BGE 99 II 1
 
1. Arrêt de la IIe Cour civile du 15 février 1973 dans la cause Ventura contre Ventura.
 
Regeste
1. Die Zuständigkeit der schweizerischen Gerichte zur Scheidung italienischer Ehegatten ist anerkannt, wenn der Beklagte in der Schweiz Wohnsitz hat (Erw. 1).
a) Die Anerkennung eines solchen Urteils in der Schweiz wirkt stets für beide Ehegatten (Erw. 2). Sie richtet sich nach Bundesrecht (Erw. 3).
b) Die Scheidung ausländischer Ehegatten, die im Heimatland eines der Ehegatten ausgesprochen wurde, wird in der Schweiz anerkannt, auch wenn das Heimatland des andern sie nicht anerkennt, sofern die Voraussetzungen erfüllt sind, unter denen die im Ausland erfolgte Scheidung schweizerischer Ehegatten anerkannt wird. Sie wird also anerkannt, wenn die Gerichte des Landes, wo die Scheidung ausgesprochen wurde, nach dem Rechte dieses Landes zuständig waren (Erw. 4).
 
Sachverhalt
A.- Armando Ventura, citoyen italien, et Irmtraut Meyer, citoyenne allemande, se sont mariés le 7 janvier 1961 à Pully, où ils se sont établis. Ils n'ont pas eu d'enfants. Ils se sont séparés définitivement, d'un commun accord, le 29 août 1965.
B.- Le 10 février 1966, sur demande de la femme, qui était restée allemande bien qu'elle ait acquis la nationalité italienne, le Landgericht de Berlin a prononcé le divorce des époux, aux torts et griefs du mari. Le jugement constate que celui-ci, dans une déposition recueillie par un notaire, refuse sans raison de reprendre la vie commune et que l'action doit être admise conformément aux art. 43 et 52 al. 1 de la loi allemande sur le mariage pour atteinte irrémédiable au lien conjugal. Le tribunal a donné son approbation, par ailleurs, à une convention des parties passée le 8 décembre 1965 et réglant les effets accessoires du divorce.
C.- Ventura déposa en avril 1971 auprès du Tribunal civil du district de Lausanne une demande en divorce basée sur la nouvelle loi italienne sur le divorce entrée en vigueur en décembre 1970. Il alléguait que la séparation entre lui et sa femme durait depuis 1965, que le divorce avait été prononcé en Allemagne en 1966 et qu'il n'était pas question d'une reprise de la vie commune. Il invoquait deux motifs de divorce du droit italien, soit le prononcé du divorce en Allemagne, pays d'origine de son épouse, et la séparation de fait de plus de cinq ans.
La demande fut rejetée le 27 avril 1972, attendu que le demandeur n'avait pas établi avoir son domicile dans le district de Lausanne au moment du dépôt de la demande, que les motifs de divorce invoqués étaient inconnus du droit suisse et enfin que le divorce avait déjà été prononcé en Allemagne par un jugement que la Suisse devait reconnaître.
D.- Ce jugement a été maintenu le 22 septembre 1972 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois. Celle-ci a reconnu que le demandeur avait bien son domicile dans le district de Lausanne et que les motifs de divorce prévus par la loi italienne et invoqués par le demandeur constituaient aussi des motifs de divorce au regard du droit suisse, dans le cadre de l'art. 142 CC; mais elle déclara que le jugement de divorce prononcé en Allemagne était exécutoire en Suisse et que de ce fait les époux Ventura étaient déjà divorcés au regard du droit suisse. Ce jugement allemand enfin n'est connu que par la copie d'un extrait non signée. On pourrait de ce fait songer à en faire abstraction, mais ce serait du même coup réduire à néant la motivation de fait du demandeur, qui se borne à s'y référer. On devait dès lors admettre que le demandeur n'a rien allégué valablement qui puisse fonder son action selon le droit suisse.
E.- Le demandeur recourt en réforme contrel'arrêt cantonal. Il conclut derechef au divorce. La défenderesse a renoncé à répondre et à participer à la procédure de recours.
