BGE 145 III 266 |
33. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause Valcke contre Fédération Internationale de Football Association (FIFA) (recours en matière civile) |
4A_540/2018 du 7 mai 2019 |
Regeste |
Art. 353 al. 2 ZPO, Art. 176 al. 2 IPRG; nationaler oder internationaler Charakter eines Schiedsverfahrens; Opting-Out. |
Sachverhalt |
A.a La Fédération Internationale de Football Association (ci-après: l'intimée ou la FIFA), association de droit suisse ayant son siège à Zurich, est la structure faîtière du football au niveau international. Elle dispose d'un pouvoir disciplinaire sur les fédérations nationales qu'elle regroupe, les joueurs ou les officiels qui méconnaîtraient ses règles, en particulier son Code d'éthique (ci-après: CEF).
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Jérôme Valcke (ci-après: le recourant) est l'ancien secrétaire général de la FIFA. Nommé à ce poste par le Comité exécutif de la FIFA le 27 juin 2007, il a été suspendu de ses fonctions le 17 septembre 2015. Le 11 janvier 2016, son contrat de travail a été résilié avec effet immédiat.
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A.b La présente affaire a pour objet différentes violations du CEF alléguées par la FIFA ayant donné lieu à une procédure disciplinaire à l'encontre du recourant. Ces allégations concernent plusieurs thèmes distincts.
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Il est tout d'abord reproché au recourant d'avoir, pour l'essentiel, tenté de faciliter l'obtention par la société B. AG de billets pour plusieurs éditions de la Coupe du monde de football en échange d'une participation pour lui-même au produit de la vente de billets par B. AG. Le recourant aurait également violé, à quatre reprises, les règles internes de la FIFA en matière de déplacement en utilisant des jets privés sans raison légitime et en se faisant accompagner par sa famille aux frais de la FIFA. En outre, il est reproché au recourant d'avoir tenté de faciliter les relations entre la FIFA et son fils H. alors que ce dernier collaborait avec J., une société spécialisée dans la réalité virtuelle ayant développé une technologie pouvant être potentiellement utilisée au cours de la Coupe du monde 2014. D'autres allégations ont trait à de prétendues actions du recourant dans le contexte de la future élection à la présidence de la FIFA, alors qu'il était attendu que Mohamed Bin Hammam oppose sa candidature à celle du président sortant, Joseph Blatter. Le recourant aurait proposé d'offrir ("gift") à K., alors président de l'Union caribéenne de football, les droits médiatiques pour les Coupes du monde 2018 et 2022 pour un million de dollars américains, soit un montant largement inférieur à leur valeur marchande. Il aurait également suggéré de ne pas accorder de faveurs à la Fédération thaïlandaise de football et à son Président O. dans le cadre de l'attribution des droits médiatiques en raison du soutien de ce dernier à Mohamed Bin Hammam. Le recourant aurait également tenté - sans succès - d'installer un outil informatique de destruction de données et de supprimer des fichiers, ceci alors que tout employé de la FIFA avait reçu, en lien avec les investigations des autorités suisses et américaines à l'encontre de l'organisation, un courrier demandant notamment à ce que tout document pertinent soit préservé. Enfin, il est reproché au recourant d'avoir manqué à son devoir de coopérer à l'enquête interne de la FIFA diligentée contre lui.
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B.
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B.a
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B.a.a Par décision du 7 octobre 2015, motivée le lendemain, la Chambre de jugement de la Commission d'éthique de la FIFA (ci-après: la Chambre de jugement) a suspendu provisoirement le recourant de toute activité liée au football pour une durée maximale de 90 jours. Cette suspension a été confirmée le 24 novembre 2015, puis prolongée le 5 janvier 2016 pour une durée de 45 jours.
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La Chambre de jugement a rendu sa décision finale le 10 février 2016. Retenant que le recourant avait violé les art. 13, 15, 16, 18, 19, 20 et 41 CEF, elle lui a interdit d'exercer toute activité en lien avec le football à un niveau national et international pour une durée de 12 ans depuis le 8 octobre 2015 et lui a infligé, de surcroît, une amende de 100'000 fr.
