55. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A.X. contre C. et D. SA (recours en matière civile)
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4A_147/2021 du 27 octobre 2021
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Regeste
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Art. 731b OR; Art. 74 ZPO; Organisationsmängelverfahren gegen eine zu den Aktiven eines Nachlasses gehörende Aktiengesellschaft. Klageberechtigung des Willensvollstreckers. Berechtigung eines einzelnen Erben, als Nebenintervenient in das Verfahren zu treten.
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Sachverhalt
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A.a D. SA (ci-après: la société ou la défenderesse ou l'intimée) est propriétaire de l'immeuble sis ..., à Genève. E. en était l'administrateur unique avec signature individuelle.
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Les héritiers institués de F.X. (décédé le xx décembre 2017), soit ses neveux A.X. (ci-après: l'héritier ou le requérant ou le recourant) et B.X., née X., sont les actionnaires uniques de la société. Les héritiers sont en conflit depuis de nombreuses années.
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C. est l'exécuteur testamentaire de la succession.
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A.b Lors de l'assemblée générale de la société le 27 janvier 2020, l'héritier s'est opposé à la vente de l'immeuble propriété de la société, au motif qu'il n'aurait donné son accord que pour une vente des parts de la société, mais non de l'immeuble comme tel. A la suite de ce refus, l'administrateur unique de la société a démissionné.
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B.
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B.a L'exécuteur testamentaire a déposé contre la société, devant le Tribunal civil du canton de Genève, une requête en nomination d'un administrateur le 5 février 2020, ce afin de combler la carence dans l'organisation de la société (art. 731b CO).
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B.b Dans le cadre de cette procédure, l'héritier a demandé, le 12 février 2020, que le tribunal l'autorise à intervenir, déclarant s'opposer à la nomination d'un administrateur et souhaitant intervenir "à la défense des intérêts de D. SA, dont l'hoirie est l'actionnaire unique".
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L'exécuteur testamentaire a conclu au rejet de la requête d'intervention accessoire, faute d'intérêt juridique suffisant.
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Le 8 juin 2020, le requérant a répliqué, déclaré vouloir s'assurer que l'administrateur qui serait désigné soit impartial et persisté dans sa requête d'intervention accessoire.
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Le 20 août 2020, la société, à laquelle un commissaire a été désigné pour la représenter dans la procédure, a conclu au rejet de la requête d'intervention accessoire.
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Le 8 septembre 2020, le requérant a notamment renvoyé à ses écritures précédentes, en particulier à celle du 8 juin 2020.
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Par ordonnance du 9 septembre 2020, le tribunal civil a déclaré irrecevable la requête en intervention accessoire de l'héritier requérant. (...)
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Statuant le 19 janvier 2021, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours du requérant et débouté les parties de toutes autres conclusions.
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Constatant, dans un premier temps, que le requérant ne soutenait ni les conclusions de l'exécuteur testamentaire, ni celles de la société, parties principales, la cour cantonale a considéré, avec le premier juge, qu'il n'était ni en faveur de l'un ni de l'autre, de sorte que les conditions de l'art. 75 al. 1 CPC (recte: art. 74 CPC) n'étaient pas remplies.
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Puis, examinant la requête en tant que requête d'intervention accessoire indépendante, question non traitée par le premier juge, la cour cantonale a considéré que, bien que le jugement qui sera rendu puisse ordonner la dissolution de la société, laquelle affecterait directement les droits de l'actionnaire, l'actionnaire était en l'espèce une communauté héréditaire. Dès lors que ses membres doivent agir conjointement, le requérant ne peut agir seul et soutenir que le jugement aurait un effet direct entre lui-même et l'intimé (sic!).
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C. Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 2 février 2021, l'héritier requérant a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 4 mars 2021, concluant à sa réforme en ce sens que, principalement sa requête en intervention du 12 février 2020 soit admise, subsidiairement celle du 8 juin 2020 et plus subsidiairement encore celle du 8 septembre 2020. (...)
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La société, par son commissaire, conclut à ce que soit prononcée l'irrecevabilité des deux dernières requêtes d'intervention de l'héritier requérant et, pour le reste, elle conclut au rejet du recours. (...)
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Le Tribunal fédéral a admis le recours et réformé l'arrêt attaqué en ce sens que la requête d'intervention accessoire du requérant est admise.
