BGE 136 III 431
 
62. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause époux A.X. et B.X. contre Société Y. (recours en matière civile)
 
4A_104/2010 du 8 juin 2010
 
Regeste
Anfechtung einer Mietzinserhöhung; Eheleute, welche die Wohnung gemeinsam gemietet haben (Art. 270b OR; Art. 166 ZGB).
Vertretung der ehelichen Gemeinschaft und Verfahren vor der Schlichtungsbehörde in Mietsachen (E. 4).
 
Sachverhalt
A. La société Y. est propriétaire d'un immeuble de soixante appartements à P. Depuis le 1er octobre 2000, A.X. et B.X. sont locataires d'un appartement de quatre pièces et demie sis dans cet immeuble.
De gros travaux, comprenant notamment la réfection complète des cuisines et des salles de bains, ont été entrepris dans le bâtiment entre avril 2006 et mars 2007. Ils ont engendré d'importantes nuisances pour les locataires.
Par avis officiel du 8 décembre 2006, Y. a notifié aux locataires des hausses de loyer devant prendre effet au 1er avril 2007, une fois la rénovation achevée. Le loyer mensuel de l'appartement des époux X. passait de 927 fr. à 1'296 fr., ce qui représente une augmentation de 369 fr. par mois.
B. A l'instar de locataires d'autres appartements de l'immeuble, A.X. a saisi la Commission de conciliation en matière de baux à loyer de Q. D'une part, il contestait la hausse de loyer et, d'autre part, il demandait une réduction de loyer en raison des nuisances subies. La conciliation a échoué.
A.X. et B.X. ont saisi le Tribunal des baux du canton de Vaud, concluant à ce que la hausse de loyer soit déclarée abusive et corrigée à dire de justice (I), à ce que la bailleresse soit reconnue débitrice d'une indemnité de 3'708 fr. correspondant à quatre mois de loyer net (II) et à ce que des frais de gaz de cuisson leur soient restitués (III), de même que des taxes d'égout et d'épuration (IV). La procédure a été jointe avec celles engagées par d'autres locataires.
Le Tribunal des baux a rendu son jugement le 18 décembre 2007. Pour ce qui concerne l'action des époux X., il a rejeté la conclusion I et admis la validité de la hausse de loyer; il a déclaré irrecevable la conclusion II relative à la réduction de loyer pour cause de nuisances et l'a transmise à la Commission de conciliation; enfin, il a rejeté la conclusion III en tant qu'elle concerne A.X. et l'a déclarée irrecevable en tant qu'elle concerne B.X.
Par arrêt du 18 novembre 2009, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours des locataires. Selon cette décision, les époux X., en tant que colocataires, étaient des consorts nécessaires et devaient agir ensemble pour contester le loyer, déjà au stade de la requête en conciliation. Or, A.X., agissant seul, n'avait pas valablement saisi la Commission de conciliation. Partant, la hausse de loyer était entrée en force, faute d'avoir été contestée à temps par les colocataires devant l'autorité de conciliation. Quant à la requête en réduction de loyer, elle était irrecevable et devait être transmise à la Commission de conciliation compétente.
C. A.X. et B.X. ont interjeté un recours en matière civile. Ils concluaient principalement à ce que le loyer mensuel soit fixé à 1'203 fr. 50 dès le 1er avril 2007. (...)
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
(extrait)
 