 
Considérant en droit:
a) La cour vaudoise a admis que le motif de divorce invoqué est connu de la loi italienne (art. 3 ch. 2 litt. b de la loi italienne sur le divorce du 1er décembre 1970). Il s'agit là de l'application du droit étranger, que le Tribunal fédéral ne peut pas revoir dans le cadre d'un recours en réforme (RO 73 II 139/140; arrêt non publié Losi c. Losi, du 18 janvier 1973, consid. 1).
b) Il ressort d'une communication du Ministère italien des affaires étrangères que la compétence des tribunaux suisses pour prononcer le divorce d'époux italiens est reconnue par les autorités italiennes si le défendeur a son domicile en Suisse, ce en application des art. 1er ch. 1 et 2 ch. 1 de la Convention entre la Suisse et l'Italie sur la reconnaissance et l'exécution des décisions judiciaires, du 3 janvier 1933 (RS 12, 338; voir circulaire de la Division fédérale de la justice aux Départements cantonaux de justice, du 13 octobre 1971, reproduite dans RSJ 67, 1971, p. 332; cf. PIERRE MERCIER, La nouvelle loi italienne sur le divorce..., Revue de l'état civil 40, 1972, p. 365 ss., n. 127 ss.). En l'espèce, les époux étant domiciliés en Suisse, il y a lieu d'admettre que la compétence des tribunaux suisse sera reconnue en Italie.
Les conditions de l'art. 7 h al. 1 LRDC sont ainsi réunies.
En l'espèce, il s'agit de savoir si les époux sont déjà divorcés, soit si le jugement du Landgericht de Berlin doit être reconnu en Suisse. Le demandeur allègue qu'il ne s'est prévalu de ce jugement que pour démontrer l'existence du motif de divorce prévu à l'art. 3 ch. 2 litt. e de la loi italienne et qu'il n'y a pas lieu d'accorder d'autre portée à ce jugement, qui au surplus ne remplit pas selon lui les conditions de reconnaissance posées par la Suisse.
Dès l'instant où le demandeur alléguait l'existence de ce jugement, ne fût-ce que pour le motif invoqué, l'autorité cantonale devait nécessairement résoudre la question de son existence et de sa reconnaissance. On ne saurait donc lui faire grief d'avoir examiné ce point.
a) La Convention germano-suisse du 2 novembre 1929 relative à la reconnaissance et l'exécution des décisions judiciaires (RS 12, p. 327) ne s'applique pas en l'espèce. Pour les réclamations non pécuniaires, en effet, elle ne vise que les litiges entre ressortissants de l'un des Etats ou des deux Etats contractants (art. 3; GULDENER, Das internationale und interkantonale Zivilprozessrecht der Schweiz, p. 146; LEUCH, Kommentar zur ZPO für den Kanton Bern, 3e éd., n. 9 e ad art. 401, p. 404/5). Or le demandeur est italien, c'est-à-dire ressortissant d'un Etat tiers, et sa prétention n'est pas une réclamation pécuniaire au sens de la convention.
b) Depuis que la Suisse a dénoncé la Convention de La Haye du 12 juin 1902 sur le divorce et la séparation de corps, il n'existe, en dehors des conventions bilatérales conclues avec certains pays, aucune règle générale de droit fédéral régissant la reconnaissance des jugements de divorce rendus à l'étranger. La LRDC ne vise que le divorce d'époux suisses prononcé à l'étranger et le divorce des étrangers en Suisse.