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B.a.b Par décision du 24 juin 2016, la Commission de recours de la FIFA (ci-après: la Commission de recours) a partiellement confirmé la décision de la Chambre de jugement. Confirmant la violation par le recourant des art. 13, 15, 16, 18, 19, 20 et 41 CEF, elle a cependant réduit de 12 à 10 ans la durée de l'interdiction prononcée à l'encontre de celui-ci, tout en entérinant le montant de l'amende.
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B.b Le 23 février 2017, le recourant a interjeté appel auprès du Tribunal arbitral du sport (ci-après: le TAS) aux fins d'obtenir l'annulation, subsidiairement la réduction, des sanctions prononcées à son encontre.
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La procédure d'arbitrage a été conduite par une formation de trois arbitres. Le 26 juillet 2017, le TAS a fait parvenir aux parties une ordonnance de procédure ("Order of Procedure") que celles-ci ont signé sans réserve. Le 11 octobre 2017, la formation a tenu une audience au siège du TAS, à Lausanne, en présence notamment du recourant et de ses conseils ainsi que des conseils de l'intimée.
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Par décision du 27 juillet 2018, la formation a rejeté l'appel du recourant contre la décision de la Commission de recours du 24 juin 2016.
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C. Le recourant a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral en vue d'obtenir l'annulation de la sentence du 27 juillet 2018. Estimant que l'arbitrage revêt un caractère interne, il motive principalement ses griefs en vertu de l'art. 393 CPC. Il déduit tout d'abord de l'absence de décision par la formation sur le caractère international ou interne de l'arbitrage une violation de son droit d'être entendu. Il fait ensuite grief à la formation d'avoir rendu une sentence arbitraire en ce qu'elle ferait abstraction de dispositions impératives du droit du travail suisse applicables en l'espèce et violerait manifestement l'art. 10 de la version 2009 du CEF. Selon lui, la sentence constituerait également une violation manifeste des art. 6 par. 1 CEDH et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques entré en vigueur pour la Suisse le 18 juin 1992 (Pacte ONU II; RS 0.103.2) et serait, à ce titre, incompatible avec l'ordre public procédural. Il estime enfin que le caractère excessif de la sanction prononcée à son encontre constituerait aussi bien une violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire que de l'ordre public matériel.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité.
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(résumé)
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Extrait des considérants: |
Erwägung 1.3 |
1.3.2 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'art. 176 al. 2 LDIP, une élection de droit doit pour être valable satisfaire aux trois conditions posées par la loi. Sous l'empire du Concordat sur l'arbitrage du 27 mars 1969, elle avait posé qu'une telle élection de droit devait, premièrement, exclure expressément l'application du droit fédéral, deuxièmement, prévoir l'application exclusive des règles cantonales sur l'arbitrage et, troisièmement, revêtir la forme écrite. Le Tribunal fédéral a estimé qu'il n'existait pas de motifs sérieux justifiant que l'on s'écarte du texte clair de la loi selon lequel une convention d'exclusion requérait non seulement un accord quant à l'application exclusive du concordat mais également l'exclusion expresse de la loi fédérale relative à l'arbitrage international (ATF 116 II 721 consid. 4; ATF 115 II 393 consid. 2b/bb; arrêts 4P.140/2000 du 10 novembre 2000 consid. 2a.; 4P.243/2000 du 8. janvier 2001 consid. 2b; 4P.304/2006 du 27 février 2007 consid. 2.2.4; 4A_254/2013 du 19 novembre 2013 consid. 1.2.3). L'entrée en vigueur du CPC n'a apporté aucune modification significative de ces conditions. Selon la version actuelle de l'art. 176 al. 2 LDIP, les parties peuvent, par une déclaration expresse dans la convention d'arbitrage ou dans une convention ultérieure, exclure l'application du chapitre 12 de la LDIP et convenir de l'application de la troisième partie du CPC.