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(extrait)
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Extrait des considérants:
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Lorsque l'assemblée générale est bloquée par une situation de "pat" dans l'actionnariat et n'est ainsi pas en mesure de constituer le conseil d'administration, le tribunal peut même prononcer la dissolution de la société et ordonner sa liquidation (art. 731b al. 1bis ch. 3 CO). Dans un premier temps, il peut ordonner la vente aux enchères des actions entre les actionnaires en conflit et, au cas où l'administrateur ne recueillerait aucune offre en temps utile, ordonner à celui-ci de liquider la société et de répartir le produit de la liquidation entre les actionnaires (dissolution sous condition suspensive; cf. ATF 142 III 629 consid. 2.3.2). Le tribunal n'est pas lié par les conclusions des parties, la maxime d'office étant applicable ( ATF 142 III 629 consid. 2.3.1; ATF 138 III 294 consid. 3.1.3). Il s'agit d'une procédure du droit des sociétés, soumise à la procédure sommaire (art. 250 let. c ch. 6 CPC; ATF 138 III 166 consid. 3.9, ATF 138 III 294 consid. 3.1.3). Le jugement qui sera rendu aura un effet direct, en vertu du droit matériel, à l'égard des autres actionnaires ( ATF 142 III 629 consid. 2.3.2 et 2.3.7).
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Un ou d'autres actionnaires ont la faculté d'intervenir au procès en qualité d'intervenant accessoire indépendant ( ATF 142 III 629 consid. 2.3.7; arrêt 4A_166/2016 du 1 er septembre 2016 consid. 3.3.7), l'intervention accessoire étant admissible également en procédure sommaire (à propos de la procédure de mesures provisionnelles, cf. ATF 143 III 140 consid. 4).
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Lorsque les héritiers en communauté héréditaire sont en commun l'actionnaire (art. 602 al. 2 CC), en l'occurrence unique, de la société anonyme, et que le défunt a désigné un exécuteur testamentaire, c'est celui-ci qui a la charge de l'administration de la succession (art. 518 al. 2 CC) (PAUL-HENRI STEINAUER, Le droit des successions, 2e éd. 2015, n. 1180). L'exécuteur testamentaire a ainsi la qualité pour conduire le procès (Prozessstandschaft ou Prozessführungsbefugnis; legitimatio ad causam) concernant l'actif ou le passif de la succession, autrement dit concernant les procès non successoraux. Il agit en son propre nom et en tant que partie à la place des héritiers composant la communauté héréditaire qui restent, quant au fond, les sujets actifs ou passifs du droit contesté ( ATF 129 V 113 consid. 4.2; ATF 125 III 219 consid. 1a; ATF 116 II 131 consid. 2 et 3a; arrêts 4A_600/2018 du 1er avril 2019 consid. 4.1.1; 4A_533/2013 du 27 mars 2014 consid. 1.2; 5A_414/2012 du 19 octobre 2012 consid. 5.1). Dès lors que l'exécuteur testamentaire agit à la place des héritiers, il est le seul à pouvoir agir en justice. Les héritiers n'ont plus le pouvoir de le faire (arrêt précité 4A_600/2018 consid. 4.1.1).
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L'exécuteur testamentaire a donc, en tant qu'administrateur de la succession, la faculté d'introduire l'action de l'art. 731b al. 1 CO contre la société, qui est un actif de la succession.
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Selon l'art. 74 CPC, quiconque rend vraisemblable un intérêt juridique à ce qu'un litige pendant soit jugé en faveur de l'une des parties peut en tout temps intervenir à titre accessoire.
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Selon la doctrine, la faculté de conduire le procès qui appartient à l'exécuteur testamentaire n'exclut pas que les héritiers participent au procès en qualité d'intervenant accessoire (art. 74 ss CPC), ou même en qualité d'intervenant principal (art. 73 CPC) ou de dénoncé (art. 78 ss CPC). Chaque héritier peut participer au procès en tant qu'intervenant accessoire, dès lors qu'il a un intérêt juridique au sort de celui-ci en raison des droits qui lui appartiennent sur la succession (PAUL EITEL, Prozessführung durch den Willensvollstrecker, in Willensvollstreckung - Aktuelle Rechtsprobleme[2],2006, p. 148; MARKUS PICHLER, Die Stellung des Willensvollstreckers in "nichterbrechtlichen" Zivilprozessen, 2011, p. 69; KARRER/VOGT/LEU, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, vol. II, 6 e éd. 2019, n os 74 et 76 ad art. 518 CC; GRÉGOIRE PILLER, in Commentaire romand, Code civil, vol. II, 2016, n° 124 ad art. 518 CC).
