BGE 101 II 200 |
35. Arrêt de la IIe Cour civile, statuant comme Chambre de droit public, du 19 septembre 1975, dans la cause S. contre S. |
Regeste |
Art. 170 Abs. 2 ZGB. |
Sachverhalt |
Une ordonnance de mesures provisoires du 15 décembre 1971 a notamment confié la garde de l'enfant à la mère et réglé le droit de visite du père. En cours d'instance, dame S. est allée s'établir avec l'enfant à Locarno, où elle a une tante.
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B.- A la requête du mari, le Président du Tribunal du district de Lausanne a rendu une nouvelle ordonnance de mesures provisoires le 11 mars 1975. Il a prononcé que l'enfant restait confiée à la garde de sa mère à condition que celle-ci revint s'installer en Suisse romande dans un délai de trois mois au plus tard, maintenu les modalités du droit de visite du père telles que les avait fixées l'ordonnance du 15 décembre 1971 et fait interdiction à S., sous menace de sanctions pénales, d'importuner sa femme et notamment de pénétrer dans son logement.
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Par arrêt du 13 mai 1975, le Tribunal civil du district de Lausanne a rejeté l'appel formé par dame S. contre cette décision, qu'il a confirmée pour l'essentiel, subordonnant comme le premier juge l'attribution de l'enfant à la mère à la condition "que celle-ci revienne s'installer en Suisse romande avec sa fille d'ici au 11 juin 1975 au plus tard". Le tribunal considère à cet égard que la résidence de la mère à Locarno rend difficile à l'excès l'exercice du droit de visite du père, en raison des frais et du temps que représente un déplacement régulier au lieu d'établissement de l'enfant; de surcroît, l'intérêt de celui-ci à apprendre correctement au moins une langue et à pouvoir entrer normalement en contact avec sa famille paternelle l'emporte sur celui de la mère à vivre auprès d'une tante.
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C.- Dame S. a formé contre cet arrêt un recours de droit public, en concluant à son annulation. Elle invoque à propos de la condition mise à l'attribution du droit de garde la violation de l'art. 4 Cst.
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A sa requête, le Président de la cour de céans a accordé l'effet suspensif au recours.
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Il a également mis la recourante au bénéfice de l'assistance judiciaire.
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L'intimé conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit: |
Dans le cadre des mesures provisoires, le juge appelé à fixer le sort de l'enfant doit de même partir de la situation créée par l'usage que la femme a fait du droit d'avoir une demeure séparée et de la choisir librement, conformément à l'art. 170 al. 2 CC. Il lui appartient d'apprécier, du point de vue de l'intérêt de l'enfant principalement, les avantages et inconvénients des solutions possibles, quant à l'attribution de la garde de l'enfant et à la réglementation du droit de visite, en se fondant sur la résidence effective des parents. Il prendra en considération la durée probable de la réglementation provisoire, compte tenu de l'état de l'instance. Le juge ne saurait en revanche porter atteinte au droit que l'art. 170 al. 2 CC confère à la femme de se constituer un domicile séparé, selon son choix.
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3. En l'espèce, la condition à laquelle l'arrêt déféré subordonne l'attribution de la garde de l'enfant à la mère constitue une violation manifeste de ce droit. Considérant d'une part qu'il se justifiait de confier l'enfant à la garde de sa mère, qui n'avait "jamais démérité à cet égard", et constatant d'autre part que, depuis la décision du premier juge, la recourante n'était pas revenue s'installer en Suisse romande avec sa fille, qui n'avait ainsi revu ni son père, ni aucun autre membre de la famille de ce dernier, le tribunal devait apprécier la situation résultant de ces circonstances et statuer en conséquence sur la garde de l'enfant et les modalités du droit de visite, compte tenu notamment de l'état avancé de l'instance - l'échange d'écritures est achevé et les pièces déposées, aucune expertise n'est demandée. Mais il ne pouvait pas contraindre indirectement la recourante, par cette décision, à résider dans une région déterminée et restreindre ainsi le libre choix de sa demeure dont elle jouit depuis l'ouverture du procès en divorce. En subordonnant l'attribution de l'enfant à sa mère à la condition que celle-ci revint s'installer en Suisse romande, l'autorité cantonale a méconnu de manière arbitraire l'art. 170 al. 2 CC. Sa décision doit partant être annulée.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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