BGE 129 III 55 |
9. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause X. contre Y. (recours en réforme) |
5C.42/2002 du 26 septembre 2002 |
Regeste |
Art. 133 Abs. 1 ZGB; Berechtigung zur Geltendmachung der Unterhaltsbeiträge des Kindes im Scheidungsprozess. |
Sachverhalt |
A.- Par jugement du 21 décembre 2000, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé le divorce des époux X. et Y. Il a en outre notamment attribué à Y. (épouse) l'autorité parentale et la garde sur les deux enfants alors encore mineurs, dont A., né le 14 juillet 1983, et condamné X. (époux) au paiement mensuel de 900 fr. (allocations familiales non comprises) en faveur de chacun d'eux jusqu'à 18 ans révolus.
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Sur appels des deux époux, la Cour de justice du canton de Genève a modifié la contribution d'entretien des enfants, en ce sens que le père a été condamné à payer la somme mensuelle de 900 fr. jusqu'à leur majorité et au-delà, au plus tard jusqu'à 25 ans, en cas d'études sérieuses et régulières.
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B.- Agissant par la voie du recours en réforme, X. conclut à l'annulation de l'arrêt rendu par la Cour de justice. Il remet notamment en cause la pension accordée à son fils A. Subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause à l'autorité cantonale, selon l'art. 64 al. 1 OJ.
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Y. conclut au rejet du recours.
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Le Tribunal fédéral a admis le recours, en tant qu'il était dirigé contre la contribution d'entretien due à l'enfant A., et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
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Extrait des considérants: |
3.1.1 Une norme juridique doit être interprétée en premier lieu selon sa lettre. Lorsque son sens littéral est clair et univoque, l'autorité qui doit l'appliquer est en principe liée. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il faut alors rechercher la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, ainsi les travaux préparatoires, le but et l'esprit de la règle, les valeurs sur lesquelles elle repose, ou encore sa relation avec d'autres dispositions légales. Pour rendre une décision répondant de manière optimale au système et au but de la loi, le Tribunal fédéral utilise, de manière pragmatique, une pluralité de méthodes, sans fixer entre elles un ordre de priorité (ATF 125 II 238 consid. 5a p. 244 et les arrêts cités).
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Les dispositions relatives aux effets de la filiation (art. 270 ss CC) prévoient que la qualité pour agir en paiement de contributions d'entretien appartient à l'enfant (art. 279 al. 1 CC). Dès lors, si l'enfant est majeur et a la capacité d'ester en justice (Prozessfähigkeit), il peut mener lui-même le procès (ou désigner lui-même un mandataire à cet effet). S'il est mineur, il a la capacité d'être partie (Parteifähigkeit), mais est dépourvu de celle d'ester en justice et doit donc être représenté en procédure par son représentant légal (art. 304 CC). Lorsqu'il devient majeur en cours de procédure, le pouvoir de son représentant légal s'éteint; l'enfant doit alors poursuivre lui-même le procès. Cette réglementation n'est pas applicable dans le cadre d'un divorce, puisque l'enfant n'est normalement pas partie à cette procédure, qui oppose ses parents. L'art. 279 al. 3 CC réserve d'ailleurs expressément la compétence attribuée au juge du divorce par les dispositions en la matière. Par conséquent, pour déterminer qui peut agir en paiement de la contribution d'entretien de l'enfant, et ce qu'il advient de cette faculté lorsque l'enfant mineur accède à la majorité au cours du procès en divorce, il convient de rechercher le sens de l'art. 133 al. 1 CC en recourant aux moyens d'interprétation mentionnés plus haut. Ces questions relèvent en effet du droit fédéral, et non du droit cantonal: puisque l'art. 279 al. 1 CC règle de manière générale la question de la qualité pour agir en paiement des contributions d'entretien, et que l'art. 279 al. 3 CC réserve la réglementation du divorce, la faculté de faire valoir les prétentions de l'enfant doit être déduite de ce droit, en l'occurrence de l'art. 133 al. 1 CC; en outre, si le droit fédéral détermine qui a la faculté de poursuivre en justice les prétentions de l'enfant, il doit aussi fixer quand cette faculté s'éteint.
