BGE 133 II 6 - Ghanesische Zwillinge |
2. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. et consorts contre Service de la population ainsi que Tribunal administratif du canton de Vaud (recours de droit administratif) |
2A.316/2006 du 19 décembre 2006 |
Regeste |
Art. 17 Abs. 2 ANAG; Art. 8 EMRK; Anspruch auf nachträglichen Familiennachzug durch einen Elternteil (teilweiser Familiennachzug). Zusammenfassung der Rechtsprechung: Anspruchsvoraussetzungen (E. 3.1), Vorbehalt des Rechtsmissbrauchs (E. 3.2) und Anforderungen an Nachweise (E. 3.3). Prüfung der Grundsätze, die der Europäische Gerichtshof für Menschenrechte in einem neueren Urteil behandelt hat (E. 5.1). Dieses stellt die vom Bundesgericht vorgenommene Unterscheidung zwischen dem Nachzug von Kindern durch einen Elternteil (Teilfamilie) oder durch beide Elternteile (Gesamtfamilie) nicht in Frage (E. 5.2). Das Gleiche gilt für den Einbezug des Alters der Kinder und der Aussichten auf Integration in die vorzunehmende Interessenabwägung (E. 5.3). Ein Vergleich mit dem neuen Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer (AuG) und den Regelungen der Europäischen Union bestätigt, dass es richtig ist, an den erwähnten Kriterien festzuhalten (E. 5.4). Unter Berücksichtigung der Gesamtumstände (insbes. Dauer der Trennung von Mutter und Kindern; absehbare Schwierigkeiten bei ihrer Integration mit Blick auf ihr Alter, ihre Schulbildung und ihre fehlenden Kenntnissen der französischen Sprache) besteht im vorliegenden Fall kein Anspruch auf Nachzug der Kinder (E. 6). |
Sachverhalt |
X., ressortissante ghanéenne née en 1970, est arrivée en Suisse le 17 août 1993 pour rejoindre, au titre du regroupement familial, un ressortissant suisse qu'elle avait épousé en secondes noces. Elle était alors mère de trois enfants de nationalité ghanéenne, soit A. et B., deux jumeaux de sexe différent issus d'une relation hors mariage le 12 septembre 1987, et leur demi-soeur C., née le 15 mars 1990 du premier mariage. Demeurés au pays après le départ de leur mère pour la Suisse, les enfants ont été confiés aux soins de leur grand-mère maternelle. X. n'a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour qu'à partir du 14 avril 1997. Après le décès de son deuxième mari, en janvier 1998, avec lequel elle n'a pas eu d'enfant, elle est restée en Suisse et a vécu depuis lors en union libre avec Y., un petit-cousin ghanéen dont elle a eu un enfant, D., en octobre 2002.
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Le 20 avril 2004, A., le jumeau garçon, est entré en Suisse sans visa ni autorisation pour rejoindre sa mère. Celle-ci a déposé en sa faveur, le 29 septembre 2004, une demande d'autorisation de séjour au titre du regroupement familial, de même que pour ses deux filles restées au Ghana. Entre-temps, le 12 octobre 2004, X. a été mise au bénéfice d'une autorisation d'établissement. Son concubin et leur enfant commun ont acquis la nationalité suisse par naturalisation le 2 novembre 2005.
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Par décision du 25 mai 2005, le Service de la population du canton de Vaud a refusé de délivrer les autorisations de séjour sollicitées. En bref, il a estimé que les demandes étaient abusives, au motif que les enfants étaient déjà relativement avancés en âge et avaient le centre de leurs intérêts dans leur pays d'origine et que leur mère avait demandé tardivement l'autorisation de les faire venir auprès d'elle, soit près de onze ans après son arrivée en Suisse.
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Agissant en son nom propre, au nom de son concubin et au nom de ses trois premiers enfants de nationalité ghanéenne, X. a recouru contre la décision précitée. Elle a fait valoir que le retard à demander le regroupement familial était dû à des difficultés administratives et financières indépendantes de sa volonté, que ses enfants avaient le centre de leurs intérêts en Suisse, car leurs pères respectifs ne s'étaient jamais occupés d'eux, que leur grand-mère n'était plus en mesure de prendre en charge leur éducation en raison de son état de santé et que, dans l'attente de pouvoir les faire venir en Suisse, elle les avait placés dès 2000 ou 2001 chez sa petite-cousine Z., qui était également la soeur de son concubin.
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Par arrêt du 27 avril 2006, le Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours et confirmé la décision attaquée.
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X. et ses trois enfants interjettent recours de droit administratif contre l'arrêt précité du Tribunal administratif. Pour l'essentiel, ils se plaignent de la violation de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101), en se référant à une récente jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme; ils invoquent également une mauvaise application de l'art. 17 al. 2bis de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20).
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
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Extrait des considérants: |
Erwägung 3 |
3.1 Selon la jurisprudence (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.1 p. 14; ATF 126 II 329 consid. 2a p. 330; ATF 125 II 585 consid. 2a p. 586, ATF 129 II 633 consid. 3a p. 639 et les arrêts cités), le but de l'art. 17 al. 2 LSEE est de permettre le maintien ou la reconstitution d'une communauté familiale complète entre les deux parents et leurs enfants communs encore mineurs (la famille nucléaire). Dans certains cas, ce but ne peut être entièrement atteint, notamment lorsque les parents sont divorcés ou séparés et que l'un d'eux se trouve en Suisse depuis plusieurs années, et l'autre à l'étranger avec les enfants, ou lorsque l'un d'eux est décédé. Le regroupement familial ne peut alors être que partiel. C'est pourquoi, dans cette hypothèse, la jurisprudence soumet ce droit à des conditions sensiblement plus restrictives que lorsque les parents font ménage commun: alors que, dans ce dernier cas, la venue des enfants mineurs en Suisse au titre du regroupement familial est en principe possible en tout temps sans restriction autre que celle tirée de l'abus de droit (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.2 p. 14; ATF 126 II 329 consid. 3b p. 332/333), il n'existe, en revanche, pas un droit inconditionnel de faire venir auprès du parent établi en Suisse des enfants qui ont grandi à l'étranger dans le giron de leur autre parent (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.3 p. 14/15). Il en va de même lorsque, par exemple en raison du décès de l'autre parent ou pour d'autres motifs, l'éducation des enfants à l'étranger n'a pas été assurée par un parent au sens étroit (père ou mère), mais par des personnes de confiance, par exemple des proches parents (grands-parents, frères et soeurs plus âgés etc.) (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.4 p. 15; ATF 125 II 585 consid. 2c p. 588 ss et les arrêts cités). La reconnaissance d'un droit au regroupement familial suppose alors que le parent établi en Suisse ait maintenu avec ses enfants une relation familiale prépondérante en dépit de la séparation et de la distance (cf. infra consid. 3.1.1) ou qu'un changement important des circonstances, notamment d'ordre familial, se soit produit, rendant nécessaire la venue des enfants en Suisse, comme par exemple une modification des possibilités de leur prise en charge éducative à l'étranger (cf. infra consid. 3.1.2) (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.3 p. 14/15, ATF 129 II 249 consid. 2.1 p. 252; ATF 126 II 329 consid. 3b p. 332; ATF 124 II 361 consid. 3a p. 366 et les arrêts cités).
