BGE 82 IV 47 |
11. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 20 janvier 1956 dans la cause Torre contre Ministère public du canton de Neuchâtel. |
Regeste |
Art. 22 UWG, 269 BStP. |
2. Das absolute Verbot der Ankündigung eines 10 % übersteigenden Rabatts oder einer entsprechenden Preisreduktion geht über die durch Art. 22 UWG gezogenen Grenzen hinaus und ist daher unzulässig (Erw. 2 und 3). |
3. Eine auf Grund einer solchen Vorschrift erfolgte Verurteilung ist jedoch unter dem Gesichtspunkte des Bundesrechtes solange nicht anfechtbar, als die Anwendung der betreffenden kantonalen Bestimmung auf das Verbot irreführender Ankündigungen von Rabatten beschränkt bleibt (Erw. 4). |
Sachverhalt |
Pour stimuler la vente, elle a entrepris des campagnes de propagande comportant notamment la remise gratuite d'une bicyclette d'enfant à tout acheteur d'un appareil de radio valant 450 fr. au moins et la reprise des anciens appareils, sans égard à leur valeur réelle, pour 100 à 200 fr. selon le prix du nouvel appareil acheté. Elle a fait à ce sujet une importante réclame dans de nombreux journaux et a obtenu un succès considérable.
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B.- La maison Hug & Cie, le Groupement neuchâtelois des marchands de radio, la Corporation neuchâteloise du cycle et branches annexes et l'Union suisse des installateurs concessionnaires en radio et télévision, Groupement des montagnes neuchâteloises, ont porté plainte en raison de ces faits contre Armand Torre qui a été condamné, le 29 mars 1955, à une amende de 1000 fr. par le Tribunal de police de Neuchâtel pour contravention aux art. 8 de la loi neuchâteloise du 18 avril 1922 sur la concurrence déloyale et les liquidations et 13 litt. b LCD. Le Tribunal de police a considéré que le prévenu avait violé l'art. 8 de la loi cantonale, aux termes duquel "l'annonce d'un escompte ou d'une remise sur le prix de vente doit toujours en indiquer le taux, sans cependant que celui-ci puisse dépasser le 10%", en donnant gratuitement une bicyclette d'enfant à l'acquéreur d'un appareil de radio, car la remise dépassait considérablement 10% et se situait généralement entre 20 et 30%, et en reprenant d'anciens appareils lors de l'achat de nouveaux, parce que les bonifications accordées représentaient des remises également très supérieures à 10%. Il a vu une infraction à l'art. 13 litt. b LCD dans le fait que Torre, afin de pouvoir pratiquer ces systèmes de vente, avait au préalable provoqué une hausse des prix de détail de la part de la fabrique allemande de radios Nora et avait dès lors trompé la clientèle.
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C.- Torre a recouru contre ce jugement à la Cour de cassation pénale de Neuchâtel qui, par arrêt du 6 juillet 1955, l'a libéré du chef de prévention de concurrence déloyale au sens de l'art. 13 litt. b LCD, mais a maintenu la condamnation pour violation de l'art. 8 de la loi cantonale, et a fixé l'amende à 800 fr.
