7. Arrêt du 16 février 1970 dans la cause Aéromaritime Inc.
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Regeste
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Arrestaufhebungsklage. Betreibungsferien. Art. 279, 56 SchKG.
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Sachverhalt
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A.- Le 15 juillet 1969, Electronique Aéromaritime, société anonyme, ayant son siège à Genève, fit séquestrer au préjudice de la société anonyme Aéromaritime Inc., Washington DC, les créances de celle-ci contre l'Etat de Genève et tous montants déposés à la caisse de l'Etat ou à la caisse du Tribunal ou encore en main de l'office des poursuites, revenant à la débitrice, notamment la somme de Fr. 118 000.-- déposée à la caisse du Tribunal de première instance de Genève le 21 mai 1969 par la créancière, à titre de consignation dans la poursuite pour effets de change no 928 953 que la débitrice lui avait intentée le 2 mai 1969.
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Le procès-verbal de séquestre fut communiqué aux parties le 21 juillet 1969.
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Electronique Aéromaritime SA fit notifier à Aéromaritime Inc., le 24 juillet 1969, un commandement de payer no 950 999 par lequel elle requiert le paiement de Fr. 118 000.-- en capital.
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La poursuivie a formé opposition totale.
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Le 24 juillet 1969 également, Aéromaritime Inc. ouvrit contre Electronique Aéromaritime SA une action en contestation du cas de séquestre. Par jugement du 22 décembre 1969, le Tribunal de première instance de Genève donna notamment acte à la demanderesse de ce qu'elle déclarait retirer l'action en contestation du cas de séquestre, celui-ci étant ainsi maintenu. La défenderessse reçut communication du jugement le 23 décembre 1969.
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B.- Le 5 janvier 1970, Electronique Aéromaritime SA déposa au Tribunal de première instance de Genève un exploit d'ouverture d'action en reconnaissance de sa créance et en validation du séquestre.
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Le 6 janvier 1970, le mandataire d'Aéromaritime Inc. demanda à l'office des poursuites de lever le séquestre. Il estimait que l'action en validation de séquestre était tardive, et partant que le séquestre était caduc.
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Le préposé lui répondit le 7 janvier qu'il appartiendrait au Tribunal saisi de statuer en premier lieu sur la recevabilité de l'action. Il se déclarait prêt à lui donner connaissance de la décision que prendrait le juge.
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C.- Le 9 janvier 1970, Aéromaritime Inc. a porté plainte à l'autorité de surveillance en lui demandant de prononcer que le séquestre était caduc et d'ordonner en conséquence la libération des sommes séquestrées.
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Dans sa détermination, l'office relevait qu'il n'avait pas pris une décision, de telle sorte que la plainte était irrecevable. Au surplus, il estimait que l'action en validation de séquestre avait été introduite en temps utile et que les conclusions de la plaignante étaient donc mal fondées.
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Statuant le 26 janvier 1970, l'Autorité de surveillance des offices de poursuite pour dettes et de faillite du canton de Genève a rejeté la plainte dans la mesure où elle serait recevable.
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D.- Aéromaritime Inc. recourt au Tribunal fédéral et reprend les conclusions de sa plainte.
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Considérant en droit:
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278 al. 4 LP). Lorsque le débiteur intente une action en contestation du cas de séquestre, le délai de l'art. 278 al. 2 LP est suspendu pendant la durée du procès (art. 279 al. 2 LP).
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En l'espèce, la débitrice a introduit une action en contestation du cas de séquestre le jour même où le commandement de payer lui a été notifié dans la poursuite en validation de séquestre que lui a intentée la créancière. Le délai de dix jours prévu à l'art. 278 al. 2 LP n'a donc commencé à courir que dès la communication du jugement qui mettait fin à l'action en contestation du cas de séquestre. Or ce jugement a été communiqué le 23 décembre 1969, c'est-à-dire pendant les féries de Noël (art. 56 ch. 3 LP). L'autorité cantonale en a déduit que le délai de dix jours de l'art. 278 al. 2 LP n'avait commencé à courir que le 2 janvier 1970, premier jour utile après les féries, et partant que l'action en validation de séquestre avait été introduite en temps utile. La recourante soutient, au contraire, que la communication du jugement qui a mis fin à l'action en contestation du cas de séquestre n'est pas un acte de poursuite et peut donc être faite valablement pendant les féries.