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Ces restrictions sont pareillement valables lorsqu'il s'agit d'examiner sous l'angle de l'art. 8 CEDH la question du droit au regroupement familial (partiel) d'enfants de parents séparés ou divorcés. En effet, si cette disposition conventionnelle peut faire obstacle, dans certaines circonstances, à une mesure d'éloignement ou d'expulsion qui empêche ou rend très difficile le maintien de la vie familiale, elle n'octroie en revanche pas de droit absolu à l'entrée ou au séjour en Suisse de membres de la famille d'un étranger qui y est établi. En particulier, le parent qui a librement décidé de venir en Suisse et d'y vivre séparé de sa famille pendant de nombreuses années ne peut normalement pas se prévaloir d'un tel droit en faveur de ses enfants restés au pays lorsqu'il entretient avec ceux-ci des contacts moins étroits que l'autre parent ou que les membres de la famille qui en prennent soin, et qu'il peut maintenir les relations existantes (ATF 129 II 249 consid. 2.4 p. 256; ATF 126 II 329 consid. 3b p. 332; ATF 125 II 633 consid. 3a p. 639/640; ATF 124 II 361 consid. 3a p. 366 et les arrêts cités).
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3.1.1 On peut notamment admettre qu'il y a une relation familiale prépondérante entre les enfants et le parent vivant en Suisse lorsque celui-ci a continué d'assumer de manière effective pendant toute la période de son absence la responsabilité principale de leur éducation, en intervenant à distance de manière décisive pour régler leur existence sur les questions essentielles, au point de reléguer le rôle de l'autre parent à l'arrière-plan. Pour autant, le maintien d'une telle relation ne signifie pas encore que le parent établi en Suisse puisse faire venir ses enfants à tout moment et dans n'importe quelles conditions. Il faut, comme dans le cas où les deux parents vivent en Suisse depuis plusieurs années séparés de leurs enfants, réserver les situations d'abus de droit, soit notamment celles dans lesquelles la demande de regroupement vise en priorité une finalité autre que la réunion de la famille sous le même toit (sur ce point, cf. infra consid. 3.2). Par ailleurs, indépendamment de ces situations d'abus, il convient, surtout lorsque la demande de regroupement familial intervient après de nombreuses années de séparation, de procéder à un examen d'ensemble des circonstances portant en particulier sur la situation personnelle et familiale de l'enfant et sur ses réelles possibilités et chances de s'intégrer en Suisse et d'y vivre convenablement. Pour en juger, il y a notamment lieu de tenir compte de son âge, de son niveau de formation et de ses connaissances linguistiques. Un soudain déplacement de son centre de vie peut en effet constituer un véritable déracinement pour lui et s'accompagner de grandes difficultés d'intégration dans le nouveau cadre de vie; celles-ci seront d'autant plus probables et potentiellement importantes que son âge sera avancé (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.3.2 p. 16).
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3.1.2 Lorsque le regroupement familial en Suisse est demandé en raison de la survenance d'un changement important des circonstances, par exemple une nouvelle donne familiale, les adaptations nécessaires devraient en principe, dans la mesure du possible, être d'abord réglées par les voies du droit civil. Toutefois, il faut réserver certains cas, notamment ceux où les nouvelles relations familiales sont clairement redéfinies - par exemple lors du décès du parent titulaire du droit de garde ou lors d'un changement marquant des besoins d'entretien - et ceux où l'intensité de la relation est transférée sur l'autre parent (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.1 p. 252/253; ATF 125 II 585 consid. 2a p. 586/587; ATF 124 II 361 consid. 3a p. 366 et les arrêts cités). Le cas échéant, il y a lieu d'examiner s'il existe dans le pays d'origine des alternatives, en matière de prise en charge de l'enfant, qui correspondent mieux à ses besoins spécifiques et à ses possibilités. L'opportunité d'un tel examen concerne particulièrement les enfants proches ou entrés dans l'adolescence qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine, et pour lesquels une émigration vers la Suisse pourrait, comme on l'a vu, être ressentie comme un déracinement difficile à surmonter et devrait donc, autant que possible, être évitée. Toutefois, la jurisprudence rendue à propos des art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH ne doit pas conduire à n'accepter le regroupement familial que dans les cas où aucune alternative ne s'offre pour la prise en charge de l'enfant dans son pays d'origine. Simplement, une telle alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et soigneusement examinée que l'âge de l'enfant est avancé, que son intégration s'annonce difficile au vu de la situation et que la relation nouée jusqu'ici avec le parent établi en Suisse n'apparat pas particulièrement étroite (cf. ATF 125 II 633 consid. 3a p. 640 et les arrêts cités).