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D.- Torre s'est pourvu en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt dont il demande l'annulation. Il fait valoir en résumé ce qui suit: L'art. 8 de la loi cantonale sur la concurrence déloyale, qui est une règle de droit civil, n'est pas valable, car l'art. 22 LCD réserve uniquement les prescriptions du droit cantonal concernant la police du commerce et de l'industrie. D'autre part, la limitation du taux des remises sur les prix à 10% ne tient pas compte du fait que la marge de bénéfice du vendeur varie suivant les branches du commerce. Dans la LCD, il n'est question nulle part de la concurrence en matière de prix; il en résulte que le législateur fédéral a estimé que, dans un régime d'économie libre, il n'était pas opportun d'intervenir dans la fixation des prix. C'est à tort que le juge cantonal a assimilé la reprise d'anciens appareils à l'octroi de rabais. L'administration fédérale des contributions soumet à l'impôt sur le chiffre d'affaires le montant de la reprise. Au demeurant, le recourant n'a pas été condamné pour avoir repris à des prix élevés de vieux appareils de radio, mais parce qu'il aurait annoncé ces reprises par une réclame tapageuse. Or, on ne peut pas condamner quelqu'un parce qu'il a fait paraître de grandes annonces alors qu'il n'aurait encouru aucune sanction s'il s'était borné à n'en publier que de petites; le procédé en soi est illicite ou ne l'est pas; il n'y a pas de moyen terme. Au sujet de la remise de bicyclettes, le recourant a consulté, avant de l'entreprendre, trois avocats qui n'y ont rien vu d'inadmissible, de sorte qu'il était de bonne foi. L'art. 20 LCD autorise le Conseil fédéral à édicter par voie d'ordonnance des dispositions sur les abus en matière de primes. Dans ce domaine, à la différence de ce que prévoit l'art. 19 LCD pour les liquidations, les cantons n'ont pas le pouvoir de légiférer. Au surplus, l'art. 20 al. 2 LCD statue expressément que les ristournes et les escomptes ainsi que les objets de peu de valeur donnés à titre de réclame ne sont pas considérés comme des primes.
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Le Ministère public du canton de Neuchâtel conclut au rejet du pourvoi.
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Considérant en droit: |
La condamnation encourue par Torre en raison de la remise de bicyclettes d'enfant et la reprise d'anciens appareils de radio se fonde sur l'art. 8 de la loi neuchâteloise sur la concurrence déloyale et les liquidations du 18 avril 1922. Le recourant estime que cette disposition est contraire au droit fédéral, parce qu'elle ne ressortit pas à la police du commerce et de l'industrie.
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Si l'art. 8 précité ne constitue pas une restriction de police, il était nul dès le début, car il est contraire au principe de la liberté du commerce et de l'industrie garanti par l'art. 31 Cst. Aux termes de cette disposition constitutionnelle, les cantons n'ont en effet pas le droit de limiter la concurrence économique, si ce n'est par des prescriptions relevant du droit de police. Dans le domaine de la concurrence, ce sont les art. 19 et 22 LCD qui règlent, en conformité du principe inscrit à l'art. 31 Cst., la compétence législative que les cantons ont conservée. Si l'art. 22 LCD réserve les prescriptions du droit cantonal sur la police du commerce et de l'industrie, en particulier celles qui portent sur les procédés déloyaux en affaires, cela signifie que seules des dispositions de cette nature sont admissibles, la LCD réglant pour le surplus la matière de façon exhaustive. Dès lors, les jugements pénaux fondés sur des dispositions qui ne rentrent pas dans ce cadre sont contraires à la LCD et doivent être attaqués non plus, comme avant l'entrée en vigueur de cette loi, par la voie du recours de droit public pour violation de l'art. 31 Cst., mais par le moyen du pourvoi en nullité conformément aux art. 269 PPF et 84 al. 2 OJ.
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Le pourvoi déposé par Torre est en conséquence recevable.
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C'est dans le même sens que l'on doit entendre la notion de prescriptions sur la police du commerce et de l'industrie qui sont réservées expressément aux cantons, ainsi que les dispositions pénales sur les contraventions, par l'art. 22 LCD. En outre, ainsi que le relève le message du Conseil fédéral du 3 novembre 1942 à l'appui du projet de loi sur la concurrence déloyale (FF 1942, pp. 671/2 ch. 2), puis- qu'on a assigné comme limite à la loi la lutte contre les abus de la concurrence, les dispositions sur les procédés déloyaux au sens strict, qui sont destinées à protéger le client contre l'exploitation dont il pourrait être l'objet de la part du commerçant, sont du ressort des cantons.
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La question qui se pose est dès lors celle de savoir si l'art. 8 de la loi neuchâteloise sur la concurrence déloyale et les liquidations rentre dans les mesures de police admissibles. Cet article contient en réalité deux dispositions: d'une part, l'annonce d'un escompte ou d'une remise sur le prix doit toujours en indiquer le taux et, d'autre part, ce taux ne peut dépasser le 10%. Selon l'interprétation des deux juridictions cantonales, un escompte ou une remise sur le prix dépassant 10% n'est pas en soi interdit, mais le devient s'il est annoncé.
