BGE 105 III 80 |
19. Arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 2 mai 1979 dans la cause F. (recours LP) |
Regeste |
Art. 283 SchKG, 2 ZGB. |
Sachverhalt |
Les 12 avril et 12 août 1976, la bailleresse a résilié les baux pour le 30 novembre 1976. Les 14 mai et 8 septembre 1976, F. S.A. a demandé une prolongation de bail pour deux ans, sur la base de l'art. 267a CO. La Chambre des baux et loyers du canton de Genève a rejeté cette requête le 17 novembre 1977. L'appel formé par la locataire a été déclaré irrecevable, le 18 juillet 1978, par la Cour de justice, qui a relevé d'emblée que, donné dans le délai conventionnel, le congé était valable.
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b) Le 24 octobre 1977, F. S.A. a sous-loué à F., pour 2'800 fr. par mois, un appartement non meuble de l'immeuble. Le contrat était conclu pour une durée d'un an dès le 1er novembre 1977, étant convenu qu'à défaut d'un avis de résiliation donné trois mois avant l'échéance, il serait renouvelé tacitement d'année en année. Par avenant du 20 juillet 1978, ledit contrat a été modifié en ce sens qu'à dater du 1er novembre 1978, la sous-location était conclue pour une durée indéterminée, les parties ayant la possibilité de le résilier les 31 janvier, 30 avril, 31 juillet et 31 octobre moyennant un préavis donné trois mois à l'avance.
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c) Le 1er novembre 1978, le gérant de l'immeuble a envoyé une circulaire aux sous-locataires de F. S.A., les informant que la société propriétaire avait gagné le procès qui l'opposait à F. S.A. et les invitant à conclure un bail directement avec le propriétaire. F. S.A. a réagi le 6 novembre 1978 en enjoignant aux sous-locataires de ne pas déférer à l'invitation du gérant; elle leur écrivait notamment ce qui suit:
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"Vous êtes et restez valablement liés par le bail passé avec notre société, toujours en vigueur... Pour pouvoir se substituer à nous, la société propriétaire... a l'obligation de s'adresser tout d'abord aux tribunaux, afin d'obtenir un jugement constatant que les baux qu'elle a passés avec nous ont été valablement dénoncés... Aucune procédure de la sorte n'a été engagée."
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Le 14 novembre 1978, le gérant de l'immeuble a invité de nouveau les sous-locataires à conclure un bail avec la société propriétaire. Il précisait:
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"Les sous-locataires ne désirant pas conclure de nouveaux baux à loyer avec nous pour les locaux qu'ils occupent ont un délai expirant le 30 novembre 1978 pour quitter les lieux."
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d) Le 24 novembre 1978, F. a conclu avec la société propriétaire un bail, au loyer de 2'561 fr. par mois, prenant effet le 1er décembre 1978 et renouvelable de trois mois en trois mois. Il en a informé F. S.A. le 5 décembre 1978 et verse le nouveau loyer au gérant de l'immeuble. Le 7 décembre 1978, F. S.A. a écrit à F.:
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"...vous restez lié par le bail que vous avez contracté en date du 24 octobre 1977, avec nous-mêmes, et qui reste en vigueur en tout cas jusqu'au 1er novembre 1979..
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Pour la bonne règle, nous venons vous rappeler, en substance et en résumé, que:
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1. le tribunal de première instance est saisi d'une action en constatation de droit; 2. aucun tribunal n a prononcé la validité des congés donnés par la société propriétaire; 3. le bail passé entre le locataire et le sous-locataire est toujours en vigueur..."
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e) F. n'ayant pas versé à F. S.A. le prix de sous-location pour décembre 1978, F. S.A. a demandé, le 18 décembre 1978, la prise d'inventaire des biens garnissant l'appartement de F. Ce dernier, s'opposant à la prise d'inventaire prévue pour le 12 janvier 1979, a déposé plainte auprès de l'autorité cantonale de surveillance le 10 janvier 1979. L'effet suspensif ayant été refusé à la plainte, l'Office des poursuites de Genève a procédé à la prise d'inventaire à la date prévue; l'inventaire a été validé par une poursuite.
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Le 26 janvier 1979, F. S.A. a requis une nouvelle prise d'inventaire pour le loyer du mois de janvier 1979. F. a formé une nouvelle plainte le 5 février 1979. L'effet suspensif ayant été accordé à cette plainte, la prise d'inventaire, prévue pour le 8 février 1979, n'a pas été exécutée.
