BGE 142 III 798 |
102. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. SA contre A. AG et consorts (recours en matière civile) |
4A_14/2016 du 15 novembre 2016 |
Regeste |
Beschwerde in Zivilsachen gegen einen Zwischenentscheid betreffend einen Kostenvorschuss oder Sicherheit für die Parteientschädigung (Art. 93 Abs. 1 lit. a BGG). |
Sachverhalt |
A. Le 28 septembre 2015, X. SA (ci-après: X.), au bénéfice d'une autorisation de procéder, a ouvert, devant le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine (ci-après: le Tribunal) une action en responsabilité fondée sur le droit de la société anonyme. Dirigée contre A. AG, B., C. et D., recherchés en leur prétendue qualité d'administrateurs de fait de la société demanderesse, cette action tendait à ce que les quatre défendeurs fussent condamnés solidairement - subsidiairement sans solidarité - à payer à X. la somme de 9'500'000 fr., avec intérêts à 5 % l'an dès le 22 juillet 2010, en réparation du dommage qu'ils étaient censés lui avoir causé, et à ce que les oppositions formées par trois des quatre défendeurs aux commandements de payer qui leur avaient été notifiés fussent levées à due concurrence.
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Le 2 octobre 2015, la Présidente du Tribunal a imparti à X. un délai expirant le 30 novembre 2015 pour effectuer une avance des frais judiciaires présumés, fixée à 475'000 fr.
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B. Le 15 octobre 2015, X. a recouru contre cette décision en vue d'obtenir une réduction de l'avance de frais, concluant à ce que celle-ci ne dépassât pas 95'000 fr. Dans son mémoire de recours, elle a présenté une requête d'effet suspensif qui a été admise le 11 novembre 2015.
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Après avoir recueilli les observations des défendeurs et de la magistrate intimée, la Cour de modération du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: la Cour de modération), statuant par arrêt du 3 décembre 2015, a rejeté le recours.
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C. Le 11 janvier 2016, X. (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral, assorti d'une requête d'effet suspensif. Elle a conclu à la réforme de l'arrêt précité dans le sens d'une réduction de l'avance de frais et de sa fixation à un montant n'excédant pas 95'000 fr., subsidiairement à un montant en tout cas inférieur à 475'000 fr. Plus subsidiairement, la recourante a requis le renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt fédéral à venir.
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Dans une lettre du 10 mars 2016, le conseil des défendeurs A. AG, B. et C. (ci-après désignés collectivement, avec le quatrième défendeur: les intimés) a indiqué que ses mandants renonçaient au dépôt d'une réponse, tout en concluant à la mise à la charge de l'Etat des frais judiciaires en cas d'admission du recours. Pour sa part, D. a déposé, le 7 avril 2016, une réponse en tête de laquelle il a conclu à ce que l'octroi de l'effet suspensif fût limité au paiement de toute somme supérieure à 95'000 fr. et le recours rejeté.
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L'effet suspensif a été octroyé au recours à titre superprovisoire par ordonnance présidentielle du 2 mars 2016.
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Par ordonnance du 13 avril 2016, le juge instructeur de la Ire Cour de droit civil a admis la requête d'effet suspensif dans la mesure où le recours porte sur le montant de l'avance de frais litigieuse compris entre 475'000 fr. et 95'000 fr.; en revanche, il l'a rejetée jusqu'à concurrence du dernier montant cité.
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Dans une lettre du 12 mai 2016, l'avocat de l'intimé D. a indiqué que son mandant n'avait pas d'observations à formuler sur la réplique.
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D. Estimant que les conditions d'application de l'art. 23 al. 2 LTF étaient réalisées en l'espèce, la Ire Cour de droit civil a mis en oeuvre la procédure de coordination de la jurisprudence. A l'issue de cette procédure, elle a déclaré le recours irrecevable.