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Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a indiqué à titre d'obiter dictum qu'un opting out selon l'art. 353 al. 2 CPC ne saurait être valablement convenu dans le but d'éluder la restriction d'arbitrabilité des litiges ayant pour objet des prétentions découlant d'un rapport de travail purement helvétique auxquelles le travailleur ne peut renoncer (art. 354 CPC cum art. 341 al. 1 CO) (ATF 144 III 235 consid. 2.3.3). S'il ne s'agit pas là à proprement parler d'une condition supplémentaire venant s'ajouter à celles de l'art. 353 al. 2 CPC, il doit être observé que, même en cas d'opting out, l'arbitrabilité d'un litige à caractère interne au sens des dispositions susmentionnées se détermine selon l'art. 354 CPC et non l'art. 177 LDIP.
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Erwägung 1.4 |
"In accordance with the terms of the present Order of Procedure, the parties agree to refer the present dispute to the Court of Arbitration for Sport (CAS) subject to the Code of Sports-related Arbitration (2017 edition) (the "Code"). Furthermore, the provisions of Chapter 12 of the Swiss Private International Law Statute (PILS) shall apply, to the exclusion of any other procedural law".
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1.4.2 Le recourant estime que les parties n'ont pas valablement convenu d'un opting out. Son argumentation se décline en trois points. Premièrement, il estime que la clause en question ne respecterait pas la condition de validité d'une élection de droit selon l'art. 353 al. 2 CPC selon laquelle la clause devrait expressément exclure l'application de la troisième partie du CPC. L'ordre de procédure signé par les parties se bornant à exclure "tout autre droit de procédure", il ne répondrait pas aux exigences de la jurisprudence. Deuxièmement, le recourant estime ne pas être lié par cette clause faute de volonté de sa part de soumettre le litige aux règles sur l'arbitrage international. S'il ne conteste pas avoir signé l'ordre de procédure en question, le recourant estime que l'inclusion d'une clause d'opting out correspondrait à une erreur de plume du greffe du TAS passée inaperçue au moment de la signature de l'ordre de procédure. Selon lui, les ordres de procédure seraient des documents standards distribués "de façon quasiment mécanique" par le TAS dans toutes les procédures et "signés [par les parties] de la même façon". Le recourant ayant expressément requis l'application de la troisième partie du CPC dans son "Appeal Brief" et l'intimée ne s'y étant pas opposée dans sa réponse, le tribunal arbitral ne saurait, de l'avis du recourant, requalifier de sa propre initiative l'arbitrage en arbitrage international sans attirer son attention sur ce point, par exemple en mettant en évidence la clause en question ou en l'évoquant dans la lettre accompagnant l'ordre de procédure. Selon lui, tel n'a pas été le cas en l'espèce, la disposition litigieuse ayant été formulée comme une remarque introductive placée en préambule, hors du dispositif de l'ordre. Même s'il devait ne pas s'agir d'une erreur de la part du TAS mais bel est bien d'une volonté "d'imposer aux parties un opting-out", ce comportement du tribunal arbitral serait contraire au principe de la bonne foi (art. 2 CC). Troisièmement, le recourant doute que les parties puissent convenir valablement d'une élection de droit après l'ouverture de la procédure d'arbitrage, encore moins après avoir déposé des mémoires ne contestant pas la nature interne de l'arbitrage.
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L'intimée estime pour sa part que les parties ont convenu de manière valable d'un opting out selon l'art. 353 al. 2 CPC. Elle souligne, en particulier, que la disposition litigieuse se distingue des clauses d'élection de droit selon l'art. 176 al. 2 LDIP sur lesquelles le Tribunal fédéral a eu à se prononcer. La LDIP ne contenant - contrairement au CPC - pas de dispositions procédurales qui pourraient être choisies par les parties au sens de l'art. 373 al. 1 CPC, la formule "exclusion de toute autre loi de procédure" ne saurait être interprétée autrement que comme une exclusion des art. 353 ss. CPC. Elle rejette également la thèse de l'erreur de plume avancée par le recourant ainsi que les allégations de celui-ci concernant une violation de l'art. 2 CC par le TAS. S'agissant du moment auquel la convention a été conclue, l'intimée estime que la doctrine déduit de l'art. 353 al. 2 CPC qu'une telle convention est possible jusqu'au prononcé de la sentence.
