BGE 140 III 180 |
30. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A.X. contre Banque Z. (recours en matière civile) |
5A_686/2013 du 31 janvier 2014 |
Regeste |
Art. 81 Abs. 1 und Art. 82 Abs. 2 SchKG; Sicherungsübereignung von Inhaberschuldbriefen; Betreibung auf Grundpfandverwertung und gewöhnliche Betreibung; Einrede des beneficium excussionis realis. |
Prüfung der Einrede des beneficium excussionis realis in der gewöhnlichen Betreibung durch den Richter der provisorischen Rechtsöffnung (E. 5.1.6). Zulässigkeit dieser Einrede auch im Verfahren auf definitive Rechtsöffnung (E. 5.2). |
Sachverhalt |
A.a Le 31 mai 1990, la Banque W., à laquelle a succédé la Banque Z. (ci-après: la banque ou la Banque Z.), a octroyé à chacun des frères A.X. et B.X. un crédit en compte courant de 6'000'000 fr. avec intérêts. A titre de garantie, chaque emprunteur a cédé en propriété à la Banque une cédule hypothécaire au porteur de 6'000'000 fr. en premier rang grevant sa quote-part d'une demie de la parcelle n° 2 (cédule n° x pour B.X. et cédule n° y pour A.X.).
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Le 26 juillet 1990, les deux crédits ont été restructurés de manière identique pour chacun des frères sous la forme d'un compte courant de 3'750'000 fr. et d'une avance à terme fixe du même montant. Afin de garantir cette augmentation de crédit, les deux emprunteurs ont cédé en propriété à la banque la cédule hypothécaire au porteur de 2'000'000 fr. qu'ils avaient constituée sur la parcelle n° 1 (cédule n° z) .
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A.b En ce qui concerne A.X., après un premier acte de cession du 14 juin 1990, il a signé le 27 août 1990 deux actes de cession en propriété et à fin de garantie - le second acte étant cosigné avec son frère B.X. -, par lesquels il a remis à la banque en tant que propriétaire fiduciaire aux fins de garantie - dont la qualification de garantie fiduciaire (Sicherungsübereignung) n'est en soi pas contestée -, la cédule hypothécaire au porteur de 6'000'000 fr. (cédule n° y) et celle de 2'000'000 fr. (cédule n° z).
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Ces deux actes, sur formules préimprimées de la banque, garantissent les prétentions actuelles et futures de la banque et renvoient aux conditions spéciales figurant au verso ainsi qu'aux conditions générales de la banque, contresignées par l'intéressé. En ce qui concerne l'exécution forcée, sous le titre "Droit de gage et de compensation", l'art. 8, 3e phrase, des conditions générales prévoit uniquement qu'"en cas de demeure du client, la banque peut, à son choix, réaliser les gages de gré à gré ou par voie de poursuite".
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A.c Les crédits ont été dénoncés au remboursement le 10 décembre 1993. Les cédules l'ont été le 30 octobre 1996. (...)
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B. (...)
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B.a En ce qui concerne A.X., trois commandements de payer dans des poursuites en réalisation de gage immobilier lui ont été notifiés: le premier pour un montant de 6'000'000 fr. plus intérêts à 10 % l'an dès le 4 septembre 2000, sur la base de la cédule hypothécaire n° y (poursuite n° 4); le deuxième, au libellé identique, sur la base de la cédule n° x, lui a été notifié en sa qualité de tiers propriétaire du gage (poursuite n° 5); le troisième pour le montant de 2'000'000 fr. avec intérêts à 10 % dès le 4 septembre 2000, sur la base de la cédule hypothécaire n° z (poursuite n° 6).
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Les oppositions formées par A.X. à ces commandements de payer ont été levées par prononcés de mainlevée provisoire.
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B.b Le 29 janvier 2004, A.X. et B.X. ont introduit une action en libération de dette contre la Banque Z. devant la Cour civile du Tri bunal cantonal du canton de Vaud, concluant notamment à ce qu'il
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La Banque Z. a conclu reconventionnellement au paiement, par chacun des débiteurs, des créances correspondant au solde de leurs comptes courants et de leurs avances à terme fixe, à savoir, contre A.X., au paiement des montants de 8'705'120 fr. 75 plus intérêts à 9 1/4 % l'an dès le 1er juillet 2002 et de 3'916'406 fr. 25 avec intérêts à 8 7/8 % l'an dès le 27 février 1993.