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La disposition suivant laquelle l'annonce doit indiquer le taux de l'escompte ou de la remise sur le prix pourrait sans difficulté être considérée comme une mesure de police, car elle tend à protéger les clients contre des réclames trompeuses. La question de l'admissibilité de cette prescription ne se pose cependant pas en l'espèce, car le recourant a été condamné exclusivement pour contravention à l'autre disposition aux termes de laquelle l'escompte ou la remise sur le prix ne doit pas dépasser 10%. Cette seconde prescription, dans sa teneur absolue, n'est cependant pas admissible. La libre détermination des prix fait partie de la liberté d'exercer une activité économique sans avoir à subir l'ingérence de l'Etat (FLEINER/GIACOMETTI, Schweiz. Bundesstaatsrecht, p. 284). Or, l'octroi de rabais ou de remises rentre dans la fixation du prix, celui-ci étant par exemple réduit s'il y a paiement comptant ou dans d'autres cas. Si les réductions ne sont accordées que pendant un certain temps, on se trouve en présence d'une liquidation ou d'une opération analogue au sens des art. 17 LCD et 2 de l'ordonnance sur les liquidations et opérations analogues, pour laquelle une autorisation est nécessaire. Si elles ne sont au contraire pas limitées dans le temps, comme c'est le cas pour les ventes pratiquées par l'AMSA, elles ne pourraient être interdites ou soumises à des restrictions que si la protection des clients contre le risque d'une exploitation le justifiait. Un escompte ou une remise sur le prix dépassant 10% ne saurait cependant impliquer en soi le danger d'une tromperie à l'égard du client. Bien que l'octroi durable de rabais si élevés ne laisse pas d'être surprenant, on ne saurait en déduire d'emblée qu'il ne s'agit pas d'affaires correctes. Ainsi que le recourant le relève avec pertinence, la marge de bénéfice, qui est très inégale selon les branches et qui peut présenter de grandes différences entre les entreprises de la même branche suivant les charges et les possibilités d'achat, joue un rôle essentiel dans l'octroi de rabais. Dans le commerce de détail des appareils de radio, elle est très importante; d'après les constatations du Tribunal de police, elle atteint 40 à 42% et il s'y ajoute, cas échéant, 8 à 10% de primes dites de quantité et 5% d'escompte pour paiement au comptant. Cette situation confirme que des limitations générales de rabais fixées en chiffres ne sauraient être fondées sur des motifs relevant de la police du commerce. Elles tendent ouvertement ou de façon voilée à réglementer le marché. Le Ministère public neuchâtelois reconnaît d'ailleurs expressément que tel est le but de l'art. 8 de la loi cantonale sur la concurrence déloyale et les liquidations, car il déclare que cette disposition vise "à empêcher les commerçants d'attirer la clientèle chez eux au détriment de leurs concurrents". Lorsqu'il écrit qu'elle tend à éviter que des commerçants ne parviennent à ce résultat "en faisant miroiter aux yeux de l'acheteur éventuel l'avantage d'un escompte ou d'une remise d'un taux indéterminé ou dépassant 10%", il se méprend: en effet, l'art. 8 de la loi neuchâteloise interdit de façon absolue l'annonce de rabais dépassant 10% et non pas seulement dans le cas où le public est trompé, et le recourant n'a d'ailleurs pas été condamné pour avoir seulement fait miroiter des rabais élevés. Cependant, des interventions ressortissant à la politique économique dans le jeu de la concurrence sont interdites aux cantons selon l'art. 22 LCD, qui ne réserve en leur faveur que les prescriptions sur la police du commerce et de l'industrie, de la même façon qu'elles sont exclues par l'art. 31 Cst. Les considérations énoncées dans l'arrêt RO 52 I 292/3 au sujet de la limitation des taux de rabais sous l'angle de l'art. 31 Cst. valent également ici.