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En matière de regroupement familial différé, plus il apparaît que les parents ont, sans motif valable, attendu longtemps avant de demander l'autorisation de faire venir leurs enfants en Suisse, et plus le temps séparant ceux-ci de leur majorité est court, plus l'on doit s'interroger sur les véritables intentions poursuivies par cette démarche et se demander si l'on ne se trouve pas dans une situation d'abus de droit. Ce point doit faire l'objet d'un examen particulier en cas de regroupement familial partiel, car l'expérience enseigne que le risque d'abus est alors plus élevé que si la demande émane de parents vivant ensemble (cf. ATF 126 II 329 consid. 3b p. 332/333). Ainsi, le fait qu'un parent établi en Suisse veuille y faire venir un enfant, peu avant sa majorité, alors que celui-ci a longtemps vécu séparément chez son autre parent vivant à l'étranger, constitue généralement un indice d'abus du droit au regroupement familial. En effet, on peut alors présumer que le but visé n'est pas prioritairement de permettre et d'assurer la vie familiale commune, conformément à l'objectif poursuivi par les art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH, mais de faciliter l'établissement en Suisse et l'accès au marché du travail. Il faut néanmoins tenir compte de toutes les circonstances particulières du cas qui sont de nature à justifier le dépôt tardif d'une demande de regroupement familial comme, par exemple, une subite et importante modification de la situation familiale et des besoins de l'enfant, telle qu'elle peut notamment se produire, ainsi qu'on l'a vu, après le décès du parent vivant à l'étranger (cf. ATF 126 II 329 consid. 3b p. 333; ATF 125 II 585 consid. 2a p. 587 et les arrêts cités).
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4. Dans le cas particulier, le Tribunal administratif a constaté que la mère, X., avait vécu en Suisse plus de onze ans séparée de ses enfants avant de déposer pour la première fois, le 29 septembre 2004, une demande de regroupement familial en leur faveur. Les juges ont, par ailleurs, estimé que l'intéressée n'avait pas été en mesure de fournir des explications susceptibles de justifier une telle attente et que rien n'établissait qu'elle entretenait avec ses enfants un lien plus étroit que les personnes qui s'étaient occupées d'eux au Ghana, soit leur grand-mère et la soeur de Y. Enfin, ils ont relevé que les enfants ne parlaient " pas un mot de français " et avaient conservé le centre de leurs intérêts au Ghana, où ils ont vécu depuis leur naissance et accompli " plus ou moins régulièrement leur scolarité ", et où vivent les personnes qui les ont élevés depuis le départ de leur mère pour la Suisse en 1993.
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Les recourants soutiennent, en renvoyant à une récente jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt dans la cause Tuquabo-Tekle et autres contre Pays-Bas du 1er décembre 2005, n 60665/00) et à un commentaire que lui a consacré MARC SPESCHA (Familiennachzug: Restriktive schweizerische Praxis verstösst gegen Europäische Menschenrechtskonvention, in Revue de l'avocat 2006 p. 144 ss), que " la limite d'âge [des enfants] n'est pas opposable au regroupement familial à titre de motif décisif, lorsque la vie familiale a été maintenue dans la mesure compatible avec une séparation." Ils estiment également que le lien créé entre parents et enfants par la vie familiale initiale ne peut se briser que dans des circonstances exceptionnelles, mais non par une simple séparation, fût-elle de plusieurs années, due au départ, volontaire ou non, de l'un des parents à l'étranger. En outre, ils font valoir que la pleine protection de l'art. 8 CEDH " est acquise dès qu'il y a vie familiale ", sans distinction selon " qu'il y ait descendance commune ou non entre deux parents. " Enfin, ils invoquent l'art. 17 al. 2bis LSEE qui, à leur sens, tendrait à faciliter le regroupement familial des enfants lorsqu'il s'agit d'assurer leur formation.
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Erwägung 5 |
5.1 L'affaire invoquée par les recourants concerne le cas d'une ressortissante érythréenne née en 1963, Goi Tuquabo-Tekle, qui avait fui son pays (alors rattaché à l'Ethiopie) pour la Norvège en 1989, à la suite du décès de son premier mari survenu durant la guerre civile. Elle avait alors laissé derrière elle trois enfants, deux garçons et une fille, qu'elle avait confiés aux soins de leur grand-mère maternelle et d'un oncle. Après l'obtention d'un permis humanitaire en 1990, elle avait pu, en octobre 1991, faire venir auprès d'elle en Norvège son fils aîné âgé de treize ans qui vivait alors depuis quelque temps chez un de ses amis en Ethiopie, à Addis Abeba; en revanche, elle n'avait pas réussi à obtenir des autorités érythréennes les papiers nécessaires pour faire venir ses deux autres enfants restés en Erythrée. En juin 1992, elle s'était remariée avec un compatriote vivant aux Pays-Bas avec le statut de réfugié, puis elle avait émigré dans ce pays avec son fils aîné en juillet de l'année suivante pour y rejoindre son mari avec lequel elle aura deux enfants, nés respectivement en 1994 et 1995. Le 16 septembre 1997, elle et son mari déposèrent une demande de regroupement familial en faveur de sa fille de quinze ans, Mehret, restée en Erythrée. La dernière instance judiciaire hollandaise rejeta cette demande, en retenant notamment que les requérants n'avaient réussi à prouver ni que la mère avait conservé des liens étroits avec sa fille et avait continué à exercer à distance son autorité parentale sur elle, ni qu'elle avait vainement tenté de la faire venir plus tôt aux Pays-Bas; les juges hollandais estimèrent dès lors que l'intérêt de la société à poursuivre une politique restrictive en matière d'immigration l'emportait sur l'intérêt des requérants à obtenir l'autorisation souhaitée, en relevant que l'article 8 CEDH ne créait à cet égard aucun droit et que, dans les circonstances du cas, aucune raison sérieuse et objective n'empêchait la famille de se reconstituer en Erythrée. La Cour européenne des droits de l'homme (ci-après également citée: la Cour) a admis le recours formé par les requérants contre ce refus.
