BGE 147 III 451
 
44. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. contre Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois (recours en matière civile)
 
5A_123/2020 du 7 octobre 2020
 
Regeste
Art. 93 Abs. 1 lit. a BGG; Art. 299 Abs. 3 ZPO; Ernennung eines Vertretungsbeistands in einer familienrechtlichen Angelegenheit.
Rechtsmittel, das gegen einen derartigen Entscheid offen steht (E. 1.3).
 
Sachverhalt
A. Les époux B. et C. sont en instance de divorce depuis le mois de novembre 2014 devant le Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois. Les parties ont deux filles, A. (2005) et D. (2010).
B.
B.a Par requête de mesures provisionnelles du 7 mai 2019, C. a notamment requis que la garde des filles - qui était alternée depuis le 15 juin 2016 - lui soit confiée, sous réserve d'un droit de visite en faveur du père.
Le 7 août 2019, tout en maintenant ses conclusions, elle a annoncé à la Présidente du Tribunal civil qu'elle entendait quitter U. pour s'établir dans le canton de Schwyz à compter du 1er septembre 2019.
B.b Le 19 août 2019, le conseil de B. a informé le Tribunal que l'enfant A. avait contacté et pris rendez-vous avec Me F., avocate à U., afin que celle-ci la représente en procédure. A la demande de la magistrate, il a précisé, le 29 août suivant, qu'en vertu de l'art. 299 al. 3 CPC, il y avait lieu de nommer un représentant à A., qui était à l'origine de la requête.
B.c Par ordonnance de mesures provisionnelles du 30 août 2019, la Présidente du Tribunal a, en substance, attribué la garde à la mère, réglé le droit de visite et statué sur l'entretien des enfants.
B.d A. a requis, le 4 septembre 2019, que Me F. lui soit désignée en qualité de curatrice de représentation. Cette dernière a aussi demandé sa nomination le 19 septembre suivant, tant auprès de la Présidente du Tribunal civil que de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud, devant laquelle était pendant l'appel interjeté le 5 septembre précédent par le père contre l'ordonnance du 30 août 2019.
B.e Le 20 septembre 2019, la Juge déléguée de la Cour d'appel civile a rejeté l'appel précité et confirmé l'ordonnance entreprise (ch. I et II). Elle a en outre rejeté, pour autant qu'elle fût recevable, la requête tendant à la désignation de Me F. en qualité de curatrice de A. (ch. IV). Elle a examiné, dans un même considérant, la question de la représentation de l'enfant et le grief par lequel l'appelant reprochait à la Présidente du Tribunal d'arrondissement de ne pas avoir statué sur la requête du 19 août 2019 qui tendait à une telle représentation en application de l'art. 299 al. 3 CPC. Elle a d'abord jugé en bref que la magistrate précitée n'avait pas à trancher une telle demande dans le cadre de mesures provisionnelles, qu'elle avait d'ailleurs renvoyé son instruction à une procédure séparée, mais que, en appel, il y avait cependant lieu de la traiter, au vu de l'urgence à statuer, la situation ne pouvant souffrir un report de la procédure. Elle a ensuite considéré que les difficultés de A. à accepter son départ pour la Suisse alémanique ressortaient du dossier, que celle-là avait eu des contacts réguliers avec la personne chargée de sa curatelle éducative au sens de l'art. 308 al. 1 CC et que cette dernière - qui avait été entendue par la Présidente du Tribunal et avait fait part de son point de vue en appel dans le cadre de la requête d'effet suspensif - avait ainsi assumé, dans les faits, un rôle qui se rapprochait fortement d'une curatelle de représentation. Elle a enfin jugé qu'en sa qualité d'avocate, Me F., qui ne disposait pas d'une formation spécifique relative à la représentation d'une enfant de treize ans prise dans un conflit d'intérêts, ne semblait de toute manière pas être la personne adéquate.
Cet arrêt n'a pas fait l'objet de recours.
B.f Par prononcé du 4 novembre 2019, la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois a refusé de désigner un curateur ou une curatrice de représentation à A.
Statuant le 10 décembre 2019, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours manuscrit interjeté par A., qui tendait à ce que Me F. lui soit désignée en qualité de curatrice de représentation, ainsi que la requête d'assistance judiciaire en tant que cette dernière n'était pas sans objet.
C. Le Tribunal fédéral déclare irrecevable le recours constitutionnel subsidiaire et rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours en matière civile par lequel A., agissant par M e G., conclut principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi pour nouvelle décision dans le sens des considérants et, subsidiairement, à sa réforme "en ce sens qu'un mandataire professionnel expérimenté dans le domaine de l'assistance et en matière juridique (tel que [M e G.] qui a déjà pu développer une relation de confiance avec elle)[lui soit]désigné en qualité de curateur de représentation (art. 299 al. 3 CPC), avec pour mission de [la] représenter [...] dans la procédure de divorce [...]".
(résumé)
 