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Se référant à l'opinion d'HENRI BONNARD (Le séquestre d'après la LP, thèse Lausanne 1914, p. 290), la recourante prétend que le délai pour intenter l'action en reconnaissance de dette consécutive au séquestre (art. 278 al. 2 LP) n'est pas affecté par les féries ni par les suspensions du droit de poursuite. Il est vrai que le Tribunal fédéral a d'abord refusé d'appliquer les féries et les suspensions aux délais qui sont impartis au créancier poursuivant (RO 54 III 111). Mais il a modifié ensuite sa jurisprudence, en considérant que les féries et les suspensions avaient été instituées afin de libérer le débiteur, durant certaines périodes de répit, du souci de se défendre dans les poursuites exercées contre lui. Ainsi, les féries et les suspensions s'appliquent désormais non seulement aux délais impartis à l'office pour procéder à des actes de poursuite, mais encore aux délais fixés au débiteur pour sauvegarder ses intérêts, ainsi qu'au créancier poursuivant et aux tiers pour faire valoir leurs droits (RO 67 III 103, 73 III 92, consid. 2, 80 III 3; KILLER, Betreibungsferien und Rechtsstillstand, BlSchK 1966, p. 1 ss., notamment p. 11 et 12). Aussi faut-il admettre, avec JAEGER (n. 1 ad art. 56 LP) et KILLER (op. cit., p. 10), que les délais fixés par l'art. 278 LP au créancier séquestrant pour intenter une poursuite ou une action en validation de séquestre sont soumis aux féries et aux suspensions instituées par le droit de poursuite. Dès lors, si le délai pour agir expirait pendant les féries, il serait prolongé jusqu'au troisième jour utile en vertu de l'art. 63 LP. Mais la question à résoudre en l'espèce est différente. Il faut examiner si la communication pendant les féries du jugement qui met fin à l'action en contestation du cas de séquestre intentée par le débiteur conformément à l'art. 279 LP fait courir le délai imparti au créancier par l'art. 278 al. 2 LP pour ouvrir à son tour une action en reconnaissance de dette et en validation de séquestre.
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3. La jurisprudence considère comme des actes de poursuite, qui ne peuvent pas être accomplis pendant les féries, tous les actes des autorités d'exécution - préposés aux poursuites et aux faillites, autorités de surveillance, juges de mainlevée et de faillite - qui tendent à introduire ou à continuer la procédure en vue de satisfaire le créancier par la voie de l'exécution forcée sur les biens du débiteur et qui portent atteinte à la situation juridique de ce dernier (FAVRE, Droit des poursuites, 2e éd., p. 111 s.; JAEGER, n. 3 ad art. 56 LP). Ce sont, par exemple, la notification d'un commandement de payer (RO 91 III 7, no 1), la mainlevée d'opposition (RO 84 I 55, consid. 7; RO 53 III 69, consid. 2), la saisie (RO 82 IV 17, consid. 2), la communication d'une décision sur plainte ou sur recours à l'autorité de surveillance (RO 82 III 52, consid. 1). En revanche, le jugement rendu dans une action en reconnaissance de dette (art. 79 LP) n'est pas un acte de poursuite, bien qu'il implique la mainlevée définitive, car il met fin à un procès ordinaire (RO 81 III 134). Seules les décisions des tribunaux qui doivent être considérées comme de simples parties intégrantes de la procédure de poursuite ne peuvent pas être prises pendant les féries (JAEGER, n. 3 ad art. 56 LP).
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La Cour d'appel du canton de Berne a décidé que l'action en contestation du cas de séquestre n'était pas un acte de poursuite au sens de l'art. 56 LP, parce qu'elle est instituée dans l'intérêt du débiteur, et partant qu'elle pouvait être jugée pendant les féries (RJS 29 p. 27 no 6). Mais cette opinion, qui a été critiquée en doctrine (J. SCHINDLER, Die Arrestaufhebung nach Art. 279 SchKG, thèse Berne 1957, p. 59 s.: KILLER, op.cit., p. 10, n. 39), n'est pas compatible avec la jurisprudence récente qui soumet également aux féries les délais impartis au débiteur (cf. consid. 2 ci-dessus). De plus, à la différence de l'action en reconnaissance de dette, l'action en contestation du cas de séquestre n'est pas une contestation civile susceptible d'être portée devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en réforme, mais un simple incident de la procédure de séquestre; elle relève exclusivement du droit de poursuite (RO 81 II 82; J. F. PIGUET, Les contestations de droit matériel dans la poursuite pour dettes et la faillite, thèse Lausanne 1950, no 210, p. 162). Il en résulte que le jugement rendu dans une pareille action ne doit pas être communiqué pendant les féries de poursuite. S'il l'est néanmoins, la communication irrégulière ne fait pas courir immédiatement le délai de l'art. 278 al. 2 LP, elle ne produit ses effets qu'à partir du premier jour utile qui suit les féries (cf. en matière de mainlevée d'opposition, RO 53 III 69, consid. 2).
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Cette solution se justifie également par les exigences de la sécurité du droit. La plupart des lois de procédure prévoient en effet la suspension des délais pendant les fériesjudiciaires qu'elles instituent (GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2e éd., p. 214). Et la loi fédérale du 20 décembre 1968 modifiant la loi fédérale d'organisation judiciaire a introduit de nouvelles féries du 18 décembre au 1er janvier inclusivement (art. 34 al. 1 lettre c nouveau OJ) qui coïncident avec les féries de Noël prévues à l'art. 56 ch. 3 LP. Il serait bon que le législateur harmonise mieux encore les féries de poursuite et les féries judiciaires.
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En l'espèce, le délai pour intenter l'action en reconnaissance de dette et en validation de séquestre a commencé à courir le 2 janvier 1970. La poursuivante, qui a ouvert action par exploit déposé au greffe du tribunal le 5 janvier 1970, a agi en temps utile. Le séquestre continue dès lors de produire ses effets, comme l'a jugé avec raison l'autorité cantonale.
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Par ces motifs, la Chambre des poursuites et des faillites:
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