BGE 145 III 49 |
9. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. contre Conseil d'Etat du canton du Valais (recours en matière civile) |
5A_461/2018 du 26 octobre 2018 |
Regeste |
Art. 30 Abs. 1 ZGB; Namensänderung. |
Sachverhalt |
Double national suisse et français, il a renoncé à sa nationalité française en 2012 après être revenu en Suisse et y avoir obtenu une carte d'identité, sur laquelle figure son nom "A.". C'est également ce patronyme qui résulte de son acte de naissance français et du registre fédéral Infostar.
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B.
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Le 30 novembre 2016, le Conseil d'Etat du canton du Valais (ci-après: le Conseil d'Etat) a rejeté le recours administratif exercé par A. contre cette dernière décision.
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Par arrêt du 11 août 2017, le Tribunal cantonal du canton du Valais a rejeté le recours de droit administratif formé par A.
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B.b Traitant le recours en matière de droit public déposé par A. comme un recours en matière civile, le Tribunal fédéral a admis celui-ci le 22 janvier 2018, annulé l'arrêt cantonal et renvoyé la cause au Tribunal cantonal pour instruction et nouvelle décision au sens des considérants (arrêt 5A_730/2017).
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Statuant sur renvoi du Tribunal de céans le 2 mai 2018, la cour cantonale a rejeté le recours interjeté par A.
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C. Agissant le 28 mai 2018 par la voie du recours en matière civile, A. (ci-après: le recourant) conclut à l'annulation de la décision cantonale et à la modification du registre de l'état civil en ce sens qu'il est renommé A. B., subsidiairement A.-B.
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Invités à se déterminer, le Conseil d'Etat (ci-après: l'intimé) se réfère aux considérants de l'arrêt entrepris et conclut au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité; le Tribunal cantonal, de même que le Département fédéral de justice et police n'ont pas présenté d'observations.
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(résumé)
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Extrait des considérants: |
Erwägung 3 |
3.1 En principe, le nom d'une personne est immuable (ATF 140 III 577 consid. 3.2; ATF 136 III 161 consid. 3.1; arrêt 5A_730/2017 du 22 janvier 2018 consid. 3.1). Dans certaines constellations propres au droit de la famille (cf. art. 270 al. 2, art. 270a al. 2, art. 8a Tit. fin. CC), la loi autorise le changement de nom de façon inconditionnelle (ch. I de la loi fédérale du 30 septembre 2011 [nom et droit de cité], en vigueur depuis le 1er janvier 2013; RO 2012 2569). S'il existe des motifs légitimes (achtenswerte Gründe, motivi degni di rispetto), le gouvernement du canton de domicile peut également autoriser une personne à changer de nom (art. 30 al. 1 CC, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2013). Le point de savoir s'il existe, dans un cas individuel, des "motifs légitimes" en vue du changement de nom relève du pouvoir d'appréciation, que l'autorité compétente doit exercer selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 577 consid. 3.2).
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La modification de l'art. 30 al. 1 CC fait suite aux débats parlementaires en lien avec l'initiative parlementaire 03.428 (Leutenegger Oberholzer), laquelle visait à assurer l'égalité entre époux en matière de nom et de droit de cité. La distinction entre les "motifs légitimes" de la nouvelle disposition et les "justes motifs" de l'ancienne n'a pas fait l'objet de discussions particulières au Parlement (BO 2011 CE 479; BO 2011 CN 1757; BO 2011 CN 1760). Les débats parlementaires démontrent néanmoins que la condition des "motifs légitimes" visait à diminuer les obstacles au changement de nom, sans pour autant ouvrir la possibilité à quiconque de modifier son nom à sa guise (cf. ATF 140 III 577 consid. 3.3.3 et les références). La modification législative et l'assouplissement qu'elle supposait étaient toutefois essentiellement évoqués en lien avec un changement d'état civil ou des enfants issus de familles recomposées plutôt qu'avec une procédure ordinaire de changement de nom (cf. notamment: BO 2011 CN 1757 "mieux prendre en considération les situations personnelles et familiales complexes que l'on rencontre dans notre société actuelle"; BO 2011 CN 1760 "damit können vor allem Patchwork-Familien erleichtert wieder zu einem gemeinsamen Namen kommen"). La seule jurisprudence publiée aux ATF depuis la modification législative concerne d'ailleurs le changement de nom d'un enfant autorisé à porter le nom du détenteur de l'autorité parentale après le divorce de ses parents (ATF 140 III 577).