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Dans ses considérants, la Cour a d'abord rappelé les buts et les principes guidant l'application de l'art. 8 CEDH, à savoir: que cette disposition tend d'abord à prémunir les individus contre les ingérences de l'Etat, conformément à son second paragraphe, mais qu'elle peut également impliquer des obligations positives de la part de l'Etat afin de garantir le " respect " effectif de la vie familiale prévu à son premier paragraphe; que la frontière entre les obligations négatives et les obligations positives ne se prête guère à une définition précise; que, dans les deux cas, les principes applicables sont néanmoins comparables, en ce sens qu'il faut tenir compte du juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents des individus et de la société dans son ensemble et que l'Etat jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation (arrêt précité, par. 42).
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La Cour a ensuite réaffirmé sa jurisprudence constante voulant que, pour établir les obligations de l'Etat dans un cas particulier, il faut examiner les faits de la cause à la lumière des principes suivants:
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b) d'après un principe de droit international bien établi, les Etats ont le droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux des traités, de contrôler l'entrée des non-nationaux sur leur sol;
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c) en matière d'immigration, l'art. 8 CEDH ne saurait s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par des couples mariés, de leur résidence commune et de permettre le regroupement familial sur son territoire (arrêt précité, par. 43).
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Appliquant ces principes au cas d'espèce, la Cour a expressément relevé que, dans son analyse de la situation, elle devait prendre en considération l'âge des enfants concernés, leur situation dans leur pays d'origine et leur degré de dépendance par rapport aux parents (arrêt précité, par. 44). Elle a ensuite établi un parallèle avec une autre affaire hollandaise (arrêt dans la cause Sen contre Pays-Bas du 21 décembre 2001, n31465/96,), où elle avait admis, dans des circonstances qu'elle a qualifiées de similaires, une demande de regroupement familial en faveur d'un jeune enfant; comme l'âge des enfants faisant l'objet de la demande était néanmoins sensiblement différent (neuf ans dans l'affaire Sen, contre quinze ans dans l'affaire Tuquabo-Tekle ), la Cour s'est attachée à déterminer si cet élément appelait de donner une issue différente au litige; à cette fin, elle a fait état de précédents où elle avait jugé conformes à l'art. 8 CEDH des refus de regroupement familial au motif précisément que les enfants concernés avaient atteint un âge où l'on pouvait admettre qu'ils n'avaient plus autant besoin des soins et de l'attention de leurs parents que de jeunes enfants; dans des affaires de ce genre, a-t-elle poursuivi, il faut examiner dans quelle mesure les enfants ont grandi dans l'environnement culturel et linguistique de leur pays d'origine et y ont encore des parents pouvant les prendre en charge et si, cas échéant, on peut attendre de leurs propres parents qu'ils les y rejoignent pour réunir la famille (arrêt Tuquabo-Tekle précité, par. 47, 48 et 49 et les affaires qui y sont mentionnées).
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Au final, la Cour a décidé que, nonobstant l'importance des liens linguistiques et culturels de l'enfant Mehret avec son pays d'origine et bien qu'il n'eût pas été allégué que sa grand-mère ne pouvait plus prendre soin d'elle, son âge n'était, compte tenu des circonstances particulières du cas, pas un élément justifiant d'adopter une autre solution que dans l'affaire Sen (arrêt Tuquabo-Tekle précité, par. 50). Au titre de ces circonstances, la Cour a constaté que la mère avait toujours eu l'intention de faire venir auprès d'elle sa fille, qu'elle avait constamment et dès que possible accompli des efforts et entrepris des démarches en ce sens, qu'elle n'était pas parvenue à ses fins pour des raisons indépendantes de sa volonté (arrêt précité, par. 45/46), qu'elle et son mari avaient légalement résidé pendant de nombreuses années aux Pays-Bas et avaient obtenu la nationalité de ce pays par naturalisation, qu'ils y avaient donné naissance à deux enfants, également de nationalité hollandaise, et que ces enfants n'avaient pratiquement aucun lien avec le pays d'origine de leurs parents, ayant toujours vécu dans l'environnement culturel et linguistique des Pays-Bas (arrêt précité, par. 47/48); la Cour a également relevé que, même s'ils n'étaient en eux-mêmes pas décisifs, deux points méritaient néanmoins d'être mentionnés, à savoir, d'une part, que conformément aux coutumes du pays d'origine, la grand-mère avait décidé, contre l'avis de la mère, de retirer l'enfant Mehret de l'école, et s'apprêtait à organiser pour elle un mariage arrangé et, d'autre part, qu'au moment des premières démarches entreprises en Norvège en 1990 pour faire venir l'enfant, celle-ci n'était alors âgée que de neuf ans, comme dans l'affaire Sen (arrêt Tuquabo-Tekle précité, par. 50 et 51).
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Contrairement à l'avis de SPESCHA (op. cit., p. 146) relayé par les recourants, ces considérations restent pertinentes et ne sont pas remises en cause par l'arrêt Tuquabo-Tekle. Il est vrai que cette affaire avait pour toile de fond une demande de regroupement familial partiel, émanant de la mère et du beau-père de l'enfant, alors que le cas Sen, avec lequel la Cour européenne des droits de l'homme a tiré un parallèle, avait pour enjeu une demande de regroupement familial émanant des deux parents de l'enfant. Il apparaît toutefois que les motifs ayant conduit les juges de Strasbourg à établir un tel parallèle tiennent au fait que, dans les deux cas, il s'agissait d'affaires hollandaises concernant des couples mariés, établis de longue date et bien intégrés aux Pays-Bas, qui avaient formé une demande de regroupement familial en faveur de leur fille (respectivement belle-fille) laissée au pays aux soins de proches parents; par ailleurs, aussi bien dans l'affaire Sen que dans l'affaire Tuquabo - Tekle, les requérants avaient acquis la nationalité de leur pays d'accueil par naturalisation et y avaient donné naissance à deux enfants, également de nationalité hollandaise, qui ne présentaient que peu de liens avec le pays d'origine de leurs parents, ayant toujours vécu dans l'environnement culturel et linguistique des Pays-Bas. C'est sous l'angle de ces circonstances particulières que les deux cas ont été rapprochés par la Cour (cf. arrêt précité Tuquabo-Tekle, par. 47/48). Que celle-ci n'ait, dans ce contexte précis, pas fait allusion à certaines différences ne permet en tout cas pas, comme le soutient SPESCHA (ibidem), d'en déduire que de telles différences seraient une fois pour toutes et de manière générale dénuées de toute pertinence pour apprécier des demandes de regroupement familial dans d'autres cas. On ne comprendrait du reste pas, s'il en était ainsi et si la distinction entre regroupement familial partiel et regroupement familial auprès des deux parents n'avait aucune pertinence, que la Cour européenne des droits de l'homme continuât à poser comme critères d'appréciation, outre l'âge des enfants, la situation de ceux-ci dans leur pays d'origine et leur degré de dépendance par rapport aux parents (arrêt précité, par. 44). Il tombe en effet sous le sens que ces critères se présentent sous un jour différent selon que les deux parents vivent ensemble ou non, surtout si l'éducation des enfants a été assurée pendant de nombreuses années par le parent resté à l'étranger et si l'enfant a noué avec celui-ci des liens privilégiés.
