30. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 20 mai 1980 dans la cause J. contre D. (recours en réforme)
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Regeste
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Vertrag über die Verwaltung von Liegenschaften.
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Der Vertrag kann jederzeit widerrufen oder gekündigt werden (Art. 404 Abs. 1 OR; E. 2b).
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Begriff der Auflösung zur Unzeit (Art. 404 Abs. 2 OR; E. 2c).
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Sachverhalt
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Au début de 1976, D. est entré en discussion avec J. en vue de lui transférer la gérance de divers immeubles. J. a ouvert le 1er septembre 1976 un bureau de gérance de trois pièces et engagé une secrétaire, dans la perspective d'obtenir la gérance de ces immeubles. Il a établi à cet effet une convention datée du 5 octobre 1976, fixant la durée et le taux de gérance. D. n'a pas signé cette convention, mais il a écrit le 29 octobre 1976 à J. que "pour la gérance..., comme convenu, c'est pour janvier". Dans une nouvelle lettre du 30 novembre 1976, cependant, il a déclaré qu'il regrettait de ne pas donner satisfaction à J. comme il l'aurait voulu, vu la vive réaction de l'ancien gérant devant laquelle il avait "battu en retraite".
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Après une entrevue entre parties et divers rappels de J., D. a répondu le 14 avril 1977 qu'il avait refusé d'adhérer à la convention projetée, pour justes motifs.
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J. a ouvert action contre D. en paiement de 150000 fr. avec intérêt.
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La Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'action par jugement du 21 novembre 1979.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme interjeté par le demandeur.
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Considérant en droit:
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Le demandeur fait notamment valoir que l'ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral, encore en vigueur lorsqu'il a ouvert action, tenait mieux compte des contingences économiques propres au contrat de gérance. Il invoque les règles de la Société vaudoise des régisseurs, selon lesquelles le retrait de régie doit faire l'objet d'un préavis de trois mois pour la fin d'un semestre, et relève que cette réglementation atténue ce qu'il peut y avoir de trop rigoureux dans l'application du principe consacré par l'art. 404 al. 1 CO. Le demandeur estime parfaitement inopportunes la révocation et la façon dont elle est intervenue, après un silence prolongé, ce qui justifierait le paiement d'une indemnité.
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a) Dans un arrêt de 1957 (ATF 83 II 529 s.), le Tribunal fédéral avait considéré que la gérance d'immeubles se présentait soit comme un contrat de travail, soit comme un contrat sui generis qui, ayant pour objet l'exécution d'un certain travail, serait en principe soumis aux règles du mandat (art. 394 al. 2 CO); la résiliation anticipée ne pouvait avoir lieu que selon les règles du contrat de travail (art. 352 ss. CO), à l'exclusion de celles qui régissent la révocation du mandat (art. 404 CO).
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Cette conception, critiquée en doctrine (MERZ, RJB 95/1959, p. 59 s.; GAUTSCHI, n. 23 ad art. 395 et n. 10 ad art. 404 CO; PEYER, Der Widerruf im schweiz. Auftragsrecht, thèse Zurich 1974, p. 180-182; cf. aussi RSJ 66/1970, p. 8), a été récemment abandonnée (ATF 104 II 110 s.). Le Tribunal fédéral a admis qu'elle méconnaissait la portée de l'art. 394 al. 2 CO, aux termes duquel les règles du mandat s'appliquent aux travaux qui ne sont pas soumis aux dispositions légales régissant d'autres contrats. Comme le contrat de gérance d'immeubles ne réalise pas les éléments caractéristiques de l'un des autres contrats prévus dans le Code des obligations et porte sur des prestations de travail, il doit être qualifié de mandat ou de contrat sui generis soumis aux règles du mandat conformément à l'art. 394 al. 2 CO. L'art. 404 CO, selon lequel le mandat peut être révoqué ou répudié en tout temps, lui est donc applicable.
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Cette dernière jurisprudence paraît seule conciliable avec l'art. 394 al. 2 CO. Elle a reçu l'approbation de la doctrine (cf. MERZ, in RJB 116/1980, p. 20 s.), et doit être maintenue.
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b) Selon une pratique constante du Tribunal fédéral, le droit de répudiation et de révocation du mandat en tout temps, consacré par l'art. 404 CO, ne peut être ni exclu ni limité contractuellement; les parties ne peuvent y renoncer d'avance. Le Tribunal fédéral a récemment confirmé cette jurisprudence après l'avoir soumise à un réexamen approfondi (ATF 98 II 307 ss.). Ainsi le contrat de gérance d'immeubles peut être révoqué ou répudié en tout temps et sans condition; en vertu de l'art. 404 al. 2 CO, il n'y a lieu à indemnité que si la fin du contrat intervient en temps inopportun (ATF 104 II 115 s. consid. 4).
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c) Le contrat de gérance litigieux a été révoqué par le défendeur. Sa lettre du 30 novembre 1976 a remis en cause ses engagements, manifestant clairement au demandeur que les gérances promises ne lui seraient pas confiées à la date prévue. Puis le défendeur a opposé le silence aux rappels et propositions du demandeur, pour lui signifier l'avis définitif de rupture le 14 avril 1977.
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La notion d'inopportunité de la résiliation au sens de l'art. 404 al. 2 CO est étroitement liée au préjudice qui découle de la résiliation. La Cour cantonale relève pertinemment que le mandataire ne peut faire valoir une prétention en dommages-intérêts du fait d'une révocation sans motif que s'il a subi un préjudice particulier ("besondere Nachteile"). Puisqu'il est de l'essence même du mandat d'être librement révocable, les parties, et notamment le mandataire, doivent compter avec ce risque, sinon la règle serait pratiquement vidée de sa substance. La révocation ne constitue pas en soi un abus de droit selon l'art. 2 CC. Elle est licite, même si elle ne procède d'aucun motif objectif (cf. GAUTSCHI, n. 17 d et e ad art. 404 CO). C'est pourquoi seule l'existence d'un préjudice particulier justifie une sanction à l'exercice inopportun du droit de révocation.
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En l'espèce, aucune des constatations de fait du jugement attaqué ne permet d'admettre que le contrat ait causé un préjudice particulier au demandeur. Il a quitté son emploi précédent au début de 1976 pour s'installer à son compte; rien n'établit qu'il ait agi en fonction d'engagements précis du défendeur. Le demandeur a ouvert son bureau en septembre 1976, alors que le contrat d'octobre 1976 n'était pas encore conclu, et qu'il n'avait que de simples expectatives. Il ne saurait donc qualifier de préjudice particulier les frais occasionnés par les dispositions qu'il a prises avant octobre 1976. Il n'apparaît d'ailleurs pas que le demandeur ait engagé des frais spéciaux à cause du défendeur, ni qu'il ait renoncé à d'autres mandats ou emplois en raison du contrat d'octobre 1976. Aucun élément concret ne justifie donc l'octroi de dommages-intérêts fondés sur l'art. 404 al. 2 CO, et cela quand bien même les procédés du défendeur sont loin de pouvoir être qualifiés d'opportuns selon le sens communément donné à ce terme.
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