Extrait des considérants:
3. Les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir violé les art. 270b et 274 ss CO. A leur sens, le recourant pouvait valablement engager, à titre individuel, une procédure en contestation de l'augmentation de loyer, bien que les époux soient colocataires. Ils nient tout d'abord que le fait de s'opposer à une hausse de loyer soit un acte formateur, qui ne peut être exécuté que par les locataires agissant ensemble, comme la Chambre des recours l'a admis. Les recourants contestent au surplus que la Commission de conciliation soit une autorité judiciaire devant laquelle les principes judiciaires sont applicables. Pour le cas où la notion de consorité serait tout de même relevante devant l'autorité de conciliation, les recourants invoquent l' ATF 118 II 168 dont il ressortirait que les époux colocataires ne forment précisément pas une consorité matérielle nécessaire.
3.1 L' ATF 118 II 168 a été rendu dans une cause concernant la résiliation d'un bail qui portait sur le logement de la famille. Il en ressort que, si les époux sont bien colocataires solidaires et disposent ainsi tous deux d'un droit sur la chose louée, cela ne signifie pas pour autant que ce droit ne puisse être exercé que conjointement. La solidarité implique au contraire que chacun puisse faire valoir les droits découlant du contrat, ce qui implique qu'il n'existe pas de consorité matérielle nécessaire entre époux colocataires. L'arrêt tire par ailleurs un parallèle avec la disposition légale qui permet au conjoint du locataire de contester seul le congé même sans être locataire (art. 273a CO). Si la faculté de contester individuellement le congé est accordée à l'époux non locataire, elle doit être reconnue aussi au conjoint qui est colocataire (consid. 2b p. 169/170).
L'arrêt ne précise pas si ces principes, certes énoncés de manière très générale, s'appliquent uniquement à la contestation du congé, qui était l'objet du litige, ou également à d'autres litiges relevant du bail, dont la contestation du loyer (art. 270 ss CO). Il ne résulte ainsi pas de l'arrêt en cause, du moins pas expressément, qu'un époux colocataire peut contester le loyer individuellement.
Un arrêt ultérieur, qui concerne la résiliation d'un bail conclu par une pluralité de bailleurs, pose, sans faire référence à l' ATF 118 II 168, que les droits formateurs résolutoires, comme la résiliation d'un bail commun, doivent être exercés ensemble par toutes les personnes qui constituent une seule et même partie ou contre elles toutes, car le rapport juridique créé par le bail ne peut être annulé qu'une seule fois et pour tous les contractants. En effet, un contrat de bail commun est un rapport juridique uniforme qui n'existe que comme un tout et pour tous les participants (arrêt 4C.331/1993 du 20 juin 1994 consid. 5b, in SJ 1995 p. 53).
L'arrêt 4C.37/2001 du 30 mai 2001, invoqué par l'intimée, concerne également une résiliation de bail. Le Tribunal fédéral y relève que le point de savoir si les colocataires doivent agir en commun pour requérir l'annulation du congé ou la prolongation du bail fait l'objet d'une controverse doctrinale. Il ne tranche toutefois pas la question. En effet, la demanderesse, membre de l'hoirie de l'un des colocataires, ne pouvait de toute manière pas agir individuellement au nom de la communauté héréditaire (consid. 2b/bb).
3.2 Pour la doctrine majoritaire, les colocataires doivent agir en commun pour contester le loyer (DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 72; le même, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. I, 2003, n° 18 ad art. 253 CO; RAYMOND BISANG ET AL., Das schweizerische Mietrecht, Kommentar, 3e éd. 2008, n° 7 ad art. 270b CO; PETER HIGI, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1994, n° 124 des remarques préliminaires aux art. 253-274g CO; JACQUES MICHELI, Les colocataires dans le bail commun, in Séminaire sur le droit du bail 1994, § 10 p. 12; plus hésitante, LAURA JACQUEMOUD-ROSSARI, Jouissance et titularité du bail ou quelques questions choisies en rapport avec le bail commun, CdB 1999 p. 107) ou, d'une manière générale, pour agir en justice en matière de bail (HANS SCHMID, Der gemeinsame Mietvertag, RSJ 87/1991 p. 375).
D'autres auteurs admettent que chaque colocataire peut contester le loyer individuellement, pour des motifs de protection du locataire (ROGER WEBER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht, vol. I, 4e éd. 2007, n° 2 des remarques préliminaires aux art. 253-274g CO; THOMAS KOLLER, RJB 141/2005 p. 321) ou simplement par renvoi à l' ATF 118 II 168 (TERCIER/FAVRE, Les contrats spéciaux, 4e éd. 2009, n° 2031).
En l'espèce, il n'est pas contesté que les conjoints colocataires sont parties à un seul et même contrat de bail. Il s'agit donc d'un bail commun (cf. arrêt 4C.103/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.1, in SJ 2007 I p. 1). Le loyer est nécessairement identique pour tous les colocataires, qui en sont les débiteurs solidaires; ils ne peuvent pas être débiteurs solidaires de montants différents. Or, la majoration du loyer est réputée acceptée si elle n'est pas contestée à temps (cf. art. 270b al. 1 CO). Il est ainsi exclu qu'un colocataire conteste l'augmentation en saisissant l'autorité de conciliation et que l'autre locataire accepte le loyer majoré en restant passif.
Une application analogique de la règle permettant au conjoint non locataire de contester seul la résiliation du bail lié au logement de la famille (art. 273a CO) au cas d'une contestation de loyer par le colocataire n'entre pas en considération. Cette faculté accordée au conjoint non locataire est limitée par la loi à la contestation de la résiliation et ne s'applique pas à la contestation du loyer (HIGI, op. cit., n° 135 des remarques préliminaires aux art. 253-274g CO; le même, in Zürcher Kommentar, 4e éd. 1996, nos 3 et 12 ad art. 273a CO). Son but est de protéger le conjoint du locataire contre des actes unilatéraux par lesquels son partenaire renonce au logement commun (cf. HIGI, op. cit., n° 6 ad art. 273a CO). Or, le risque de perdre le logement de la famille n'existe pas en cas de litige sur le montant du loyer.
Il faut dès lors admettre, avec la doctrine majoritaire, que les colocataires, qu'ils soient conjoints, partenaires enregistrés ou simples colocataires, forment une consorité matérielle nécessaire et doivent agir ensemble pour contester le loyer. La question de savoir comment procéder s'il y a désaccord entre eux - notamment si le colocataire contestant le loyer doit assigner celui qui ne veut pas participer à la procédure - ne se pose pas en l'espèce et peut rester indécise.
Il s'ensuit que le recourant ne pouvait pas engager à titre individuel la procédure en contestation de la hausse de loyer. La cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral sur ce point.
 