Doit-on dès lors étendre le champ d'application de la LRDC à la reconnaissance en Suisse de jugements de divorce étrangers concernant des étrangers ou s'agit-il, en l'absence de réglementation fédérale, d'un point régi par le droit cantonal? Jamais tranchée par le Tribunal fédéral, cette question est débattue par la doctrine, qui, dans sa quasi-unanimité, enseigne que c'est là une matière relevant du droit fédéral (cf. MAX PETITPIERRE, La reconnaissance et l'exécution des jugements civils étrangers en Suisse, p. 25 ss.; BECK, Kommentar zu den Einführungs- und Uebergangsbestimmungen des ZGB, n. 12 ss. ad art. 7 h; PIERRE LALIVE, Les effets des divorces étrangers en Suisse, Recueil de travaux suisses présentés au Ve Congrès international de droit comparé, p. 89 ss.; GULDENER, p. 38 et 66/67 ad ch. 4; AUBERT, La transcription des divorces étrangers dans les registres de l'état civil suisse, Revue de l'état civil 1959, p. 338; contra: A. LERESCHE, L'exécution des jugements civils étrangers en Suisse, Aarau 1927, p. 78).
Cette solution est commandée par les nécessités de la pratique. C'est ainsi que PETITPIERRE (op. cit., p. 25) et GULDENER (op. cit., p. 38) soulignent avec raison à quelles conséquences insoutenables conduirait une jurisprudence différente selon les cantons, un jugement étranger étant reconnu avec force de chose jugée dans l'un et pouvant ne pas l'être dans un autre. Cela serait particulièrement impraticable lorsque, comme en l'espèce, les époux se sont mariés en Suisse et que la question pourrait se poser de la transcription du jugement de divorce étranger dans les registres suisses de l'état civil, au cas où elle serait requise en vertu des art. 52 ch. 3 et 137 ch. 1 de l'ordonnance sur l'état civil. En pareille hypothèse, la question de la reconnaissance du jugement étranger devrait être tranchée selon des règles uniformes, c'est-à-dire selon des règles de droit fédéral (AUBERT, op.cit., p. 323, 354). Or il n'est pas conce vable que la reconnaissance du jugement étranger soit régie dans certains cas par le droit cantonal, ainsi dans ce procès, où l'inscription préalable du divorce aux registres suisses de l'état civil est indifférente à la solution du litige, et dans d'autres cas par des règles fédérales, ainsi lorsque la reconnaissance du jugement est préalable à la mention du divorce au registre des mariages.
Il faut considérer également que la réglementation de la LRDC n'est pas exhaustive. Du fait qu'elle régit la reconnaissance des divorces d'époux suisses prononcés à l'étranger et le divorce des étrangers en Suisse, on peut déduire que la reconnaissance des divorces d'étrangers à l'étranger est également régie par le droit fédéral. A tout le moins, du fait que la loi autorise le divorce d'étrangers en Suisse, on doit admettre que les divorces d'étrangers prononcés à l'étranger sont reconnus, ce qui conduit à soumettre au droit fédéral les conditions de cette reconnaissance.
a) Il n'est pas nécessaire d'examiner ici la condition, exigée par certains auteurs, que le jugement ait été prononcé dans le pays d'origine des époux, qu'il soit reconnu par celui-ci ou tout au moins qu'il ait été rendu à leur domicile, même si le pays d'origine ne le reconnaît pas (cf. PETITPIERRE, op.cit., p. 26 ss.; BECK, n. 12 ss. ad. art 7 h; LALIVE, op.cit., p. 90 ss.; GULDENER, op.cit., p. 67; SCHNITZER, Handbuch des internationalen Privatrechts, 4e éd., t. I, p. 375; AUBERT, op.cit., p. 344/5; W. GAUTSCHI, Die Anerkennung von ausländischen Ehescheidungsurteilen, SJZ 26, 1929, p. 5/6; STAUFFER, Von der Anmerkung ausländischer Scheidungsurteile in den schweizerischen Zivilstandsregistern, ZBJV 62, 1926, p. 476/7; VISCHER, Internationales Privatrecht, in Schweiz. Privatrecht, t. I, p. 604). En l'espèce, le divorce a été prononcé dans le pays d'origine de la femme et il s'agit de déterminer s'il peut être reconnu en Suisse en dépit du fait que le pays d'origine du mari, l'Italie, ne le reconnaît pas.