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3.1.4 Puisque cette faculté du parent présuppose qu'il ait l'autorité parentale, elle ne devrait logiquement porter que sur les pensions antérieures à la majorité de l'enfant. Le législateur en a toutefois décidé autrement. Lors de la modification du code civil du 7 octobre 1994, entrée en vigueur le 1er janvier 1996 (RO 1995 p. 1126), par laquelle l'âge de la majorité civile et matrimoniale a été abaissé de vingt à dix-huit ans, les Chambres fédérales ont complété l'art. 156 al. 2 aCC par une deuxième phrase énonçant que "la contribution d'entretien peut aussi être maintenue au-delà de l'âge de la majorité" (BO 1993 CE 662; BO 1994 CN 1144), adjonction que ne proposait pas le projet du Conseil fédéral (FF 1993 I 1115ss). En étendant ainsi la faculté d'agir du parent détenteur de l'autorité parentale, le législateur a voulu éviter que l'abaissement de l'âge de la majorité ne compromît la formation des jeunes gens, en contraignant l'enfant devenu adulte à ouvrir en son propre nom une action indépendante contre son parent (BO 1993 CE 662, BO 1994 CN 1144). Avant l'introduction de cette disposition dans la loi, la jurisprudence avait d'ailleurs déjà admis, pour des motifs d'opportunité et d'économie de procédure, que le juge du divorce puisse fixer, dans certaines circonstances exceptionnelles bien précises, la contribution d'entretien pour la période postérieure à la majorité de l'enfant (ATF 112 II 199 consid. 2 p. 203; ATF 109 II 371 consid. 4 p. 374). L'art. 133 al. 1 2e phrase CC a repris en substance le texte de l'art. 156 al. 2 2e phrase aCC (FF 1996 I 127). Le juge du divorce requis de fixer la pension due à un enfant mineur doit donc le faire pour la période antérieure à la majorité, et en a également la possibilité pour la période postérieure à celle-ci. Interprété selon la volonté du législateur, l'art. 133 al. 1 2e phrase CC confère donc au parent détenteur de l'autorité parentale la faculté de demander, en son propre nom et à la place de l'enfant mineur (Prozessstandschaft ou Prozessführungsbefugnis), des contributions d'entretien non seulement pour la période précédant la majorité, mais également pour la période suivant celle-ci.
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Toutefois, comme l'enfant est désormais majeur, le procès - dans la mesure où il porte sur les contributions d'entretien réclamées pour la période postérieure à la majorité - ne peut pas être poursuivi contre ou sans sa volonté. A l'instar du mineur capable de discernement qui doit être entendu sur l'attribution de l'autorité parentale et les relations personnelles (art. 133 al. 2 et art. 144 al. 2 CC; FF 1996 I 145 n. 234.101; ATF 124 III 90 consid. 3; ATF 120 Ia 369), l'enfant devenu majeur durant la procédure doit être consulté. Cela présuppose que l'existence de l'action en divorce et les conclusions prises pour son entretien après l'accès à la majorité contre celui de ses parents qui n'avait pas l'autorité parentale lui soient communiquées. Si l'enfant devenu majeur approuve les prétentions réclamées, le procès est poursuivi par le parent qui détenait l'autorité parentale, le dispositif du jugement devant toutefois énoncer que les contributions d'entretien seront payées en mains de l'enfant.
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3.2 En l'espèce, l'enfant A., qui a atteint l'âge de 18 ans le 14 juillet 2001, est devenu majeur au cours de la procédure d'appel cantonale, avant le prononcé de l'arrêt de la Cour de justice intervenu le 21 décembre 2001. Il ne résulte pas des constatations de fait de la décision attaquée qu'il aurait donné son accord aux prétentions réclamées par sa mère pour la période allant au-delà de sa majorité. Il convient donc de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle complète l'état de fait et statue à nouveau, conformément à l'art. 64 al. 1 OJ. (...)
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