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Extrait des considérants: |
Erwägung 2 |
2.2 L'hypothèse envisagée par l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'entrant pas en ligne de compte, le recours n'est recevable que si la décision attaquée peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF), notion qui a été reprise de l'art. 87 al. 2 de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ; RS 3 521; ATF 133 III 629 consid. 2.3) et qui ne doit pas être confondue avec celle du préjudice difficilement réparable en tant que condition matérielle de la protection juridique provisoire (cf. ATF 138 III 378 consid. 6.3 p. 380 au sujet de l'art. 261 al. 1 let. b CPC; voir déjà: ATF 137 III 324 consid. 1.1 p. 328; ATF 116 Ia 446 consid. 2). La réalisation de cette condition suppose - si l'on excepte quelques situations particulières liées à la durée de certaines procédures, notamment en matière de droit public, susceptible de porter atteinte au principe de célérité (cf. ATF 138 III 190 consid. 6; ATF 136 II 165 consid. 1.2.1 p. 171; ATF 135 II 30 consid. 1.3.4 p. 36; ATF 134 IV 43 consid. 2.5; arrêt 1C_175/2013 du 11 septembre 2013 consid. 1.3) - que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique (ATF 141 III 80 consid. 1.2 p. 80; ATF 138 III 333 consid. 1.3.1). Tel est le cas lorsqu'une décision finale favorable au recourant, prise le cas échéant par le Tribunal fédéral (ATF 136 II 165 consid. 1.2.1 p. 170; ATF 134 III 188 consid. 2.1 p. 191), ne ferait pas disparaître entièrement le préjudice, comme dans l'hypothèse où la décision incidente contestée ne pourrait plus être attaquée avec la décision finale, contrairement à la règle posée à l'art. 93 al. 3 LTF, rendant ainsi impossible le contrôle par le Tribunal fédéral. En revanche, un dommage économique ou de pur fait, tel que l'accroissement des frais de la procédure ou la prolongation de celle-ci, n'est pas considéré comme un préjudice irréparable de ce point de vue (ATF 141 III 80 consid. 1.2 p. 80; ATF 133 III 629 consid. 2.3.1 et les arrêts cités). Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de la procédure, le Tribunal fédéral ne devant en principe s'occuper d'une affaire qu'une seule fois, quand il est acquis que la partie recourante subit effectivement un préjudice juridique irréparable (ATF 141 III 80 consid. 1.2 p. 81; ATF 134 III 188 consid. 2.2).
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L'art. 93 al. 1 let. a LTF, tel qu'il est formulé, subordonne certes la recevabilité du recours immédiat contre une décision incidente visée par lui à la simple possibilité que cette décision entraîne un préjudice irréparable (ATF 134 III 188 consid. 2.1 p. 191). Il n'en demeure pas moins que c'est au recourant qu'il appartient d'établir l'existence d'un tel risque, en démontrant dans quelle mesure il est concrètement menacé d'un préjudice irréparable de nature juridique, sous peine de voir son recours déclaré irrecevable (ATF 141 III 80 consid. 1.2 in fine; ATF 138 III 46 consid. 1.2; ATF 137 III 324 consid. 1.1 p. 329).
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Erwägung 2.3 |
2.3.1 Dans un arrêt du 25 avril 1951, reproduit aux ATF 77 I 42, le Tribunal fédéral, faisant référence à deux arrêts non publiés rendus en 1946 et 1950, a énoncé, pour la première fois publiquement, le principe selon lequel les décisions incidentes imposant à une partie le versement de sûretés en garantie des frais du procès sont propres à causer un préjudice juridique irréparable lorsque leur inexécution entraîne l'irrecevabilité de la demande ou du recours (consid. 2). Depuis lors et même après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la réforme de l'organisation judiciaire fédérale, la jurisprudence, publiée ou non, de toutes les cours du Tribunal fédéral, en accord avec ce principe, a confirmé qu'une décision qui exige une avance de frais ou la fourniture de sûretés en garantie des dépens, sous peine d'irrecevabilité d'une demande, d'une requête ou d'un recours, est de nature à causer un préjudice irréparable à la partie concernée, si celle-ci ne peut bénéficier de l'assistance judiciaire, de sorte qu'elle peut être déférée directement au Tribunal fédéral lorsqu'elle a été prise par l'autorité cantonale de dernière instance (cf., parmi d'autres décisions et dans l'ordre chronologique: arrêts 1P.387/1989 du 7 novembre 1989 consid. 1; 1P.443/1994 du 13 octobre 1994 consid. 1a; 4P.70/2001 du 1er juin 2001 consid. 2; 4P.29/2001 du 30 juillet 2001 consid. 2b; H 135/00 du 5 mars 2002 consid. 2b, publié in ATF 128 V 199; 4P.344/2006 du 27 février 2007 consid. 2; I 1096/06 du 24 juillet 2007 consid. 1.2, publié in ATF 133 V 402; 5A_55/2008 du 22 avril 2008 consid. 1; 2C_230/2009 du 2 juillet 2009 consid. 1.3; 4A_270/2009 du 14 juillet 2009 consid. 1.1; 4A_680/2011 du 2 décembre 2011 consid. 1; 4A_186/2012 du 19 juin 2012 consid. 4; 5A_84/2012 du 19 septembre 2012 consid. 1.1; 5A_733/2012 du 16 novembre 2012 consid. 1.2; 5A_123/2013 du 10 juin 2013 consid. 1.1; 4A_26/2013 du 5 septembre 2013 consid. 1.1; 5A_582/2013 du 12 février 2014 consid. 1.1; 1B_196/2014 du 8 juillet 2014 consid. 1.2; 5A_327/2014 du 29 juillet 2014 consid. 1; 1B_324/2014 du 17 décembre 2014 consid.1.2; 2C_596/2014 du 6 mars 2015 consid. 3.3.2; 1B_74/2015 du 28 avril 2015 consid. 1.4).
