BGE 115 III 36
 
8. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 13 mars 1989 dans la cause dame S. contre N. (recours en réforme)
 
Regeste
Rückforderungsklage; Art. 86 SchKG.
2. Die Konvertierung einer ausländischen Währung in Schweizer Geld, um in der Schweiz eine Betreibung anzuheben, bewirkt keine Novation der in Betreibung gesetzten Forderung und steht mithin einer Rückforderungsklage gemäss Art. 86 SchKG nicht entgegen (E. 3).
 
Extrait des considérants:
a) La cour cantonale a relevé que la conversion de la dette en francs suisses pour satisfaire à l'art. 67 al. 1 ch. 3 LP n'emportait pas novation, et cela à tous les stades de la poursuite, jusqu'à l'établissement d'un acte de défaut de biens. Que le débiteur n'ait plus la possibilité matérielle de payer en monnaie étrangère dans le cadre de la poursuite, notamment parce que la saisie a été exécutée, n'emporte ni novation, ni création d'un rapport de droit nouveau. Elle a dès lors estimé que, conformément à l'art. 86 LP, l'intimé était en droit de répéter ce qu'il avait versé en trop, la réalisation forcée des biens étant assimilée au paiement au sens de cette disposition...
b) Selon l'art. 86 al. 1 LP, celui qui a payé une somme qu'il ne devait pas, ensuite de poursuites restées sans opposition ou d'un jugement prononçant la mainlevée, a le droit de la répéter dans l'année par la voie de la procédure ordinaire. L'al. 3 de cette disposition précise qu'en dérogation à l'art. 63 CO, la preuve que la somme n'était pas due est la seule qui incombe au demandeur.
A ce jour, le Tribunal fédéral n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur la question de savoir si l'action en répétition de l'indu de l'art. 86 LP est ouverte au débiteur lorsque le paiement résulte de la réalisation forcée de ses biens après saisie. Il a en revanche relevé qu'il y avait controverse sur la question spéciale de savoir si une telle action est recevable après la faillite du débiteur (ATF 109 Ia 106 consid. 3; ATF 98 II 156).
Pour GILLIÉRON (Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 2e éd., p. 163), seul le débiteur qui a payé volontairement ce qu'il ne devait pas, afin d'éviter l'exécution forcée, peut se prévaloir de l'art. 86 LP. Une telle situation n'existe pas dès que le paiement résulte de la réalisation forcée des biens. L'exécution forcée, qu'elle ait lieu par voie de saisie ou de faillite, est une expropriation du débiteur qui ne peut dès lors plus exécuter sa prestation lui-même. Le créancier recevra son dû grâce aux mesures prises "à sa réquisition", par les organes de la poursuite. Il ne saurait donc s'agir d'un paiement au sens de l'art. 86 LP. Si le débiteur, incapable d'arrêter la poursuite et l'exécution forcée, a vu ses biens réalisés par voie de saisie ou de faillite, pour payer une dette indue, la loi ne lui donne pas de moyen de répéter l'indu. Dans cette hypothèse, lui et/ou ses autres créanciers auraient, dans de très rares cas, une créance en enrichissement illégitime, voire une créance en dommages-intérêts pour acte illicite contre le créancier enrichi sans droit. L'art. 86 LP s'appliquerait donc seulement lorsque le débiteur paie lui-même, au créancier personnellement ou à l'office pour un créancier désigné par lui, "à l'aide d'avoirs qui n'ont pas été mis sous mains de justice, c'est-à-dire dont il a la libre disposition". L'auteur admet toutefois que plusieurs auteurs semblent considérer que l'art. 86 LP s'applique aussi lorsque c'est ensuite de la réalisation forcée des biens du débiteur que la dette a été payée.
FRITZSCHE/WALDER (Schuldbetreibung und Konkurs nach schweizerischem Recht, vol. I, p. 277/278) relèvent que, selon l'art. 63 CO, celui qui a payé volontairement ce qu'il ne devait pas ne peut le répéter s'il ne prouve qu'il a payé en croyant, par erreur, qu'il devait ce qu'il a payé. Celui qui a payé une dette, bien que son inexistence lui fût connue, ne peut répéter sa prestation. Dans le cas de l'art. 86 LP, il n'y a pas de paiement volontaire. Le débiteur, soit s'est résigné à l'exécution forcée, soit a dû payer pour l'éviter. C'est la raison pour laquelle la question de l'erreur ne peut jouer de rôle.
Pour JAEGER (n. 5 ad art. 186 LP), il faut que les droits de poursuite acquis par le créancier aient pu contraindre au paiement. Mais cela suffit. Peu importe dès lors que la poursuite ait été exécutée et qu'elle ait donné un résultat au profit du créancier (paiement total ou partiel) ou que le débiteur ait empêché la continuation de la poursuite en payant: l'indu pourrait donc être répété en l'espèce.
VON TUHR/PETER (Allgemeiner Teil des Obligationenrechts, vol. I, p. 486, note 83) estiment aussi que la réalisation forcée de biens du débiteur doit être assimilée au paiement. De même déjà BLUMENSTEIN (p. 319/320), qui cite une décision vaudoise ancienne, du 21 janvier 1907 (RSJ III/1907 p. 213). DAGON, qui ne traite pas la question posée, mais de problèmes spéciaux, part aussi de l'hypothèse où la réalisation, par voie d'enchères, a eu lieu (Über die Rückforderung im Betreibungsrecht, thèse Zurich 1960, p. 1).