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La situation serait différente si le Conseil fédéral avait fait usage du pouvoir que lui confère l'art. 20 LCD d'édicter par voie d'ordonnance des dispositions sur les abus en matière de primes. Les cantons n'auraient alors plus le droit de légiférer dans ce domaine. Toutefois, aussi longtemps que l'ordonnance du Conseil fédéral n'a pas été édictée, la réglementation sur les primes reste de leur ressort (FLEINER/GIACOMETTI, op.cit. pp. 100/1, 305); rien ne s'oppose du point de vue du droit fédéral à ce qu'ils traitent les primes comme des rabais, à la condition qu'ils se tiennent dans les limites des prescriptions de police du commerce que l'art. 22 LCD réserve en leur faveur.
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4. Pris dans sa teneur générale, l'art. 8 de la loi neuchâteloise, qui interdit absolument toute annonce d'un escompte ou d'une remise dépassant 10%, sort des limites admissibles au regard du droit fédératif. Il n'y a toutefois pas lieu d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il condamne le recourant en vertu de cette disposition. Dans ses deux campagnes destinées à stimuler les ventes, le recourant a employé, en effet, des moyens déloyaux. Ainsi que l'expose le Tribunal de police au sujet de l'infraction de concurrence déloyale au sens de l'art. 13 litt. b LCD qu'il a retenue contre le recourant, celui-ci s'est adressé à la fabrique allemande de radios Nora et lui a demandé, pour pouvoir pratiquer ses systèmes de vente, d'augmenter les prix de détail en Suisse et de les porter de 360 fr. à 395 fr. pour l'appareil "Tarantella", de 635 fr. à 695 fr. pour le "Czardas", de 460 fr. à 595 fr. pour le "Mazurka"; à la suite de cette démarche, la fabrique a dû modifier ses prospectus imprimés et y porter les nouveaux prix. Ces constatations, reprises par la Cour de cassation neuchâteloise, lient le Tribunal fédéral en vertu de l'art. 277bis al. 1 PPF. Le recourant a ainsi compensé totalement ou partiellement les avantages qu'il annonçait aux acheteurs en provoquant au préalable une hausse du prix de détail de la part de la fabrique. Les acheteurs ont en réalité payé, grâce à l'augmentation du prix opérée spécialement à cet effet, ce que le recourant faisait miroiter à leurs yeux comme une faveur particulière. Certes, il n'y a en soi rien à objecter à ce que des détaillants fassent hausser les prix fixés par les fabricants. Cependant, lorsque cette démarche est effectuée en vue de faire croire aux acheteurs, par le moyen de rabais ou remises sur les prix, qu'ils bénéficient d'une faveur, on se trouve en présence d'un procédé déloyal. Il s'agit là d'une manoeuvre semblable à celle du commerçant qui, fixant ses prix comme il l'entend, commence par les augmenter à l'insu du public et accorde ensuite des rabais particulièrement engageants.
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Si l'on restreint la portée de l'art. 8 de la loi neuchâteloise à l'interdiction des annonces trompeuses de rabais, qui est admissible en tant que prescription ressortissant à la police du commerce, la condamnation prononcée contre le recourant apparaît inattaquable du point de vue du droit fédéral. Il faudrait certes réprimer toutes les annonces trompeuses de rabais et non pas seulement celles qui concernent des escomptes et remises dépassant 10%, mais le texte de l'art. 8 ne le permet pas. Il se justifie en tout cas d'appliquer l'interdiction et la peine prévues par cette disposition aux annonces de cette nature qui se rapportent à des rabais dont le taux est supérieur à 10%. Il est certain que la Cour cantonale l'aurait fait si elle avait eu connaissance de la situation de droit; en effet, elle n'a pas libéré le recourant du chef de prévention de concurrence déloyale au sens de l'art. 13 litt. b LCD parce qu'elle n'aurait pas considéré, contrairement à l'opinion du Tribunal de police, la manoeuvre incriminée comme déloyale, mais uniquement parce que Torre n'avait pas donné de fausses indications sur ses marchandises.
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Par ces motifs, la Cour de cassation pénale prononce:
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