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Aucun élément ne permet toutefois de restreindre l'assouplissement législatif à un changement d'état civil, voire à un changement de nom réclamé par un enfant en référence à une situation familiale particulière. Selon la jurisprudence, qui suit en cela la doctrine dans sa majorité, la notion de "motifs légitimes" doit ainsi être appréciée de manière plus souple que celle de "justes motifs", sans se limiter aux domaines sus-évoqués (arrêt 5A_730/2017 du 22 janvier 2018 consid. 3.2; AEBI-MÜLLER, Das neue Familiennamensrecht - eine erste Übersicht, RSJ 2012 p. 449, 457; STEINAUER/FOUNTOULAKIS, op. cit., n. 411, note infrapaginale 48; BÜHLER, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, vol. I, 5e éd. 2014, n° 5 ad art. 30 CC; HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, op. cit., n. 16.39; MEIER/DE LUZE, op. cit., n. 288; GUILLOD, Droit des personnes, 5e éd. 2018, n. 54). La requête doit cependant toujours faire état de motifs particuliers (MEIER/DE LUZE, op. cit., n. 292), lesquels ne peuvent être illicites, abusifs ou contraires aux moeurs (arrêt 5A_730/2017 précité consid. 3.2; GEISER, Das neue Namensrecht und die Kindes- und Erwachsenenschutzbehörde, RMA 2012 p. 353 ss, n. 3.31; BÜHLER, op. cit., ibid.; GRAF-GEISER, op. cit., p. 283); le nom lui-même doit de surcroît être conforme au droit et ne pas porter atteinte au nom d'un tiers (GEISER, op. cit., n. 3.38). La composante subjective ou émotionnelle de la motivation du requérant ne peut en revanche être écartée comme par le passé, pour autant toutefois que les raisons invoquées atteignent une certaine gravité et ne soient pas purement futiles (arrêt 5A_730/2017 précité consid. 3.2 et les références de jurisprudence cantonale citées; HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, op. cit., ibid.; MEIER/DE LUZE, op. cit., n. 292; BÜHLER, op. cit., nos 5 et 9 ad art. 30 CC; cf. également GEISER, op. cit., n. 3.31 s.; BÜCHLER, in ZGB, Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch, 3e éd. 2016, n° 3 ad art. 30 CC; plus restrictifs: STEINAUER/FOUNTOULAKIS, op. cit., n. 411). Le nom ne doit en effet pas perdre sa fonction identificatrice et il ne s'agit pas de contourner le principe de son immutabilité, qui reste en vigueur malgré la modification législative.
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L'officialisation d'un pseudonyme peut ainsi constituer un motif légitime de changement de nom lorsque les conditions pour qu'il figure sur le passeport à titre de complément officiel (cf. art. 2 al. 4 de la loi fédérale du 22 juin 2001 sur les documents d'identité des ressortissants suisses [LDI; RS 143.1]) seraient remplies, le requérant devant alors démontrer que son nom d'artiste a une importance objective dans sa vie économique et sociale (à l'aide par exemple de contrats d'artiste, d'articles de presse, d'affiches, de documents sur l'activité artistique, etc.; arrêt 5A_730/2017 précité consid. 3.2; GEISER, op. cit., n. 3.33; restrictifs: STEINAUER/FOUNTOULAKIS, op. cit., n. 414d, qui se réfèrent cependant à la doctrine et la jurisprudence de l'ancien droit).
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Un examen attentif des circonstances concrètes reste dans tous les cas nécessaire (ATF 140 III 577 consid. 3.3.4).