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1.5 Il apparaît d'emblée que le recourant ne peut être suivi lorsqu'il soutient que l'opting out n'est pas valable en raison de l'absence de volonté de sa part de soumettre le litige aux règles sur l'arbitrage international. Le recourant, dont l'argumentation repose en substance sur l'hypothèse d'une erreur de plume du TAS passée inaperçue au moment de la signature de l'ordre de procédure, aimerait en définitive que son accord à l'élection de droit ne lui soit pas opposable. Comme le relève à juste titre la formation, son raisonnement est problématique. Une partie, en particulier lorsqu'elle est assistée d'un avocat, ne peut signer un ordre de procédure contenant une clause d'élection de droit et, par la suite, soutenir ne pas être liée par celle-ci. Admettre le contraire reviendrait à violer le principe de la fidélité contractuelle (pacta sunt servanda). Le recourant ne démontre pas en quoi l'accord serait entaché de vices du consentement au sens des art. 23 ss CO, en particulier en quoi les conditions strictes d'une erreur essentielle seraient remplies en l'espèce. Il doit être noté par ailleurs que, si une élection de droit en faveur du chapitre 12 de la LDIP n'est aujourd'hui en effet pas favorable au recourant, celui-ci ayant succombé devant la juridiction précédente et ayant un intérêt à ce que les motifs de recours plus larges pouvant être invoqués à l'encontre d'un arbitrage interne soient admissibles, elle ne lui était pas forcément défavorable au moment de la signature de l'ordre de procédure. En effet, si le TAS avait suivi ses conclusions et annulé les sanctions prononcées à son encontre, il aurait été à l'avantage du recourant que cette sentence ne puisse être attaquée qu'aux conditions plus restrictives des art. 190 ss LDIP.
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Le recourant estime - à tort - qu'il relevait de la responsabilité du TAS de mettre clairement en évidence la clause d'opting out en raison de son caractère insolite en l'espèce. Il semble faire référence à la règle de l'insolite (Ungewöhnlichkeitsregel) selon laquelle des clauses inhabituelles, sur l'existence desquelles l'attention du cocontractant n'a pas été spécialement attirée, sont soustraites de l'adhésion censée donnée globalement à des conditions générales (cf. ATF 138 III 411 consid. 3; arrêt 4A_499/2018 du 10 décembre 2018 consid. 3.3). Il méconnaît que cette règle fondée sur le principe de la confiance vise la protection de la partie qui consent à ce que des conditions générales régissent une relation contractuelle. On ne voit pas en quoi elle devrait s'appliquer à un ordre de procédure signé par deux parties expérimentées et assistées d'un avocat dans le cadre d'un arbitrage. L'utilisation par un tribunal arbitral de modèles ou documents types n'y change rien et n'exonère en aucun cas les parties de la lecture attentive des dispositions dont le tribunal suggère qu'elles régissent la procédure. Ainsi, et sans que l'on doive se prononcer sur le caractère insolite ou non de la clause litigieuse, le recourant ne peut être suivi sur ce point. Il n'en va pas autrement de ses développements - difficilement compréhensibles - au sujet du principe de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit. Contrairement à ce qu'il semble soutenir, le TAS n'a en aucun cas "impos[é] aux parties" un arbitrage international mais simplement suggéré un ordre de procédure contenant une clause d' opting out que les parties ont acceptée sans réserve. Le manque de diligence du recourant ne saurait être imputé au TAS dont rien n'indique qu'il aurait violé l'art. 2 CC.
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Erwägung 1.6.1 |
1.6.1.1 Dans la clause litigieuse de l'ordre de procédure, les parties ont non seulement convenu de l'application exclusive du chapitre 12 de la LDIP mais ont également précisé que cette élection de droit devait se faire "to the exclusion of any other procedural law", formule dont les parties s'accordent à dire qu'elle signifie en français "à l'exclusion de toute autre loi de procédure". Ainsi, cette disposition diffère des clauses d'opting out sur lesquelles le Tribunal fédéral a eu à se prononcer dans le cadre de sa jurisprudence relative à l'art. 176 al. 2 LDIP (cf. supra consid. 1.3.2). Dans ces dernières, les parties avaient complètement omis de mentionner soit les normes à appliquer, soit celles à exclure, raison pour laquelle une des conditions de l'opting out n'était pas réalisée.