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On objecterait en vain, à l'encontre de cette jurisprudence, que le préjudice irréparable ne découle pas déjà du risque de voir son recours déclaré irrecevable, auquel s'expose le recourant qui ne verse pas en temps utile l'avance de frais requise par l'autorité cantonale de dernière instance, mais, bien plutôt, du rejet par le Tribunal fédéral du recours que l'intéressé pourra former contre la décision d'irrecevabilité prise ultérieurement par l'autorité cantonale, faute de paiement de l'avance de frais, décision revêtant, elle, un caractère final au sens de l'art. 90 LTF. En d'autres termes, à suivre cette thèse, la partie qui ne veut pas ou ne peut pas verser l'avance de frais devrait d'abord obtenir une décision d'irrecevabilité de son recours de la part de l'autorité cantonale de dernière instance, puis attaquer cette décision devant le Tribunal fédéral en contestant la validité de l'ordonnance relative à l'avance de frais, dans l'espoir de bénéficier éventuellement, en cas de rejet de son recours fédéral, de la fixation d'un nouveau délai pour verser l'avance de frais. Ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l'a souligné à juste titre dans l'arrêt de principe publié aux ATF 128 V 199, une telle manière de faire ne serait pas de nature à accélérer le déroulement de la procédure (arrêt cité, consid. 2c). On voit mal, surtout, comment la concilier, entre autres problèmes, avec le respect de délais d'ouverture d'action péremptoires. En effet et s'agissant par hypothèse d'une action relevant du code de procédure civile, la partie demanderesse qui verrait cette action déclarée irrecevable pour cause de non-paiement de l'avance de frais et aurait attaqué vainement la décision d'irrecevabilité devant le tribunal supérieur du canton et le Tribunal fédéral, à supposer même qu'elle bénéficiât d'un délai de grâce pour verser l'avance de frais et qu'elle l'observât, ne pourrait pas invoquer l'art. 63 CPC pour réintroduire son action et bénéficier de la présomption d'introduction de l'instance à la date du premier dépôt de l'acte - dépôt censé ici avoir été effectué dans le délai péremptoire imposé par la règle de droit fédéral applicable -, étant donné que la disposition citée ne s'applique qu'à l'irrecevabilité sanctionnant l'incompétence du juge saisi (al. 1er) ou le choix d'une autre procédure que la procédure prescrite (al. 2), et non pas à l'irrecevabilité consécutive au défaut de fourniture de l'avance de frais (art. 101 al. 3 CPC).
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Il convient donc d'écarter cette thèse et de s'en tenir à la jurisprudence susmentionnée, sous réserve des clarifications à venir.