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Par ailleurs, l'affaire Tuquabo-Tekle a ceci encore de particulier qu'elle concerne un cas singulier de regroupement familial partiel, soit celui d'une mère qui a émigré de son pays d'origine après le décès de son premier mari puis s'est remariée et a fondé une nouvelle famille dans le pays d'accueil, en laissant sa fille derrière elle aux soins de proches. On ne saurait dès lors déduire du contexte particulier de l'affaire la portée de principe que veut conférer à celle-ci SPESCHA sur certains points, en particulier sur le fait qu'il n'y aurait désormais plus lieu de faire de distinction entre un regroupement familial seulement partiel et un regroupement familial auprès des deux parents. En réalité, la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas spécifiquement abordé cette question dans l'arrêt Tuquabo-Tekle. Dans d'autres affaires, elle a par contre clairement mis l'accent, à l'instar de la Cour de céans, sur la nécessité de tenir aussi compte, dans la pesée des intérêts, des liens que l'enfant a pu développer avec ses proches dans son pays d'origine ainsi qu'avec l'environnement culturel et linguistique de ce pays (cf. arrêts dans la cause Ahmut contre Pays-Bas du 26 novembre 1996, Recueil CourEDH 1996-VI p. 2017, par. 69, et dans la cause Gül contre Suisse du 19 février 1996, Recueil CourEDH 1996-I p. 159, par. 42). Si, dans le cas Tuquabo-Tekle, ces liens n'ont pas été considérés comme décisifs, c'est apparemment - et notamment - parce que les juges de Strasbourg ont malgré tout tenu compte des perspectives relativement sombres qui attendaient l'enfant Mehret si elle devait rester au pays: sa grand-mère l'avait en effet retirée de l'école et elle était promise à un mariage forcé. Les juges ont semble-t-il également voulu prendre en considération le fait que la mère avait sans succès déjà entrepris des démarches en vue du regroupement familial lorsque l'enfant n'était âgée que de 9 ans.
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5.3 Il apparaît également que rien, dans la motivation de l'arrêt Tuquabo-Tekle, ne permet de conclure, comme le soutiennent les recourants en s'appuyant sur SPESCHA (op. cit., p. 147), que l'âge de l'enfant au moment de la demande de regroupement familial ne jouerait qu'un rôle secondaire dans la pesée des intérêts. Au contraire, c'est même le premier critère que la Cour a expressément mentionné parmi les éléments à prendre en considération à cet égard au titre de la situation personnelle de l'enfant (par. 44). Par ailleurs, si la Cour a effectivement établi un parallèle avec l'affaire Sen, elle n'en a pas moins clairement souligné que celle-ci se démarquait du litige qu'elle avait à trancher par la différence d'âge des enfants concernés dans les deux causes (par. 48), confirmant par là l'importance de cet élément dans l'appréciation à porter sur un cas d'espèce. Certes a-t-elle finalement fait droit à la demande de regroupement familial, en considérant, au terme de son examen, que la différence d'âge entre les enfants concernés ne justifiait pas une autre solution. Elle n'a toutefois nullement fondé cette conclusion, comme le voudrait SPESCHA (ibidem), sur l'idée que l'âge ne serait, d'une manière générale, pas un critère important pour apprécier le bien-fondé d'une demande de regroupement familial différé. En réalité, c'est malgré l'âge déjà relativement avancé de l'enfant que la Cour a - exceptionnellement - penché pour l'admission du recours dans l'affaire Tuquabo-Tekle, afin de tenir compte des circonstances particulières du cas (cf. JEAN-FRANÇOIS AKANDJI-KOMBE, Les obligations positives en vertu de la Convention européenne des Droits de l'Homme, in Série "Précis sur les droits de l'homme", n7, éd. par le Conseil de l'Europe, Strasbourg 2006, p. 45/46).
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Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de changer la pratique en cours en matière de regroupement familial partiel et différé, en ce sens que, dans la pesée des intérêts, il faut continuer à tenir compte de l'âge des enfants concernés et du nombre d'années que ceux-ci ont passées à l'étranger, et veiller autant que possible à privilégier la venue en Suisse de jeunes enfants. En effet, ceux-ci ont généralement conservé des liens plus étroits avec celui de leur parent établi en Suisse que des enfants déjà avancés en âge ayant vécu de nombreuses années à l'étranger; de plus, de jeunes enfants sont davantage capables de s'adapter à un nouvel environnement familial, social et culturel (nouvelle prise en charge éducative et scolaire; nouvelles habitudes de vie; apprentissage d'une nouvelle langue; éventuelle nécessité d'un rattrapage scolaire; [...]), étant notamment moins en proie que des adolescents ou des enfants proches de l'adolescence à rencontrer des problèmes d'intégration liés à un déracinement (cf. supra consid. 3.1.1).