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1.6.1.2 Afin de concrétiser les exigences relatives à l'opting out, il est utile de s'inspirer de la jurisprudence relative à la renonciation au recours contre les sentences arbitrales selon l'art. 192 LDIP, cette disposition exigeant également une "déclaration expresse" des parties (CASEY-OBRIST, Individualarbeitsrechtliche Streitigkeiten im Schiedsverfahren, 2016, p. 157). En effet, l'art. 192 al. 1 LDIP prévoit que, "[s]i les deux parties n'ont ni domicile, ni résidence habituelle, ni établissement en Suisse, elles peuvent, par une déclaration expresse dans la convention d'arbitrage ou un accord écrit ultérieur, exclure tout recours contre les sentences du tribunal arbitral; elles peuvent aussi n'exclure le recours que pour l'un ou l'autre des motifs énumérés à l'art. 190 al. 2".
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Selon la jurisprudence, une renonciation directe ne doit pas forcément comporter la mention de l'art. 190 LDIP et/ou de l'art. 192 LDIP. Il suffit que la déclaration expresse des parties fasse ressortir de manière claire et nette leur volonté commune de renoncer à tout recours (ATF 143 III 589 consid. 2.2.1, ATF 143 III 55 consid. 3.1; ATF 134 III 260 consid. 3.1; ATF 131 III 173 consid. 4.2.31). Le Tribunal fédéral a estimé que subordonner la renonciation valable au recours à la mention expresse, dans la clause d'arbitrage, de ces articles de la LDIP, reviendrait à faire preuve d'un formalisme n'étant pas de mise. En effet, cela impliquerait de faire abstraction, pour un motif purement formel, de la volonté des parties de renoncer à tout recours contre une sentence arbitrale. Pareille exclusion reviendrait, de plus, à exclure toute renonciation faite avant l'entrée en vigueur de la LDIP. Ainsi, le Tribunal fédéral a par exemple estimé que la clause suivante constituait une exclusion valable au sens de l'art. 192 LDIP: "All and any awards or other decisions of the Arbitral Tribunal [...] shall be final and binding on the parties who exclude all and any rights of appeal from all and any awards insofar as such exclusion can validly be made" (ATF 131 III 173 consid. 4.2.3.1 et 4.2.3.2).
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Les conséquences de la renonciation au recours selon l'art. 192 LDIP sont plus importantes que celles d'un opting out selon l'art. 353 al. 2 CPC eu égard aux possibilités des parties de contester la sentence arbitrale. Alors que l'élection de droit en faveur du chapitre 12 de la LDIP a pour conséquence de remplacer les motifs de recours de l'art. 393 CPC par ceux plus restreints de l'art. 190 LDIP (cf. supra consid. 1.1 non publié), la renonciation selon l'art. 192 LDIP prive le recourant de tout moyen de recours. Cette renonciation vise en effet tous les motifs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP, à moins que les parties n'aient exclu le recours que pour l'un ou l'autre de ces motifs (ATF 143 III 589 consid. 2.1.1, ATF 143 III 55 consid. 3.1 et les arrêts cités). Aussi n'est-il pas justifié d'adopter des exigences plus strictes pour une convention d'opting out que pour une renonciation au recours (ATF 116 II 639 consid. 2; BUCHER, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n° 36 ad art. 176 LDIP).
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1.6.1.3 Si le Tribunal fédéral n'a pas été amené à se prononcer sur le degré de précision avec lequel l'exclusion de la troisième partie du CPC (ou, pour un opting out selon l'art. 176 al. 2 LDIP, du chapitre 12 de la LDIP) doit être formulée, il a néanmoins précisé que l'utilisation d'une formule type ne pouvait être imposée aux parties et que la volonté commune d'exclure les dispositions en question pouvait être dégagée par voie d'interprétation. Selon la jurisprudence, la sécurité du droit exige cependant que cette volonté ressorte clairement des termes utilisés par les parties (ATF 115 II 390 consid. 2b/bb; arrêts 4P.243/2000 du 8. janvier 2001 consid. 2b; 4A_254/2013 du 19 novembre 2013 consid. 1.2.3).