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B.- Le 28 février 1979, l'autorité cantonale de surveillance a ordonné la jonction des plaintes et les a rejetées. Elle a considéré, en substance, que, compte tenu du pouvoir d'examen des autorités de poursuite, il y avait en l'espèce des conditions suffisantes pour que les requêtes de F. S.A. fussent admises: en effet, a-t-elle dit, F. S.A. est titulaire d'un contrat de sous-location, elle fait valoir une créance fondée sur ce bail et réclame un loyer qui ne lui a pas été payé.
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C.- F. a recouru au Tribunal fédéral. Il demandait l'annulation de la prise d'inventaire du 12 janvier 1979 et de la poursuite la validant, ainsi que le rejet de la réquisition de prise d'inventaire du 26 janvier 1979. Le recours a été admis.
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Considérant en droit: |
1. L'autorité cantonale de surveillance s'en est tenue à la jurisprudence selon laquelle, en principe, les autorités de poursuite ne sont pas qualifiées pour trancher des questions de nature purement civile, comme celle de l'existence ou de la non-existence du droit de rétention (cf., notamment, ATF 59 III 10 consid. 2). "Néanmoins, concède-t-elle au terme de sa décision, il reste très regrettable que le différend opposant F. S.A. à la société immobilière se répercute sur les "locataires"; cela est d'autant plus inadmissible à l'égard de F. si, comme il l'allègue, on lui a caché, lors de la conclusion de la sous-location, que le bail principal était déjà résilié depuis environ un an. Mais cet aspect du problème échappe également à la censure de l'autorité de céans."
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Tel est le cas en l'occurrence: tout au long de ses rapports avec le recourant, l'intimée a agi en violation flagrante des règles de la bonne foi.
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a) F. S.A. n'a pas respecté l'obligation de renseigner son partenaire sur les circonstances propres à influer sur sa décision de conclure le contrat (cf. ATF 101 Ib 432 et les références), créant ainsi une situation complexe et peu claire, source de difficultés pour le recourant. Elle a conclu le contrat de sous-location le 24 octobre 1977 bien que la société propriétaire eût résilié le bail pour le 30 novembre 1976; un avenant a été passé le 20 juillet 1978 alors que, le 18 juillet, la Cour de justice avait déclaré irrecevable l'appel formé contre le refus de prolongation du bail et précisé que le congé donné pour le 30 novembre 1976 était valable: cette modification du contrat avait pour effet d'empêcher le sous-locataire de résilier dans le délai initialement prévu. Il n'est pas établi que l'intimée ait alors informé son cocontractant du litige qui l'opposait à la propriétaire et des suites qu'il avait eues; elle ne le prétend d'ailleurs pas. Au contraire, quand les lettres du gérant de l'immeuble aux sous-locataires l'ont incitée à donner des explications, elle a nié, au mépris des considérants explicites de l'arrêt de la Cour de justice, l'existence d'un jugement constatant la validité du congé donné; c'est l'attitude qu'elle a encore adoptée le 7 décembre 1978, dans sa lettre invitant F. à lui verser le loyer jusqu'au 1er novembre 1979 en tout cas.
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b) F. S.A. utilise une institution juridique pour une fin qui lui est étrangère (cf. ATF 94 I 667; ATF 86 II 421 consid. 2 et les références): elle n'a pas un intérêt digne de protection à se mettre au bénéfice d'un droit de rétention. C'est à tort qu'elle fait valoir que, depuis le 1er décembre 1978, elle continue à verser à la société propriétaire le loyer de l'appartement de F., quand bien même ce dernier ne lui paie plus rien. Elle n'y était plus tenue dès lors qu'elle savait que F. s'acquittait directement en main du gérant de l'immeuble: elle pouvait déclarer que, sans pour autant impliquer reconnaissance d'une obligation envers le propriétaire, ces paiements directs du sous-locataire seraient portés en compte de sa dette de loyer éventuellement encore existante. De cette façon, hormis la faible différence de montant des loyers, elle n'était plus exposée à un préjudice du fait que le recourant avait cessé de lui verser le prix de sous-location et n'avait donc pas besoin de la garantie de la rétention.
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