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Par jugement du 25 novembre 2009, dont la motivation a été notifiée le 13 juillet 2010, la Cour civile a, en ce qui concerne A.X., partiellement admis son action en libération de dette; sur reconvention, l'a condamné à payer à la Banque Z. la somme de 4'219'456 fr. avec intérêts à 8,5 % dès le 30 septembre 1993, sous déduction de dix-huit versements de 3'000 fr., de quatre versements de 6'000 fr., d'un versement de 19'523 fr. 10 et d'un versement de 5'125 fr. 35, valeur à la date de leur paiement (contrat de compte courant), ainsi que la somme de 3'916'406 fr. 26 avec intérêts à 8 7/8 % dès le 27 février 1993 (avance à terme fixe); elle a levé les oppositions que le débiteur avait formées aux trois commandements de payer en réalisation de gage immobilier, à savoir à concurrence des créances abstraites de 6'000'000 fr. plus intérêts dans la poursuite n° 4, de 6'000'000 fr. plus intérêts dans la poursuite n° 5 et de 2'000'000 fr. plus intérêts dans la poursuite n° 7; elle l'a enfin condamné au versement de 92'423 fr. 25 à titre de dépens.
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Les recours interjetés au Tribunal fédéral contre ce jugement par les deux frères ont été rejetés (arrêt 4A_513/2010 / 4A_515/2010 du 30 août 2011).
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B.c La banque a requis la continuation des poursuites en réalisation de gage immobilier.
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C. Se fondant sur le jugement de la Cour civile du 25 novembre 2009, la banque a requis, le 8 août 2011, la poursuite ordinaire de A.X. en recouvrement des deux créances causales et de la créance de dépens pour les montants alloués. Celui-ci a fait opposition au commandement de payer qui lui a été notifié (poursuite n° 8) le 12 août 2011.
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La plainte formée par le débiteur contre la notification de ce commandement de payer a été définitivement rejetée par arrêt du Tribunal fédéral du 9 octobre 2012 (arrêt 5A_295/2012), l'exception du beneficium excussionis realis de l'art. 41 al. 1bis LP ne pouvant être opposée, ni aux deux créances causales puisqu'elles ne sont pas garanties par gage, ni à la créance de dépens.
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Dans la procédure de mainlevée introduite le 16 août 2011, dans laquelle le délai de détermination du poursuivi avait été prolongé jusqu'à droit connu sur le sort de la plainte susmentionnée, le Juge de paix du district de Nyon a accordé la mainlevée définitive de l'opposition par décision du 11 janvier 2013, décision envoyée aux parties le 15 janvier 2013, considérant que le poursuivi n'avait fait valoir aucun des moyens de libération de l'art. 81 al. 1 LP.
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Statuant le 15 août 2013, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours du poursuivi et confirmé le prononcé de mainlevée définitive, pour des motifs qui seront exposés dans les considérants de droit ci-dessous.
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(...) |
Par arrêt du 31 janvier 2014, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours interjeté par A.X. contre cette décision et a réformé l'arrêt attaqué en ce sens que la requête de mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer dans la poursuite ordinaire n° 8 notifié à A.X. le 12 août 2011 sur réquisition de la Banque Z. est partiellement admise et l'opposition définitivement levée à concurrence du montant de 92'423 fr. 25 avec intérêts à 5 % l'an dès le 10 août 2011.
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(extrait)
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Extrait des considérants:
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(...)
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5. Après avoir rappelé les principes dégagés par la jurisprudence s'agissant de la cession à titre fiduciaire de cédules hypothécaires au porteur, il y aura lieu d'examiner tout d'abord si le contrat de fiducie prévoit ou non deux voies d'exécution forcée parallèles enrecouvrement, d'une part, des créances abstraites et, d'autre part, de la créance causale.