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Il n'est pas indispensable, pour établir semblable volonté, que les parties aient cité les dispositions dont l'application est exclue. Lorsque les termes utilisés par les parties font ressortir clairement leur volonté commune de soumettre le litige aux dispositions du chapitre 12 de la LDIP à la place de la troisième partie du CPC, faire d'une référence explicite à ces dispositions une condition sine qua non d'un opting out reviendrait à faire abstraction de cette volonté pour des motifs formels. Comme en matière de renonciation au recours contre une sentence arbitrale à caractère international, pareil formalisme n'est pas justifié. Si la loi commande qu'une convention d'opting out satisfasse aux trois conditions de l'art. 353 al. 2 CPC, elle n'impose pas aux parties de citer certaines dispositions ou d'utiliser certaines expressions. Pour des raisons évidentes de clarté, il ne peut néanmoins qu'être recommandé à celles-ci - ainsi qu'aux institutions formulant des clauses d'opting out à leur attention - de se référer expressément aux dispositions susmentionnées.
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Au regard de ce qui précède, un opting out valable selon les art. 353 al. 2 CPC et 176 al. 2 LDIP ne requiert pas la mention expresse de la troisième partie du CPC ou, respectivement, du chapitre 12 de la LDIP, dans la convention d'arbitrage ou dans une convention ultérieure. Si une telle mention est recommandable afin de couper court à toute discussion, la validité d'une élection de droit n'en dépend pas. Comme l'a précisé le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence relative à l'art. 176 al. 2 LDIP, il suffit que la volonté commune des parties d'exclure l'application de ces dispositions ressorte clairement des termes utilisés.
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1.6.1.4 La clause litigieuse de l'ordre de procédure, selon laquelle les dispositions du chapitre 12 de la LDIP doivent s'appliquer à l'exclusion de toute autre loi de procédure, ne pose aucun problème d'interprétation. Les parties ont convenu de l'application du Code de l'arbitrage en matière de sport du TAS dans sa version 2017 ainsi que des dispositions du chapitre 12 LDIP, ces dernières devant trouver application à l'exclusion de toute autre loi de procédure. S'il eût été souhaitable que les parties mentionnent explicitement le CPC et sa troisième partie, la formulation catégorique de cette clause ("any") ne laisse raisonnablement planer aucun doute quant au fait que ces dispositions ne devaient s'appliquer au litige en question. De plus, au vu du régime dualiste que connaît la Suisse en matière d'arbitrage, il est clair qu'une clause prévoyant l'application du chapitre 12 de la LDIP comme lex arbitri en lieu et place de toute autre loi de procédure vise en première ligne à exclure les dispositions alternatives du CPC régissant l'arbitrage interne, ce qui devait être particulièrement clair pour deux parties ayant leur siège ou domicile en Suisse et étant assistées d'un avocat au moment de la signature de l'ordre de procédure. La mention expresse des dispositions du CPC n'étant pas une condition de validité d'un opting out au sens de l'art. 353 al. 2 CPC, l'absence d'une telle mention dans la clause litigieuse ne saurait conduire à invalider celle-ci.
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En l'espèce, la volonté des parties d'exclure l'application des dispositions du CPC relatives à l'arbitrage interne ressort clairement des termes utilisés dans l'ordre de procédure. Quoi qu'en dise le recourant, la clause litigieuse constitue de ce point de vue un opting out valable au sens de l'art. 353 al. 2 CPC.
