58. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 29 juin 1982 dans la cause Ifestos Engineering S.A. contre Coates (recours en réforme)
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Regeste
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Art. 337 OR.
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Der Arbeitgeber kann auf die Entlassung zugunsten einer weniger schweren Massnahme verzichten. Kündigt er dem Arbeitnehmer für den Fall, dass dieser ohne Erlaubnis Ferien beziehen sollte, eine solche mildere Massnahme an, so ist er daran gebunden und darf sie nicht verschärfen, wenn der Arbeitnehmer sein Vorhaben verwirklicht (E. 3c).
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Sachverhalt
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A.- Georges Coates a travaillé depuis septembre 1979 au service d'Ifestos Engineering S.A., pour un salaire de 3'000 fr. par mois. Le 27 mars 1980, Coates a informé sieur Doucakis, directeur d'Ifestos Engineering S.A., qu'il prendrait dès le lendemain 10 jours de vacances. Doucakis lui a répondu que la période était mal choisie, Coates ayant des travaux urgents à accomplir, et qu'en conséquence il n'était pas d'accord de le laisser partir; il lui a adressé le même jour une lettre pour lui "réitérer les termes de mon refus de vous accorder une prise de congé en cette période" et lui rappeler les travaux à liquider d'urgence. Cette lettre se termine comme suit: "En vue de ce qui précède, je me vois dans l'obligation de vous informer d'ores et déjà que dans le cas où vous prendriez tout de même vos vacances à Pâques, je serai en droit de vous prier de me remettre votre démission avant la fin de ce mois."
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Sans tenir compte de cette mise en garde, Coates est parti le 28 mars pour l'Angleterre et ne s'est représenté au travail que le 14 avril 1980. Ce jour-là, invoquant la non-observation des directives reçues, Doucakis a notifié à Coates son renvoi avec effet "de la date de votre départ, soit le 28 mars 1980 à 17 h.", renvoi qui lui a été confirmé par lettre du 15 avril 1980.
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Coates est divorcé et a à sa charge un fils mineur dont il devait s'occuper durant les vacances de Pâques.
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B.- Coates a ouvert action contre Ifestos Engineering S.A. en paiement, notamment, des salaires d'avril et mai 1980.
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La Chambre d'appel des prud'hommes de Genève ayant admis cette prétention, par arrêt du 9 décembre 1981, la défenderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à ce qu'il soit dit que le congé donné au demandeur le 28 mars 1980, pour justes motifs, l'a été valablement.
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Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours et réforme l'arrêt attaqué en ce sens que la défenderesse ne doit payer le salaire du demandeur que jusqu'à fin avril 1980.
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Extrait des considérants:
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b) Selon l'art. 337 al. 1 et 2 CO, dont le contenu correspond à celui de l'art. 352a CO, le contrat de travail peut être résilié immédiatement pour de justes motifs, soit lorsqu'il existe des circonstances propres à détruire la confiance qu'impliquent dans leur essence les rapports de travail ou à l'ébranler de telle façon que la poursuite du contrat ne peut plus être exigée. On ne peut déterminer d'une manière générale les exigences auxquelles est subordonnée la résiliation immédiate; la solution dépend des circonstances du cas particulier.
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Il existe cependant certaines situations typiques où la pratique a eu l'occasion de se prononcer avec une certaine constance: ainsi en cas de refus de travail et d'absence injustifiée. La doctrine et la jurisprudence cantonale considèrent en général que, pour constituer un juste motif de renvoi immédiat, le refus de travailler ou les absences injustifiées doivent être persistants (beharrlich), et précédés d'avertissements contenant la menace claire d'un renvoi immédiat (cf. RAPP, Die fristlose Kündigung des Arbeitsvertrages, in BJM 1978, p. 176; SCHWEINGRUBER, Commentaire du contrat de travail, trad. Laissue 1975, ch. 10 ad art. 337). Il ressort cependant des considérations de la doctrine et de la jurisprudence que ces conditions - persistance et avertissement préalable - ne s'appliquent qu'aux refus ou absences de courte durée, mais non pas à ceux qui s'étendent sur plusieurs jours ou qui ont été précédés d'une exigence de présence clairement formulée par l'employeur (cf. les cas bernois et bâlois cités par DECURTINS, Die fristlose Entlassung, 1981, p. 88 et 90, cas 58 et 60). En particulier, la prise de vacances de son propre chef par le travailleur, en dépit d'un refus de l'employeur, est considérée très généralement comme un juste motif de renvoi immédiat (RAPP, loc.cit.; SCHWEINGRUBER, op.cit., ch. 4 ad art. 329c, et FJS 861 p. 7; BRÜHWILER, Handkommentar zum Einzelarbeitsvertrag, p. 138; STREIFF, Leitfaden zum neuen Arbeitsvertragsrecht, 3e éd. n. 6 ad art. 329c; DECURTINS, op.cit., p. 78 et 87, cas 57 = BJM 1964 p. 232; cf. aussi ZR 28/1929, no 21; BJM 1974 p. 255).
