BGE 130 III 136 |
19. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause A. contre B. (recours en réforme) |
4C.187/2003 du 21 novembre 2003 |
Regeste |
Gerichtsbarkeits-Immunität: Zulässigkeit der Berufung, Begriff und Träger. |
Selbst wenn sie nicht zum Ordre public gehört, muss die Gerichtsbarkeits-Immunität als Eintretensfrage geprüft werden. |
Begriff der Gerichtsbarkeits-Immunität; Konzept der beschränkten Immunität. Kreis der Träger der Staatenimmunität (E. 2.1). Zivilrechtliche Haftungsklage, welche infolge einer Auslieferungshaft erhoben wird und sich gegen eine ausländische Untersuchungsrichterin richtet, welche den internationalen Haftbefehl erteilt hat (E. 2.2). |
Sachverhalt |
Le 21 août 1998, la mère des enfants a déposé plainte auprès de la police de son quartier en dénonçant le fait que leur père les avait enlevés, ce qui a donné lieu à une procédure pénale confiée à la Juge d'instruction B., en fonction à Z. Le 2 mai 2000, cette dernière a émis un mandat d'arrêt international à l'encontre de A.
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Le 21 septembre 2000, celui-ci a été arrêté à la frontière de Bardonnex, Genève, et placé en détention extraditionnelle jusqu'au 8 décembre 2000, date de sa libération par la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral, moyennant le dépôt d'une caution de 1 million de francs et un contrôle de présence. A. a néanmoins quitté la Suisse et s'est rendu à Monaco, où ses deux filles sont scolarisées.
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A. a recouru contre l'ordonnance d'écrou du Juge d'instruction de Z., du 25 septembre 2000, devant la Cour d'appel de Malaga, qui a rejeté le recours le 20 avril 2001.
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Le 26 juin 2001, A. a requis du Conseil général du pouvoir judiciaire espagnol une procédure disciplinaire contre deux juges du Tribunal de Z., dont B. Le 18 décembre 2001, la procédure a été classée sans suite, décision communiquée à B. le 5 mars 2002.
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B. Le 9 juillet 2001, A. a ouvert action devant le Tribunal de première instance de Genève contre B. en paiement de 15'800 fr. à titre d'indemnité pour les 79 jours de détention extraditionnelle subis, à raison de 200 fr. par jour. Il a reproché, en substance, à la juge espagnole d'avoir décerné contre lui un mandat d'arrêt international en violation de la loi. B. a contesté sa légitimation passive et soulevé des exceptions d'incompétence ratione loci et materiae. Elle a invoqué le bénéfice de l'immunité de juridiction. Par jugement du 7 novembre 2002, le tribunal s'est déclaré compétent, à raison de la matière, pour connaître de l'action susmentionnée.
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Saisie d'un appel de B., la Cour de justice a annulé le jugement entrepris et déclaré irrecevable l'action introduite par A., par arrêt du 16 mai 2003. Elle a retenu principalement que la Convention de Lugano (CL; RS 0.275.11) ne s'appliquait pas aux actions en responsabilité ouvertes contre un magistrat ou un fonctionnaire, qui relèvent du droit public, ce qui est le cas à Genève. Il en allait de même en Espagne, selon les art. 411 et 412 de la loi espagnole d'organisation judiciaire. Le droit public obéissant avant tout au principe de la territorialité, les tribunaux genevois ne sauraient se prononcer sur d'éventuels manquements imputables au juge d'instruction de Z. La règle de renvoi de l'art. 133 LDIP à la loi du pays où s'est produit de manière prévisible le dommage causé par l'acte illicite (Suisse, Genève) n'entrait pas en ligne de compte au profit du droit espagnol, à teneur de l'art. 413 ch. 1 de la loi d'organisation judiciaire de ce pays. Enfin, comme la procédure pénale était encore pendante, l'action en responsabilité était de toute manière prématurée.
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C. Parallèlement à un recours de droit public, qui a été déclaré irrecevable par arrêt séparé de ce jour, A. dépose un recours en réforme. Il conclut à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice et au renvoi du dossier à cette autorité pour nouvelle décision.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme.