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Erwägung 1.6.2 |
1.6.2.1 S'agissant du moment de la conclusion de la convention d'exclusion, l'art. 353 al. 2 CPC prévoit qu'un opting out peut être conclu "dans la convention d'arbitrage ou dans une convention conclue ultérieurement". De manière quasiment identique, l'art. 176 al. 2 LDIP stipule que les parties peuvent prévoir une élection de droit en faveur de la troisième partie du CPC "dans la convention d'arbitrage ou dans une convention ultérieure". Dans un arrêt rendu avant la révision de l'art. 176 al. 2 LDIP, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si pareille convention pouvait intervenir en tout temps (ATF 115 II 390 consid. 2b/cc).
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La doctrine estime dans sa majorité qu'une convention d'opting out peut être conclue en tout temps, même en cours d'arbitrage (OETIKER, in Zürcher Kommentar zum IPRG, 3e éd. 2018, n° 104 ad art. 176 LDIP; DUTOIT, Droit international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 5e éd. 2016, n° 16 ad art. 176 LDIP; BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 108; PFIFFNER/HOCHSTRASSER, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 3e éd. 2013, n° 47 ad art. 176 LDIP; DASSER, op. cit., n° 13 ad art. 353 CPC; PFISTERER, op. cit., n° 35 ad art. 353 CPC; LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, 1989, n° 18 ad art. 176 LDIP), certains commentateurs précisant qu'un tel changement de régime peut intervenir jusqu'au prononcé de la sentence arbitrale (STACHER, in Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], Kommentar, vol. II, 2e éd. 2016, n° 25 ad art. 353 LDIP; AMBAUEN, op. cit., n. 89 ss.; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, International Arbitration, Law and Practice in Switzerland, 2015, n. 2.44; BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 108 et 112; CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 30 ad art. 77 LTF).
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Certains de ces auteurs apportent toutefois des précisions relativisant leur position. Pour KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, il semble raisonnable d'exercer l'option d'un changement de régime avant ou au début de l'arbitrage afin d'éviter des difficultés potentielles. Selon eux, lorsque la formation arbitrale est déjà constituée, l'accord du tribunal est requis, les arbitres ayant accepté de fonctionner sous l'empire d'une autre lex arbitri (KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, op. cit., n. 2.44). Selon OETIKER, l'accord du tribunal arbitral est nécessaire lorsque des étapes décisives du procès ("entscheidende Prozessschritte") ont été franchies (OETIKER, op. cit., n° 104 ad art. 176 LDIP; cf. également ORELLI, in Arbitration in Switzerland, The Practitioner's Guide, Arroyo [éd.], 2e éd. 2018, n° 31 ad art. 176 LDIP). DUTOIT précise pour sa part qu'une convention d'exclusion est possible "pour autant que la procédure ne soit pas déjà à ce point avancée qu'un changement du droit applicable ne soit plus possible" (DUTOIT, op. cit., n° 16 ad art. 176 LDIP). Selon AMBAUEN, un opting out n'est plus possible dès que le tribunal arbitral a tranché dans une décision partielle ou incidente d'une question litigieuse ayant trait à une disposition impérative, citant l'exemple d'une décision partielle du tribunal sur sa compétence. Selon cette auteure, "[...] ist im konkreten Fall zu beurteilen, ob das Schiedsgericht bereits Handlungen vorgenommen hat, die sich auf zwingende Bestimmungen einer lex arbitri stützen und nicht mehr wiederholt werden dürfen" (AMBAUEN, op. cit., n. 90 s.). Enfin, évoquant la possibilité pour les parties de revenir au régime de la LDIP après avoir passé une convention d'exclusion au sens de l'art. 176 al. 2 LDIP, LALIVE/POUDRET/REYMOND déconseillent un changement de régime en cours d'arbitrage au vu des difficultés qu'un tel changement pourrait soulever (LALIVE/POUDRET/REYMOND, op. cit., n° 18 ad art. 176 LDIP, citant à titre d'exemple une disposition du Concordat).