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5.4 Ces réflexions ont alimenté la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr; FF 2005 p. 6885), approuvée le 24 septembre dernier en votation populaire (FF 2006 p. 8953), qui entrera en vigueur dans quelque temps en remplacement de l'actuelle loi fédérale (précitée) sur le séjour et l'établissement des étrangers (Annexe I LEtr). Ainsi, la nouvelle loi fait-elle de l'intégration des étrangers un thème central, en lui consacrant de nombreuses dispositions (cf. art. 3 al. 1, 4 et 53 ss LEtr). Et c'est également en partie dans ce souci que, sauf " raisons familiales majeures " (cf. art. 47 al. 3 LEtr), la nouvelle loi soumettra le droit de demander le regroupement familial des enfants de plus de 12 ans à un délai particulier de 12 mois dès l'octroi de l'autorisation de séjour ou d'établissement ou de l'établissement du lien familial (cf. art. 47 al. 1 et 3 let. b LEtr). Par ailleurs, contrairement à l'art. 17 al. 2 LSEE, la nouvelle loi ne permettra plus d'inclure les enfants de plus de 12 ans dans l'autorisation d'établissement de leurs parents, mais leur donnera simplement droit à une autorisation de séjour (cf. art. 43 al. 1 et al. 3 LEtr a contrario; sur la nouvelle loi, cf. MINH SON NGUYEN, Le regroupement familial dans la loi sur les étrangers et dans la loi sur l'asile révisée, in Annuaire du droit de la migration, 2005/2006, Berne 2006, p. 31 ss; du même auteur et publié dans le même ouvrage, La LEtr soumise au referendum, p. 213 ss).
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A noter que la mise en place de limites d'âge en vue de garantir une bonne intégration des enfants étrangers n'est pas une politique propre à la Suisse, le Conseil de l'Union européenne ayant adopté le 22 septembre 2003 une directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial (JO L 251 p. 12), qui donne notamment compétence à un Etat membre d'examiner si un enfant de plus de 12 ans arrivé indépendamment du reste de sa famille satisfait à un critère d'intégration prévu par sa législation; cette possibilité vise à tenir compte de la faculté d'intégration des enfants dès le plus jeune âge et garantit qu'ils acquièrent l'éducation et les connaissances linguistiques nécessaires à l'école (art. 4 § 1 in fine de la directive explicité à la lumière de son 12e considérant). La directive prévoit également que les Etats membres peuvent exiger que les demandes de regroupement familial d'enfants mineurs soient introduites avant que ceux-ci n'aient atteint l'âge de 15 ans, les demandes introduites ultérieurement ne pouvant faire l'objet d'une dérogation que " pour d'autres motifs que le regroupement familial " (art. 4 § 6; sur cette directive, cf. ASTRID EPINEY/ANDREA FAEH, Zum Aufenthaltsrecht von Familienangehörigen im europäischen Gemeinschaftsrecht, in Annuaire du droit de la migration 2005/2006, Berne 2006, p. 49 ss, 74 ss).
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Saisie par le Parlement européen d'un recours tendant à l'annulation des dispositions précitées de la directive, la Cour de justice des communautés européennes (ci-après citée: la Cour de justice ou CJCE) l'a récemment rejeté dans un arrêt du 27 juin 2006 (cause C-540/03). Après avoir rappelé en détail la pratique de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de regroupement familial des enfants et, notamment, les principes développés dans les arrêts précités Sen, Ahmut et Gül, la Cour de justice a considéré que la limite d'âge de 12 ans et le critère d'intégration prévus à l'art. 4 § 1 de la directive étaient compatibles avec la marge d'appréciation laissée aux Etats par l'art. 8 CEDH et avec les objectifs poursuivis par cette disposition; à cet égard, elle a notamment souligné que " la nécessité de l'intégration peut relever de plusieurs des buts légitimes visésà l'article 8, paragraphe 2, de la CEDH " (arrêt CJCE précité, points 62 ss). Par ailleurs, la Cour de justice a jugé que la limite d'âge prévue à l'art. 4 § 6 de la directive pouvait et devait être interprétée dans un sens conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale, en ce sens notamment qu'elle n'interdisait pas aux Etats membres de prendre en compte des demandes relatives à des enfants de plus de 15 ans, l'obligation de n'autoriser l'entrée et le séjour de ceux-ci que pour " d'autres motifs que le regroupement familial " ne faisant référence qu'aux hypothèses de regroupement familial imposées par la directive; cette précision laisse la porte ouverte à des demandes de regroupement familial fondées directement sur l'art. 8 CEDH (arrêt précité, points 84 ss). En rendant son verdict, la Cour de justice n'a pas ignoré l'arrêt Tuquabo-Tekle qui lui est antérieur de plusieurs mois, d'autant que son attention avait été expressément attirée sur cette affaire par les conclusions de l'avocat général du 8 septembre 2005.
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La situation envisagée à la lumière de la nouvelle loi sur les étrangers ainsi qu'au regard de la pratique en cours dans les pays voisins n'incite donc nullement à infléchir la jurisprudence actuelle dans le sens désiré par les recourants.
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5.5 En résumé, on peut tout au plus déduire de l'arrêt Tuquabo-Tekle qu'un droit au regroupement familial partiel ne doit, selon les circonstances, pas être d'emblée exclu, même s'il est exercé plusieurs années après la séparation de l'enfant et son parent établi en Suisse et si l'enfant est alors déjà relativement avancé en âge. Le Tribunal fédéral ne l'ignore pas; du reste, il a déjà admis des demandes de regroupement familial (différé) en faveur d'adolescents ou d'enfants proches de la majorité lorsque des motifs importants imposaient une modification de leur prise en charge éducative (cf. arrêts 2A.123/1999 du 26 juillet 1999 et 2A.340/2000 du 27 octobre 2000). De fait, la jurisprudence ne pose aucune règle rigide en la matière, mais invite au contraire, dans la ligne de la pratique de la Cour européenne des droits de l'homme, à procéder à un examen individuel dans chaque cas d'espèce, loin de tout schématisme préétabli. L'appréciation doit se faire sur la base de l'ensemble des circonstances et tenir particulièrement compte de la situation personnelle de l'enfant (liens familiaux et sociaux et possibilité de prise en charge éducative dans son pays, [...]), de ses chances d'intégration en Suisse (compte tenu notamment de son âge, de son niveau scolaire et de ses connaissances linguistiques), du temps qui s'est écoulé depuis la séparation d'avec son parent établi en Suisse, de la situation personnelle de celui-ci (notamment aux plans familial et professionnel) et des liens qui les unissent l'un à l'autre. Pour juger de l'intensité de ces liens, il faut notamment prendre en considération le nombre d'années que le parent établi en Suisse a vécues avec son enfant à l'étranger avant d'émigrer, et examiner dans quelle mesure il a depuis lors maintenu concrètement avec lui des relations malgré la distance, en particulier s'il a eu des contacts réguliers avec lui (au moyen de visites, d'appels téléphoniques, de lettres, [...]), s'il a gardé la haute main sur son éducation et s'il a subvenu à son entretien.