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Erwägung 4 |
4.2 Statuant sur renvoi, la cour cantonale a admis que les documents transmis par le recourant démontraient que celui-ci était connu depuis de nombreuses années sous le nom de A. B. (avec ou sans trait d'union), tant par les autorités françaises et suisses que par des tiers. Cette circonstance n'était cependant pas déterminante. Si le droit français permettait certes l'utilisation du nom de ses deux parents, ce nom d'usage n'était pas reconnu à l'état civil, ni transmissible. Se fonder sur les arguments de la durée du port du nom et du souhait personnel de le conserver ne pouvait ainsi constituer un motif légitime. En droit suisse, le nom d'usage n'était pas connu de la législation, en sorte que le recourant ne pouvait y trouver un motif légitimant son désir de porter celui qu'il avait adopté de son propre gré. La cour cantonale a par ailleurs relevé que la divergence entre la réalité administrative, privée, personnelle, sociale et professionnelle du recourant et son nom inscrit au registre d'état civil lui était entièrement imputable, si bien qu'il ne pouvait s'en prévaloir. Quant à l'importance objective du patronyme adopté dans sa vie économique, elle n'était pas démontrée: si le patronyme de B. était favorablement connu sur les marchés immobiliers, l'intéressé n'établissait pas avoir subi un préjudice au cours des six dernières années, période durant laquelle il n'avait été qu'au bénéfice exclusif du patronyme A., tel qu'inscrit sur sa carte d'identité et dans le registre fédéral Infostar; l'acte de notoriété du 13 mai 1981 attestait au demeurant qu'il n'était pas exclusivement connu dans son milieu professionnel sous le nom de A.-B. Les juges cantonaux ont également considéré que les pièces déposées par le recourant ne permettaient pas de conclure qu'il serait particulièrement lésé par son nom, ni qu'il disposerait d'un intérêt spécifique à conserver le nom sous lequel il était connu. Aucun motif en relation avec le nom lui-même n'était enfin à relever.
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4.4 Ainsi que le relève à juste titre l'autorité cantonale, le recourant a lui-même pris l'initiative, de longue date, d'accoler le nom de sa mère à son nom légal, décidant de se présenter et de se faire appeler sous ce double patronyme, qu'il s'était personnellement choisi. S'il est certes lui-même à l'origine des inconvénients qu'il prétend subir actuellement, il n'en demeure pas moins que sa démarche ne paraît pas procéder d'une simple "lubie" que la révision législative de 2011 ne permettrait pas de concrétiser. Bien que les motifs subjectifs qu'il invoque (principalement le rattachement à un ancêtre illustre) ne paraissent pas d'une intensité suffisante pour retenir une violation du pouvoir d'appréciation de l'autorité cantonale et fonder le changement sollicité, les différentes pièces qu'il a produites (pour l'essentiel: contrats, actes judiciaires et administratifs, carte d'assurance-maladie établie au nom de A.-B., carte d'identité française reproduisant ce nom d'usage) démontrent qu'il est manifestement connu de l'administration ainsi que de son entourage privé et professionnel sous le nom de A. B. et ce depuis plusieurs dizaines d'années; elles attestent ainsi l'importance objective que revêt depuis longtemps le nom qu'il souhaite officialiser dans sa vie sociale, professionnelle et administrative. Or en exigeant que l'intéressé soit "spécialement lésé" par son nom officiel actuel, la cour cantonale s'est référée à un critère qui n'est plus déterminant au regard de l'assouplissement législatif entré en vigueur en 2013 et a ainsi violé le pouvoir d'appréciation qui lui était conféré.
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La présente situation revêt, il est vrai, un caractère singulier du fait que le recourant sollicite de pouvoir porter un double nom. Quoique relativement rares, les doubles noms existent en Suisse (cf. pour des exemples: GEISER, op. cit., n. 3.41). Cette particularité doit être distinguée de la possibilité pour l'époux(se) de porter un double nom légal, désormais supprimée avec l'entrée en vigueur de la législation susmentionnée. Cette modification législative était cependant liée à l'égalité de traitement entre l'homme et la femme lors du choix du nom des époux au moment de la conclusion de l'union (DE LUZE/DE LUIGI, Le nouveau droit du nom, PJA 2013 p. 505 ss, 508 et les références), circonstance distincte de celle prévalant en l'espèce. Cette question est au demeurant toujours discutée dès lors que, le 15 décembre 2017, le conseiller national Luzi Stamm a déposé une initiative parlementaire visant à autoriser le double nom en cas de mariage (initiative no 17.523). L'on notera certes que, par sa requête, le recourant sollicite l'attribution d'un double nom composé du patronyme de chacun de ses parents. Il s'agit toutefois ici de faire coïncider son identité officielle avec son identité administrative, sociale et professionnelle. Sa situation diffère dès lors de celle de l'enfant auquel l'on refuse la possibilité de porter le double nom de son père et de sa mère et pour lequel ce simple souhait ne répond pas à un motif légitime dans le sens interprété ci-dessus (ATF 119 II 307 consid. 4).
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