BGE 107 II 312
 
48. Arrêt de la IIe Cour civile du 24 septembre 1981 dans la cause X. contre Autorité tutélaire de surveillance du canton de Neuchâtel (recours en réforme)
 
Regeste
Art. 309 Abs. 1 ZGB.
 
Sachverhalt
Le 2 mars 1981, l'Autorité tutélaire du district du Val-de-Ruz a nommé un curateur à l'enfant Emilie X., fille de Catherine X. et d'Eric Y., née le 12 mai 1980 à Neuchâtel. Catherine X. s'était opposée à cette décision, arguant de ce qu'elle faisait ménage commun avec le père, qui avait reconnu l'enfant le 28 avril 1980, et de ce que tous deux élevaient en outre leur premier enfant, né le 24 octobre 1978, auquel aucun curateur n'avait été nommé. Elle estimait n'avoir besoin ni d'assistance ni de conseils.
Le 20 mars 1981, Catherine X. a recouru à l'Autorité tutélaire de surveillance du canton de Neuchâtel, qui a rejeté le recours le 1er mai 1981.
Catherine X. a recouru en réforme au Tribunal fédéral. Elle demandait que la décision de l'autorité cantonale fût annulée et qu'aucune curatelle ne fût instituée. Le recours a été admis.
 
Considérant en droit:
a) Sous l'empire de l'ancien droit de la filiation, l'art. 311 al. 1 CC prescrivait à l'autorité tutélaire de nommer un curateur chargé de veiller aux intérêts de l'enfant naturel, dès qu'elle était informée de la naissance ou dès que la mère lui avait donné avis de la grossesse.
Cette mesure n'était cependant plus justifiée, selon la doctrine unanime, lorsque le délai pour intenter l'action en paternité était expiré ou lorsque l'enfant avait été reconnu ou légitimé (EGGER, n. 3, SILBERNAGEL/WÄBER, n. 42, HEGNAUER, n. 16 ad art. 311 ancien CC).
Aux termes de l'actuel art. 309 al. 1 CC, dès qu'une femme enceinte non mariée en fait la demande à l'autorité tutélaire ou que celle-ci a été informée de l'accouchement, elle nomme un curateur chargé d'établir la filiation paternelle, de conseiller et d'assister la mère d'une façon appropriée. Par rapport à l'ancien droit, les conditions de la désignation d'un curateur n'ont pas changé (HEGNAUER, RDT 1977 p. 122; HEGNAUER/SCHNEIDER, Droit suisse de la filiation, p. 146). Quant à la situation de la mère, elle a été améliorée en ce sens que l'autorité parentale lui appartient si elle n'est pas mariée avec le père de l'enfant (art. 298 al. 1 CC).
D'autre part, la curatelle n'a plus de raison d'être si la filiation a été établie ou si l'action en paternité n'a pas été intentée dans les deux ans qui suivent la naissance (art. 309 al. 3 CC), à moins qu'elle ne puisse encore l'être ultérieurement (HEGNAUER, RDT 1977 p. 123; HEGNAUER/SCHNEIDER, op.cit., p. 147/148). En revanche, il est loisible à l'autorité tutélaire de prendre d'autres mesures pour protéger l'enfant (art. 309 al. 3 in fine CC).
Certes, selon le texte de l'art. 309 al. 1 CC, le curateur est chargé de conseiller et d'assister la mère. Mais le curateur est nommé à l'enfant, non à la mère (cf. les versions allemande et italienne: "..., wird dem Kind ein Beistand ernannt..."; "l'autorità tutoria ... nomina al nascituro o all'infante un curatore..."): la tâche d'assistance à la mère n'est pas indépendante, mais liée à la charge principale du curateur, qui est d'établir la filiation paternelle. Interpréter le texte différemment serait introduire dans la loi une disposition superflue: l'art. 308 al. 1 CC autorise, lorsque les circonstances l'exigent, l'autorité tutélaire à nommer à l'enfant un curateur qui assiste les père et mère de ses conseils et de son appui dans le soin de l'enfant (cf. HEGNAUER, Die Beistandschaft für das ausserhalb einer Ehe geborene Kind (Art. 309, 308 ZGB), dans: Kindes- und Adoptionsrecht, Dokumentation zum Seminar vom 11./12. Juni 1980 in Bern, p. 91/92 no 6).
b) Au cours des débats parlementaires sur le droit de la filiation, des propositions de minorité tendant à ce que l'autorité tutélaire soit autorisée à renoncer à nommer un curateur si les circonstances le justifient ont été présentées dans les deux Chambres. Chaque fois, le conseiller fédéral Furgler, représentant du Conseil fédéral, a rassuré les auteurs de ces propositions, en affirmant que, conformément à la pratique et à l'ancien droit, la désignation d'un curateur n'est pas nécessaire dans deux cas, à savoir lorsqu'il est établi, dès le début, que l'enfant doit être pourvu d'un tuteur, parce que la mère est mineure et que l'autorité parentale ne peut lui être attribuée, et lorsque le rapport de filiation avec le père a été constaté, en vertu d'un acte de reconnaissance, au moment de la naissance ou déjà auparavant (Bulletin sténographique de l'Assemblée fédérale, CE 1975 p. 136/137, CN 1975 p. 1785/1786; cf., dans le même sens, la déclaration du professeur Hegnauer consignée au procès-verbal de la commission d'experts pour la revision du droit de la famille, sous-commission de la filiation, p. 881).