33. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 15 mal 1959 en la cause Annen contre Ministère public du canton de Vaud.
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Regeste
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Misshandlung eines Kindes; Art. 134 StGB. Wann erleidet die Gesundheit oder geistige Entwicklung eines Kindes eine Schädigung oder schwere Gefährdung? (Erw. 1).
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Anwendung des Art. 123 Ziff. 1 Abs. 2 StGB (sofern es sich beim Opfer um einen Wehrlosen handelt), wenn die Verletzung durch eine Überschreitung des Züchtigungsrechts verursacht wird (Änderung der Rechtsprechung; Erw. 4-6).
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Sachverhalt
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A.- Le 8 juillet 1958, Annen s'étant aperçu qu'on lui avait pris 80 fr., accusa du vol son fils Daniel, âgé de onze ans, mais fortement retardé dans son développement intellectuel. Le garçon ayant nié, le père, saisi d'une colère violente, le frappa au moyen d'une ceinture de cuir. Daniel quitta alors la maison paternelle et, n'osant pas y rentrer, fut trouvé par la police dans la rue, à 22 h. 50, et ramené chez ses parents. Un médecin l'examina le lendemain et écrivit notamment dans son certificat:
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Le dos en son entier et la région derrière l'oreille droite sont couverts d'ecchymoses, dont quelques-unes sont enflées et couvertes de cloques. Le bras gauche est transformé en une ecchymose unique...
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Le 12 juillet suivant, Daniel fut admis au Home Eben-Hézer, à Lausanne, où l'on constata qu'il présentait quelques ecchymoses dans le dos, mais qu'il n'avait pas subi de préjudice dans sa santé.
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B.- Le 23 décembre 1958, le Tribunal de police de Morges condamna Annen à un mois d'emprisonnement pour avoir fait subir des lésions corporelles simples à une personne sans défense (art. 123 ch. 1 al. 2 CP).
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Le 9 février 1959, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois rejeta un recours formé par Annen contre ce jugement.
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C.- Annen s'est pourvu en nullité; il conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour que celle-ci prononce l'acquittement.
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Considérant en droit:
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Annen devait savoir que ses actes entraîneraient presque nécessairement des lésions corporelles et, même s'il n'a pas précisément voulu ce résultat, il l'a tout au moins accepté comme tel, de sorte qu'il a agi par dol éventuel (cf. RO 74 IV 83).
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a) Dans son arrêt Piquerez, la cour de céans a dit qu'un enfant de quatre ans, battu par son père, même s'il avait subi des lésions corporelles simples, ne pouvait être considéré comme "hors d'état de se défendre", le père ayant, en principe, le droit de correction; elle en a conclu que, dans ce cas, la poursuite ne pouvait avoir lieu d'office (RO 80 IV 108).
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Cependant, le fait que l'auteur exerce son droit de correction n'exclut pas que la victime soit "hors d'état de se défendre" (LOGOZ: comm. ad art. 123 CP, n. 4, lit. c; WAIBLINGER: ZBJV 1956, p. 252 ss.). L'exercice de ce droit n'est pas sans rapport avec la capacité de résistance de l'enfant. Mais ce rapport n'est pas tel que l'a jugé la cour de céans dans son arrêt Piquerez; au contraire, loin qu'elle soit toujours en état de se défendre lorsqu'elle est soumise à l'autorité de l'auteur, la victime, dans cette hypothèse, aura en général d'autant plus de peine à résister qu'elle se trouve dans une plus grande sujétion. On ne saurait toutefois formuler de règle absolue sur ce point et l'on en décidera dans chaque cas sur le vu de toutes les circonstances.