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Extrait des considérants: |
Erwägung 1 |
Déniant la compétence locale et matérielle des juridictions genevoises, la cour cantonale a exclu définitivement que la même action puisse être introduite entre les mêmes parties devant les tribunaux de ce canton, rendant par-là une décision finale, qui est à ce titre sujette à recours (ATF 115 II 237 consid. 1b; BERNARD CORBOZ, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 11). A l'inverse d'ailleurs, si la cour cantonale avait admis la compétence des tribunaux genevois, il se fût agi d'une décision incidente sur la compétence (ATF 126 III 327 consid. 1c et les références), également susceptible d'un recours en réforme immédiat (art. 49 al. 1 et art. 48 al. 3 OJ).
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1.3 Eu égard à la valeur litigieuse, de 15'800 fr., le recours en réforme est en principe recevable puisqu'il dépasse le seuil de 8'000 fr. fixé à l'art. 46 OJ; de plus, il a été formé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).
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Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent.
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Dans son examen du recours, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni par les motifs que les parties invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique de la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ). Il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par la partie recourante et peut également rejeter un recours en adoptant une autre argumentation juridique que celle retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c et les références citées).
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2.1 Même si elle ne relève pas de l'ordre public, la question de l'immunité de juridiction, que le juge ne peut pas soulever d'office mais qu'il doit trancher lorsqu'elle est invoquée, doit être examinée d'entrée de cause, avant de procéder sur le fond (ATF 124 III 382 consid. 3b p. 387 et les références), ceci d'autant plus que le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs que les parties plaident, à teneur de l'art. 63 al. 1 OJ, et qu'il peut adopter une autre argumentation juridique que celle retenue par la cour cantonale.
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L'Etat souverain, disposant de la personnalité juridique de droit international, est le titulaire par excellence des immunités de l'Etat étranger (JOLANTA KREN KOSTKIEWICZ, Staatenimmunität im Erkenntnis- und im Vollstreckungsverfahren nach schweizerischem Recht, Berne 1998, p. 348) qui présentent deux aspects, l'immunité de juridiction et l'immunité d'exécution, cette dernière étant en général la simple conséquence de l'autre (ATF 124 III 382 consid. 4a in fine p. 389). Les immunités de l'Etat sont destinées à garantir le respect de sa souveraineté lorsque ses agents, sa législation ou ses biens sont en rapport direct avec la souveraineté territoriale d'un autre Etat. L'absence de toute hiérarchie entre les Etats exclut que l'un d'entre eux soit soumis à des actes d'autorité, y compris juridictionnels, d'un autre Etat, conformément à la maxime selon laquelle "par in parem non habet jurisdictionem", les immunités étant une exception au principe de la souveraineté territoriale (PATRICK DAILLIER/ Alain Pellet, Droit international public, 7e éd., Paris 2002, p. 450/451; ALFRED VERDROSS/BRUNO SIMMA, Universelles Völkerrecht, Theorie und Praxis, 3e éd., Berlin 1984, § 1168 p. 763). Comme l'Etat étranger agit par l'intermédiaire de ses organes, qui ne possèdent pas eux-mêmes la personnalité juridique de droit international, le comportement de ces derniers est imputé à l'Etat lui-même, qu'il s'agisse d'un ministère, d'un département, d'un office, d'une représentation diplomatique ou encore d'autres entités dépendantes de l'Etat (KREN KOSTKIEWICZ, op. cit., p. 350).
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Aujourd'hui, l'immunité de juridiction est comprise selon la théorie de l'immunité restreinte, qui n'est garantie qu'en rapport à des actes de souveraineté (jure imperii), l'Etat étranger ne pouvant se soustraire aux tribunaux pour ce qui concerne ses actes de gestion (jure gestionis), telle que l'a reconnue pour la première fois la Cour de cassation de Belgique en 1903 (JOE VERHOEVEN, Droit international public, Bruxelles 2000, p. 736/737; VERDROSS/SIMMA, op. cit., § 1169 p. 763/764; EMMANUEL DECAUX, Droit international public, 3e éd., Paris 2002, n. 352 p. 291; PIERRE-MARIE DUPUY, Droit international public, 5e éd., Paris 2000, n. 115 p. 115; BEATRICE BRANDENBERG BRANDL, Direkte Zuständigkeit der Schweiz im internationalen Schuldrecht, Thèse St-Gall 1991, p. 56/57; JEAN-FRANÇOIS EGLI, L'immunité des Etats étrangers et de leurs agents dans la jurisprudence du Tribunal fédéral, in Centenaire de la LP, Zurich 1989, p. 206). Dès 1918, le Tribunal fédéral s'est rallié à cette conception restreinte ou restrictive de l'immunité des Etats, le critère de la na-ture intrinsèque de l'opération envisagée étant déterminant pour savoir si l'acte fondant la créance litigieuse relève de la puissance publique ou s'il s'agit d'un rapport juridique inscrit dans une activité économique privée, l'Etat étranger intervenant par ses organes dans cette dernière au même titre qu'un particulier (ATF 124 III 382 consid. 4a p. 388/389 et les références; MÜLLER/WILDHABER, Praxis des Völkerrechts, 3e éd., Berne 2001, p. 444/445; MALCOLM N. SHAW, International law, 4e éd., Cambridge 1997, p. 500/501).