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2.3.2 La Ire Cour de droit civil a précisé cette jurisprudence, au consid. 1.1 de l'arrêt non publié 4A_226/2014 du 6 août 2014 rendu à trois juges, en tranchant par l'affirmative, à l'instar de la IIe Cour de droit civil (arrêt 5A_123/2013, précité, consid. 1.1), la question - laissée ouverte dans l'arrêt 4A_680/2011, précité, consid. 1 - de savoir si la règle posée vaut également lorsque le recourant ne conteste pas le principe même de son obligation de verser une avance de frais, mais uniquement l'ampleur de celle qui lui est réclamée, et qu'il n'allègue pas se trouver financièrement dans l'impossibilité d'exécuter l'ordonnance ad hoc. Elle y a tenu, en substance, le raisonnement suivant: une partie demanderesse invitée à verser une avance de frais non conforme au droit quant à son ampleur peut éprouver un dommage irréparable, même si elle possède les moyens financiers nécessaires au paiement de cette avance et que l'accès au tribunal ne lui est donc pas barré; en effet, comme l'art. 111 CPC prévoit la compensation des frais judiciaires avec les avances fournies par les parties (al. 1) et l'obligation pour la partie à qui incombe la charge des frais du procès de restituer à l'autre partie les avances que celle-ci a fournies (al. 2), la possibilité existe que la partie demanderesse, si elle obtient entièrement gain de cause, ne puisse pas récupérer le montant qu'elle a dû avancer en application de l'art. 98 CPC, du fait de l'insolvabilité de la partie défenderesse qui, ayant succombé, a été condamnée à supporter l'intégralité des frais du procès. La Cour a toutefois ajouté, s'agissant de la recevabilité du recours au Tribunal fédéral, qu'il appartient à la partie recourante d'alléguer et d'établir la solvabilité douteuse de son adverse partie et, par voie de conséquence, le risque de subir un dommage irréparable auquel elle-même s'expose.
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Dans l'arrêt 4A_356/2014 du 5 janvier 2015, la Ire Cour de droit civil, statuant à cinq juges, a jugé discutable, après avoir résumé l'argumentation du dernier arrêt cité, que le dommage examiné dans ce précédent puisse être assimilé à un préjudice irréparable de nature juridique; elle a souligné, à cet égard, que, si ledit arrêt renvoie certes à l'art. 111 CPC, il ne se prononce pas, en revanche, sur la question de savoir si cette disposition autorise aussi une compensation des frais judiciaires avec des avances de frais réclamées à tort. Ce point a toutefois été laissé indécis (consid. 1.2.1). La solution retenue dans l'arrêt 4A_226/2014, précité, apparaît à vrai dire des plus discutables, et cela même si l'on admet, à titre d'hypothèse de travail, que la compensation prescrite par l'art. 111 al. 1 CPC peut être opérée nonobstant le caractère injustifié du montant de l'avance de frais requise. En effet, le préjudice irréparable, au sens de la jurisprudence relative à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, réside, non pas dans le montant plus ou moins élevé de l'avance, mais uniquement dans le fait, pour la partie qui ne possède pas les moyens financiers nécessaires au paiement de celle-ci et qui ne peut pas non plus réclamer le bénéfice de l'assistance judiciaire, de ne pas pouvoir faire valoir ses droits en justice. Le préjudice retenu dans l'arrêt en question - à savoir l'impossibilité pour la partie demanderesse victorieuse sur le fond de récupérer auprès de son adverse partie insolvable l'avance de frais versée par elle et compensée par l'autorité de jugement - ne constitue qu'un inconvénient de fait au sens de cette même jurisprudence. C'est d'ailleurs le risque auquel s'expose toute partie demanderesse agissant contre une partie défenderesse qui devient insolvable en cours de procès, même lorsque l'avance de frais requise d'elle est justifiée à la fois dans son principe et quant à son montant.
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Les considérations émises dans le même arrêt, en conformité avec la jurisprudence publiée (ATF 137 III 324 consid. 1.1 p. 329), au sujet du fardeau de la preuve incombant au recourant, demeurent, en revanche, valables. C'est d'ailleurs sur elles que la Ire Cour de droit civil s'est appuyée, dans l'arrêt 4A_356/2014 précité, pour infléchir la jurisprudence suivie jusque-là par le Tribunal fédéral dans le sens d'un renforcement de la preuve à apporter. En effet, dans cet arrêt, que l'on peut qualifier de principe même s'il n'a pas été publié au recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral, elle a écarté la présomption irréfragable de l'existence d'un préjudice irréparable que la jurisprudence en vigueur avait établie, nolens volens, au fil du temps et que le Tribunal fédéral avait appliquée chaque fois que l'invitation à fournir une avance de frais ou des sûretés en garantie des dépens s'accompagnait de la menace, en cas d'inexécution, de ne pas entrer en matière sur la demande formée ou le recours interjeté par la partie débitrice de cette avance. La Ire Cour de droit civil a donc posé, dans cet arrêt, le principe selon lequel, lorsque le préjudice irréparable consiste en ce que la partie qui ne fournit pas les avances de frais ou les sûretés requises s'expose à recevoir une décision d'irrecevabilité de sa demande ou de son recours, cette partie doit démontrer qu'elle n'est pas en mesure de verser le montant qui lui a été réclamé à ce titre. Autrement dit, la preuve de la réalisation de la condition de recevabilité posée à l'art. 93 al. 1 let. a LTF inclut la démonstration de l'impécuniosité de la partie qui attaque la décision incidente devant le Tribunal fédéral (arrêt cité, consid. 1.2.1).