Erwägung 4
4.1 Invoquant l'art. 166 CC, les recourants soutiennent que l'époux représentait l'épouse devant l'autorité de conciliation. Selon cette disposition, chaque époux représente l'union conjugale pour les besoins courants de la famille pendant la vie commune et, au-delà de ces besoins courants, s'il y a été autorisé par son conjoint ou par le juge ainsi que lorsque l'affaire ne souffre aucun retard et que le conjoint est empêché de donner son consentement. Les recourants se réfèrent en particulier à l'arrêt 7B.109/2001 du 23 juillet 2001, rendu en matière de poursuites, dans lequel il a été retenu, sur la base de l'art. 166 CC, que l'épouse pouvait porter plainte au nom de son conjoint emprisonné contre des actes de poursuite propres à aboutir à la réalisation d'un immeuble de l'époux servant de logement à la famille; dans le cas particulier, l'objet de la plainte était l'établissement d'un acte de défaut de biens.
L'arrêt invoqué par les recourants ne concerne pas une procédure judiciaire; il n'est donc pas déterminant pour le cas présent. Au demeurant, il sied de relever que, dans une procédure de plainte, le poursuivi peut se faire représenter par toute personne de son choix; en outre, dans le cas faisant l'objet de l'arrêt précité, l'époux était empêché d'agir en raison de son emprisonnement.
En tout état de cause, l'introduction d'une procédure judiciaire, même si elle concerne le loyer du logement de la famille, ne saurait être qualifiée d'acte qu'un époux exécute habituellement sans en référer préalablement à son conjoint et être rangée ainsi parmi les actes portant sur les besoins courants de la famille (cf. STETTLER, op. cit., n° 165 p. 83 s.). Par ailleurs, il n'a pas été constaté en l'espèce que la recourante aurait autorisé son époux à contester le loyer, ni qu'elle aurait été empêchée d'y consentir avant l'échéance du délai pour introduire la procédure en conciliation. L'art. 166 CC est inapplicable pour ce motif également.
En conséquence, la représentation des époux devant l'autorité de conciliation était régie par le droit cantonal (cf. art. 274 CO). Les recourants ne soulèvent aucun grief constitutionnel en relation avec l'application du droit cantonal (cf. ATF 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). La question de la capacité de représentation ne peut donc pas être examinée sous cet angle (art. 106 al. 2 LTF), ce qui, de toute manière, ne porte pas à conséquence puisqu'il a été constaté que l'époux n'a pas déclaré agir comme représentant de son épouse.
Dans ces circonstances, il ne saurait être retenu que l'époux a valablement représenté l'épouse devant l'autorité de conciliation; il a uniquement agi pour lui-même. Il s'ensuit, en particulier, qu'une ratification ultérieure par l'épouse est exclue, faute d'acte à ratifier fait en son nom.