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Cette manière de voir est fondée. Sauf circonstances particulières, la prise de vacances par décision unilatérale du travailleur, en dépit d'un refus de l'employeur, constitue un acte de nature à ébranler la confiance qui doit exister dans les rapports de travail de façon telle que la poursuite du contrat ne peut plus être exigée et qu'une rupture immédiate de celui-ci par l'employeur se justifie.
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Sans doute certaines circonstances particulières peuvent-elles atténuer ou effacer la gravité de l'atteinte aux relations de confiance que constitue une prise unilatérale de vacances; ainsi dans l'hypothèse où l'employeur, averti suffisamment tôt, ne tiendrait pas compte des désirs légitimes du travailleur alors que les intérêts de l'entreprise ne sont guère atteints, et ne se conformerait dès lors pas à l'esprit de l'art. 329c al. 2 CO. Mais de telles circonstances n'existent pas en l'espèce: ce n'est en effet qu'à l'avant-veille de son départ en vacances que le demandeur a fait part de sa décision, et rien n'indique que le besoin de prendre ses vacances avec son fils ne lui était pas connu beaucoup plus tôt, et qu'il ne pouvait pas prendre d'autres dispositions, comme lors des autres périodes de l'année où les travailleurs ne peuvent pas prendre de vacances en même temps que leurs enfants. Le comportement du demandeur constituait donc en principe un juste motif de renvoi immédiat.
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c) L'employeur qui est fondé à user de la sanction du renvoi immédiat peut toutefois y renoncer ou prendre une sanction moins grave. Il peut aussi, une fois informé des intentions du travailleur, lui indiquer au préalable quelles mesures ou sanctions il entend prendre au cas où le travailleur ne se conformerait pas à ses instructions. Si ces mesures ne vont pas au-delà de ce que permet la loi, l'employeur est lié par sa prise de position et ne peut pas aggraver la sanction au cas où le travailleur commet la violation qui a fondé la mise en garde.
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Tel est le cas en l'espèce. Au lieu de menacer le demandeur de renvoi immédiat au cas où il prendrait tout de même ses vacances contre la volonté de l'employeur, la défenderesse lui a seulement fait savoir qu'elle serait alors "en droit de le prier de remettre sa démission avant la fin du mois". Elle est liée par cette déclaration, dans le sens que le destinataire pouvait raisonnablement lui attribuer.
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Le seul sens qui puisse raisonnablement être donné à cette déclaration n'est ni celui que lui prête la cour cantonale (la démission ne sera pas exigée à coup sûr; il s'agit d'une simple menace de résiliation, mais sans effet immédiat), ni celui que lui prête la défenderesse dans son recours (menace de licenciement immédiat): c'est celui d'une invitation au demandeur à donner sa démission avant la fin du mois, ou d'un congé à terme, si cette démission n'intervenait pas. Or cette démission ou ce congé ne pouvait prendre effet qu'à la fin du délai de congé d'un mois de l'art. 336a al. 1 CO, soit pour la fin d'avril 1980; par ailleurs, seul le demandeur était en mesure de notifier efficacement sa démission avant la fin de mars, puisque lui seul pouvait savoir à temps quelle serait sa décision et agir en conséquence. La menace de sanction formulée par la défenderesse ne pouvait dès lors être comprise, de bonne foi, que comme une exigence de cessation de fonction à l'échéance du plus proche délai légal, soit à fin avril 1980. Elle ne peut être interprétée ni comme la menace d'un congé ordinaire - qui ne serait donné que lorsque l'employeur serait en mesure de le faire, soit au retour éventuel des vacances pour la fin du mois de mai 1980 seulement -, ni comme une menace de renvoi immédiat, car le mot démission ne peut être compris que comme un congé donné dans le respect du délai légal.
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Le demandeur n'a donc droit à son salaire que jusqu'à fin avril 1980 et non pas jusqu'à fin mai, et l'arrêt attaqué doit être réformé en ce sens qu'un montant de 2'842 fr. 50 lui est alloué de ce chef.
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