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Erwägung 6 |
Contrairement à ce que laissent entendre les recourants, même si elle ne bénéficiait pas encore d'une autorisation d'établissement lui conférant le droit de demander la réunion de ses enfants en Suisse (cf. art. 17 al. 2 LSEE a contrario), la mère avait néanmoins la possibilité, comme l'ont constaté les premiers juges, de déposer une telle demande depuis qu'une autorisation de séjour lui avait été octroyée, soit depuis le 14 avril 1997 (cf. art. 38 al. 2 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers a contrario [OLE; RS 823.21]). Certes, sa situation financière était à l'époque difficile. Elle a du reste émargé à plusieurs reprises à l'aide sociale, notamment à partir du mois d'avril 1998, où elle a touché pendant certaines périodes le revenu minimum de réinsertion (RMR), la dernière fois, selon les pièces au dossier, d'octobre 2003 à juin 2004. Les recourants n'ont cependant apporté aucun élément permettant de penser que les choses se seraient soudainement améliorées à l'automne 2004 lors du dépôt de la demande litigieuse. Dans ses déclarations, puis dans son recours au Tribunal administratif, la mère n'a d'ailleurs pas indiqué de changement déterminant dans sa situation financière à cette époque, mais a surtout insisté sur l'aide que pouvait lui apporter son compagnon Y., avec lequel elle partageait alors un appartement depuis 2002 en compagnie de leur enfant commun né cette même année. Or, si le fait nouveau décisif tenait vraiment dans sa nouvelle vie avec le prénommé, on peut s'étonner que la mère ait encore attendu deux années supplémentaires avant de demander la réunion de ses enfants en Suisse. De plus, au regard des revenus de son compagnon, il n'apparaît pas que l'aide de celui-ci pût être importante, surtout si l'on considère que l'intéressé avait lui-même formé, selon les indications de l'Ambassade de Suisse à Accra, une demande de regroupement familial en faveur de deux enfants vivant au Ghana dont il était le père. Dans ces conditions, on peut sérieusement se demander si les motifs économiques invoqués, certes réels mais en réalité présents et constants depuis l'arrivée de la mère en Suisse, y compris au moment de la demande de regroupement familial, expliquent à eux seuls le retard pris pour former cette demande ou si, en fin de compte, celle-ci ne vise pas prioritairement un autre but que la réunion de la famille sous le même toit, comme l'ont sous-entendu les premiers juges en relevant que la demande n'avait été déposée que peu de temps avant la majorité des deux jumeaux, soit à un âge où ceux-ci peuvent entrer dans la vie active ou du moins entreprendre une formation (sur ce point, cf. aussi infra consid. 6.2.2).
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Quoi qu'il en soit, la question d'un éventuel abus de droit peut rester indécise, car le recours est de toute façon mal fondé pour un autre motif.
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6.2.1 Selon les constatations du Tribunal administratif, la mère a régulièrement versé des contributions financières en faveur de ses enfants et elle leur a rendu visite une fois par année au pays. Les recourants ont également allégué qu'ils avaient de fréquents contacts téléphoniques. Au vu du temps qui s'est écoulé depuis la séparation, soit onze années au moment du dépôt de la demande litigieuse, on ne saurait toutefois admettre que de tels rapports sont en eux-même suffisants pour maintenir une relation prépondérante entre les intéressés au sens de la jurisprudence. Seule une implication particulièrement importante et décisive de la mère pour régler la vie de ses enfants permettrait éventuellement d'admettre le contraire. Or, les recourants n'ont pas démontré sur quels points précis ou de quelle manière l'intéressée aurait concrètement gardé la haute main sur l'éducation de ses enfants, ni même, du reste, n'ont formulé d'allégués allant dans ce sens. Il faut dès lors constater que les relations qui les unissent ne sont pas prépondérantes au point de justifier à elles seules un regroupement familial aussi différé (sur ce point, cf. aussi infra consid. 6.3).
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C'est en vain que les recourants soutiennent, en se référant à l'arrêt précité Sen (ad par. 28), que " le lien créé entre parents et enfant par la vie familiale initiale (...) crée un lien que desévénements ultérieurs ne peuvent briser que dans des circonstances exceptionnelles ". En effet, le passage de l'arrêt Sen auquel il est fait allusion détermine à quelles conditions l'existence d'une vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH doit être admise. Or, en l'espèce, ce point - de recevabilité du grief - n'est pas contesté. Seule est litigieuse la question - de fond - de savoir si les refus d'autorisations d'entrée et/ou de séjour opposés aux enfants constituent des violations du droit au respect de la vie familiale garanti par la disposition conventionnelle précitée ou constituent des ingérences dans l'exercice de ce droit.
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Au demeurant, à supposer même que les liens entre la mère et ses enfants puissent être qualifiés de prépondérants, un examen de l'ensemble des circonstances s'imposerait de toute façon au regard de la durée de séparation entre les intéressés et de l'âge déjà relativement avancé des enfants au moment de la demande (cf. supra consid. 3.1.1 et 5.5). Il sera procédé plus loin à cet examen d'ensemble (infra consid. 6.3).
