73. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 16 décembre 1992 dans la cause Eglise de Scientologie de Lausanne contre Editions Sélection du Reader's Digest et Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (recours de droit public)
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Regeste
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Art. 87 OG; nicht wiedergutzumachender Nachteil.
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Art. 28c Abs. 3 ZGB; Persönlichkeitsverletzung durch periodisch erscheinende Medien; Begehren um Richtigstellung auf dem Weg vorsorglicher Massnahmen.
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Die Richtigstellung auf dem Weg vorsorglicher Massnahmen ist nur zulässig, wenn die Voraussetzungen des Rechts auf Gegendarstellung (Art. 28g ZGB) nicht erfüllt sind (E. 4a). Es ist nicht willkürlich, Art. 28c Abs. 3 ZGB als auf ein Begehren anwendbar zu erklären, mit dem die Berichtigung auf dem Massnahmenweg verlangt wird (E. 4c).
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Sachverhalt
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Par requête de mesures provisionnelles du 14 septembre 1991, l'Eglise de Scientologie de Lausanne a demandé à la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois d'interdire aux Editions Sélection du Reader's Digest (ci-après: l'intimée) d'éditer et distribuer en Suisse tout ou partie d'un article déjà paru dans l'édition du 6 mai 1991 du "Time Magazine" et intitulé "Scientology, A Dangerous Cult Goes Mainstream". Elle invoquait le caractère diffamatoire et mensonger de cet article. Le juge instructeur de la cour a fait droit, en urgence, à la requête. L'intimée ayant toutefois passé outre à l'interdiction et envoyé son magazine aux abonnés suisses, la requérante a aussitôt demandé que l'intimée soit astreinte à publier un rectificatif. Par ordonnance du 25 novembre 1991, le juge a rejeté les requêtes de mesures provisionnelles de l'Eglise de Scientologie de Lausanne.
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Celle-ci a fait appel de cette décision et maintenu sa demande de rectificatif, dont elle a précisé la teneur.
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Contre l'arrêt de la Cour civile du 5 mai 1992 rejetant cet appel, l'Eglise de Scientologie de Lausanne a formé un recours de droit public auprès du Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 4 Cst. dans l'application de l'art. 28c CC, elle a conclu à l'annulation de l'arrêt attaqué. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable.
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Extrait des considérants:
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Le Tribunal fédéral considère comme finale la décision sur mesures provisoires. Lorsqu'il laisse la question indécise, il admet qu'un dommage irréparable est à craindre si la mesure prise pour la durée d'un procès devient caduque en raison du prononcé sur le fond et ne peut être attaquée avec lui, n'en constituant dès lors pas une étape (ATF 108 II 71 consid. 1, ATF 103 II 122 consid. 1 et les arrêts cités). Le dommage en tant que condition de recevabilité du recours de droit public diffère du préjudice en tant que condition de fond de la protection juridique provisoire: ce n'est pas une atteinte à la situation juridique matérielle du recourant, mais l'impossibilité du contrôle constitutionnel par le Tribunal fédéral; le dommage juridique nécessaire, c'est donc le risque d'une atteinte à la position juridique du justiciable quant aux voies de droit à sa disposition (ATF 116 Ia 447 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral ne doit certes être saisi qu'une fois, mais seulement s'il pourra examiner avec le jugement au fond telle décision qui l'aura précédé (cf. MESSMER/IMBODEN, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992, p. 195 et les références, spéc. note 23; HANS MARTI, Die staatsrechtliche Beschwerde, 4e éd., 1979 p. 98).
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Tel n'est pas le cas en l'espèce, et le recours est donc en principe recevable. Au demeurant, les conditions de la mesure provisoire et celles du prononcé sur le fond ne sont pas identiques, même si le contenu de la rectification demandée ne varie pas. Les premières ne sont d'ailleurs pas moins rigoureuses en tous points et le procès ouvert peut durer longtemps.
