BGE 137 II 425
 
38. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. contre Présidente de l'Autorité de surveillance des avocats (recours en matière de droit public)
 
2C_187/2011 du 28 juillet 2011
 
Regeste
Art. 8 Abs. 1 lit. b, Art. 9 und 17 Abs. 1 lit. d BGFA; Art. 67 Abs. 1 StGB; strafrechtliche Verurteilung wegen Handlungen, die mit dem Anwaltsberuf nicht zu vereinbaren sind; Löschung aus dem Anwaltsregister.
 
Sachverhalt
A. Le 15 juin 2009, X., avocat à C., a été condamné par le Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal), à une peine pécuniaire de 135 jours-amende à 200 fr., dont l'exécution a été assortie du sursis pendant un délai d'épreuve de deux ans, ainsi qu'à une amende de 1'500 fr. pour calomnie, insoumission à une décision de l'autorité et dénonciation calomnieuse. Le recours formé par l'avocat contre ce jugement a été rejeté par le Tribunal fédéral par arrêt du 1er février 2010 (cause 6B_591/2009). Il était en substance reproché à X. d'avoir déposé, à l'encontre d'un autre avocat, une dénonciation pénale comportant un état de fait erroné, dans le dessein de faire ouvrir une poursuite pénale contre ce confrère et sa cliente, alors qu'il ne disposait d'aucun élément sérieux à l'appui de ses accusations. En outre, il avait transgressé une décision lui interdisant de diffuser un avis de droit et dénoncé deux autres confrères à la Chambre de surveillance des avocats en proférant des accusations dont il savait qu'elles étaient parfaitement infondées.
B. Le 10 février 2010, les deux avocats mis en cause devant la Chambre de surveillance des avocats ont signalé à la Présidente de l'Autorité cantonale de surveillance des avocats (ci-après: la Présidente) la condamnation pénale dont avait fait l'objet X.
Le 23 avril 2010, la Présidente a radié X. du registre cantonal des avocats, considérant que les faits pour lesquels ce mandataire professionnel avait été condamné pénalement n'étaient pas compatibles avec l'exercice de la profession d'avocat, de sorte que l'une des conditions personnelles requises pour être inscrit au registre faisait défaut.
Par arrêt du 21 janvier 2011, le Tribunal cantonal valaisan a rejeté le recours formé par X. à l'encontre de la décision de la Présidente du 23 avril 2010, rejetant également la demande de récusation du Tribunal cantonal dans son ensemble et celle concernant la suspension de la procédure formées par l'avocat.
C. Devant le Tribunal fédéral, X. conclut à l'annulation de la décision entreprise et à ce qu'il soit ordonné à l'Autorité cantonale chargée de tenir le registre des avocats de l'y inscrire et de le maintenir. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière de droit public dans la mesure de sa recevabilité.
(résumé)
 
