BGE 84 IV 68
 
22. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassatlon pénale du 30 mai 1958 en la cause Egger contre Ministère public du canton de Neuchâtel.
 
Regeste
1. Art. 33 Abs. 1 MFG, Art. 38 Abs. 4 MFV. Verhältnis dieser Bestimmungen zueinander.
 
Sachverhalt
A.- Le 7 septembre 1957, vers 20 h. 15, Walter Egger conduisait dans le village des Verrières, sur la route cantonale, en direction ouest-est, un tracteur agricole à deux roues, remorquant un char à quatre roues chargé de regain. Il était assis sur un siège fixé sur la timonerie; son père, entre le tracteur et le char. Le convoi, dont la voiture motrice n'était pas munie de la plaque d'avertissement prescrite par l'art. 66 RA, rentrait des champs, à l'allure de 20 km/h. environ. La nuit étant tombée, les phares du tracteur étaient allumés; la remorque ne portait ni feu ni lentille. Des lampes électriques, au-dessus de la route, donnaient un éclairage qualifié de moyen par la police cantonale.
Arrivé à la hauteur de la pharmacie Schupbach, Egger, qui se proposait de tourner à gauche pour prendre le chemin menant à la grange Nyffeler, réduisit la vitesse à 10 km/h. Il regarda devant et derrière lui; ne voyant rien venir, il entreprit la manoeuvre qui, l'obligeant à parcourir un arc de cercle de 90 degrés environ, nécessitait 8 à 10 secondes.
A ce moment, une motocyclette, dont le feu de croisement était allumé, arrivait de Fleurier à la vitesse de 70 km/h. Schick, qui la pilotait et avait une passagère en croupe, remarqua les phares du tracteur et vit ce véhicule tourner à gauche. Voulant passer derrière lui, il se jeta contre l'arrière du char, qu'il n'avait pas aperçu. Blessé, il dut être hospitalisé; la passagère s'en tira avec une blessure sans gravité.
B.- Le 29 janvier 1958, le Tribunal de police du district du Val-de-Travers a infligé à Egger une amende de 60 fr. pour entrave par négligence à la circulation publique et contravention à l'art. 66 RA.
C.- La Cour de cassation neuchâteloise a rejeté, le 27 mars 1958, un recours du condamné.
D.- Contre cet arrêt, Egger se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral, en concluant à libération.
 