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D'autres auteurs estiment que les parties ne sauraient convenir d'un changement de régime en tout temps. C'est le cas de WEBER-STECHER, selon lequel une élection de droit n'est possible que jusqu'à la première séance d'organisation ("Organisationsbesprechung" ou "organizational hearing"). Pour cet auteur, il est décisif que le changement de régime n'occasionne pas de ralentissement significatif de la procédure (WEBER-STECHER, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3e éd. 2017, n° 11 ad art. 353 CPC). GÖKSU juge pour sa part adéquat d'admettre la possibilité d'un opting out jusqu'à l'issue des séances d'organisation respectivement jusqu'à la décision de constitution du tribunal arbitral ("bis zum Abschluss der Organisationsbesprechungen bzw. dem Konstituierungsbeschluss") (GÖKSU, Schiedsgerichtsbarkeit, 2014, n. 236). Selon BUCHER, une "convention ultérieure" au sens des dispositions susmentionnées peut être conclue jusqu'au moment où l'une des parties accomplit une démarche en vue de la constitution du tribunal arbitral, créant ainsi litispendance. Selon cet auteur, les solutions plus souples suggérées par la doctrine seraient susceptibles d'entraîner de graves difficultés d'application. Les parties étant entrées dès la constitution du tribunal arbitral dans un rapport juridique avec les arbitres régi par le chapitre 12 de la LDIP, elles ne pourraient plus changer les règles du jeu sans l'accord de ces derniers (BUCHER, op. cit., n° 32 ad art. 176 LDIP).
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Tous les auteurs précités, se prononçant soit sur l'art. 353 al. 2 CPC, soit sur l'art. 176 al. 2 LDIP, soit sur ces deux dispositions, ne font pas de distinction entre celles-ci. Seul DASSER justifie la possibilité d'un opting out selon l'art. 353 al. 2 CPC à chaque stade de la procédure notamment par le fait qu'une telle élection de droit correspondrait à un passage à un régime plus libéral, sans toutefois se prononcer sur le moment jusqu'auquel la transition inverse est possible (DASSER, op. cit., n° 13 ad art. 353 CPC; cf. sur ce point également LALIVE/POUDRET/REYMOND, op. cit., n° 18 ad art. 176 LDIP).
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1.6.2.2 Force est de constater que l'importance pratique de la question est limitée. Au regard des faibles différences subsistant entre la troisième partie du CPC et le chapitre 12 de la LDIP (cf., pour une comparaison détaillée, AMBAUEN, op. cit., n. 158 ss., en particulier n. 567; DASSER, op. cit., n° 13 ad art. 353 CPC), un changement de régime - même en cours d'arbitrage - ne devrait en général pas avoir de conséquences pour la procédure devant le tribunal arbitral. La présente affaire en livre un exemple parlant, le TAS ayant en effet noté que la question de la validité de la clause d'élection de droit était sans importance pour la procédure devant lui et ne deviendrait pertinente qu'au moment d'un éventuel recours au Tribunal fédéral (cf. consid. 1.1 non publié).
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Il doit aussi être rappelé que l'opting out est par nature consensuel. Les éventuels désagréments qu'un changement de régime en cours d'arbitrage serait susceptible d'occasionner pour les parties, tels qu'un ralentissement de la procédure, ne sont dès lors que les conséquences de leur propre choix. Ainsi, même si de tels désagréments pouvaient justifier de déconseiller aux parties de convenir d'un changement de régime en cours d'arbitrage, ils n'en exigent pas l'interdiction. Comme le relèvent notamment KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI et BUCHER, la véritable problématique de la limite temporelle d'un opting out réside dans la relation des parties aux arbitres. Admettre la possibilité d'un changement de régime à tous les stades de l'arbitrage sans l'accord de ces derniers reviendrait à les contraindre à arbitrer un litige selon les règles d'une autre lex arbitri que celle ayant régi la procédure au moment de la constitution du tribunal.
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1.6.2.3 La question du dernier moment auquel les parties peuvent convenir d'un opting out sans l'accord des arbitres n'a pas à être tranchée en l'espèce. En effet, comme le recourant le reconnaît lui-même, c'est le TAS qui a suggéré aux parties la clause litigieuse. Ainsi, il ne saurait être question d'une élection de droit sans l'accord du tribunal arbitral. Rien ne s'oppose dans une telle constellation à ce qu'un opting out soit conclu jusqu'au prononcé de la sentence arbitrale.
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