BGE 139 III 214 |
30. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. SA contre Y. (recours en matière civile) |
4A_8/2013 du 2 mai 2013 |
Regeste |
Art. 322b Abs. 1 und Art. 349a Abs. 2 OR; Arbeitsvertrag, angemessenes Entgelt des Arbeitnehmers, der mit Provisionen entschädigt wird. |
Anwendung auf den konkreten Fall (E. 5.2). |
Extrait des considérants: |
Comme on l'a vu, l'autorité cantonale n'a pas tranché le point de savoir si les parties ont été liées par un contrat d'engagement des voyageurs de commerce. Il n'importe. En effet, un tel accord n'est qu'un contrat individuel de travail à caractère spécial (cf. art. 355 CO; WOLFGANG PORTMANN, in Basler Kommentar, Obligationenrecht, vol. I, 5e éd. 2011, n° 2 ad art. 347 CO).
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Il a été retenu que l'intimé était rétribué par un salaire fixé selon un système de provisions sur les affaires conclues pour le compte de la recourante. Autrement dit, le salaire de l'intimé consistait exclusivement dans l'encaissement de provisions.
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La provision est une modalité particulière de rémunération du travailleur.
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Aux termes de l'art. 322b al. 1 CO, s'il est convenu que le travailleur a droit à une provision sur certaines affaires, elle lui est acquise dès que l'affaire a été valablement conclue avec le tiers. Il faut donc, sauf convention contraire, que le travailleur, pendant le rapport contractuel, procure une affaire concrète ou trouve un client disposé à conclure; il doit exister un rapport de causalité entre l'activité du travailleur et la conclusion du contrat (ATF 128 III 174 consid. 2b p. 176).
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La doctrine moderne est d'avis que si le salarié est rémunéré de manière exclusive ou prépondérante par des provisions, celles-ci doivent alors représenter une rémunération convenable, telle que l'entend l'art. 349a al. 2 CO dans le cadre du contrat d'engagement des voyageurs de commerce (cf. ULLIN STREIFF ET AL., Arbeitsvertrag, 7e éd. 2012, n° 5 ad art. 322b CO; PORTMANN, op. cit., n° 1 ad art. 322b CO; ADRIAN STAEHELIN, Zürcher Kommentar, 4e éd. 2006, n° 1 ad art. 322b CO; RÉMY WYLER, Droit du travail, 2e éd. 2008, p. 161 et la note 453; FRANK VISCHER, Der Arbeitsvertrag, TDPS vol. VII/4, 3e éd. 2005, p. 108). Cette opinion est convaincante. Afin d'éviter que l'employeur n'exploite le travailleur en lui faisant miroiter la perception de provisions irréalistes (cf., à ce propos, ATF 129 III 664 consid. 6.1), l'effet protecteur de l'art. 349a al. 2 CO doit être appliqué par analogie à tous les travailleurs payés principalement par provisions.
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Il sied en conséquence de vérifier si la rémunération qu'a touchée l'intimé sous forme de provisions pouvait être qualifiée de "convenable" au sens de la disposition susrappelée, ainsi que l'affirme la recourante.
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5.2 Le caractère "convenable" d'une rétribution est une notion juridique imprécise qui laisse au juge du fait un pouvoir d'appréciation. Partant, le Tribunal fédéral n'intervient que si cette autorité a abusé de ce pouvoir, c'est-à-dire si elle a retenu des critères inappropriés ou si la décision aboutit à un résultat manifestement injuste (ATF 135 III 121 consid. 2 in fine et les arrêts cités).
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Une provision est convenable si elle assure au voyageur un gain qui lui permette de vivre décemment, compte tenu de son engagement au travail (Arbeitseinsatz), de sa formation, de ses années de service, de son âge et de ses obligations sociales ainsi que de l'usage de la branche (ATF 129 III 664 ibidem).
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Lorsque la recourante affirme que l'intimé aurait réalisé "en 2008 et sur une période non négligeable" des revenus dépassant 4'000 fr. par mois, elle invoque des faits non constatés, dont il n'y a pas lieu de tenir compte (art. 105 al. 1 LTF). Pour les mêmes raisons, il n'est pas possible de retenir que l'intéressé s'est peu investi dans son travail, car il avait fondé sa propre entreprise, active dans l'import-export.
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La cour d'appel a constaté que l'intimé, au cours des relations contractuelles, a réalisé un salaire mensuel net moyen de 2'074 fr. pour une activité à plein temps. Il n'a pas été établi que les prestations de service fournies par le travailleur étaient insuffisantes. Dans de telles conditions, il n'est pas besoin de longues explications pour admettre que cette rétribution, qui, selon l'expérience générale, ne permet pas de vivre correctement en Suisse, n'était pas convenable, quelle que soit la situation personnelle de l'intimé.
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La cour cantonale a considéré que la somme brute supplémentaire de 42'000 fr. requise par l'intimé représentait 1'800 fr. 25 de plus par mois durant les 22 mois et un tiers( recte: 23 mois et un tiers ) qu'ont duré les rapports de travail (42'000 fr. / 23,33). Il appert donc que si l'on ajoute ce surplus au salaire mensuel net moyen réellement encaissé, on obtient un salaire brut de 3'874 fr. 25 (2'074 fr. + 1'800 fr. 25).
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En jugeant que ce salaire mensuel brut de 3'874 fr. 25 était "convenable" dans le sens de l'art. 349a al. 2 CO, l'autorité cantonale n'a en rien abusé de son pouvoir d'appréciation. De fait, ledit salaire est encore largement inférieur au salaire médian mensuel brut, secteur privé et public confondus, afférent à des activités simples et répétitives dans la région lémanique pour l'année 2010, lequel se montait à 4'727 fr. par mois (www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/03/04/blank/key/lohnstruktur/nach_grossregion.html).
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