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Si le créancier poursuit pour le montant de la créance abstraite incorporée dans le titre, alors que la créance causale (en capital et intérêts) est d'un montant inférieur, le débiteur poursuivi peut opposer les exceptions personnelles dont il dispose contre le poursuivant (propriétaire fiduciaire), conformément au contrat de fiducie, en particulier celle consistant à exiger la limitation de la somme réclamée au montant de la créance causale (anciens art. 855 al. 2 et 872 CC; art. 842 al. 3 et 849 al. 1 CC); il doit rendre vraisemblable, dans le cadre de l'art. 82 al. 2 LP, que le montant de la créance causale est inférieur au montant de la créance abstraite incorporée dans le titre et que le créancier a, à tort, poursuivi pour le montant de cette dernière (arrêt 5A_226/2007 du 20 novembre 2007 consid. 5.1 et les références; cf. également ATF 136 III 288 consid. 3.2).
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Si la créance causale (en capital et intérêts) résultant du rapport de base est en revanche supérieure au montant nominal de la créance cédulaire (capital) majoré des intérêts couverts par le droit de gage, le créancier peut faire valoir dans la poursuite en réalisation de gage immobilier l'intégralité de la créance cédulaire avec les intérêts de trois années échus au moment de l'ouverture de la faillite ou de la réquisition de vente. Pour le calcul de ces intérêts, le nouvel art. 818 al. 1 ch. 3 CC est applicable immédiatement (art. 26 al. 2 Tit. fin. CC; PIOTET, op. cit., p. 230; FOËX, op. cit., p. 14): la cédule ne garantit au créancier gagiste que les intérêts effectivement dus pour un maximum de trois ans, ainsi que les intérêts courants et les intérêts moratoires (Message, op. cit., 5049 s.; cf. PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, vol. III, 4e éd. 2012, n. 2795a [ci-après: vol. III]; le même, La nouvelle réglementation de la cédule hypothécaire, Jusletter p. 67 note 51; FOËX, op. cit., p. 8).
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Le solde de la créance causale doit faire l'objet d'une poursuite ordinaire (ATF 136 III 288 consid. 3.2 et les références; arrêt 5A_295/2012 du 9 octobre 2012 consid. 4.2.2, in SJ 2013 I p. 417); pour le recouvrement de ce solde, le créancier n'a pas à attendre l'issue de la procédure en réalisation de gage immobilier, puisque cet excédent n'est manifestement pas couvert par le gage et que l'exception du beneficium excussionis realis de l'art. 41 al. 1bis LP n'entre donc pas en ligne de compte (arrêt 5A_295/2012 précité consid. 4.2.2 et les références citées).
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5.1.3 Jusqu'ici, le Tribunal fédéral n'a pas eu à se prononcer sur la possibilité pour le créancier, propriétaire fiduciaire de la cédule, d'introduire parallèlement une poursuite en réalisation de gage immobilier pour l'intégralité de la créance abstraite (capital et intérêts) et une poursuite ordinaire pour l'entier de la créance causale.
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Dans l'arrêt 5A_295/2012, il n'a statué que sur la plainte que le poursuivi avait formée contre la notification du commandement de payer dans la poursuite ordinaire, successive à la poursuite en réalisation de gage immobilier: considérant qu'en cas de garantie fiduciaire, la créance abstraite incorporée dans la cédule se juxtapose à la créance causale et que l'on est donc en présence de deux créances, indépendantes l'une de l'autre, il a jugé que la créance causale - réclamée par la voie de la poursuite ordinaire - n'est pas elle-même garantie par un gage, de sorte que le poursuivi ne peut pas se prévaloir de l'exception du beneficium excussionis realis de l'art. 41 al. 1bis LP (ATF 106 III 5 consid. 1). En passant, il a toutefois relevé que, dans une telle situation, la doctrine accorde au débiteur une exception dilatoire, qu'il peut faire valoir par la voie de l'opposition au commandement de payer, en alléguant que la créance causale n'est pas exigible aussi longtemps que le poursuivant n'a pas été renvoyé perdant dans la procédure en réalisation de l'immeuble grevé de la cédule (citant parmi plusieurs: DANIEL STAEHELIN, Betreibung und Rechtsöffnung beim Schuldbrief, PJA 1994 p. 1255 ss, 1261 [ci-après: Betreibung]; ZOBL/THURNHERR, Berner Kommentar, 3e éd. 2010, Syst. Teil, n° 1491 avec de nombreuses références; DOMENICO ACOCELLA, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 2e éd. 2010, n° 20 ad art. 41 LP; CHARLES JAQUES, Exécution forcée spéciale des cédules hypothécaires, Blätter für Schuldbetreibung und Konkurs [BlSchK] 2001 p. 201 ss, 211; WIEGAND/BRUNNER, Vorschläge zur Ausgestaltung des Schuldbriefes als papierloses Registerpfand, 2003, p. 47; MARKUS F. VOLLENWEIDER, Die Sicherungsübereignung von Schuldbriefen als Sicherungsmittel der Bank, 1994, p. 136 s.; contra: SIDNEY KAMERZIN, Le contrat constitutif de cédule hypothécaire, 2003, n. 197); en effet, la juxtaposition d'une créance abstraite à une créance causale implique généralement que les parties entendent que le créancier doive en premier lieu obtenir la prestation en faisant valoir la créance abstraite garantie par le gage (PIERRE-ROBERT GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. I, 1999, n° 42 ad art. 41 LP; cf. ATF 42 III 496 consid. 2).