Extrait des considérants:
6.1 L'art. 8 de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (loi sur les avocats, LLCA; RS 935.61) énumère les conditions personnelles que l'avocat doit remplir pour être inscrit au registre cantonal. Parmi celles-ci figure l'exigence de ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits incompatibles avec la profession d'avocat, à moins que cette condamnation ne figure plus sur l'extrait privé du casier judiciaire (al. 1 let. b). L'avocat qui ne remplit plus l'une des conditions d'inscription est radié du registre (art. 9 LLCA). L'idée est que la relation de confiance qui doit exister entre l'avocat et son client peut être détruite lorsque l'avocat n'offre pas toutes les garanties de sérieux et d'honorabilité allant de pair avec la pratique du barreau (cf. MEIER/REISER, in Commentaire romand, Loi sur les avocats [...], Michel Valticos et al. [éd.], 2010, nos 15 et 18 ad art. 8 LLCA p. 60). Seules les infractions qui révèlent des faits incompatibles avec l'activité d'avocat sont visées, ce qui n'est par exemple pas le cas d'un excès de vitesse anodin (arrêts 2C_119/2010 du 1er juillet 2010 consid. 2.2; 2C_183/2010 du 21 juillet 2010 consid. 2.3 et les références citées), mais d'un faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques (arrêt 2C_119/2010 précité consid. 2.4). En revanche, ces faits n'ont pas nécessairement besoin d'avoir été accomplis lors de l'activité professionnelle de l'avocat, mais peuvent aussi être survenus dans un contexte purement privé (cf. STAEHELIN/OETIKER, in Kommentar zum Anwaltsgesetz, Fellmann/Zindel [éd.], 2e éd. 2011, n° 17 ad art. 8 LLCA p. 75).
Pour déterminer si les faits pour lesquels l'avocat a été condamné sont ou non compatibles avec la profession d'avocat, l'autorité de surveillance dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Dans ce cadre, elle est tenue de veiller au respect de la proportionnalité. Ainsi, il faut être en présence de faits d'une certaine gravité qui doivent toujours se trouver dans un rapport raisonnable avec la radiation (arrêts 2C_119/2010 du 1er juillet 2010 consid. 2.2; 2C_183/2010 du 21 juillet 2010 consid. 2.3). En revanche, dès que les circonstances dénotent l'existence d'une condamnation pour des faits incompatibles avec la profession d'avocat, l'autorité compétente doit procéder à la radiation en vertu de l'art. 9 LLCA, sans qu'elle ne dispose plus d'aucune marge d'appréciation (arrêt 2C_119/2010 précité consid. 3).
6.2 En l'espèce, le recourant a été condamné pour dénonciation calomnieuse, insoumission à une décision de l'autorité et calomnie. Selon le jugement pénal du 15 juin 2009, il est en substance reproché au recourant d'avoir dénoncé pénalement un confrère, en présentant un état de fait erroné, d'avoir transgressé une décision judiciaire sur mesures provisionnelles lui interdisant, sous la menace des peines prévues à l'art. 292 CP, de diffuser un avis de droit et, enfin, d'avoir dénoncé deux autres confrères à la Chambre de surveillance des avocats en les faisant apparaître non seulement comme des avocats à l'éthique douteuse, mais comme des personnes moralement peu honorables voire méprisables, alors qu'il ne pouvait ignorer la fausseté de ses accusations. Sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans plus de détails, on ne voit pas que l'on puisse reprocher au Tribunal cantonal d'avoir excédé son pouvoir d'appréciation en confirmant la position de la Présidente, selon laquelle un avocat qui instrumentalise la justice à son profit, fait fi d'une interdiction judiciaire et profère des accusations extrêmement graves devant l'autorité disciplinaire afin de porter préjudice à des confrères, se rendant ainsi coupable de trois infractions distinctes, adopte un comportement incompatible avec la profession d'avocat.
6.3 Contrairement à ce que soutient le recourant, il n'est pas nécessaire que l'avocat remplisse les conditions de l'art. 67 al. 1 CP pour que sa conduite puisse être qualifiée d'incompatible avec la profession d'avocat. Le fait qu'une interdiction d'exercer la profession d'avocat au sens de l'art. 67 CP soit prononcée en même temps que la condamnation pénale est évidemment de nature à justifier une radiation en application de l'art. 8 al. 1 let. b LLCA (BOHNET/MARTENET, Droit de la profession d'avocat, 2009, n. 613 p. 273), mais n'est pas indispensable. Si tel était le cas, seuls les crimes ou délits commis par l'avocat dans l'exercice de sa profession justifieraient la non-inscription ou la radiation au registre. Or l'ensemble des actes de l'avocat, même ceux qui relèvent de sa vie privée et n'ont aucun lien avec la profession, peuvent, s'ils revêtent une certaine gravité, justifier une telle mesure (cf. supra consid. 6.1), dès qu'ils sont de nature à compromettre le rapport de confiance entre l'avocat et son client (cf. arrêt 2A.79/2005 du 22 juillet 2005 consid. 3.1 et les références citées).
7.1 Dès lors que, comme on vient de le voir, le Tribunal cantonal a conclu, sur la base d'une appréciation proportionnée des circonstances, que le recourant ne remplissait plus la condition personnelle prévue à l'art. 8 al. 1 let. b LLCA, la radiation du registre s'impose en vertu de l'art. 9 LLCA, sans qu'il n'y ait plus de place à ce stade pour la proportionnalité (cf. supra consid. 6.1 in fine). Le fait que le recourant n'ait encore jamais été condamné auparavant n'y change rien, l'art. 8 al. 1 let. b LLCA ne faisant aucune distinction qu'il s'agisse d'une première condamnation ou de récidive. En revanche, l'avocat qui n'a encore jamais été condamné peut en principe espérer le prononcé d'une peine avec sursis qui figurera moins longtemps sur l'extrait privé du casier judiciaire (cf. art. 371 al. 3bis CP) et pourra donc solliciter sa réinscription au registre plus rapidement.
7.2 L'analogie que fait le recourant avec un manquement qui justifierait le prononcé d'une interdiction temporaire de pratiquer au sens de l'art. 17 al. 1 let. d LLCA n'est pas pertinente. En effet, il faut distinguer la mesure administrative que représente la radiation du registre prévue à l'art. 9 LLCA, de l'interdiction de pratiquer, mesure disciplinaire au sens de l'art. 17 LLCA. Les deux procédures sont indépendantes. La radiation d'un avocat du registre n'empêche ainsi ni l'ouverture ni la poursuite d'une procédure disciplinaire (BAUER/BAUER, in Commentaire romand, Loi sur les avocats [...], Michel Valticos et al. [éd.], 2010, n° 20 ad art. 17 LLCA p. 226; cf. arrêt 2P.194/2004 du 23 mars 2005 consid. 3.5). Un avocat interdit de pratiquer au sens de l'art. 17 al. 1 let. d LLCA n'est pas rayé du registre s'il remplit toujours les conditions des art. 7 et 8 LLCA (STAEHELIN/OETIKER, op. cit., n° 8 ad art. 9 LLCA p. 102), mais l'interdiction sera inscrite au registre (cf. art. 20 LLCA; BOHNET/MARTENET, op. cit., n. 2239 p. 913). A l'inverse, la radiation peut aussi être justifiée sous l'angle de l'art. 8 al. 1 let. b LLCA, alors qu'aucune sanction disciplinaire ne s'impose (cf. BOHNET/MARTENET, op. cit., n. 699 p. 309). Tel est par exemple le cas si la condamnation pénale de l'avocat porte sur des faits qui certes se révèlent incompatibles avec la profession d'avocat, mais qui n'ont rien à voir avec son activité professionnelle (par exemple, des abus sexuels commis dans un cadre privé) ou de l'avocat faisant l'objet d'un acte de défaut de biens (cf. art. 8 al. 1 let. c LLCA). Il importe donc peu de savoir si les faits pour lesquels le recourant a été condamné auraient justifié le prononcé d'une sanction disciplinaire consistant en une interdiction temporaire de pratiquer.