c) Bien qu'il se soit référé, le 15 décembre 1986, à l'art. 124 LP, l'intimé a demandé à l'Office des poursuites, non de réaliser les actifs séquestrés puis saisis, mais d'inviter la banque qui détenait son dossier-titres et lui avait ouvert un compte à verser un montant - obtenu en vendant des titres - pour le compte de la créancière saisissante, et cela avec l'accord exprès du conseil de la recourante, à qui la somme fut transférée directement. C'était le second versement, pour solde de tout compte. Le premier, du 2 octobre 1986, émanait déjà de la même banque, avant la saisie.
Le juge n'est donc pas en présence d'une mesure de "réalisation forcée" de meubles (art. 125 à 132 LP), une mesure prise et exécutée par l'Office. Les paiements n'étaient certes pas "volontaires", mais ils n'ont pas eu lieu "à la réquisition du créancier". Il reste, pour exclure la répétition selon GILLIÉRON, que le débiteur a eu recours aux avoirs saisis. Mais il est douteux que ceux-ci étaient soustraits à sa "libre disposition" dans la mesure où ils n'ont servi, à sa demande, qu'à désintéresser le créancier poursuivant, précisément habilité à recevoir paiement par la réalisation desdits biens.
Le but de l'action en répétition de l'indu de l'art. 86 LP est de permettre au débiteur qui a payé une somme d'argent qu'il ne devait pas pour se soustraire à la poursuite de la répéter dans l'année par la voie de la procédure ordinaire. Est donc décisif le fait que ce soit la poursuite exercée à son encontre qui a déterminé le débiteur à payer (ATF 61 II 5). Peu importe dès lors que celui-ci ait agi "volontairement", en ce sens qu'il a payé de sa propre initiative, ou au contraire "involontairement", pour éviter la réalisation forcée de ses biens. Ce qui est déterminant, c'est que, dans l'un et l'autre cas, il n'a pas payé librement puisque - et c'est là précisément la condition spécifique propre à la nature particulière du droit suisse de la poursuite - il a payé pour se soustraire à la poursuite, donc parce qu'il y a été contraint. On ne saurait dès lors partager l'opinion minoritaire, si ce n'est isolée, de GILLIÉRON, qui revient à soumettre l'action de l'art. 86 LP à une condition supplémentaire, qui ne résulte ni du texte ni de l'esprit de la loi. Celle-ci exige seulement que le paiement indu ait été effectué "ensuite de poursuites restées sans opposition ou d'un jugement prononçant la mainlevée" ("welcher infolgedessen eine Nichtschuld bezahlt hat").
En l'espèce, il est constant que l'intimé a payé alors qu'il était contraint par la poursuite exercée contre lui par la recourante. Dans la mesure où il estimait avoir payé ainsi une somme qu'il ne devait pas, il était recevable à agir en restitution de l'indu sur la base de l'art. 86 LP. Pour l'avoir admis, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral. Le moyen doit dès lors être rejeté.
a) La conversion en valeur légale suisse d'une créance stipulée en monnaie étrangère est une règle d'ordre public et une exigence de la pratique. Elle est rendue indispensable par le fait que le produit de la réalisation, qui doit servir au paiement de la dette, s'obtient normalement en valeur suisse et que, d'autre part, les actes de défaut de biens ne peuvent guère être établis que tous indistinctement en monnaie suisse. En imposant cette conversion, le législateur n'a pas entendu modifier le rapport de droit liant les parties et nover en une dette de francs suisses celle que les intéressés ont librement fixée en devises étrangères. Le débiteur est simplement obligé de souffrir que, dans la procédure d'exécution, ses biens se trouvant sur le territoire suisse soient soumis à l'exécution pour un montant qui, en valeur suisse, correspond à la dette de monnaie étrangère (ATF 77 III 99, ATF 72 III 105, SJ 1948 p. 13 consid. 3; BJM 1979 p. 309/310; cf. arrêt du 3 octobre 1986 rendu sur recours de droit public de N. p. 9; FAVRE, Droit des poursuites, 3e éd., p. 130; FRITZSCHE/WALDER, op.cit., n. 8 ad § 16). Mais c'est toujours la valeur en monnaie du contrat qui est due. Le cas échéant, la voie de l'art. 86 LP est ouverte (ATF 112 III 87). Constatée par la cour cantonale, l'intention de régler la poursuite - et non de reconnaître une novation de la dette - n'est pas contestée.
b) Les deux paiements effectués à Genève ne liquidaient pas nécessairement le rapport d'obligations existant entre les parties, car la dette de l'intimé n'était pas exécutable en Suisse (SJ 1977 p. 168 et 1982 p. 100; GAUCH/SCHLUEP/TERCIER, La partie générale du droit des obligations, 2e éd., vol. II, No 1425; GAUCH/SCHLUEP, Schweizeisches Obligationenrecht, Allg. Teil, 4e éd., vol. II, No 1431). L'art. 84 al. 2 CO ne s'applique donc pas.