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Cette question doit désormais être tranchée.
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5.1.4 Lorsqu'une créance est garantie par gage, la poursuite doit se continuer par la réalisation de gage (art. 41 al. 1 LP), sitôt que le préposé est informé de l'existence du droit de gage (art. 151 al. 1 LP; STOFFEL/CHABLOZ, Voies d'exécution, 2e éd. 2010, § 6 n. 14). L'exception du bénéfice de discussion réelle (i.e. beneficium excussionis realis) permet au débiteur d'exiger que son créancier se désintéresse d'abord sur l'objet du bien remis en gage (au sens de l'art. 37 LP; ATF 129 III 360 consid. 1) avant de le faire sur tous ses autres biens; il peut l'invoquer par la voie de la plainte contre la notification du commandement de payer dans la poursuite ordinaire, par voie de saisie ou de faillite (art. 41 al. 1bis LP; ATF 120 III 105 consid. 1).
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Bien qu'elle soit réglementée à l'art. 41 al. 1bis LP, l'exception du bénéfice de discussion réelle est une exception de droit matériel (ATF 68 III 131 p. 133; ACOCELLA, op. cit., n° 17 ad art. 41 LP; STEINAUER, op. cit., vol. III, n. 2785a; FRANZISKA MARTHA BETSCHART, Der Grundpfandvertrag und die Allgemeinen Geschäftsbedingungen der Banken, 2011, n. 791); l'art. 41 al. 1bis LP est de droit dispositif (ACOCELLA, loc. cit.; STEINAUER, op. cit., vol. III, n. 2785a et les références citées). Les parties (débiteur, créancier et propriétaire du gage) peuvent convenir librement de l'ordre dans lequel l'objet du gage et le reste du patrimoine du débiteur servent de garantie; elles peuvent ainsi convenir que la créance abstraite est subsidiaire par rapport à la créance causale, par exemple lorsqu'un tiers est propriétaire du gage, et donc exclure la possibilité pour le débiteur de se prévaloir du bénéfice de discussion réelle (ATF 68 III 131 p. 133).
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L'art. 41 al. 1bis LP ne s'applique pas, ainsi qu'en a jugé le Tribunal fédéral dans l'arrêt 5A_295/2012, lorsque la cédule hypothécaire au porteur a été remise au créancier à titre de garantie fiduciaire: en effet, la créance causale dont la poursuite ordinaire est en cause n'est pas elle-même garantie par le droit de gage immobilier; c'est la créance cédulaire (ou abstraite) qui est ainsi garantie; la créance causale est garantie par la créance cédulaire (ou abstraite).