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4. a) Les juridictions cantonales et les parties admettent qu'après la parution de l'article contesté la recourante a demandé au juge d'ordonner la publication d'un texte qui constitue réellement un rectificatif. En effet, le droit de réponse de l'art. 28g CC permet à la personne touchée dans sa personnalité par la présentation de faits qui la concernent d'obliger l'entreprise de médias à caractère périodique qui l'a donnée à diffuser gratuitement, par le même canal, sa propre version des faits; il doit pouvoir s'exercer, sauf refus injustifié, sans intervention judiciaire; il ne suppose pas l'illicéité de l'atteinte (PIERRE TERCIER, Le nouveau droit de la personnalité, p. 175 No 1295; DESCHENAUX/STEINAUER, Personnes physiques et tutelle, 2e éd. 1986, p. 176/177 No 680; ATF 117 II 1 et 115, ATF 115 II 113, ATF 114 II 385 et 388, ATF 112 II 465; cf. aussi, parmi les décisions cantonales, SJ 1989 p. 63, RVJ 1989 p. 160). La réponse s'oppose donc à la présentation de faits, objet de la preuve, dont se distingue l'expression d'un jugement de valeur ou d'une opinion, qui reposent sur une appréciation subjective (DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit., p. 180 nos 689/690) et ne peuvent qu'être rectifiés.
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Une mesure provisionnelle ne saurait être ordonnée qu'en présence d'un préjudice impossible à détourner autrement, sans quoi elle paraîtrait disproportionnée. Il s'ensuit qu'une rectification par voie de mesures provisoires n'est en principe recevable que si les conditions du droit de réponse ne sont pas remplies; elle l'est dans le cas contraire (TERCIER, op.cit., p. 175 Nos 1296 à 1298; DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit., p. 177 no 681; ANDREAS BUCHER, Personnes physiques et protection de la personnalité, 2e éd. 1982, p. 174 No 643; cf. sous l'ancien droit les ATF 107 Ia 283 -285 et ATF 104 II 5, lequel relève qu'une rectification ordonnée par le juge peut avoir un impact plus grand qu'une réponse du lésé).
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Certes, il est parfois malaisé de distinguer la présentation de faits d'une part, le jugement de valeur, la simple expression d'une opinion et le commentaire d'autre part (ATF 114 II 387 /388 et les références). Mais tel n'est pas le cas en l'espèce, de l'avis des juridictions cantonales et des parties (du moins devant le Tribunal fédéral pour l'intimée), qui admettent aussi la périodicité de l'entreprise de médias.
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La recourante, en revanche, conteste que l'art. 28c al. 3 CC soit applicable.
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b) Cet argument est nouveau. Le juge instructeur déjà, en termes exprès et clairs, avait fondé sa décision sur l'art. 28c al. 1 et 3 CC.
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Dans son mémoire d'appel, la recourante s'est placée sur le même terrain. Exerçant son droit à la rectification à l'encontre d'une entreprise de médias à caractère périodique, elle y prétend que la mesure n'est "pas disproportionnée" par rapport à la "gravité incontestable" du préjudice causé et qu'elle est habilitée à intervenir immédiatement dans le cadre d'une action en "cessation de trouble": toutes expressions qui se réfèrent à l'al. 3, dont l'applicabilité n'est pas discutée (ce qui a conduit l'intimée à l'appel à se borner à rappeler que la cause relevait de l'art. 28c al. 3 CC uniquement). Nouveau, l'argument du recours de droit public sur ce point est donc irrecevable.
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c) Fût-il recevable, qu'il serait mal fondé, du moins dans une procédure de mesures provisionnelles examinée céans sous le seul angle de l'arbitraire. Lesdites mesures doivent avoir un lien avec la procédure au fond, dont elles sont l'accessoire (OSCAR VOGEL, Probleme des vorsorglichen Rechtsschutzes, RSJ 1980 p. 93). Il convient donc d'interpréter l'art. 28c al. 3 CC dans le cadre, non seulement des deux premiers alinéas, mais aussi de l'art. 28a CC. Au reste, les expressions utilisées imposent ces références.
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Selon l'art. 28c al. 3 CC, le juge ne peut interdire ou faire cesser à titre provisionnel une atteinte portée par les médias à caractère périodique que si elle est propre à causer un préjudice particulièrement grave, si sa justification ne semble manifestement pas donnée et si la mesure ne paraît pas disproportionnée: ces trois conditions sont cumulatives. Les deux mesures prévues s'inscrivent dans le cadre de l'al. 2, où elles sont mentionnées à titre d'exemples ("notamment"). Il s'agit de savoir si elles comprennent la "rectification" ("Berichtigung", "rettificazione").
