant ("activité consistant à fabriquer et à transformer de la matière première"), sinon le but visé ne serait pas atteint. Il doit au contraire avoir un sens large et s'appliquer en tout cas aux activités qui s'exercent à l'aide de machines ou d'appareils, à titre professionnel et à des fins lucratives. De plus, en exigeant que l'industrie soit "bruyante, insalubre, nauséabonde", l'acte de servitude ne pose pas des conditions cumulatives. Ayant interdit des établissements aussi courants qu'une usine, un café ou une brasserie, ses auteurs n'ont pas pu vouloir prohiber les seules industries qui - situation exceptionnelle - seraient à la fois bruyantes, nauséabondes et insalubres. Les trois adjectifs utilisés doivent donc être reliés par la conjonction "ou" de préférence à "et".
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En l'espèce, l'atelier de réparations mécaniques serait pourvu de machines et d'appareils. Il serait exploité professionnellement en vue d'un gain. Il constituerait par conséquent une industrie au sens de la servitude litigieuse. Son exploitation entraînerait en outre des bruits violents et nombreux, provenant des outils ou engins employés (meules, scies à métaux, etc.) ou du genre de travail effectué (redressement de carrosserie, essais et contrôles de moteur ou de klaxons, etc.). Il représenterait dès lors une industrie bruyante visée par la servitude. Peu importe de savoir si, toutes issues fermées, l'activité de l'atelier s'entendrait ou non de l'extérieur. Une grande partie de l'année, les fenêtres du local - très exigu - seraient ouvertes, de sorte que les bruits de l'entreprise parviendraient aux habitants de la maison Berthelier et les obligeraient à subir les inconvénients auxquels la servitude a précisément pour but de parer. C'est dès lors à juste titre que l'atelier de réparations mécaniques a été interdit. Il en va de même, et pour des raisons analogues, du local de lavage-graissage. En effet, cette pièce devrait aussi être munie d'appareils et utilisée professionnellement contre rémunération; en outre, l'activité qui s'y exercerait - souvent avec porte ou fenêtre ouvertes - provoquerait des bruits sonores (par exemple, eau sous pression giclée contre les tôles des véhicules) et, partant, incommodants pour les voisins. En conséquence, la manière dont la juridiction cantonale a interprété la servitude mérite d'être approuvée.
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A cet égard, il convient de relever tout d'abord qu'en droit genevois, la procédure d'opposition ne peut être utilisée pour assurer le respect des servitudes de droit privé (cf. les explications données par VIERNE, RDAF 1961, p. 235, à propos de la loi genevoise du 25 mars 1961 sur les constructions et les installations diverses, valables sans doute pour la législation antérieure). Si donc, en 1957, l'intimé avait déclaré s'opposer à la délivrance du permis de construire sollicité par le recourant, son intervention n'aurait pu être prise en considération. Le recourant ne saurait dès lors lui reprocher de s'être abstenu d'agir à ce moment-là.
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L'intimé pourrait, il est vrai, avoir abusé de son droit s'il avait fait naître, dans l'esprit de sa partie adverse, une confiance qu'il aurait ensuite trompée (cf. LIVER, note 226 ad art. 737 CC; MERZ, note 528 ad art. 2 CC). Cette hypothèse n'est cependant pas réalisée. Le simple fait que l'intimé ne s'était pas opposé à l'octroi d'un permis de construire ne permettait pas de penser qu'il tolérerait la violation de la servitude. Le recourant ne pouvait en effet ignorer que la publication de la demande de permis risquait d'échapper à son voisin. Si donc il voulait connaître les intentions de ce dernier, il devait lui communiquer directement son projet. Faute de l'avoir fait, il ne peut s'en prendre qu'à lui, s'il s'est laissé induire en erreur. Il n'est en tout cas victime d'aucun abus de droit.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral
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