Extrait des considérants:
Si, dans deux causes portant au demeurant sur le même complexe de faits, le Tribunal fédéral a qualifié - sans aucune motivation - de finales des décisions séparées rendues par l'autorité de protection de l'enfant en application de l'art. 314abis CC (arrêts 5A_232/2016 et 5A_278/2016 du 6 juin 2016 consid. 1), il a considéré dans plusieurs autres cas que la question de la nature finale ou incidente d'une telle décision, qui était discutée par la doctrine, n'avait pas de portée pratique, dès lors qu'elle était susceptible de causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêts 5A_710/2012 du 2 juillet 2013 consid. 1; 5A_732/2013 du 10 décembre 2013 consid. 1; 5A_894/2015 du 16 mars 2016 consid. 1). Sous l'angle de l'art. 299 CPC, tantôt il a relevé que, pour une partie de la doctrine, la décision refusant de désigner un représentant à l'enfant est toujours incidente au sens de l'art. 93 al. 1 LTF, tout en laissant indécis le point de savoir si "la condition de recevabilité en cause" était remplie en l'espèce (arrêt 5A_579/2016 du 6 février 2016 consid. 1.2), tantôt il s'est abstenu de se déterminer sur le caractère final ou non d'une telle décision, se bornant à renvoyer à l'arrêt 5A_278/2016 précité (arrêt 5A_655/2016 du 13 décembre 2016).
Les auteurs auxquels le Tribunal fédéral s'est référé dans ces arrêts, sont, pour certains, d'avis que la décision qui rejette le recours formé par l'enfant contre le refus de lui désigner un curateur de représentation dans la procédure matrimoniale (art. 299 al. 3 CPC) est finale au sens de l'art. 90 LTF; ils invoquent notamment que, du point de vue de l'enfant, ce prononcé termine le litige (parmi plusieurs: SCHWEIGHAUSER, in FamKommentar Scheidung, vol. II, 3e éd. 2017, nos 31 et 53 ad art. 299 CPC; DIGGELMANN/ISLER, Vertretung und prozessuale Stellung des Kindes im Zivilprozess, RSJ 111/2015 p. 141 ss, spéc. 147). D'autres commentateurs soutiennent qu'il s'agit d'une décision incidente qui cause un préjudice irréparable au sens de l'art. 93al. 1 let. a LTF (ANNETTE SPYCHER, in Berner Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2012, n° 16 ad art. 299 CPC; MICHEL/STECK, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e éd. 2017, n° 43 ad art. 299 CPC).
Cette dernière opinion, d'ailleurs esquissée dans la jurisprudence susmentionnée, doit être confirmée. Si, du point de vue de l'enfant, la décision qui rejette la requête de ce dernier tendant à la désignation d'un représentant dans la procédure matrimoniale (cf. art. 299 al. 3 CPC) met matériellement fin au différend sur cette question, elle ne clôt pas définitivement la procédure matrimoniale dans laquelle elle s'inscrit. Il s'agit donc d'une décision incidente (sur cette notion: p. ex. ATF 133 III 629 consid. 2.2) qui cause par ailleurs un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Le défaut d'un curateur de représentation est en effet susceptible d'influer sur le déroulement de la procédure au fond et sur son résultat, sans qu'il soit possible de remédier à d'éventuelles carences (par exemple de nature procédurale) par un recours contre la décision au fond, dans laquelle l'enfant n'est au demeurant pas partie (sur le préjudice irréparable en général: ATF 141 III 80 consid. 1.2; cf. aussi: ATF 137 III 475 consid. 1).
En l'espèce, la requête du 4 septembre 2019 de l'enfant tendant à la désignation d'un représentant a été formulée juste après la notification de l'ordonnance de mesures provisionnelles du 30 août 2019 qui accordait notamment la garde des filles du couple à la mère, et un jour avant l'appel interjeté par le père contre ce prononcé. Il appert que l'enfant souhaitait faire entendre son désir de rester avec ce dernier et de ne pas suivre sa mère en Suisse alémanique, départ qui avait été annoncé pour le 1er septembre 2019 au juge des mesures provisionnelles. De telles circonstances amènent à considérer que la demande de la recourante tendant à ce qu'elle soit représentée par un curateur de procédure s'inscrivait dans la procédure de mesures provisionnelles et, plus singulièrement, dans la procédure d'appel ouverte contre ces mesures provisionnelles. La recourante mentionne d'ailleurs dans son recours avoir désormais déposé une requête identique pour la procédure de divorce.
Ayant été rendu dans une procédure de mesures provisionnelles qui statuait sur l'attribution de la garde à la mère, les relations personnelles et l'entretien, à savoir une affaire civile de nature non pécuniaire dans son ensemble, l'arrêt cantonal peut être entrepris par la voie du recours en matière civile (art. 72 al. 1 LTF). Partant, le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable (art. 113 LTF a contrario).
Pour le surplus, le recours est dirigé, en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), contre une décision rendue sur recours par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF). Dès lors qu'en l'espèce, la procédure de mesures provisionnelles pour laquelle l'enfant a demandé la désignation d'un représentant a pris fin avec l'arrêt du 20 septembre 2019, on pourrait se demander si la recourante dispose encore d'un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de l'arrêt cantonal et, partant, si elle a la qualité pour recourir au Tribunal fédéral (cf. art. 76 LTF). Cette question souffre toutefois de demeurer indécise vu le sort du recours.