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Selon l'art. 28a CC, le demandeur dispose de trois actions défensives (al. 1) et de prétentions en réparation (al. 3). Il peut requérir le juge d'interdire une atteinte illicite si elle est imminente (tel n'était plus le cas en l'espèce après la publication de l'article malgré l'interdiction urgente), de la faire cesser si elle dure encore, enfin d'en constater le caractère illicite si le trouble qu'elle a créé subsiste. L'al. 2 de la disposition en déduit "en particulier" la possibilité de publier ou communiquer à des tiers une rectification.
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La rectification est donc une modalité des conclusions que peut prendre le demandeur, en relation avec chacune des trois actions défensives, mais plus spécialement - comme avant la révision - un moyen approprié de faire cesser l'atteinte (Message du CF, FF 1982 II 686; TERCIER, op.cit., p. 136 Nos 999 et 1000; DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit., p. 155 No 601 et p. 175 No 676; OLIVIER RODONDI, Le droit de réponse dans les médias, thèse Lausanne 1991, p. 43/44). Elle peut même assumer une fonction réparatrice (PEDRAZZINI/OBERHOLZER, Grundriss des Personenrechts, 3e éd. 1989, p. 156). C'est une mise au point en vue de réduire, voire supprimer, le trouble laissé par un article auprès des destinataires, une atteinte qui existe toujours et doit être écartée, le cas échéant, le plus rapidement possible. Ce moyen de défense était déjà admis sous l'ancien droit (ATF 106 II 101 consid. 4, ATF 104 II 2 /3, ATF 103 II 166, ATF 100 II 180 consid. 6 et les arrêts cités).
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Il le fut déjà au titre d'une mesure provisoire destinée à faire cesser l'atteinte (ATF 107 Ia 277 ss, spéc. p. 282 ss; cf. RSJ 1988 p. 421 No 69 et ZR 1988 p. 26 No 10 et p. 203 No 90). En l'absence d'un droit de réponse institué par le droit cantonal, l'art. 28 CC autorisait qu'une rectification immédiate fût ordonnée, lorsque c'est le seul moyen de limiter le dommage causé par une atteinte vraisemblablement illicite aux intérêts personnels du lésé (ATF précité p. 283 consid. c/aa; cf. PETER JÄGGI, Fragen des privatrechtlichen Schutzes der Persönlichkeit, RDS 1960 p. 255a; MAX KUMMER, Der zivilprozessrechtliche Schutz des Persönlichkeitsrechtes, RJB 1967 p. 111; HANS MICHAEL RIEMER, Persönlichkeitsschutz und Presse, in Die Verantwortlichkeit im Recht, I Zurich 1981, p. 233; PIERRE ENGEL, Protection de la personnalité, 1985, p. 17).
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Il n'est pas insoutenable de maintenir cette jurisprudence, appuyée par la doctrine, dans le nouveau droit (cf. BUCHER, loc.cit.). En effet, les art. 28a al. 1 et 28c al. 2 usent des mêmes termes: faire cesser l'atteinte qui subsiste, et la seconde disposition contient une énumération non exhaustive des mesures à prendre.
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Pour la même raison de texte, jointe à l'interprétation de l'art. 28a al. 2 CC, l'on ne saurait taxer d'arbitraire l'opinion des juridictions cantonales qui ont admis l'applicabilité de l'art. 28c al. 3 CC à la demande de rectification par voie de mesures provisionnelles (cf. TERCIER, op.cit., p. 155 No 1151, p. 157 No 1167, p. 175 Nos 1294 et 1298; DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit., p. 177 No 681: si le droit de réponse n'est pas donné, parce qu'il ne s'agit pas seulement de faits; BUCHER, loc.cit.). Il n'est certes pas incompréhensible que l'on veuille restreindre l'application de la disposition en jeu au stade de la recherche des informations, puis de leur diffusion. Si la note 1151 de TERCIER n'est pas parfaitement claire, car l'auteur évoque aussi la cessation de l'atteinte et rappelle la relation rectification/droit de réponse, il est assez manifeste que le message du Conseil fédéral entendait surtout éviter la censure judiciaire (FF 1982 II 690/691).
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Mais s'il existe un doute, voire une interprétation préférable contre le texte apparemment large de la loi, celle des juridictions vaudoises n'en devient pas pour autant arbitraire (cf. ATF 117 Ia 106 consid. b, 122 consid. 1b, 139 consid. c et les arrêts cités). Au demeurant, la cour de céans a constaté que, dans la genèse de la révision de la loi, on a admis tant la voie des mesures provisionnelles que l'application de l'art. 28c al. 3 CC (ATF 117 II 117 /118).
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