Considérant en droit:
Cette disposition vise uniquement les véhicules attelés, c'est-à-dire tirés par un animal (Fahrzeuge mit Tierbespannung, veicoli a trazione animale). Le Tribunal fédéral a certes jugé que par "Fahrzeuge mit Tierbespannung" il fallait entendre des véhicules construits en vue de la traction animale et destinés à être tirés par des animaux (RO 72 II 211, 82 IV 31; c'est par erreur que ce dernier arrêt déclare que le texte français de l'art. 33 LA par le de "véhicules à traction animale"; cette précision n'y figure pas; elle se trouve en revanche aux art. 72 et 74 al. 1 RA). Mais ces deux arrêts ont été rendus à propos de chars qui, sans être attelés, stationnaient au bord de la chaussée. Dans le premier cas, l'autorité cantonale avait estimé que, n'étant pas attelé, le char ne tombait pas sous le coup de l'art. 33 LA et, partant, ne devait pas être éclairé. Le Tribunal fédéral a réfuté cette thèse en relevant notamment que l'élément décisif n'était pas l'attelage, mais le fait qu'il s'agit de véhicules de grandes dimensions qui, à l'instar des automobiles et des cycles, participent à la circulation et, partant, menacent la sécurité; peu importe dès lors qu'ils roulent ou soient immobiles; s'ils stationnent sur la voie publique, mais hors du rayon d'un éclairage public ou d'un parc établi par l'autorité, ils doivent être munis des feux prescrits par l'art. 33 LA; non parce qu'ils seraient attelés, mais parce qu'ils constituent par eux-mêmes un obstacle dangereux. Confirmant cette jurisprudence, le second arrêt souligne qu'il serait absurde d'admettre qu'un tel véhicule peut, avant d'être attelé et après que les chevaux ont été dételés, rester de nuit sans lumière "im Bereiche des allgemeinen Verkehrs".
Ces deux décisions ont pour seul objet de déterminer la situation juridique, quant à l'éclairage, des véhicules - chars, remorques - qui stationnent seuls sur la voie publique, sans être accouplés ni à un animal ni à un tracteur. Elles ne concernent pas ceux qui sont en mouvement. Sans doute pourrait-on soutenir que la dispense prévue par l'art. 33 al. 1 i.f. LA se justifierait mieux quand le véhicule revenant des champs est remorqué par un tracteur que tiré par un animal, car, plus rapide dans le premier cas, il occupera moins longtemps la voie publique. Mais cette considération aboutirait à étendre l'exemption, alors qu'il importe de l'appliquer d'une manière aussi restrictive que possible.
L'éclairage d'une remorque agricole mue par un tracteur est régi exclusivement par l'art. 38 al. 4 RA, qui ne distingue pas selon qu'elle rentre ou non des champs. Si elle est attelée, l'art. 33 LA s'applique. C'est uniquement lorsqu'elle stationne seule sur la route qu'il convient de rechercher, conformément aux arrêts cités, si elle est destinée à être attelée ou tractée.
Le char de regain qu'Egger ramenait au village était assurément construit pour être attelé. Cela est toutefois indifférent, puisqu'il était remorqué par un tracteur. Il est constant qu'il ne portait pas de lumière blanche. Le recourant a par conséquent enfreint l'art. 38 al. 4 RA.
Avec le char de regain qu'il remorquait, le tracteur d'Egger formait un train routier au sens de cette disposition (cf. art. 63 al. 3 RA). Il n'était pas muni d'une plaque d'avertissement. Sans doute peut-il, selon une constatation du Tribunal de police, être dirigé par une personne à pied lorsqu'il est utilisé seul, sans être attelé. Le recourant en déduit qu'il n'était pas tenu d'y fixer une plaque d'avertissement. Cette déduction n'est assurément pas exclue par la lettre de l'art. 66 RA. La question se pose toutefois de savoir si la dernière phrase de cette disposition ne doit pas plutôt être interprétée en ce sens qu'elle dispense du port de la plaque les tracteurs agricoles à deux roues qui sont en fait dirigés par une personne à pied. Le critère serait alors non pas l'aptitude à être dirigés ainsi, mais la façon dont ils sont effectivement conduits lors de tel ou tel transport. Il ne faut pas en effet attribuer une importance décisive aux termes "qui peuvent être dirigés par une personne à pied". Ils sont tirés de l'art. 38 al. 1 litt. b RA. Le système de freinage dont un tracteur agricole doit être pourvu ne dépend évidemment pas de la manière dont le véhicule est conduit; il doit être déterminé une fois pour toutes; la possibilité d'être dirigé par une personne à pied constitue ici un critère valable. S'agissant en revanche de l'emploi de la plaque d'avertissement, c'est-à-dire d'un objet qui n'est pas fixé à demeure sur le véhicule - l'art. 66 RA prescrit son enlèvement lorsque la voiture motrice circule sans remorque - il n'y a aucune raison d'avoir égard à une aptitude; c'est le mode de conduite adopté pour un transport donné qui doit être déterminant.
Cette question peut cependant rester indécise en l'espèce. Les juridictions cantonales relèvent en effet que le tracteur attelé à un char de regain ne peut être dirigé par une personne à pied mais que seul un conducteur assis sur le siège est en mesure de le piloter. Cette constatation de fait échappe à la censure du Tribunal fédéral saisi d'un pourvoi en nullité, et le recourant n'est pas recevable à la discuter. Il est au surplus évident qu'un tracteur qui roule à la vitesse de 20 km/h. ne saurait être dirigé par une personne à pied.
Il s'ensuit que, occupant le siège du tracteur pour remorquer de nuit un char de regain à la vitesse de 20 km/h., le recourant aurait dû munir le véhicule moteur d'une plaque d'avertissement et éclairer cette dernière. Il a donc contrevenu à l'art. 66 RA.