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Depuis lors, la jurisprudence de la Ire Cour de droit civil n'a plus varié, qu'elle ait été rendue par une formation à trois juges (arrêts 4A_602/2014 du 10 février 2015 consid. 1.1; 4A_562/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2; 4A_589/2014 du 1er juin 2015 consid. 4; 4A_207/2016 du 19 mai 2016 consid. 3) ou par un juge unique dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l'art. 108 LTF (arrêts 4A_128/2015 du 8 avril 2015 consid. 3; 4A_249/2015 du 29 mai 2015 consid. 3.1; 4A_358/2015 du 9 juillet 2015 consid. 3.1; 4A_354/2015 du 17 juillet 2015 attendus 7-11; 4A_80/2016 du 5 février 2016 consid. 3.1; 4A_30/2016 du 10 février 2016 attendus 8-12).
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2.3.3 Autant que l'on puisse en juger, les autres cours du Tribunal fédéral qui ont eu à traiter la même question ont majoritairement emboîté le pas à la Ire Cour de droit civil. Il est vrai que cette question ne se pose pas à chacune des sept cours dans les mêmes termes, puisqu'aussi bien le montant des frais judiciaires présumés, qui détermine celui de l'avance de frais à fournir par la partie demanderesse (art. 98 CPC), dépend d'un certain nombre de paramètres, tellela valeur litigieuse pour les contestations portant sur des affaires pécuniaires, qui concernent davantage l'une ou l'autre d'entre elles, en particulier la Ire Cour de droit civil, alors que la situation est quelque peu différente pour les cours appelées à statuer sur des affaires d'une autre nature, notamment dans le domaine du droit public en général et, plus précisément, en matière de droit pénal ou de droit des assurances sociales. L'usage plus ou moins large, fait par les parties qui saisissent telle ou telle juridiction cantonale, de la possibilité d'obtenir le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite explique également, dans une certaine mesure, que les sept cours ne soient pas confrontées de la même manière au problème examiné ici.
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Toujours est-il, pour ce qui est de la cour qui s'est apparemment penchée le plus souvent sur la question controversée si l'on excepte la Cour de céans, que la IIe Cour de droit civil a fait sienne la jurisprudence de celle-ci (arrêts 5A_341/2015 et 5A_342/2015 du 7 janvier 2016 consid. 3.2.1; 5A_275/2016 du 5 juillet 2016 consid. 1). Dans le dernier arrêt cité, qui a été prononcé par une formation à cinq juges, elle a toutefois précisé que la preuve de l'absence de ressources suffisantes, imposée à la partie recourante, en l'occurrence une personne physique, ne doit pas être examinée à la même aune que celle de l'indigence en tant que condition nécessaire à l'octroi de l'assistance judiciaire (cf. art. 117 let. a CPC).
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Pour sa part, la Ire Cour de droit public, au consid. 1.4 de l'arrêt 1B_74/2015 du 28 avril 2015, s'en est tout d'abord tenue à la jurisprudence antérieure à l'arrêt, précité, de la Ire Cour de droit civil du 5 janvier 2015 en la cause 4A_356/2014, sans faire allusion du reste à ce dernier arrêt. Puis, statuant environ un mois plus tard, dans une formation à cinq juges, elle a déclaré irrecevable, en conformité avec la jurisprudence de la Ire Cour de droit civil telle que précisée dans ledit arrêt, un recours en matière pénale formé par une partie qui contestait tant le principe que le montant de l'avance de frais que la cour cantonale lui avait réclamée sous peine d'irrecevabilité de son recours, tout en admettant qu'elle avait les moyens nécessaires au paiement de ladite avance (arrêt 1B_70/2015 du 3 juin 2015 consid. 1). Cette dernière jurisprudence a été confirmée à deux reprises (arrêts 1B_198/2015 du 24 juillet 2015 consid. 1; 1B_398/2015 du 19 mai 2016 consid. 1.1); toutefois, un récent arrêt s'en est écarté sans s'y référer, mais en citant l'arrêt 1B_74/2015, susmentionné (arrêt 1C_597/2015 du 12 juillet 2016 consid. 2.1).