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5.1.5 Il n'en demeure pas moins que, lors de la remise de la cédule hypothécaire au porteur à titre de garantie fiduciaire (Sicherungsübereignung), les parties peuvent prévoir ou exclure l'exception du bénéfice de discussion réelle, que ce soit dans les clauses accessoires de la créance cédulaire (pour la renonciation à l'exception, cf. STEINAUER, op. cit., vol. III, n. 3027; FOËX, op. cit., p. 6), dans les clauses (de nature personnelle) de la convention de fiducie (FOËX, op. cit., p. 6 s.) ou encore dans les clauses (de nature personnelle) du rapport de base (ainsi, dans l'arrêt 7B.249/2003 du 7 janvier 2004 consid. 4.2, in Pra 2004 n° 103 p. 583, l'exclusion du bénéfice de discussion réelle était prévue dans les conditions générales annexées au contrat de prêt; cf. BETSCHART, op. cit., n. 802). Si les parties conviennent d'une clause de bénéfice de discussion réelle, le débiteur peut exiger de son créancier qu'il poursuive d'abord en réalisation du gage immobilier et donc la créance abstraite; le créancier est donc limité dans ses droits de faire valoir la créance causale. En revanche, lorsque les parties excluent le bénéfice de discussion réelle, le débiteur renonce à exiger que le créancier fasse réaliser d'abord le gage; le créancier est donc libre de réclamer en premier lieu la créance causale, par la poursuite ordinaire.
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Savoir si les parties sont convenues d'adopter le bénéfice de discussion réelle ou, au contraire, de l'exclure est affaire d'interprétation de leur volonté. Comme toute manifestation de volonté, une clause de bénéfice de discussion réelle peut aussi être tacite, résulter des circonstances ou du contenu particulier du contrat. Lorsqu'un débiteur remet à son créancier une cédule hypothécaire au porteur à titre de garantie fiduciaire, il le fait pour que celui-ci puisse se faire payer sur le gage en cas de demeure, de la même façon que lorsqu'il confère à son créancier un droit de gage en garantie de sa créance. Dès lors, de la même façon que l'art. 41 al. 1bis LP présume le bénéfice de discussion réelle, il y a lieu d'admettre qu'il découle de la nature de la convention de fiducie que les parties conviennent tacitement d'une clause de bénéfice de discussion réelle en ce sens que le créancier fiduciaire a l'obligation d'intenter d'abord la poursuite en réalisation de gage sur la base de la créance abstraite (STEINAUER, Les nouvelles dispositions générales sur les cédules hypothécaires, in Les servitudes et les cédules hypothécaires, 2012, p. 267 ss, p. 282 in fine[ci-après: Les nouvelles dispositions]; FOËX, op. cit., p. 15 s.; ACOCELLA, op. cit., n° 20 ad art. 41 LP; BETSCHART, op. cit., n. 170 et 798). Ainsi, contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale, le fait que la créance causale et la créance abstraite coexistent ne signifie pas que les deux créances s'ajoutent l'une à l'autre en ce sens que le créancier pourrait exiger cumulativement l'exécution des deux créances, ni qu'il pourrait choisir entre la poursuite ordinaire en recouvrement de la créance causale et la poursuite en réalisation de gage pour la créance abstraite.
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Comme pour la créance garantie par gage au sens de l'art. 41 al. 1bis LP, les parties peuvent toutefois exclure l'exception de discussion réelle, de telle sorte que le créancier pourra poursuivre directement la créance causale, sans que le débiteur puisse s'y opposer, en exigeant qu'il recherche en premier lieu la créance abstraite; une telle exclusion n'a rien d'insolite dans les relations bancaires (arrêt 7B.249/2003 du 7 janvier 2004 consid. 5; BETSCHART, op. cit., n. 802).
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En résumé, le créancier a l'obligation de rechercher d'abord la créance abstraite; toutefois, par convention expresse, le débiteur peut renoncer au bénéfice de discussion réelle.
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L'art. 41 al. 1bis LP n'étant pas applicable pour les motifs exposés dans l'arrêt 5A_295/2012 (cf. supra consid. 5.1.3), le débiteur ne contestant d'ailleurs pas le mode de poursuite en tant que tel - puisque la créance causale est bien soumise à la poursuite ordinaire -, la plainte de l'art. 17 LP n'est pas ouverte. L'exception du bénéfice de discussion réelle doit être examinée par le juge dans le cadre de la procédure de mainlevée de l'opposition.
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5.2.1 En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription.
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Cette disposition n'énumère pas exhaustivement les moyens de défense que le débiteur peut opposer à un jugement exécutoire (STAEHELIN, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 2e éd. 2010, n° 2 ad art. 81 LP), même si ceux-ci sont limités, le juge de la mainlevée n'ayant ni à revoir ni à interpréter le titre de mainlevée qui est produit, ni à examiner les moyens de droit matériel que le débiteur pouvait faire valoir dans le procès qui a abouti au jugement exécutoire (ATF 124 III 501 consid. 3a).