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Agissant au nom de l'Etat étranger, les organes bénéficient de l'immunité de juridiction dans l'Etat du for lorsqu'ils accomplissent, dans leur fonction, des actes de souveraineté à l'occasion desquels une action en justice dirigée contre eux doit être considérée comme une action dirigée contre leur propre Etat (VERDROSS/SIMMA, op. cit., § 1177 p. 773). Ainsi, à côté de l'immunité de juridiction traditionnellement reconnue au personnel diplomatique et consulaire, (KREN KOSTKIEWICZ, op. cit., p. 76 ss) ainsi qu'aux chefs d'Etats et autres membres de gouvernements (KREN KOSTKIEWICZ, op. cit., p. 90 ss), le cercle des bénéficiaires de l'immunité d'Etat s'élargit. En effet, il arrive que l'immunité soit accordée même quand l'action n'est pas directement engagée contre l'Etat en son nom propre, mais contre le gouvernement d'un Etat souverain, contre le souverain, contre le chef d'Etat ou contre l'un des organes, ministère ou département du gouvernement, ou contre ses organes subsidiaires, voire contre des organismes ou des institutions de l'Etat, en raison d'actes accomplis dans l'exercice des prérogatives de la puissance publique (SOMPONG SUCHARITKUL, L'immunité des Etats, in Droit international, Bilan et perspectives, t.1, Paris 1991, p. 347 ss, 351/352). En ce qui concerne l'immunité des Etats étrangers, et singulièrement l'immunité de juridiction, il faut donc entendre par "Etat étranger", outre la personne étatique elle-même, toute autorité devant être considérée comme un démembrement de l'Etat, délégataire ou dépositaire des fonctions qu'il entend exercer, en application directe de ses compétences en tant qu'Etat souverain, au bénéfice de sa "puissance publique", pour reprendre une terminologie du droit interne (PIERRE-MARIE DUPUY, op. cit., n. 115 p. 115, déjà cité). Seuls sont exclus de l'immunité les agents intervenant secrètement à l'étranger au service d'un Etat, par exemple pour fait d'espionnage (VERDROSS/SIMMA, op. cit., § 1177 p. 773/774, note 52) ou d'homicide intentionnel (IGNAZ SEIDL-HOHENVELDERN, L'immunité de juridiction et d'exécution des Etats et des organisations internationales, in Droit international 1, Paris 1981, p. 113 ss, 114).
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Dans ce sens, en vertu du principe d'égalité des Etats et de l'absence de hiérarchie entre eux, il n'y a pas lieu de soumettre à un tribunal suisse le contrôle des agissements d'une juge d'instruction espagnole dans l'accomplissement des tâches de droit public que lui a confiées l'Etat espagnol. La juge d'instruction, ayant agi comme délégataire de la souveraineté du Royaume d'Espagne dans le domaine de la répression des infractions et de l'application des codes pénal et de procédure pénale, peut invoquer avec succès le principe de l'immunité de juridiction à l'égard de l'Etat du for, dans la mesure où l'action en responsabilité civile introduite devant les tribunaux genevois contre elle touche en fait le fonctionnement de la justice pénale de l'Espagne et la jurisprudence de ce pays.
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Il s'ensuit que la Chambre civile de la Cour de justice de Genève était fondée à déclarer irrecevable l'action ouverte par le demandeur contre la juge d'instruction espagnole, défenderesse, de sorte que l'arrêt cantonal du 16 mai 2003 sera confirmé.
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