BGE 138 III 378 |
55. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. et B. contre C. et D. (recours constitutionnel subsidiaire) |
5D_211/2011 du 30 mars 2012 |
Regeste |
Art. 315 Abs. 5 ZPO; Gewährung der aufschiebenden Wirkung im Rahmen einer Berufung gegen einen Entscheid über vorsorgliche Massnahmen. |
Sachverhalt |
A. A., exploitant viticole, et B., vinificateur et commerçant, sont copropriétaires de la parcelle n° 909 du registre foncier de la commune de X. Ce bien-fonds est principalement cultivé en vigne. Une ancienne habitation avec rural, n° ECA x, occupant 59 m2 au sol y est implantée. Les propriétaires ont vainement tenté de réhabiliter cette bâtisse mais aucun des projets mis à l'enquête n'a pu être autorisé à ce jour.
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C. et D. sont copropriétaires de la parcelle voisine n° 908 du registre foncier de la commune de X. Le bâtiment n° ECA x est situé en limite de cette parcelle.
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B. Par demande du 19 octobre 2010, C. et D. ont requis qu'ordre soit donné à A. et B. de démolir le bâtiment n° ECA x, subsidiairement, de prendre toutes les mesures propres à exclure tout risque d'éboulement, d'effondrement et de chute de tuiles ou d'autres matériaux provenant dudit bâtiment sur la parcelle n° 908, dans un délai de trois mois dès jugement définitif et exécutoire.
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Le 26 mai 2011, les demandeurs ont requis, à titre de mesures provisionnelles, qu'ordre soit donné à A. et B. de démonter la toiture du bâtiment n° ECA x, de démolir la moitié ouest du dernier niveau dudit bâtiment, de stabiliser l'ouvrage et de le protéger des intempéries dans un délai à dire de justice. Par ordonnance du 5 septembre 2011, la présidente du Tribunal civil de l'Est vaudois a partiellement admis la requête en ce sens qu'elle a ordonné à A. et B., sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP, de démonter la toiture du bâtiment en cause d'ici le 15 décembre 2011 et de stabiliser celui-ci et de le protéger des intempéries dans le même délai.
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Par acte du 11 octobre 2011, A. et B. ont appelé de cette décision auprès du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Ils ont requis que l'effet suspensif soit octroyé au recours. Le 13 octobre 2011, le Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté cette requête.
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C. Par arrêt du 30 mars 2012, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A. et B. contre cette décision et a accordé l'effet suspensif à l'appel du 11 octobre 2011 devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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(résumé)
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Extrait des considérants: |
6.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4; ATF 136 I 316 consid. 2.2.2 et les références citées).
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6.3 Le dommage difficilement réparable de l'art. 261 al. 1 let. b CPC est principalement de nature factuelle; il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès (HOHL, Procédure civile, tome II, 2e éd. 2010, n. 1763). Il en va de même pour le dommage difficilement réparable de l'art. 315 al. 5 CPC. Il s'agit pour l'un comme pour l'autre d'une condition matérielle, respectivement de la protection juridique provisoire dans la première disposition et de la suspension de l'exécution de la mesure ordonnée dans la seconde. Le dommage est constitué, pour celui qui requiert les mesures provisionnelles, par le fait que, sans celles-ci, il serait lésé dans sa position juridique de fond et, pour celui qui recourt contre le prononcé de telles mesures, par les conséquences matérielles qu'elles engendrent (REETZ/HILBER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger [éd.], 2010, n° 69 ad art. 315 CPC; DONZALLAZ, La notion de "préjudice difficilement réparable" dans le CPC, in Il Codice di diritto processuale civile svizzero, Bernasconi et al. [éd.],2011, p. 191). Ces deux notions doivent en revanche être distinguées de celle de préjudice difficilement réparable, condition de recevabilité contre une décision ou une ordonnance d'instruction (art. 319 let. b ch. 2 CPC). Elles ne doivent pas être confondues non plus avec la notion de préjudice irréparable de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, condition de recevabilité des recours au Tribunal fédéral contre les décisions préjudicielles ou incidentes (HOHL, op. cit., n. 1764; DONZALLAZ, op. cit., p. 191 s.; cf. également: arrêt 4P.155/1994 du 4 novembre 1994 consid. 2, in RSPI 1996 p. 241; concernant le manque de coordination terminologique entre les art. 92 s. LTF et l'art. 237 CPC, cf. TAPPY, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 5 ad art. 237 CPC).
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Saisie d'une demande d'effet suspensif au sens de l'art. 315 al. 5 CPC, l'autorité cantonale d'appel doit ainsi procéder à une nouvelle pesée des intérêts entre les deux préjudices difficilement réparables, celui du demandeur à l'action si la mesure n'était pas exécutée immédiatement et celui qu'entraînerait pour le défendeur l'exécution de cette mesure (REETZ/HILBER, ibidem; DONZALLAZ, op. cit., p. 191; TREZZINI, in Commentario al Codice di diritto processuale civile svizzero [CPC], 2011, p. 1385 s.).
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Si l'on entend offrir une véritable voie de droit à la partie, contre qui une mesure d'exécution anticipée provisoire susceptible d'avoir un effet définitif a été prononcée, il convient alors de ne pas se montrer trop exigeant quant aux conditions d'octroi de la suspension de l'exécution de la mesure ordonnée durant la procédure d'appel. C'est à cette condition seulement que l'instance cantonale de recours poura vérifier la mise en balance des intérêts contradictoires des parties effectuée par le premier juge et examiner, à son tour, si les conditions matérielles du prononcé de la mesure provisionnelle requise sont réunies. A défaut de suspension, l'intimé court en effet le risque d'être définitivement privé du contrôle de la décision sur mesures provisionnelles et, par suite, de tout intérêt à la procédure sur le fond. Aussi, la requête ne devrait être refusée que lorsque l'appel paraît d'emblée manifestement infondé ou irrecevable.
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Il s'ensuit que le Juge cantonal a manifestement violé l'art. 315 al. 5 CPC en refusant l'effet suspensif sans constater le défaut manifeste de chances de succès de l'appel. Le résultat, auquel il parvient et qui prive les recourants d'un véritable contrôle des mesures provisionnelles ordonnées, se révèle en outre arbitraire en l'espèce.
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