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A la vérité, il pourrait paraître préférable, dans l'intérêt même de l'enfant et suivant sa situation personnelle et familiale, que l'action pénale ne soit pas ouverte d'office contre le détenteur du droit de correction, mais dépende d'une plainte dont le dépôt serait nécessairement contrôlé par l'autorité tutélaire (GILLIÉRON: Revue pénale suisse, t. 70, p. 90 ss.; GERMANN: ibid., p. 96). Cependant, le texte même de l'art. 123 ch. 1 al. 2 CP ne permet pas de tenir compte de cette circonstance. Car il soumet à la poursuite d'office tous les cas où la victime était hors d'état de se défendre, sans faire aucune exception. On ne saurait en introduire une par le seul motif qu'elle apparaîtrait désirable. Du reste, une décision contraire laisserait subsister le même inconvénient dans les cas nombreux où, comme dans la présente espèce, on peut se demander si l'art. 134 CP n'est pas applicable, de sorte qu'en tout cas la poursuite doit être engagée d'office, même si l'inculpé ne se trouve en définitive punissable qu'en vertu de l'art. 123 ch. 1 al. 1 et que, faute de plainte, l'abandon de la poursuite s'impose.
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Ainsi, lorsque c'est dans l'exercice de son droit de correction que l'auteur a infligé des lésions corporelles à la victime, ce droit entre en ligne de compte tout d'abord comme facteur qui peut diminuer ou exclure les possibilités de résistance de l'enfant. Mais il doit aussi être envisagé sous son aspect d'excuse absolutoire; il s'agit alors de savoir si l'auteur l'a outrepassé ou non. En tout cas, envisagé du point de vue du droit pénal, ses limites doivent être fixées d'une façon large; tous les excès justifiant une intervention de l'autorité tutélaire n'appellent pas nécessairement celle du juge pénal.
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b) La poursuite devait donc avoir lieu d'office en l'espèce si, comme l'a admis la cour cantonale, Daniel Annen s'est trouvé hors d'état de se défendre lorsque son père lui a fait subir des lésions corporelles.
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Est "hors d'état de se défendre", celui qui n'est pas en mesure de se soustraire aux effets dommageables des actes dont il est l'objet (cf. HAFTER, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil, I, p. 38). Les termes employés par le législateur n'impliquent donc pas que l'incapacité visée découle de particularités physiques ou psychiques telles que l'âge, la faiblesse corporelle, la maladie ou l'infirmité.
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Le plus souvent toutefois, ce seront bien des causes physiques ou psychiques qui seront décisives. La loi n'exige pas non plus que la victime soit hors d'état de se soustraire à n'importe quelle attaque; il suffit qu'elle ne puisse se défendre avec quelques chances de succès contre son agresseur et contre le dommage dont il la menace.
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C'est en raison de la bassesse que l'acte révèle chez l'auteur et de la protection dont la victime a particulièrement besoin que le législateur a prévu la poursuite d'office (ZÜRCHER, Erläuterungen zum Vorentwurf vom April 1908, p. 133).
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c) En l'espèce, Daniel Annen, alors âgé de onze ans, mais qui n'avait que le développement mental d'un enfant beaucoup plus jeune, était hors d'état de se soustraire aux excès du droit de correction dont il a été la victime. Un enfant de onze ans n'est physiquement pas capable de résister aux attaques d'un adulte, surtout lorsque celui-ci s'abandonne à une violente colère. Cette colère rendait le recourant peu accessible aux représentations raisonnables qu'on aurait pu lui faire; venant de son fils, sur lequel il avait autorité, de telles représentations n'auraient point eu d'effets et auraient même risqué de lui paraître déplacées et d'augmenter encore son irritation. L'enfant du reste était d'autant moins capable d'en concevoir qu'il n'avait pas - et de loin - atteint le développement qui correspond d'habitude à son âge. Enfin, même si le père était d'habitude juste et affectueux, l'enfant, surpris par le débordement de la colère paternelle, pouvait fort bien être paralysé par une crainte invincible et par une impuissance qu'augmentait encore le sentiment de sa subordination normale et habituelle. Qu'il ait été terrorisé, sa fugue le prouve: depuis le milieu du jour et jusqu'à l'heure tardive où la police l'a trouvé errant, il n'a pas osé rentrer à la maison, ce qui n'aurait pas été le cas si les liens d'affection et de confiance qui doivent exister entre un enfant et son père avaient peu à peu repris leur emprise et chassé ou suffisamment adouci sa crainte. Il faut donc admettre que l'enfant s'est trouvé hors d'état de se défendre contre les sévices dont il a été l'objet.
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Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:
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