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6.2.2 Dans leurs différentes écritures, les recourants n'ont eu de cesse de faire valoir que la prise en charge éducative des enfants ne pouvait pas - ou plus - être convenablement assurée au Ghana. Ils n'ont toutefois fourni aucun élément tangible à l'appui de cette assertion ni même développé de claires explications permettant de l'accréditer. De leur propre aveu, les enfants sont pris en charge depuis quelques années par Z. En procédure fédérale, ils ne démontrent ni même n'allèguent expressément que celle-ci ne pourrait plus assurer cette mission. La seule allusion à cette circonstance tient dans une déclaration écrite du 9 juillet 2004 de la prénommée que les recourants retranscrivent dans la partie faits de leur mémoire (après traduction de l'anglais) de la manière suivante: " (...) Que la garde de l'enfant [il n'est ici fait référence qu'à la cadette, mais il est constant que les deux aînés ont également été pris en charge par la prénommée] m'a été confiée quand la mère X. a quitté le territoire. Que depuis lors j'ai été le gardien, le parent nourricier et le responsable ici au Ghana de C. Que présentement j'ai à faire face à des difficultés économiques qui sont un obstacle insurmontable à l'entretien et l'éducation de l'enfant. Qu'il est de l'intérêt supérieur de l'enfant de pouvoir se réunir à sa mère de manière que celle-ci soit en mesure de lui assurer des soins normaux, une vie décente et une bonne éducation (...)". Du moment qu'il est admis que la mère envoie régulièrement de l'argent au Ghana, pays où il est notoire que le coût de la vie est sans commune mesure moins cher qu'en Suisse, l'argument financier n'apparaît pas de nature à établir, en l'absence d'éléments plus précis, que Z. ne peut subitement plus assumer la prise en charge des enfants. En réalité, le regroupement familial vise avant tout à donner à ceux-ci l'opportunité de bénéficier de meilleures perspectives d'avenir en matière de formation et d'accès au marché du travail, comme en conviennent du reste sans détour les recourants en procédure fédérale, en relevant que " c'est d'ailleurs le souci d'uneéducation normale et suffisante qui est le motif principal de la réunion familiale ". Cet objectif transparaît tout aussi nettement dans une déclaration que le père des jumeaux a signée le même jour que Z. Or, pour honorable qu'il soit, un tel objectif n'est pas susceptible de justifier une demande de regroupement familial (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.2 p. 253/254). A cet égard, les recourants font fausse route lorsqu'ils invoquent l'art. 17 al. 2bis LSEE: outre que cette disposition n'est pas d'application directe, qu'elle n'a, à ce jour, pas été précisée par voie d'ordonnance, et qu'elle ne vise que les enfants dont les parents sont titulaires d'une autorisation de séjour, son but n'est pas à proprement parler de faciliter le regroupement familial des enfants visés en vue de leur garantir une formation, mais d'introduire des critères d'admission, comme l'âge, en vue de s'assurer que ces enfants puissent, le moment venu, entreprendre avec succès une telle formation (cf., à ce sujet, les déclarations du rapporteur de la commission du Conseil des Etats, Peter Bieri, in BO 2002 CE p. 528).
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Par ailleurs, la mère de C. ne jouit pas en Suisse d'une situation personnelle et familiale aussi stable et favorable au développement et à l'intégration de l'enfant que dans l'affaire précitée. Certes y a-t-elle donné naissance en 2002 à un nouvel enfant, D.; elle n'est toutefois pas mariée et semble dans une situation financière plutôt précaire; dans son recours, elle allègue même ne plus partager sa vie avec le père de son enfant D., mais vivre seule avec ce dernier et, depuis, avril 2004, son premier fils entré sans visa et sans autorisation en Suisse; sa situation ne lui permet donc que difficilement d'accueillir de nouveaux enfants dans son foyer et laisse même redouter qu'elle doive alors recourir à l'assistance publique.
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En outre, selon les informations de l'Ambassade de Suisse à Accra, C. ne parlerait pas anglais, mais seulement la langue locale, et serait illettrée. Les recourants ont véhémentement contesté l'exactitude de ces informations, mais sur le mode de l'affirmation et sans apporter le moindre élément permettant de se convaincre du contraire (par exemple des documents scolaires). Ils ont même expressément admis que l'intéressée avait refusé de fréquenter l'école, en relevant que sa venue en Suisse serait pour elle l'opportunité de compléter ses lacunes et d'acquérir une formation, dans l'idée d'exercer plus tard une activité lucrative. Mais, comme on l'a vu (supra 6.2.2 in fine), de tels buts sont étrangers à l'institution du regroupement familial. D'ailleurs, l'âge déjà relativement avancé de l'enfant en cause et ses importantes carences linguistiques et scolaires laissent redouter qu'elle éprouverait les plus grandes difficultés d'intégration en cas de déplacement de son centre de vie en Suisse et, en particulier, qu'elle ne pourrait que difficilement débuter une formation ou une activité adaptées à ses facultés. A l'inverse, au vu du nombre d'années passées au Ghana, il faut admettre que l'enfant y a forcément d'importantes attaches familiales, sociales et culturelles. Certes n'entretient-elle aucune relation avec son père et les recourants sont-ils restés laconiques et flous sur ses réelles conditions de vie, en particulier sur son cercle de relations familiales et sociales. Il apparaît toutefois qu'elle peut en tout cas compter sur sa petite-cousine qui prend soin de son éducation grâce à l'argent que lui envoie sa mère ainsi que sur l'aide de sa soeur aînée. Sur un plan professionnel, il semble qu'elle ait entrepris une formation dans le domaine de la coiffure. Pour difficile qu'elle puisse être, surtout sous l'angle économique, sa situation personnelle au Ghana ne se confond donc nullement avec le cas de l'enfant Mehret en Erythrée dans l'affaire Tuquabo-Tekle.
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Dans ces conditions, l'intérêt privé des recourants à ce que C. puisse rejoindre sa mère en Suisse au titre du regroupement familial ne l'emporte pas sur l'intérêt public du pays de poursuivre une politique restrictive en matière d'immigration. En particulier, les recourants n'ont pas établi que la mère entretiendrait avec sa fille des relations prépondérantes ou qu'un changement important des circonstances se serait produit rendant nécessaire une modification de la prise en charge éducative de l'enfant. Le cas n'est en outre pas comparable à l'affaire Tuquabo-Tekle pour les nombreuses raisons rappelées ci-avant.
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