Cette question doit être résolue selon le même principe que pour la compétence des tribunaux suisses de statuer sur le divorce d'époux étrangers. Depuis l'arrêt Cardo, l'art. 7 h LRDC doit être compris en ce sens que les tribunaux suisses sont compétents si le droit national du demandeur admet le motif de divorce invoqué et reconnaît la compétence des tribunaux suisses; on ne tient plus compte du droit national du défendeur (RO 94 II 65). S'il est possible de prononcer en Suisse le divorce d'époux étrangers sans égard au droit national du défendeur, a fortiori le divorce prononcé dans le pays du demandeur doit-il être reconnu en Suisse. Il n'y a donc pas lieu en l'espèce d'attribuer une portée juridique quelconque au fait que le jugement du Landgericht de Berlin sera ou non reconnu en Italie.
b) Les conditions de la reconnaissance du jugement du Landgericht de Berlin sont à déduire par analogie de l'art. 7 g al. 3 LRDC, qui règle la reconnaissance du divorce d'époux suisses prononcé à l'étranger. Il convient donc de déterminer si, au regard du droit allemand, les juridictions allemandes étaient compétentes. Tel est le cas, ainsi que le relève l'autorité cantonale, puisque, d'après les art. 606 ss. de la loi de procédure civile allemande, il suffit que l'un des époux soit allemand pour que la compétence des tribunaux allemands soit fondée; si les parties ne sont pas domiciliées en Allemagne, l'action doit être ouverte devant le Landgericht de Berlin (cf. RO 93 II 363 consid. 6 et les citations; BERGMANN/FERID, Internationales Ehe- und Kinderschaftsrecht, t. I, Deutschland, p. 19/20).
Contrairement à ce qu'affirme le recourant, il est établi que dame Ventura avait bien la nationalité allemande au moment du divorce. En effet, en vertu de la loi du 1er avril 1953, une Allemande qui épouse un étranger conserve sa nationalité, même si elle acquiert de plein droit celle de son mari (RAAPE, Internationales Privatrecht, 5e éd., p. 266/67; BERGMANN/FERID, op.cit., t. I, Deutschland, p. 8, n. 4, dernier paragraphe). Le recourant l'a d'ailleurs admis lorsque, en première instance, il s'est réclamé du motif de divorce que son propre droit national tire du divorce préalablement obtenu par l'autre conjoint dans son pays d'origine.
c) Encore faut-il, pour qu'il soit reconnu, que le jugement étranger ne viole pas l'ordre public suisse (BECK, n. 159 ad art. 7 g et citations; GULDENER, op.cit., p. 49 et 101; AUBERT, op.cit., p. 370). Le recourant n'allègue toutefois rien de tel; il a pris part à la procédure devant le Landgericht de Berlin, comme en témoigne la convention passée à cette occasion entre les parties, et rien ne donne à penser que les règles de procédure aient été violées de façon contraire aux principes fondamentaux du droit.
Le recourant estime que le caractère définitif du jugement allemand n'est pas établi, puisqu'il n'a pas été légalisé ni inscrit au registre des mariages du lieu où le mariage a été célébré. Cette formalité n'est pas une condition de reconnaissance, pas plus d'ailleurs que la légalisation. Il suffit que l'existence et la force exécutoire du jugement soient établies de façon à en convaincre le juge du fait. Il appartient au droit cantonal et non au droit fédéral de décider de quelle façon cette conviction se forme (RO 84 II 477 consid. 3).
Le Tribunal cantonal a estimé à bon droit que la question de savoir si la production d'une copie du jugement étranger suffisait à en établir l'existence et le caractère définitif pouvait rester indécise, car la demande du recourant aurait dû être rejetée de toutes façons. En effet, même s'il se prévalait du second motif de divorce que lui offre la loi italienne, c'est-à-dire la séparation effective de plus de cinq ans, les conditions exigées par le droit suisse ne seraient pas réalisées, puisque la séparation de plus de cinq ans ne suffit pas en soi à établir une rupture profonde du lien conjugal au sens de l'art. 142 CC. Par ailleurs, aucun autre élément ne permet de conclure à une telle rupture.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.