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Cette solution emporte la conviction dans le cas d'un héritier qui intervient dans un procès visant à combler une carence dans l'organisation d'une société anonyme dont les héritiers membres de la communauté héréditaire sont en commun l'actionnaire. En effet, puisque les héritiers sont titulaires des droits successoraux, chaque héritier a un intérêt juridique individuel à ce que le litige pendant soit jugé en faveur de l'une des parties. Le fait que les héritiers soient titulaires en commun des biens successoraux et, partant, consorts nécessaires, a des conséquences sur la qualité pour agir, mais pas sur l'intérêt juridique à l'intervention au sens de l'art. 74 CPC. Ainsi, dans un tel procès, un héritier peut intervenir seul. Cette solution ne peut toutefois pas être étendue à tous les procès. Un consort nécessaire ne peut pas, de manière générale, intervenir seul. Sinon, une telle solution le placerait dans une meilleure situation en tant qu'intervenant qu'en tant que demandeur.
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Selon la jurisprudence, le jugement qui est rendu à l'issue de la procédure pour carences dans l'organisation de la société au sens de l'art. 731b CO produit un effet non seulement entre les parties principales, mais déploie également un effet direct à l'égard de tous les actionnaires ( ATF 142 III 629 consid. 2.3.2 et 2.3.7). Un tel jugement produit donc aussi un effet direct à l'égard de tous les héritiers qui sont membres de la communauté héréditaire. Par conséquent, l'héritier qui intervient au côté de l'exécuteur testamentaire est un intervenant accessoire indépendant, qui est libre de poser des actes en contradiction avec les actes de procédure accomplis par celui-ci.
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De la même manière que chaque actionnaire peut participer au procès comme intervenant accessoire indépendant lorsque l'assemblée générale de la société anonyme est bloquée par une situation de "pat" dans l'actionnariat, comme on l'a vu ci-dessus (cf. supra consid. 3.1.1), chaque héritier doit pouvoir intervenir en qualité d'intervenant accessoire indépendant lorsque les membres de la communauté héréditaire, actionnaire unique de la société, provoquent une situation de blocage en ce qui concerne l'administration de celle-ci. Il n'y a en effet pas de raison de traiter différemment un conflit entre actionnaires créant une situation de "pat" et un conflit entre héritiers occasionnant la même situation de "pat". Il appartiendra au tribunal de choisir la mesure la plus adaptée pour sortir de cette situation de blocage (cf. supra consid. 3.1.1).
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C'est à tort que le demandeur intimé feint d'ignorer, contrairement à la bonne foi, que le requérant a retiré son opposition initiale à la nomination d'un administrateur, pour désirer participer à la désignation d'un administrateur indépendant. Tel est le sens de sa réplique du 8 juin 2020, à laquelle renvoie notamment sa détermination du 8 septembre 2020. Il sied d'ailleurs de rappeler que le tribunal n'est pas lié par les conclusions des parties et peut choisir la mesure qui lui paraît appropriée et proportionnée pour résoudre la situation de blocage ("pat").
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En tant qu'elle conclut à l'irrecevabilité des deux dernières requêtes, la société intimée méconnaît que le requérant a déposé uniquement une réplique et une détermination. Son chef de conclusions est donc sans objet.
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L'héritier a la qualité d'un intervenant accessoire indépendant. Il est donc libre de procéder indépendamment de l'exécuteur testamentaire qu'il soutient et peut même adopter une position en contradiction avec celle de celui-ci. En l'occurrence, leurs positions peuvent notamment diverger en ce qui concerne la personne de l'administrateur qui pourait être désignée par le juge.
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Contrairement à ce que soutient la société intimée, l'héritier requérant peut intervenir individuellement, la consorité nécessaire des héritiers n'ayant d'influence que sur la qualité pour agir, mais non sur l'intérêt juridique au sens de l'art. 74 CPC.
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