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Comme on l'a vu ci-dessus (cf. supra consid. 5.1.5), lorsque le débiteur remet à son créancier une cédule hypothécaire au porteur à titre de garantie fiduciaire, il le fait pour que celui-ci puisse se faire payer sur le gage en cas de demeure de sa part; il découle ainsi de la nature de la convention de fiducie que les parties conviennent tacitement d'une clause de bénéfice de discussion réelle en ce sens que le créancier fiduciaire a l'obligation d'intenter d'abord la poursuite en réalisation de gage immobilier sur la base de la créance abstraite. Il en découle que, selon la volonté des parties à la convention de fiducie, l'exception du bénéfice de discussion réelle empêche seulement le créancier d'intenter la poursuite ordinaire avant d'avoir été renvoyé perdant dans la poursuite en réalisation de l'immeuble grevé de la cédule hypothécaire (cf. les références de l'arrêt 5A_295/2012, citées supra au consid. 5.1.3).
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Il s'agit donc d'une exception liée exclusivement au recouvrement de la créance causale par la voie de l'exécution forcée, et non d'une exception de fond touchant à l'exigibilité de cette créance. Cette exception existe certes dès le début - et non seulement postérieurement au jugement -, puisqu'elle découle de la convention de fiducie, mais elle ne peut logiquement être invoquée que lorsque le créancier requiert la poursuite ordinaire. En effet, ce n'est qu'au moment où le créancier intente la poursuite ordinaire que se réalise la condition prévue par la clause de bénéfice de discussion réelle. Il doit en aller ainsi non seulement lorsque le créancier intente d'abord la poursuite ordinaire, mais aussi lorsque, après avoir entamé la poursuite en réalisation de gage immobilier, le créancier requiert parallèlement la poursuite ordinaire.
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L'exception du bénéfice de discussion réelle ne peut donc pas être soulevée devant le juge civil, saisi de conclusions condamnatoires en paiement de la créance causale. Contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale, cette exception ne fait pas obstacle à l'exigibilité de la créance causale: en effet, dès lors que, sauf convention contraire, le créancier ne peut introduire la poursuite en réalisation de gage, fondée sur la créance abstraite, que si la créance causale est elle-même exigible et demeure inexécutée, la créance abstraite n'ayant qu'une fonction de garantie de la créance causale (STAEHELIN, Betreibung, p. 1265; STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 285 s.; FOËX, op. cit., p. 16; CHRISTIAN DENYS, Cédule hypothécaire et mainlevée, JdT 2008 II p. 3 ss, 15), admettre l'inexigibilité de la créance causale priverait le créancier de toute voie d'exécution forcée.
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S'il admet que l'exception du bénéfice de discussion réelle est fondée, le juge ne peut que rejeter la requête de mainlevée formée par le créancier. Lorsque la poursuite en réalisation de gage immobilier sera terminée, le créancier pourra déposer à nouveau une requête de mainlevée, l'art. 88 al. 2 LP demeurant réservé.
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5.3 En l'espèce, les deux conventions de fiducie, relatives aux deux cédules hypothécaires au porteur remises en garantie, signées le 27 août 1990 par le débiteur, ne contiennent aucune clause de renonciation du débiteur au bénéfice de discussion réelle. Les conditions spéciales et les conditions générales de la banque auxquelles ces deux conventions renvoient ne prévoient rien à cet égard, contrairement à la clause évoquée dans l'arrêt 7B.249/2003 du 7 janvier 2004, qui excluait le bénéfice de discussion réelle. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'admettre que les parties sont convenues tacitement de l'exception du bénéfice de discussion réelle.
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Par jugement du 25 novembre 2009, statuant sur la demande reconventionnelle en paiement de la banque, la Cour civile a condamné le débiteur à payer les créances causales (compte courant et avance à terme fixe). Définitif et exécutoire, ce jugement est certes un titre à la mainlevée définitive au sens de l'art. 81 al. 1 LP pour ces deux créances. Le débiteur est toutefois en droit d'y opposer l'exception du bénéfice de discussion réelle, de sorte que la requête de mainlevée définitive de l'opposition déposée par la banque doit être rejetée.
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