BGE 104 II 163
 
27. Arrêt de la IIe Cour civile du 16 mai 1978 dans la cause hoirs de B. et consorts contre dame B. et consorts
 
Regeste
Art. 647 Abs. 2 Ziff. 1 ZGB; 44 bis Art. 46 OG.
 
Sachverhalt
Les hoirs de B. et consorts sont copropriétaires, avec dame B. et consorts, de biens immobiliers comprenant un bâtiment de trois appartements. Par la voie de la procédure sommaire, ils ont requis du Tribunal de première instance du canton de Genève la désignation d'urgence d'un représentant des copropriétaires, ayant pour mission de gérer les biens, d'en fixer les loyers et de les encaisser. Ils fondaient leur requête sur l'art. 647 al. 2 ch. 1 CC. Le Tribunal l'a rejetée, par le motif que les conditions d'application de la disposition légale invoquée n'étaient pas réalisées. La Cour de justice a déclaré irrecevable l'appel formé par les hoirs de B. et consorts. Ceux-ci ont recouru en réforme au Tribunal fédéral. Le recours a été déclaré irrecevable.
 
Considérant en droit:
a) Dans l'arrêt Tami contre Tami, du 21 octobre 1971 (ATF 97 II 320 ss), le Tribunal fédéral s'est prononcé au sujet de l'application de l'art. 647 al. 2 ch. 1 CC, sans examiner le problème de l'entrée en matière. Mais la cause se présentait d'une façon différente. La Cour cantonale avait refusé de statuer, par le motif qu'ayant un objet autre que celui visé par l'art. 647 al. 2 ch. 1 CC la requête aurait dû être présentée en la forme ordinaire: le Tribunal fédéral a recherché si ce point de vue était fondé ou si, par une fausse application de l'art. 647 CC, le recourant avait été privé d'un droit que lui confère la loi fédérale; il a ainsi étudié la disposition précitée à titre préalable. Dans la présente espèce, en revanche, le recours est dirigé contre le rejet au fond d'une requête basée sur l'art. 647 al. 2 ch. 1 CC: la question de la recevabilité dans le cadre de la notion de contestation civile doit dès lors être soumise à examen.
b) Selon une jurisprudence maintes fois confirmée, il faut entendre par conte visant à provoquer une décision définitive sur des rapports de droit civil, et cela quelle qu'ait été la procédure, contentieuse ou gracieuse, suivie par l'autorité cantonale (ATF 103 II 317 consid. 2c; ATF 101 II 359, 368, 369 et les arrêts cités). Relève en revanche de la procédure non contentieuse la décision qui, sans statuer sur l'existence d'un droit, est destinée à garantir l'administration et la conservation des droits ou des intérêts litigieux (cf. M. GULDENER, Grundzüge der freiwilligen Gerichtsbarkeit der Schweiz, Zurich 1954, p. 2, 9 ss; A. WURZBURGER, Les conditions objectives du recours en réforme au Tribunal fédéral (art. 44 50 OJ), thèse Lausanne 1964, p. 13 ss). C'est notamment le cas des sûretés et des mesures relatives à la dévolution des successions, telles l'ordonnance d'une administration d'office (ATF 98 II 275 276) ou la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire (ATF 72 II 55).
c) En vertu de l'art. 647 al. 2 ch. 1 CC, chaque copropriétaire a le droit de demander que les actes d'administration indispensables au maintien de la valeur et de l'utilité de la chose, par quoi il faut entendre son aptitude à l'usage auquel elle est destinée (ATF 97 II 324), soient exécutés et, au besoin, ordonnés par le juge: ces actes peuvent être des actes matériels, comme une réparation, des actes juridiques, tels que l'expulsion d'un locataire, ou même des actes judiciaires (ATF 97 II 323 consid. 4). Ce qui est en cause, ce n'est pas le règlement définitif et durable d'un rapport de droit civil: c'est la nécessité d'une mesure déterminée, dans le cadre de l'administration en commun. Le recours au juge ne tend pas à la reconnaissance d'un droit contesté, mais simplement à obtenir le moyen de résoudre un litige entre copropriétaires au sujet de la conservation de la chose. Le juge ne dit pas le droit: il exerce une activité administrative en matière privée (cf. GULDENER, op.cit., p. 2); plus que par des considérations d'ordre strictement juridique, sa décision sera dictée par des motifs pratiques et fondée avant tout sur des éléments de fait.
Ainsi, au vu des critères rappelés ci-dessus, la requête fondée sur l'art. 647 al. 2 ch. 1 CC ne donne pas lieu à une contestation civile.