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Quant à la IIe Cour de droit public - à l'instar, semble-t-il de la Cour de droit pénal et des deux Cours de droit social -, elle ne s'est apparemment pas encore déterminée sur la jurisprudence actuelle de la Ire Cour de droit civil relative à la question litigieuse. Cependant, dans l'arrêt 2C_596/2014, précité, elle s'est référée à l'ancienne jurisprudence relative à l'art. 93 al. 1 let. a LTF pour reprocher à un tribunal administratif cantonal de ne pas avoir sanctionné le comportement d'une autorité étatique qui, grosso modo, avait éconduit la recourante au motif que l'invitation faite à cette dernière de verser une avance de frais n'entraînait pas un préjudice irréparable (arrêt cité, consid. 3.3.2).
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Bien avant que ledit arrêt n'ait été rendu, un auteur, se penchant sur la jurisprudence fédérale en matière d'avance de frais et de sûretés, s'était demandé s'il ne conviendrait pas de réexaminer cette jurisprudence "entraînant dans tous les cas la recevabilité d'un recours immédiat au Tribunal fédéral, en deuxième ou troisième instance, contre toutes les décisions en matière d'avance de frais ou de sûretés, indépendamment du point de savoir si l'intéressé peut ou non 'sortir' aisément les sommes en question" (DENIS TAPPY, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 7 ad art. 103 CPC). Tel est effectivement le cas, et c'est ce qu'a fait la Ire Cour de droit civil. Le préjudice de nature juridique, au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, n'existe que si une décision finale favorable au recourant ne fera pas disparaître entièrement le dommage. Or, le recourant qui possède les moyens financiers lui permettant de verser l'avance de frais requise n'encourt pas un tel préjudice: d'une part, l'accès au service public que constitue la justice ne lui est pas barré, puisqu'il est en mesure d'en payer le prix; d'autre part, il devrait toujours pouvoir recourir contre la décision finale, même si elle lui donne raison, pour faire contrôler par le Tribunal fédéral la constitutionnalité (respect des principes de la couverture des frais et de l'équivalence, p. ex.) et/ou la légalité (application des art. 95 ss CPC, s'agissant d'un procès civil) du montant des frais judiciaires arrêté par l'autorité de jugement - à supposer que cette autorité, en fixant ledit montant, n'ait pas déjà rectifié elle-même celui de l'avance de frais déposée - et obtenir, le cas échéant, le remboursement de la part de l'avance jugée contraire au droit, tout cela sans égard à l'art. 111 al. 1 CPC s'agissant des procès régis par le code de procédure civile. Il serait, en effet,intolérable que le recourant dût souffrir, sans en pouvoir mais, que l'Etat conservât la part de la somme qu'il lui avait réclamée sans droit au titre de l'avance des frais judiciaires présumés. Le seul inconvénient auquel s'expose ce recourant consiste donc dans la privation momentanée des fonds correspondant à la part de l'avance versée en trop. Toutefois, de jurisprudence constante, le fait d'être exposé au paiement d'une somme d'argent et d'être ainsi privé temporairement de la jouissance d'un élément de sa fortune n'entraîne, en principe, aucun préjudice de nature juridique (ATF 137 III 637 consid. 1.2 p. 640).
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Il est normal, partant, de ne réserver le droit d'attaquer une décision incidente en matière d'avance de frais ou de sûretés en garantie des dépens qu'à la partie qui ne possède pas les moyens financiers nécessaires au paiement du montant qu'elle s'est vu réclamer à ce titre et qui ne remplit pas les conditions lui permettant d'obtenir sa mise au bénéfice de l'assistance judiciaire. La logique veut donc que toute partie recourante démontre qu'elle n'est financièrement pas en mesure de payer le montant qui lui ouvrirait les portes de l'institution judiciaire, quand bien même les exigences relatives à cette preuve ne sont pas aussi élevées que celles qui concernent la preuve de l'indigence au sens de l'art. 117 let. a CPC. Tel est le sens de la jurisprudence présentement confirmée.
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"Le recourant, qui attaque une décision relative à une avance de frais ou aux sûretés en garantie des dépens prévue(s) par la loi et qui se dit empêché d'accéder à la justice, doit-il démontrer, dans les motifs, que ce préjudice le menace effectivement parce qu'il n'est financièrement pas en mesure de fournir l'avance de frais ou les sûretés ?"
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(...)
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